Ce texte est une participation au concours nº 6 : Collaborations estivales (informations sur ce concours).
Avertissement* :
La direction d’Oniris, consciente du traumatisme violent que peut provoquer ce récit, décline toute responsabilité dans la publication de celui-ci. Tout en éprouvant de la compassion pour les victimes et reconnaissant la gravité des dommages psychologiques provoqués par cette lecture, elle annonce donc qu’elle ne répondra à aucune plainte, demande de compensation financière ou autre réclamation liée à cette octologie.
Néanmoins, comprenant la légitime fureur des lecteurs ou de leur famille, Oniris a mené une enquête afin de leur livrer en pâture les responsables de cette ignominie qui s’étaient cachés sous un pseudonyme commun à seule fin d’échapper au juste courroux de la populace déchaînée.
Au vu des preuves accablantes, plus aucun doute n’est permis :
Si l'ensemble des textes a été écrit par cette odieuse cabale, Pat est coupable des infâmes calligraphies, Ninjavert responsable des ignobles dessins, et Cyberalx complice par son soutien technique et gastronomique.
Que leurs pseudos soient honnis à jamais sur Oniris et l'ensemble du web !
*Merci à André pour son aimable (oui, bon...) contribution à cette introduction.
Le conte débile et coquin dont VOUS êtes le héros…
Il était une foi, dans une forêt enchanteresse aux parfums enivrants, qu’on disait à l’épreuve du rire et du temps. Cette foi était celle de la princesse Cunégonde, dont certains troubadours malveillants s’amusaient à écorcher l’honneur et le nom, lui ôtant l’aine ou travestissant son nez en nid.
Un jour, le roi, excédé par l’incultance (la preuve) de son ignare de scribe, décida de le congédier.
Et c’est vous, pauvre bouseux errant, qu’il chargea de narrer le formidable et exceptionnel destin de la princesse Cunégonde ! Quel prestige ! Quel honneur ! Vous ! Scribe à la cour royale ! Alors qu’il y a moins d’un mois, vous croupissiez encore dans le trou fangeux qui vous servait de hutte !
Fort de vos nouvelles fonctions, vous comprîtes vite que les vils attentats commis à l’encontre de la princesse Cunégonde n’avaient guère pour objet son aine mais son n. Ce n’est point son nez qu’on travestissait en nid, mais bel et bien son é en i.
Quelle honte ! Quelle vilenie !
Vous décidâtes qu’il était temps de chanter les louanges de la belle. D’en narrer les vertus. D’en masquer les verrues.
D’un bond, vous voilà dans la cour du château. Tout autour de vous, l’air embaume le printemps, les fleurs éclosent, narguant de leur pistil opulent les abeilles en goguette. Vous gambadez gaiement, sourire au vent, à la recherche d’un point de départ pour votre quête.
C’est au détour de la cour, dans de somptueux atours, que surgit une nymphette à la légère nuisette.
- Holà ! belle damoiselle ! Où vos gracieux petons mènent-ils votre faciès mignon ? déclarez-vous derrière l’éclat ivoirien de vos dents de nacre. (NDLR : on voit bien qui retranscrit l’histoire, hein… Ça va les chevilles, le scribe ?) - C’est qu’ja su qu’la bône mé. - L’abonné ? tonnez-vous étonné. - Ben... la bone quoué.
Diablerie ! La gracieuse Artémis n’est qu’une gueuse trimbalant un seau de pisse ! Plissant le nez, vous reculez d’un pas et lâchez :
- Holà vilaine ! Je m’en vais narrer la beauté de la princesse Cunégonde, saurais-tu me dire par où commencer ma ronde ? - Bah oué, rétorque l’insolente édentée. Dans sa chamb’.
Vous l’esquivez et vous dirigez vers les appartements de la belle, lorsque l’effrontée pissotière vous hèle pleine de zèle.
- Ma p’têt que vô d’vriez commenkser par euh’l princier. - La pincer ? Vilaine sorcière ! Que n’as-tu d’audace pour… - Ma no ma no ! La princier ! Son prômis quoué !
Votre rapière geint en regagnant son gîte, et vous gratifiez la morue d’une moue sarcastique.
- Aaaah ! Le prince ! Et où peut-on trouver le promis de la belle ? - Bah... eh... dans sa chamb’ eh !
L’avenir s’ouvre à vous, aventurier ! Par où commencerez-vous le récit de la belle Cunégonde ?
- Si vous désirez vous rendre dans la chambre de la princesse, cliquez ici
- Si vous désirez vous rendre dans la chambre du prince, cliquez ici
Parvenu devant l’imposante porte en chêne, votre dextre main s’apprête à en soulever le loquet. Vous hésitez. N’y a-t-il pas quelque outrecuidance à pénétrer ainsi, sans préambule, l’intimité de ce prince, dont vous ignorez jusqu’à l’apparence ? Pas la moindre miniature dans le fatras de parchemins enluminés par votre prédécesseur ! À quoi ressemble donc le prince Corneille ? Dans un pesant silence propice à vos atermoiements, vous cherchez une entrée en matière.
C’est à ce moment-là – précisément – que vous la sentez. Une onde frissonnante vous parcourt l’échine, titille vos nerfs émoustillés. La douce et experte main, qui effleure avec une précision d’orfèvre votre délicat postérieur, vous entraîne vers des rivages prompts à vous détourner de votre mission. Enflammé par la divine caresse, vous vous apprêtez à rendre un hommage enthousiaste à l’accorte donzelle. Mais… en vous retournant… vous n’en croyez pas vos yeux !
- Fichtre ! Un mignon ! C’est bien ma chance !
Votre rapière prestement dégainée, vous voilà mûr pour circoncire le giton !
- Holà, doucement beau damoiseau ! vous entendez-vous dire par la voix fluette issue de ce corps de nabot.
Comment cette créature a-t-elle pu vous abuser ainsi ? Vous ! le serviteur zélé de maintes girondes, prêtes à glorifier vos généreux attributs dont la nature, dans sa grande mansuétude, vous a gratifié ! (NDLR : Quelle perception flatteuse de votre morphologie !)
Un doute affreux vous étreint tout à coup. Serait-ce donc là, le prince Corneille ? Un nain !!! Pas étonnant qu’on l’ait tenu à l’abri des regards ! Vous avez une pensée compatissante pour Dame Cunégonde…
Consterné par l’allure de votre vis-à-vis, vous tenez, malgré tout, à lever toute ambigüité :
- Qui êtes-vous ? - Je pourrais vous retourner la question, curieux éphèbe !
Et voilà que le Corydon sans scrupule, enhardi par votre intérêt, semble disposé à reprendre sa muette conversation là où il l’avait interrompue.
- Vade retro, suppôt de la jaquette ! - Holà beau mâle ! N’en prenez pas ombrage, je ne veux que vous complaire ! Je ne suis que votre serviteur ! - Vous n’êtes pas prince ? - Je peux l’être si cela vous agrée ! - Inutile d’insister ! Je ne mange pas de ce pain-là ! - Dommage ! Vous auriez pu… - Nan !
Et quand bien même auriez-vous quelque goût pour des chemins jusque-là laissés en friche, vous ne pouvez décemment pas vous laisser corrompre par ce myrmidon !
Vous observez en coin la figure imberbe du coquin, surmontée d’une houppe dont les blondes boucles vaporeuses, savamment disposées en château branlant, ruissellent sur de lourdes épaules. Un justaucorps multicolore ne dissimule pas grand-chose de ses formes disproportionnées, mais néanmoins avantageuses en certains endroits (que la pudeur et la décence, etc.). Son regard lubrique vous déshabille. Brrrr !
- À qui ai-je l’honneur ? finissez-vous par demander. - Masse-Partout, valet de Ses Majestés, pour vous servir ! - Ah, vous tombez bien !
Vous vous reprenez vite en apercevant les pupilles libidineuses du nain dégénéré, prêt à dévoyer les restes de votre vertu.
- Vous pourriez sans doute me donner quelques détails sur les augustes personnalités qui siègent en ce château. En qualité de scribe du roi, je me dois de relater la vie passionnante de notre bien-aimée Cunégonde. - Quels dessous croustillants souhaitez-vous entendre ? - Croustillants ? - Vous m’avez l’air bien peu au fait de ce qui se trame dans les recoins de la royauté ! - Je suis tout ouïe ! - Je vous convie à venir vous sustenter à l’office. Je vous raconterai. - N’est-ce point encore une ruse ? - Qu’allez-vous imaginer par là ? - Par là ? rien du tout… - Si vous tenez à découvrir les secrets de nos chères têtes couronnées, vous tireriez avantage à me suivre ! - Je pensais plutôt investiguer auprès du prince Corneille. - Quelle idée ! Je pourrais vous en apprendre bien davantage sur son éminence ô combien désespérante !
Vous êtes perplexe. Allez-vous répondre ou décliner l’invitation du courtaud sybarite ?
- Si vous désirez suivre le nain à l’office du château, cliquez ici
- Si vous préférez pénétrer dans la chambre du prince, cliquez là
Vous passez la cour et entrez.
Le hall est immense, tel qu’il fut décrit par d’autres scribes (NDLR : bien moins talentueux que vous, cela va de soi) : des poutres de bois de rose larges de cent coudées surplombent les murs de marbre incrustés de jade.
Quelque part, vous entendez de l’eau couler. Est-ce une fontaine ? Peut-être celle que le roi fit sculpter dans les os du dernier dragon afin de l’offrir à sa reine ? Cette fontaine mythique recouverte d’or où l’abreuvé, dit-on, rajeunit…
Intrigué, et – avouez-le ! – un peu tenté par la perspective de pouvoir gommer quelques outrages du temps, vous vous rapprochez de la source du bruit.
Vous passez devant plusieurs portes closes, et il semble bien que l’eau chante par la seule qui soit entrouverte.
À pas feutrés, vous vous dirigez vers celle-ci et il semble que tout, autour de vous, se charge d’une certaine atmosphère.
Votre pudeur naturelle et la sobriété du verbe qui vous caractérisent vous interdisent d’admettre l’évidence : les effluves floraux et la presque moiteur de l’air évoquent l’érotisme, pour ne pas dire chose plus osée.
Une douce lueur rosâtre émane de la pièce où vous vous apprêtez à jeter un regard. Cette lumière évoque quelque chose de doux et de puissant.
Bien que vous soyez une personne de lettres, les seuls mots qui vous viennent à l’esprit sont : chair, féminité et passion.
La porte entrebâillée vous souffle alors son secret.
Une image indélébile qui vous marquera toute votre vie, une vision de rêve, assurément, mais aussi cauchemardesque, puisque les yeux qui se posent sur la princesse dans le plus simple appareil sont, à coup sûr, destinés à être dévorés par les tristement célèbres lions-lézards du roi.
La princesse se tient donc nue, dans la fontaine du dragon. Elle y fait visiblement sa toilette.
Persuadé que vous assistez, impuissant, à ce qui semble être vos dernières heures, vous vous empressez de graver dans votre esprit tous les détails de la beauté de cette princesse décidément magnifique.
La cascade de ses cheveux, d’un noir profond, descend le long de ses courbes divines, sa peau est hâlée, d’un teint oscillant entre l’or et l’ébène.
"La princesse se tient donc nue, dans la fontaine du dragon."
Sa poitrine monte et descend de façon gracieuse, chacun des mouvements de la princesse est gracieux, d’ailleurs. La couleur des yeux qui sont fixés sur vous est si troublante que vous ne parvenez pas à la décrire.
Élégant mariage de la forêt et des étoiles…
Sa voix est… Sa voix ? Elle vous parle !
Sans une once de surprise et visiblement peu gênée par votre intrusion, la princesse vous dit :
- Qui êtes-vous ? - Pardonnez-moi, Votre Altesse Sérénissime, je suis scr… je suis scri… Je suis désolé. - Savez-vous où est mon prince ? - Eh bien, je pourrais aller le chercher et euh… Vous vous rendez compte que vous êtes nue ? - Oui, j’en sais peu au sujet du peuple mais j’imagine que les gens ôtent également leurs vêtements pour faire une toilette. - Ah, eh bien oui, c’est le cas, Votre Majesté. - Bon, alors je ne vois pas où est le problème, par contre si… TU VEUX PAS ME MONTRER TON BOUT DE BOIS, HISTOIRE QUE JE LE RABOTE ?
Il vous semble avoir mal entendu, vous êtes perplexe et ne savez plus que dire.
- Je vous demande pardon, Votre Altesse ? - Je vous disais simplement que puisque vous n’êtes qu’un scribe, filer serait dans votre intérêt. Si le roi mon père vous tr… UN SCRIBOUILLARD, C’EST BIEN MA VEINE, ÇA ! ENCORE UN PUTAIN DE POÈTE QUI PRÉFÈRE PARLER DE FLEUR QUE M’ATTRAPER PAR LES COUETTES ! - Votre Majesté, je suis confus, je ne comprends pas ce que… - ALLEZ, SORS-LE ! SORS-MOI TA PLUME, J’AI ENVIE DE CHATOUILLES, MONTRE-MOI TES C… Permettez-moi de vous demander mon peignoir, je vous prie, nous sommes dans une situation qui pourrait être mal interprétée.
Au loin, dans le couloir, vous entendez des cliquetis d’armes et de bottes. Quelqu’un hurle : « Il y a quelqu’un dans la chambre de la princesse ! ». Vous prenez le peignoir de la princesse et le lui tendez, puis…
Vous hésitez…
- Si vous voulez vous jeter dans la fontaine aux côtés de la princesse, afin de vous cacher sous son peignoir, cliquez ici
- Si vous préférez vous tenir bien droit dans l’embrasure de la porte, prêt à expliquer le quiproquo, cliquez là
L'odieux farfadet vous conduit dans d'interminables couloirs, tortillant des fesses, à votre grand désespoir.
- Suivez bien les dalles, les parois sont fort sales ! - Je n'ai guère l'intention de m'y frotter, rétorquez-vous, plissant le nez.
Vous pénétrez enfin dans une cuisine de belle taille, aux tables encombrées de riches victuailles.
- Nous y voilà ! déclare Masse-Partout.
Vous choyez mollement sur une chaise, hélant une mignonne en charentaises.
- Holà ma p'tite ! N'aurais-tu point quelques frites ? - Monseigneur a fort bon goût, déclare le nain, frôlant vos genoux. - Bas les pattes Masse-Partout, je ne suis guère intéressé ! Alors à table, horrible gnou ! Narrez-moi donc ces grands secrets...
Le valet recule, alors que vous avancez. Il s'étonne, stupéfait :
- Mais... comment voulez-vous, comment voulez-vous... que je vous... - Les frites de monsieur, l'interrompt la bonniche, dont vous reluquez au passage les alléchantes miches.
Mis en appétit, vous lui lancez :
- Quelle exquise vision ! Que dirais-tu d'un grand gueuleton ? - Mais... je ne suis que la bonne, rougit la friponne. - Entre nous, point de ségrégation ! Tu m'as l'air aussi bonne que je suis bon...
D'un coup sous la table, Masse-Partout vous gratifie.
- Vous serez moins affable, le genou meurtri ! - Fi donc, petit pou ! Seriez-vous donc jaloux ?
Il se lève, aigri, interpellant votre amie.
- Quant à toi la vilaine, apporte son plat à la belle ! - Que mange donc Cunégonde ? demandez-vous à la ronde. - Son mets préféré, reprend le nain : civet de gingembre au lapin ! sur son lit de concombres, bien entendu...
Las de la compagnie du valet, sans préavis vous vous levez.
- Je m'en vais lui porter son plat, déclarez-vous, tendant le bras. - J'ai bien peur que ce soit impossible, objecte l’affriolante coquine. - Il n'est d'obstacle que je ne surmonterai, pour conquérir vos yeux de jais.
La mignonne rosit, baissant le nez.
- Monsieur n'y pense pas... C'est trop dangereux... - Que ce soit trop dangereux ? de monter un plat ? Les couloirs pullulent de gueux ? ou bien de ninjas ? - Rien de tel mon ami, le chemin est tranquille... C'est plutôt votre vit, qui serait en péril ! - Je ne crains guère pour ma vie ! Quelle idée puérile !
D'un bond, Masse-Partout vous rejoint, les lèvres barrées d'un sourire en coin.
- Laissez-le, mignonne, notre scribe n'a pas froid aux yeux. - Pour sûr, rigolez-vous, je ne suis guère frileux !
Prenant le plat, vous saluez l'assistance et, à grands pas, emportez la pitance.
Par de sombres allées, vos pas sont entraînés, survolant les pavés, franchissant l’escalier, jusqu'à ce que, subitement, au détour d'une croisée, vous croisiez le seuil, et soyez arrivé.
La poignée dans la main, un murmure vous retient.
- Mon ami ! Par ici ! - Par les dieux... Vous ici ? Mon appétissante serveuse de l'office ! - Monsieur, souffrez que je vous avertisse...
Posant le plateau d'argile, vous saisissez ses mains graciles.
- Parlez ! pitié, je vous en prie ! Quel est cet émoi qui vous terrifie ? - Seules les dames peuvent entrer chez sa Majesté... Pour les hommes c'est un trop grand danger. - Quel est donc ce péril, épargnant les ribaudes, condamnant les virils ?
La porte princière s'ouvre lentement, coupant court à vos chuchotements. Une voix douce, mais ferme, retentit sur le seuil.
- Qui chuchote ? Qui complote ? juste là, sous ma porte ?
Votre amie, livide, serre vos doigts, avide.
- Seigneur cachez-vous là ! La princesse ! Qu'elle vous voie, c'en est fait de vos fesses ! - Là ? Derrière cette tenture ? Est-ce courtois ? Est-ce bien pur ? - Nous n'avons pas le temps ! Pressez-vous voyons ! - Attendez ! Je ne sais même pas votre nom ! - Je m'appelle Anémone, souffle la friponne.
Qu'allez-vous faire, scribe ?
- Si vous voulez vous cacher derrière la tenture, cliquez ici
- Si vous préférez rester pour rencontrer la princesse, cliquez là
Ignorant le regard de chien battu dont vous gratifie Masse-Partout, vous vous dirigez vers la chambre du prince.
Ce que vous prenez, de prime abord, comme un cri d’animal blessé à l’agonie, se trouve être le chant princier.
Vous entrez dans la pièce où le prince se mire. Ses yeux bleu acier vous transpercent à travers le miroir.
Sans se détourner, le futur régent des huit royaumes ajuste le torque d’argent qui ceint son cou tout en continuant à « chanter », son beau visage régulier, indubitablement royal, déformé par des mimiques dignes d’un barde de troisième zone.
Ami, si son regard te toise, Sois sûr d’être fort bien vêtu, Car s’il t’inscrit à son ardoise, Le nain ruinera ta vertu.
Ami, toi dont le chemin croise, Ce sacré petit blond trapu, Surtout, point ne goûte son ambroise, Sous peine qu’il s’en prenne à ton cul.
Ami, toi qui…
Hésitant entre le fou rire et la fuite, vous faites néanmoins votre entrée en matière :
- Prince Corneille, je présume ? - Non, c’est moi le prince Corneille. - Oui, c’est ce que je disais, Sire. - J’avais compris, je ne suis pas un imbécile. - Certes non. - Certes ou non, faudrait savoir !
Le quiproquo vous déboussole. Vous regardez le prince sans mot dire. Il vous taquine, vous ! Homme de lettres cultivé et uniquement animé du désir de conter la gloire des grands.
- Alors non, Votre Grandeur.
Le prince arbore un sourire satisfait et se remonte l’entrejambe.
- Ah, on vous en a parlé ?
Il a décidé de se moquer de vous, on dirait, mais vous tâchez de donner le change.
- Je suis scribe, mon prince, je souhaite raconter l’histoire de la princesse au reste du monde. - Vraiment ?
Le prince a l’air sincèrement touché par votre démarche.
- Bien sûr, cette histoire mérite l’attention des foules ! - Je comprends, scribe, installez-vous, déroulez votre parchemin et notez ce qui suit : La princesse est à la fête des récoltes, elle doit rencontrer des paysans mécontents et… - Quand était-ce ? - Comment ça, quand était-ce ? On s’en fiche de ça ! Cessez de m’interrompre, voulez-vous ? - Bien, Votre Altesse. - La princesse donc, et tout le cortège qui l’accompagne, sont en route vers les campagnes, par-delà les montagnes d’Uul, quand tout à coup… - J’ignorais que la princesse avait effectué un tel périple. - Dites ! C’est moi qui raconte ou c’est vous ? Si vous savez tout, c’est pas la peine de me demander ! - Je vous prie de bien vouloir m’excuser, continuez. - Tout à coup donc, le carrosse de la princesse bute sur quelque chose. En descendant, elle se rend compte qu’il s’agit d’un crapaud. Le crapaud lui dit que… - Le crapaud ? Le crapaud a parlé ? - Oh, mais flûte à la fin ! Vous allez me faire louper la chute. - La chute ? Mais de quelle chute parlez-vous, Votre Altesse ? - Oui, c’est moi l’altesse… Mince, j’ai oublié la fin ! - De quoi parlez-vous ? - Ben, j’ai oublié la fin de l’histoire de la princesse. C’est pas grave, j’en ai appris une autre hier. C’est un garde qui me l’a racontée : c’est l’histoire d’un kangourou qui va dans une taverne et qui commande un Win-fizz et…
"Vous entrez dans la pièce où le prince se mire, ses yeux bleu acier vous transpercent à travers le miroir."
N’y tenant plus, vous interrompez le prince :
- Ce n’est pas ce que je vous demandais ! - Comment ça ? Vous me demandez de vous raconter une histoire, moi je m’y colle et vous… - Parlons de la princesse Cunégonde, si vous le voulez bien. Comment l’avez-vous rencontrée ? - La princesse, oh vachte ! Elle est drôlement belle, vous savez ? et quand je p…
Le prince se tait brutalement, ses yeux sont clos. Intrigué, vous vous rapprochez de lui et vous passez la main devant son visage : aucune réaction. Vous claquez des doigts près de son oreille et Corneille reprend ses esprits en un brusque sursaut.
- ZZZzzz… Oui, quelle heure est-il, mère ? Hein oh… Je suis confus, où en étions-nous, Scribe ? Prénom intéressant en passant, je connais des Caïn, des Pierre, des Gédéon, mais vous êtes mon premier Scribe.
Ne sachant trop que tirer de ce prince singulier, vous vous interrogez sur la conduite à adopter…
- Si vous voulez prendre poliment congé du prince, afin de retourner interroger Masse-Partout, cliquez ici
- Si vous préférez vous moquer ouvertement du prince Corneille. Après tout, il ne comprend rien à rien, cliquez là
Les gardes surgissent au coin du couloir, fondant sur vous tel un vol de rapaces.
- Holà braves gens ! Je peux tout expliquer, déclarez-vous derrière un sourire rassurant.
Le premier se jette sur vous, genou en avant, vous broyant le plexus contre l'encadrement de la porte, tandis que le second vous ceinture par derrière, vous soulevant de terre.
Le souffle coupé, vous apercevez le poing du troisième foncer sur vous, avant que votre nez n'explose. Les étoiles remplacent vite le sang dans vos yeux pleins de larmes, alors que les coups continuent de pleuvoir ; et c'est à genoux sur les dalles, cerné par une forêt de bottes cloutées, que la voix de la princesse vous parvient :
- Pitié messieurs ! Cessez cette boucherie sur-le-champ ! Vous savez combien la vue du sang et la violence me troublent !
Le chef des gardes s'interrompt, le pied dans vos côtes, et bredouille, penaud :
- Toutes nos excuses, princesse. Nous crûmes que cet homme attentait à votre honneur, et la rage nous a aveuglés.
"Le souffle coupé, vous apercevez le poing du troisième foncer sur vous, avant que votre nez n'explose."
Vous crachez encore un peu de sang et vous redressez, louant la princesse pour son intervention salvatrice.
Drapée de son peignoir, la ravissante créature enjambe le bord de la fontaine et pose gracieusement son peton dans l'épaisse fourrure qui tapisse le sol.
- Vous êtes tout excusé, garde, votre zèle vous honore. Maintenant, si vous vouliez bien avoir l'obligeance d'aller massacrer ce malheureux un peu plus loin, je pourrais finir de me sécher et apaiser les frémissements que cette démonstration de force brute et, hmmmm... virile, a fait naître en moi... - Bien sûr princesse... Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit, murmure le garde en refermant la porte, avant de se tourner vers vous, l'air mauvais. - Noooooon ! hurlez-vous, médusé d'horreur, alors qu'il vous empoigne par les cheveux et vous traîne à l'écart.
Vous reprenez conscience sur le sol froid et humide d'un cachot. Vous passez une main sur votre visage tuméfié, réprimant un frisson en constatant l'étendue des dégâts. Vous vous redressez et poussez un cri de douleur, vos côtes fêlées craquant sous vos hématomes.
- À ta place j'éviterais de bouger, vieux...
Vous retournant, vous apercevez un type qui vous observe avec curiosité, vautré sur un tas de fumier faisant visiblement office de paillasse. Vous le rejoignez en titubant, et vous laissez choir à ses côtés.
L'homme vous gratifie d'un sourire compatissant, et vous tend une cigarette tordue par l'humidité, qu'il allume, tant bien que mal, en grattant un briquet rouillé contre le mur.
- Merci, soufflez-vous. Vous êtes là depuis longtemps ? - Sais pas. On est quand ? - Troisième décade du huitième septile. - Oh... Déjà ? Alors ouais... j'suis là depuis longtemps. Et toi ? Qu'est-ce que t'as fait ? - Les gardes m'ont surpris en train de regarder la fontaine du dragon. - Pffff ! Ces abrutis ne savent vraiment plus quoi inventer pour tabasser les gens... - C'est-à-dire que... La princesse était dans la fontaine... Nue... Je pense qu'il y a eu méprise sur mes intentions...
Votre compagnon d'infortune émet un sifflement :
- Mon pauvre vieux ! J'espère que le spectacle en valait la peine, parce que pour toi, y aura pas d'alternative aux lions-lézards... - C'est absurde ! Je vais demander une audience au roi, je suis son scribe après tout ! Je suis sûr qu'il comprendra, une fois qu'il aura la clé du problème... - Tu fais comme tu le sens, mon pote... Mais à ta place, c'est la clé des champs que j'prendrais... - Comment ça ? - Le type qui était là avant toi... ça fait déjà un moment... avait découvert un passage secret dans le mur là-bas : la dalle fendue pivote. Il s'est enfui par là avant d'être exécuté. - Il s'est enfui ? Pourquoi ne l'avez-vous pas suivi ? - Je voulais le faire... Jusqu'à ce que j'entende ce cri. Tellement horrible... inhumain. Quoi que ce pauvre bougre ait rencontré là-dedans, j'étais trop lâche pour le suivre. - Merci de m'y inviter ! vous exclamez-vous, outré. - Toi, c'est différent... C'est cette chose ou les lions-lézards... On peut pas dire que t'aies grand-chose à perdre...
Un bruit de verrou retentit dans le couloir, et vous entendez la lourde porte de la prison coulisser sur ses gonds. Dans quelques secondes, les gardes seront là.
- Si vous voulez tenter de fuir par le passage secret, cliquez ici
- Si vous préférez demander une audience au roi pour vous expliquer, cliquez là
Vous ne vous faites guère d’illusion quant à l'efficacité d'une cachette qui ne saurait dissimuler votre présence. Vous n'avez aucune confiance, non plus, en l'attitude quelque peu étrange de la princesse. Quelle voix va-t-elle faire entendre ? Celle d'une raisonnable dame de la cour ou celle de la péronnelle qui vous a harangué de ses cris de chienne enragée ?
Les pas se rapprochent. Les gonds rouillés de la porte grincent. Puis tout se précipite et s'emmêle. La porte qui claque violemment contre le mur, les éperons qui rayent le parquet, le vacarme des rapières qui s'entrechoquent, et le ton autoritaire du capitaine des gardes qui s'élève au-dessus de murmures inaudibles :
- Halte-là ! Montre-toi, scélérat !
Vous n’avez pas le temps de réagir que la pointe d’une lame vient brusquement traverser la fine étoffe du déshabillé et entailler la chair vulnérable de votre flanc. Vous vous mordez la lèvre, retenant à grand-peine un cri de douleur.
Le sang commence à perler et se répandre en une traînée rougeâtre qui se mêle aux eaux délicates de la fontaine.
- Aaaaaaah ! Quelle horreur ! s’écrie Cunégonde. - Êtes-vous blessée, Princesse ? lui répond le soldat. - Non, mais… je ne supporte pas la vue du sang ! Je vais m’évanouir… Écartez-vous, je vous prie…
Quelque peu désarçonné, le capitaine obéit sans résister.
Le répit sera de courte durée. Le belliqueux n’ayant visiblement pas l’intention d’en rester là.
- Ne vous inquiétez pas, Altesse, nous allons régler son compte à cet intrus. Sors de là, gredin !
Secoué par un tremblement intempestif et incontrôlable, vous vous blottissez contre la douce jambe de Cunégonde, dont la peau frissonne à votre contact. Vous attendez le coup de grâce, pleurant déjà sur un sort dont l'issue ne vous laisse guère de doute.
" Vous ne vous faites guère d’illusion quant à l'efficacité d'une cachette qui ne saurait dissimuler votre présence."
Vous fermez les yeux, commencez à réciter, en gémissant, un Pater Noster peu orthodoxe, issu de nébuleux souvenirs de votre passé d'enfant de chœur.
Et là... Miracle ???
- BANDE DE COCUS DÉGÉNÉRÉS ! QUI VOUS PERMET D'INTERROMPRE AINSI MA TOILETTE INTIME ? DÉGUERPISSEZ VITE AVANT QUE JE VOUS FASSE METTRE AUX FERS ! TOUT DE SUITE, ESPÈCES DE TRUBLIONS, AVANT QUE...
Êtes-vous en train de rêver ? Sont-ce bien là les paroles de cette chère Cunégonde qui, dominant les ordres du cerbère, impose à cet attroupement de mâles guerriers un silence inespéré ?
L’injonction, en tout cas, fait son effet…
La troupe ne se le fait pas dire deux fois et s'égaille, comme une volée de corbeaux, hors de la chambrée... dans un fracas de bottes et de jurons désordonnés.
Soulagé par le retournement de situation, vous sentez monter en vous un sentiment de reconnaissance infinie. Prêt à vous dévouer corps et âme pour votre obligée, vous embrassez avec ferveur la peau du genou, que vous serriez encore contre vous, remontez vers la cuisse... Votre caresse frénétique vous entraîne vers des rivages nettement impudiques... Le parfum de la belle vous enivre, sa peau de miel vous excite. Vous semblez avoir perdu toute retenue...
Mais… tout à coup… dans un sursaut inespéré de lucidité vous réalisez avec effroi la portée de votre conduite. Quelle folie êtes-vous en train de commettre ??? Vous tentez de refouler, pour l’anéantir, la puissance de votre désir. Et passez la tête à travers l’ouverture de son peignoir.
C'est à ce moment-là que vous croisez son regard...
Qu’allez-vous faire ?
- Si vous voulez justifier votre débordement, cliquez ici
- Si vous préférez lâcher la bride à vos pulsions, cliquez là
- Anémone la cochonne ! Quelle tentation ! Mais non, je me dois de remplir ma mission !
D'un pas vous enjambez le seuil de la chambrée qui, vous l'espérez, répondra à votre ardente curiosité... Et là... vous restez coi ! Ébloui par la vision qui s'offre à vous…
La chemise vaporeuse, dévoilant les rondeurs voluptueuses de la royale Cunégonde, vous laisse sans mot ! Votre regard traverse sans peine la mince étoffe, qui souligne – plus qu'elle ne cache – une anatomie des plus séduisantes. La belle vous scrute avec un intérêt non dissimulé. Peu soucieuse d’étiquette, elle vous gratifie d'un sourire à faire fondre votre vertu en un tournemain... prêt à empoigner votre virilité...
- PAR ICI BEAU MÂLE ! MONTRE DONC TON PAL !
Épouvanté par l’injonction, vous reculez d'un bond… et heurtez un rêche mur de crépi qui vous laboure la peau du dos. Vous laissez échapper un juron dépité.
Profitant de cette opportunité, l’insensée plonge sur vous. Vous l’évitez de justesse. Mais déséquilibré par votre enjambée, vous vous retrouvez sur le lit cul par-dessus tête et vous enfoncez dans le moelleux édredon de plume. Vaincu, vous abandonnez la partie... prêt à succomber à l’ardente furie.
C’est alors que la porte s’ouvre…
- MAIS QUI DONC OSE INTERROMPRE… Ah ! c’est vous ? - Que vois-je ici ? On me trompe ? - PAS ENCORE MON AMI… MAIS REJOIGNEZ-NOUS, JE VOUS PRIE, IL RESTE QUELQUE PLACE SUR LE LIT !
Vous qui pensiez être tiré d’affaire ! La couche princière serait-elle, à ce point, adultère ? Car, vous n’en doutez pas, c’est bien le prince qui entre là !
L’hésitation qu’il manifeste n’émeut guère la princesse qui, délaissant l’objet de son attention première, s’élance vers le nouveau venu.
L’homme à la mine débonnaire balaye du regard la scène qui s’offre à lui... Son visage, brusquement, s’empourpre… et il s’écroule, raide, sur le plancher !
Un cri de rage accompagne la chute fracassante. Bientôt remplacé par de poignants sanglots. La princesse s’est effondrée, près du corps inanimé. Corneille aurait-il trépassé ?
Perplexe, vous tentez, discrètement, de vous esquiver… mais, à ce moment précis, Cunégonde lève la tête. La tristesse de son regard vous bouleverse. Vous ne résistez pas à la veuve éplorée qui vous tend les bras… et semble revenue à de bien meilleures dispositions.
C’est alors que vous entendez les ronflements.
- Mais… il dort !!! - V… v… Voui… - Je croyais… qu’il était mort ! - P… p… parfois… Je… je… pré… fé… rerais…
Vous attendez qu’elle se calme un peu, caressant machinalement ses longs cheveux au délicieux parfum de chèvrefeuille. Encouragée par votre geste, elle se presse davantage contre vous. Sa douce poitrine s’érige au contact de votre torse velu et provoque l’embrasement de vos sens.
Vous basculez la belle sur le sol et vous mettez en demeure d’explorer les courbes et dénivelés de sa féminité. Excitée, la sensuelle dévergondée se tortille et gémit sous vos expertes caresses, prête à accueillir votre fougue enthousiaste. Mais, au moment crucial…
- ALLEZ ! PAS DE PRÉAMBULE, J’ATTENDS QU’ON…
C’est là que tout se détraque ! Comme affranchie du reste de l’édifice, la tour s’effondre !
La réaction est immédiate !
- ESPÈCE DE CONNARD, J’AURAI TON DARD !
Animé d’une soudaine lucidité, vous repoussez, promptement, la succube déchaînée. Mais, en un éclair, elle se précipite vers le lit et en tire une dague effilée qu’elle pointe sur vous.
- TU FERAS PARTIE DE MA COLLECTION, QUE TU LE VEUILLES OU NON !
La menace, tangible, stimule votre courage. Pas question d’offrir à cette aliénée, votre superbe virilité ! (NDLR : bof !)
Vous évaluez rapidement la situation… et profitant d’une ouverture, fuyez la chambrée.
Abandonnant la partie, préférant – de loin – garder les vôtres, vous décidez de suspendre là votre mission. Et tant pis pour votre réputation !
Votre périple touche à sa fin, aventurier ! Si vous voulez changer le cours de votre destin, cliquez là
Vous vous glissez derrière la tenture à la hâte et tâchez de dissimuler vos pieds. Il était temps ! La princesse est ici. Elle interpelle Anémone :
- Anémone, sotte soubrette ! Où donc sont mes concombres ? - Vos concombres, Votre Altesse ? Ici, dans la cagette. - Donnez-les-moi pauvrette, pourvu qu’ils soient en nombre !
Un trou dans la tenture vous permet d’épier les deux femmes. La princesse est si belle que vous étouffez difficilement votre émoi. La conversation s’interrompt un instant et reprend :
- Anémone, taisez-vous. J’ai entendu un bruit. - Ce doit être un rat, j’en ai vu dans la cuisine. - Un rat ? C’était un homme ! J’ai confiance en mon ouïe. - Un homme ? Que nenni, pas ici, vous le savez bien. - Cette tenture a toujours eu cette excroissance ?
Tremblant de terreur à l’idée d’être découvert, vous baissez subrepticement les yeux pour vous rendre compte avec horreur qu’une bosse trahit votre camouflage. Les deux donzelles et leurs histoires de concombres eussent-elles tôt fait de faire naître en vous moult idées du côté sombre ?
La princesse avance avec grâce jusqu’à votre cachette et se met à genoux pour examiner plus avant votre attirail masqué.
- Étrange, dit-elle en tapotant du doigt l’objet de son investigation, je connais chaque recoin de ce château et j’aurais juré que ceci n’y était pas avant. - Si ! Votre Majesté, je l’ai toujours vu quant à moi, c’est un… pignon, je crois que c’est ainsi que ça se nomme. - Un pignon ? J’ignorais jusqu’à aujourd’hui que ce mot existât, qu’est donc un pignon, Anémone ? - Eh bien Votre Majesté… Un pignon, c’est… comment dire… les mots me manquent… - Taratata ! Trêve d’explications, je saurais en voyant ! dit-elle en soulevant la tenture pour découvrir stupéfaite le pommeau de votre épée. Anémone ! Vile traîtresse ! Vous avez donc un homme, pendant que moi, princesse, me contente de concombres ? - Non, vous n’y pensez pas… Je n’aurais pas, heu…
Voyant que votre belle se trouve en détresse, vous décidez de voler à son secours :
- Les apparences sont trompeuses, je n’en disconviens pas, mais il n’y a rien, Altesse, entre Anémone et moi. - Voyez-vous ça, mon beau ? Alors expliquez-moi ce que sont ces histoires de pignons, voulez-vous ? - Pignon est mon prénom, scribe ma profession, ma mission est de conter votre grandeur. Je voulais vous connaître et j’ai forcé Anémone à me mener jusqu’à vous. - Vous voici donc hors-la-loi, Pignon-le-scribe. Vous m’êtes redevable : vous devrez m’obéir si vous voulez repartir d’ici en vie. - Bien sûr Votre Majesté, tout ce que vous voudrez, vos désirs sont des ordres, dites-vous en faisant une révérence, cependant qu’un « non » muet se dessine sur les lèvres d’Anémone qui vous fait les gros yeux.
Visiblement, quelque chose vous a échappé…
- Par ici, Pignon, entrez dans ma chambre. - Bien Votre Altesse.
Vous suivez la sublime princesse qui s’assied sur le rebord d’un immense lit à baldaquin ; puis, elle vous regarde intensément et vous demande de vous asseoir près d’elle. Lorsqu’elle pose sa royale main sur votre cuisse, tout près de votre rapière, un malaise s’installe. Sans savoir précisément ce qui vous attend, cette proximité vous apparaît tout à coup dangereuse.
Vous déglutissez à mesure que le sourire de la princesse s’élargit. Sa main s’égare trop près d’un endroit de votre anatomie, qui vous rappelle qu’étant scribe, vous n’en êtes pas moins homme.
- Vous êtes la princesse, Princesse ! - Oui, Pignon, mais ne nous préoccupons pas d’étiquette, appelle-moi Cune ! - Cune ? Mais comment ? Je ne puis ! Vous vous rendez compte ? - Allons, cesse de faire ton scribe effarouché ! Tu dois accéder à mes désirs. - Non, je suis ici, mandaté par le roi, pour vous honorer avec ma plume. - Tu vois ? Même le roi est d’accord pour que tu m’honores, alors vas-y, prête-moi ta plume, mon ami Pignon. - Ma plume ? Oh bigre ! Oh diantre ! Vous êtes princesse, je ne puis altérer votre pucelage ! - Non, bien entendu, je dois rester vierge, dit-elle tristement.
Soulagé que la princesse revienne à la raison, vous posez une main compatissante sur sa frêle épaule :
- Ne soyez pas déçue, Votre Majesté, un jour, le prince Corneille viendra prendre votre virginité. - Oui, s’il est somnambule, dit-elle énigmatiquement, mais revenons à notre affaire, Pignon. - Mais vous venez juste de dire que vous deviez rester vierge ! - Ne fais pas l’innocent, il existe d’autres chemins, suis le regard de mes concombres…
Masse-Partout déboule sans prévenir dans la chambre et hurle d’une voix criarde mais ô combien douce à votre oreille :
- Altesse ! Le roi s’en vient vous voir ! - Mon père ? Ciel ! Pignon ! Filez d’ici, couard ! Et soyez heureux que je ne vous dénonce pas pour non-service rendu à la fille du roi !
Vous bredouillez des excuses tout en vous levant brusquement et suivez le nain jusque dans un passage secret.
Ivre de gratitude, vous oubliez votre réserve première vis-à-vis de la créature qui vous rebutait tant et le prenez dans vos bras. Vous l’étreignez, en larmes, et le remerciez :
- Oh, Masse-Partout ! Mon ami ! Mon bon ! Vous m’avez sauvé ! Que serais-je devenu si j’avais dû faire à la princesse ce qu’elle… - N’en dites pas davantage, mon Seigneur, je vois à votre regard que vous êtes éprouvé. Buvez ceci : ça vous redonnera du cœur au ventre.
Le nabot salvateur vous tend une fiole dont vous reniflez le contenu : l’odeur rassurante de l’alcool de violette emplit vos narines. Vous videz la fiole cul sec sous les yeux admiratifs de Masse-Partout.
Votre tête tourne, ces émotions vous ont durement affecté. Tout ce que vous souhaitez, c’est rentrer dans votre hutte et dormir.
Étrange. Même si vous n’êtes pas un gros buveur, l’alcool ne vous a encore jamais fait cet effet-là : vos membres se raidissent et vous sentez que vous perdez votre volonté. Masse-Partout vous regarde et paraît satisfait. Vos yeux s’agrandissent d’horreur à mesure que vous le voyez se dévêtir.
Vous ne pouvez plus bouger, vous ne pouvez qu’obéir au nain qui vous empoigne par les cheveux (NDLR : que vous avez fort beaux, en passant) et vous fait découvrir qu’il y a pire, bien pire, que de devoir satisfaire les désirs d’une princesse.
Est-ce un banjo que vous entendez au loin ?
"Est-ce un banjo que vous entendez au loin ?"
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- J’en suis fort aise, Majesté… Mais le temps presse. Je vais devoir prendre congé. - Ah bon ? Bonnes vacances alors, Scribe ! - Ce n’est pas vraiment… enfin, merci, Votre Altesse. Je ferai bon usage de votre aimable contribution. - C’est combien ? - Non, non, je ne veux rien ! - Allons ! ne faites pas le timide. - Il ne s’agit pas de me rétribuer, Excellence. - Ah ! Je croyais ! - J’ai dû mal m’exprimer. Je dois vous quitter.
Sur ce quiproquo que vous ne cherchez même pas à relever, vous tournez les talons, pressé d’aller quérir de plus judicieuses informations.
« Après tout, le nain doit bien savoir de quoi il retourne dans cet invraisemblable château ! »
À contrecœur, vous retournez à l’office.
La mine égrillarde de Masse-Partout s’illumine à votre arrivée.
- Inutile de vous réjouir… - Jouir ! Ah ! - N’essayez point de détourner chacun de mes propos, monsieur le Nabot ! Sachez que ma présence en ces lieux ne souffre d’aucune ambigüité ! - Tout doux ! je ne suis que votre obligé, monsieur le Scribe ! s’exclame le domestique, effleurant le sol en une grotesque révérence. - Hum… bon… voilà… j’aimerais que vous puissiez m’expliquer l’étrange phénomène dont je fus, tantôt, le témoin ? - Étrange phénomène ? À quelles aventures palpitantes avez-vous donc été confronté, messire ? - Eh bien voilà… Je me trouvais dans la chambre du prince… - Ah ! j’aime les hommes qui vont droit au but ! - Ne m’interrompez pas sans arrêt, insolent ! Si vous ne m’êtes d’aucune utilité, je renonce à poursuivre plus avant notre aparté ! - Comme vous vous emportez ! - Restez donc à votre place, fripon ! Et informez-moi donc au sujet de ce prince qui m’a paru… épileptique ? - Narcoleptique, Monseigneur, pas épileptique. - C’est ce que je voulais dire, bien sûr ! répondez-vous, agacé.
Le sourire mesquin du gnome lubrique ne vous échappe pas, mais…
- Passons… Qu’avez-vous donc à m’apprendre sur le prince Corneille ? - Vous n’espérez tout de même pas que je dévoile ce mystère sans contrepartie ! - Que voulez-vous donc ? - Une page d’écriture. - Ah, ce n’est que cela ! - Si vous en souhaitez davantage…
Vous vous contentez d’un regard éloquent pour calmer les ardeurs du fieffé serviteur.
- Une page d’écriture, dites-vous ? - Si vous pouviez transcrire pour la postérité le zèle du valet Masse-Partout, je vous en saurais gré.
Le marché vous semble équilibré.
- À vous maintenant ! - Vous avez sans doute remarqué que l’état du prince Corneille dépend de circonstances particulières. Vous avez probablement évoqué un sujet pour le moins... osé ! - Que me chantez-vous là ? Vous vous moquez ! - Mais non ! Voyez-vous, je suis bien au fait de ce qui provoque chez mon maître ces mystérieux symptômes… - Insinuez-vous qu’il y aurait un rapport entre… - Rapport ! Oui, le mot ne pouvait être mieux choisi ! - Vous me fatiguez avec vos perfides allusions ! - Vous avez tort de ne point porter crédit à cette histoire… Aux charmes de sa promise, le prince reste insensible ! - Comment est-ce possible ? - La gent féminine ne l’inspire guère, ce que je comprends d’ailleurs fort bien. - Vous insinuez que… que… le prince… serait… Je ne peux souscrire à de telles billevesées ! - Allons, ne faites pas l’effarouché !
Et voilà que le mirmidon, toujours aussi intrépide, se déhanche, main levée en un geste efféminé, et moue suggestive ! Puis attrape, sans contrefaçon, votre goupillon !
Votre sang ne fait qu’un tour ! Votre colère guidant votre rapière, vous tentez d’empaler, sans préliminaires, le nain pervers !
La diligence avec laquelle le valet disparaît sous la table massive, se dérobant ainsi à votre lame assassine, vous met en ébullition. Vous lâchez une bordée d’injures et vous mettez en demeure d’attraper la demi-portion.
Vous vous jetez à quatre pattes sous la nappe qui dissimule le coquin. Dans la pénombre qui entrave vos gestes, vous lancez votre épée à l’aveuglette. Mais le mignon, plus prompt que vous, a déjà fui par l’autre côté et se trouve maintenant derrière vous. Vous vous redressez avec célérité, faisant face au nabot qui vous défie, goguenard, bien campé sur ses jambes arquées. Vous levez votre arme, prêt à occire le malappris. Celui-ci, toutefois, ne se laisse guère impressionner. Un pas chassé sur le côté, et le voilà hors de portée ! Vous fulminez ! Votre vue se brouille, mais vous refusez de vous laisser dominer par cet avorton ! D’une habile feinte, vous réussissez à agripper la tignasse délavée de l’enfifré, bien décidé à le décapiter. Mais celui-ci, abandonnant quelques cheveux, vous échappe illico, exécute une adroite pirouette et attrape un coutelas qui traînait par là ! Décontenancé, vous reculez… mais trop tard ! La lame aiguisée du poignard, d’un coup, d’un seul, tranche votre… ceinture ! Votre pantalon glisse et gît en tire-bouchon autour de vos chevilles. Vous vous retrouvez, humilié, dans le plus simple appareil ! Sans pitié, le giton s’esclaffe sur votre caleçon ! C’est plus que vous n’en pouvez supporter ! Au bord de la rupture, vous sentez monter du fond de votre estomac un hurlement de détresse… que vous refrénez juste à temps… quand… vous l’entendez !
Un jour mon prince veillera…
La douce voix qui fredonne cet air mélancolique vous émeut... Du coin de l’œil, vous apercevez le nain s’éclipser par une trappe dérobée.
Reprenant vos esprits, vous réalisez avec effroi l’équivoque posture dans laquelle vous vous trouvez ! Vous vous précipitez sous la table, espérant passer inaperçu aux yeux de la jouvencelle qui vient d’entrer dans la cuisine. Depuis votre cachette, vous distinguez les luxueux brodequins de soie, qui encerclent des mollets d’une grande finesse, s’arrêter tout près de vous.
« De si riches atours ne peuvent appartenir qu’à la princesse », vous dites-vous.
- Il y a quelqu’un ? - …
Vous retenez votre respiration.
- Tiens ! J’avais pourtant cru…
De votre abri, vous percevez divers bruits de vaisselle que vous n’avez aucune peine à décrypter, puis… un pas léger qui s’éloigne. Vous attendez quelques secondes par précaution, puis quittez à regret la pièce où vous n’avez guère été instruit des secrets de la royauté. Mis à part les odieux mensonges du farfadet ! Comment avez-vous pu accorder le moindre crédit cet ignoble valet !
Ah ! Quelle déveine !
Vous venez de rater l’occasion de vous adresser à l’unique objet de votre quête !
Vous voilà donc revenu à votre point de départ, guère avancé dans votre mission.
La culotte entre les jambes, vous rentrez chez vous, dépité…
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Ce n'est pas là l'idée que vous vous faisiez du prince. Agacé par son apparente béatitude – et vous mettez le « a » pour rester poli –, vous décidez de le faire tourner en bourrique.
- Quel effet cela fait-il d'être reçu à la cour royale, et sur le point d'épouser la fille du roi ? - Qui ça ? - Eh bien... la princesse. - Ah, la princesse ! - Oui. - Eh bien quoi, la princesse ? bâille le prince. - Vous devez être honoré. - Qui ? Moi ? - Eh bien oui ! - Mais non, je suis Corneille, voyons !
Vous marquez un moment d'hésitation, essayant de ne pas perdre le fil.
- Oui, je le sais ça, précisez-vous. - Vous venez de m'appeler Honoré, bougre d'idiot ! s'exclame le prince. - Mais pas du tout ! - Me traitez-vous de menteur ? - Vous n'y pensez pas, Votre Altesse ! - Eh bien si, justement ! - Non, je veux dire pas du tout ! - Puisque je vous dis que si !
Un filet de sueur froide ruisselle entre vos omoplates. Cet âne va vous rendre chèvre ! Vous vous reprenez, tentant de repartir du bon pied.
- C'est un malentendu, Majesté. - Parlez pour vous, fulmine le prince, j'ai très bien entendu ! - Je veux dire, vous m'avez mal compris. - Soyez plus clair. - Pardon ? - À la bonne heure ! J'accepte vos excuses.
Vous vous passez la main sur le visage, essayant de vous contrôler. La pièce tourne autour de vous, alors que ce dialogue de sourds continue, totalement surréaliste.
- J'ai un peu de mal à vous suivre, mon Prince. - Nous n'avons pas bougé, voyons. - Je ne vous comprends pas, reformulez-vous. - Êtes-vous idiot ? Nous n'avons pas quitté cette pièce. - C'est une façon de parler, Altesse. - Quoi donc ? - Eh bien de vous suivre. - Vous voulez dire une façon de marcher, plutôt.
Vous titubez en arrière, et vous laissez choir sur une chaise.
- Faites comme chez vous, déclare le prince. - Pardon ? - Ça ira pour cette fois, mais demandez-moi l'autorisation de vous asseoir, la prochaine fois. - Je... vous... - Oui ? Vous me ? - Non, je...
Le prince vous dévisage, perdant patience.
- Écoutez, Scribe, je n'ai pas que ça à faire. Aviez-vous d'autres questions à me poser ? - Je ne crois pas... je ne sais plus... je... - Vous devriez vous retirer, baille Corneille, vous m'ennuyez. - Vous m'en voyez navré. - Qui ? - Hein ? - J'ignore qui c'est ! Comment voulez-vous que je vous l'envoie ?
N'y tenant plus, vous vous levez et reculez, bafouillant une excuse. La porte se referme en claquant, et vous vous retrouvez dans le couloir, face au roi.
- Ha ! Voilà mon scribe ! s'exclame-t-il. - Vo... Votre Altesse, bredouillez-vous. - Alors, on avance ? - Je crois que j'ai plutôt besoin de m'asseoir.
Le roi vous regarde bizarrement, et reprend.
- Je voulais dire : ça avance avec Cunégonde ? - Moi ? Mais je n'oserais jamais, voyons ! - Un peu que vous avez intérêt à oser ! C'est pour ça que je vous paie ! - Ah ! Vous parlez de son histoire ! - De quoi voulez-vous que je parle ? - Je ne sais pas, Majesté... Comme vous voulez.
Surpris, le roi vous dévisage.
- Vous vous sentez bien, scribe ? - Non, c'est le prince, qui... - Qu'est-ce que le prince vient faire là-dedans ? - Eh bien... Il me semble que c'est sa chambre... - Mais non, bougre d'âne ! Dans l'histoire ! - Quelle histoire, Majesté ? - Mais celle de Cunégonde, saperlipopette ! - Mais vous parliez du prince ! - C'est vous qui parliez du prince !
Interdit, vous restez coi. Le roi fait un effort pour contenir sa colère et, furieux, siffle entre ses dents :
- Je crois que je vous ai surestimé, scribe. J'aurai bien assez d'un gendre dans ce goût-là. Vous pouvez partir, je trouverai quelqu'un d'autre pour narrer cette histoire. - Je ne vous suis pas, Majesté. - En effet, puisque vous rentrez chez vous.
Tournant le dos, le roi s'éloigne à grands pas, vous laissant seul sur le seuil.
Vous avez échoué dans votre tâche, réalisant à regret, qu'il suffit parfois de quelques mots, pour révéler un idiot.
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Vous avancez sans hésiter vers le panneau coulissant, n’ayant nulle envie de croiser les immondes mutants voraces.
Vous prenez en passant une des torches allumées, accrochées au mur de votre cellule.
Glissant votre main dans l’interstice permettant d’ouvrir le passage secret, vous saisissez le mécanisme – étrangement mal dissimulé – et en faites pivoter les rouages. Un bruit sourd se fait entendre, suivi d’un grondement lugubre. Un passage s’ouvre, vous vous y engouffrez sans réfléchir.
Les murs sont tapissés d’énormes toiles d’araignées au travers desquelles vous apercevez des gravures ancestrales décrivant rites et sacrifices terrifiants : vous êtes dans les anciennes geôles de la quatrième dynastie des Kuhul, dont les souverains avaient tous été plus cruels les uns que les autres.
On raconte que le dernier des Kuhul errerait toujours dans les murs du château, cherchant à se repaître des âmes égarées…
Peu rassuré (NDLR : vous n’êtes qu’un scribe, par Thor ! Pas un mercenaire endurci !), vos pas s’alourdissent. Vous tremblez, car vous sentez une présence maléfique. Elle suinte par tous les pores de votre peau.
Une souris passe entre vos jambes. Vous manquez de vous évanouir. Quel couard faites-vous ! Ce n’est pas l’amibe qui va manger le scribe !
Soudain, un cri de bête féroce déchire l’air.
« NUUUUUNGH ! MEZAR NUUUUUNGH ! »
Votre sang ne fait qu’un tour et vous maudissez votre imagination d’homme de lettres à chaque pas que fait la bête vers vous. Elle s’approche, lentement, inexorablement.
Pétrifié, vous regardez la silhouette s’avancer dans l’obscurité, vers le halo de lumière vacillant que dégage votre torche. À mesure que la silhouette de ce qui profère ces menaces inintelligibles et terrifiantes avance, vous vous rendez compte que c’est un homme.
Juste un homme dont les lions-lézards ont dévoré la langue lorsque vous n’étiez qu’un enfant.
- Vous êtes Pope le barde ? Par tous les dieux ! Vous m’avez fichu une peur bleue à beugler comme ça, qu’est-ce qui vous a pris ?
- NUUUUNGH ! MA MEZAR MONNAN !
Enfant, votre père, ayant lui aussi en tant que scribe ses entrées à la cour, vous avait emmené assister à l’exécution d’une sentence royale : celle d’un barde condamné à se faire dévorer la langue par les lions-lézards. Il avait osé chanter une ritournelle pour le moins paillarde sur le thème délicat des attributs du roi (on murmure, ici et là, que la reine l’aurait surnommé « mon grappillon »).
Le royaume entier s’était pris d’affection pour cette ballade entraînante dont les premiers couplets donnaient ceci :
Ô roi, pourfendeur de dragons, Toi, ma grande âme couronnée, N’as-tu donc de grand que le nom ? Pourquoi ce pal de nouveau-né ?
Dans le noir, je cherche à tâtons Le grand dard de Sa Majesté, Mais ne trouve qu’un grappillon, Et pleure d’être ainsi honorée…
Ô conquérant, fier apollon ! Toi, mon éternel bien-aimé, Troque ce ridicule aiguillon Contre une lame plus aiguisée.
Lorsque chaleur me donne le ton, Et qu’alanguie, je viens mander Une royale contribution, Qu’ai-je en retour ? Un bâtonnet…
Ô mon régent sublime et bon, Trouve donc un magicien doué, Qu’il fasse un beau marteau-pilon De cet insignifiant piquet…
Vous-même trouviez cette chanson plutôt gaie, sans toutefois – étant trop jeune – en percevoir les implications politiques. Mais du jour où vous avez vu les lions-lézards se ruer sur la planche d’où dépassait la langue de Pope le barde… cette chanson vous apparut moins drôle.
Et l’homme se tient devant vous aujourd’hui : sa longue chevelure, jadis blonde comme les blés, est à présent d’un gris sale, le moignon de langue, laissé par les monstres, gonfle sa bouche de façon presque comique ; mais ses yeux verts sont toujours aussi vifs.
Pope n’essaye plus de parler. Il a dû oublier qu’il ne pouvait plus, l’espace d’un instant.
Attristé par le sort de votre congénère, vous lui tendez votre plume et un morceau de parchemin.
L’homme vous lance un regard plein de gratitude et s’empare de ce moyen de communication inespéré. Puis avec application, il écrit :
Je suis Pope le barde, en effet. À qui ai-je l’honneur ? - Je suis le nouveau scribe officiel de Sa Majesté. Que faites-vous ici, barde ? Je prépare la révolution, mon ami. - La révolution ? Mais contre quoi ? contre qui ? Quoi ? Qui ? Mais la censure, bien entendu ! Je reste à l’abri dans les murs de mes ennemis et écris des chansons révolutionnaires. Vous tombez à pic, ami, j’ai justement besoin d’un chanteur, afin de porter mon message par-delà ces tristes murs ! - Un chanteur ? Mais vous n’y pensez pas ! Je ne suis pas barde, allons ! je suis scribe, c’est ainsi de père en fils depuis quinze générations. Votre filet de voix est pourtant fort musical, et je m’y connais ! Ne soyez donc pas prisonnier des convenances, je sens battre en vous le cœur d’un homme chantant !
Déconcerté, mais néanmoins flatté, vous examinez la situation : vous êtes en fuite, être un rebelle ne devrait pas poser de problèmes. Vous avez toujours rêvé de chanter, mais le poids des générations a beaucoup compté, vous n’avez pas choisi votre vie.
Se pourrait-il que vous puissiez être maître de votre destin ? Se pourrait-il que vous soyez l’élu de la note ? Celui qui fera chavirer les cœurs en chantant la révolution par-delà les plaines et les vallons ?
- Eh bien soit ! vous exclamez-vous, le cœur battant. J’étais scribe et me voilà barde, ça va barder dans les chaumières !
Bravo ! Vous faites le bon choix. Nous allons travailler cette nouvelle chanson que j’ai intitulée « La pythie vient en mangeant ».
Vous suivez l’homme jusque dans son atelier secret, rêvant de gloire et de paysannes nues sous l’emprise d’alcool de figue.
Vous avez échoué dans votre mission pour le roi, mais la légende du scribe chantant, qui resta dans les mémoires pour avoir immortalisé des tubes comme Beech As A Queen et Rock Around Da Sleeping Prince, est en train de s’écrire.
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Deux cerbères peu amènes s’encadrent sur le seuil. L’un d’eux retient avec peine un molosse à la bave patibulaire, qui vous gratifie d’un rictus menaçant.
Un grognement vous incite à reculer vers le fond de la geôle. Cette vaine tentative suscite, de la part d’un des matons, un sourire édenté des plus cons. L’autre se penche vers l’encolure du clébard enragé.
- Non, non ! pitié ! J’ai une faveur à vous demander… - Grrrrruummmm ! - Pardonnez cet affront d’un modeste scribe, mais je vous conjure, messire, d’entendre ma requête... - Grriiichchch !
Quelque peu étonné par la faconde du gardien, qui, en tout point, semble imiter son chien, vous poursuivez néanmoins.
- Je vous donnerai de l’or… beaucoup d’or… si vous acceptez de surseoir à cette inique sentence. Je sollicite de votre bienveillance... une audience auprès du roi.
Afin de montrer votre soumission, vous courbez l’échine, espérant ainsi retarder l’exécution.
Mais le coup violent que vous recevez sur le crâne vous coupe net dans votre élan. Une volée de gifles retentissantes vous déboîte la mâchoire et enflamme votre visage. Tout estourbi, vous sentez qu’on vous enchaîne chevilles et poignets.
- Che vous j’en chupplie ! parvenez-vous à articuler. - Pas la peine de t’fatiguer mon pote. Ces abrutis sont sourds et muets ! Impossible à soudoyer !
La phrase lancée par votre voisin de cellule tombe comme un couperet !
C’est ainsi que vous vous retrouvez, pieds et poings liés, dans un long couloir dont l’odeur de moisi vous donne la nausée.
Vous n’y voyez goutte dans ce labyrinthe. Quelques lanternes vacillantes, accrochées çà et là au détour de brusques virages, diffusent une lumière blafarde. Les ombres projetées par votre sinistre expédition s’allongent, menaçantes. Vous devinez la présence d’autres cachots aux gémissements et cris de désespoir, qui résonnent longtemps après que vous en ayez dépassé les entrées.
L’image obsédante des cruels lions-lézards ne cesse de vous tourmenter. Est-ce donc là votre destinée ? Victime d’une stupide méprise, sans jamais avoir pu vous expliquer ?
Plongé dans de macabres pensées, vous n’avez pas remarqué l’immobilisme soudain de votre équipée. Jetant un regard à la dérobée, vous constatez qu’ils sont tétanisés. Surpris par ce retournement de situation, vous mettez un moment avant de remarquer le personnage qui se tient devant vous. Sa petite taille vous en a sans doute empêché. Éclairé d’une aura bleutée, le gringalet vous observe de ses petits yeux rieurs.
- Mais qui êtes-vous ? - Berlu l’enchanteur, je suis. - Vous êtes sorcier ? - Magicien, je préfère !
Bien sûr ! La chasuble outremer, constellée d’étoiles, et la baguette auraient dû vous mettre la puce à l’oreille ! Mais l’habit ne faisant pas le mage, vous ne pouviez deviner la nature du personnage. Trois poils sur le caillou, qui ne font guère ombrage à ceux qui émergent d’oreilles pointues et frémissantes, ne donnent nulle apparence d’autorité. Vous êtes néanmoins impressionné par le ton et la syntaxe employés.
- Je vous remercie en tout cas de m’avoir sauvé, maître Berlu ! - Plus tard, plus tard, vous remercierez. Un marché à vous proposer, j'ai.
Hum… vous êtes peu rassuré par de thaumaturgiques manigances.
- Un marché ? Et quelle sorte de marché ? - Peu compliqué, cela est. Juste un travail, terminer vous devez. - Quel travail ? Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. Je suis le scribe du roi… Enfin, j’étais… jusqu’à ce qu’on décide de mon trépas.
Vous frissonnez encore à cette idée, ce qui n’échappe pas à votre vis-à-vis.
- Dette à moi vous devez. Mais toute l’histoire vous raconter je dois. Dans mon repaire, me suivre vous allez.
Après avoir emprunté un étroit souterrain aux boyaux tortueux, vous débarquez dans une pièce encombrée d’un fatras d’objets hétéroclites et poussiéreux, dont le bas plafond vous contraint à pencher la tête.
- Sur ce banc vous asseoir, car longue l’histoire elle est.
Vous obtempérez pendant que le sorcier s’installe, jambes croisées et repliées sur un tabouret. Puis, d’une voix assurée, il démarre son récit.
- Magicien du roi, avant d’être chassé j'étais. Mais quelques événements précédents, expliquer je dois.
Comment un personnage de cette importance a-t-il pu déchoir ainsi ? Intrigué, vous tendez l’oreille.
- Beaucoup de détracteurs le roi avait. Des subversifs propos, troubadours, scribes et bardes colportaient. La risée du pays, le roi devenait. - Mais qu’espéraient-ils en agissant de la sorte ? - Le détrôner, ces comploteurs voulaient. Son courroux cela déclencha. Et de cruels châtiments il infligea. - J’imagine aisément le sort réservé à ces malheureux… - Mais un jour, puni un barde fut. Ami du terrible sorcier Trick Vodor, il était – de son nom, ne me souviens… Pipe… Pape… Pope… importe peu !
Le mage, quelque peu agacé par ce trou de mémoire, lève les yeux au ciel en soupirant, puis reprend :
- Jamais le faire, le roi n’aurait dû. Car fâché le sorcier fut. Une malédiction, il lança. Jamais de descendance, le roi n’aurait. À l’évidence, se rendre il dut. Pas de fruit, la couche royale ne donnait. - Mais, il a bien une fille… Cunégonde. - Impatient ! La suite, écoutez ! Le sort conjurer, le roi devait. Alors venir, il me fit. Fier je fus, car maléfice je levai. Fertile, la reine devint et petite fille au monde, elle mit : Cunégonde. - Ah ! je le savais bien…
Le regard désapprobateur que vous lance Berlu vous réduit au silence.
- Puis l’enfant je vis. Et désenchanté, je fus. Pas entièrement effacée, la malédiction était. Encore dans veines de la princesse, le poison coulait. Inféconde désormais, Cunégonde serait. - Un corps si plein de promesses… Quelle déception ! - Oui. Oublier déboires je voulais. Dans taverne alors me rendis. Erreur, je commis. Trop d’hypocras, je bus. - Traître, ce breuvage ! Surtout quand on manque d’habitude. - Exact. Au château titubant je rentrai. De chambre me trompai. Et sur lit de la reine m’affalai. Pas farouche, bon accueil, elle me fit.
Ce royaume, décidément, recèle de bien précieux attraits ! Si seulement on avait marqué, à votre endroit, le même intérêt…
- Mais en fâcheuse posture, le roi me surprit. Chassé, sans espoir revenir, je fus.
Le voile de tristesse qui assombrit le visage du magicien vous étonne. La sanction ne vous semble pourtant pas si sévère, comparée à celle qui vous attendait. Mais il est vrai qu’on ne peut châtier un sorcier comme un simple mortel.
- Dans aucun royaume, grâce ne trouvais. Entachée, ma réputation était. De longues années, cela dura. Mage errant, devenu j’étais. - Étais ? Ainsi vous ne l’êtes plus… Vous avez donc trouvé à vous employer ? -À quelques lieues d’ici, un souverain sur moi compte. Si au mal de la princesse, la solution je trouve. Maintenant, réussir je peux. Mais impuissant je suis. - Impuissant ? Avec vos pouvoirs... Comment est-ce possible ? - De pénétrer au château, le nouveau magicien m’empêche.
D’un geste rageur, le frêle ensorceleur empoigne sa baguette et lui imprime un mouvement circulaire. Le bâton, tout à coup animé d’une volonté propre, se met à grésiller et à projeter des étincelles rouge feu. Les émanations soufrées qui se répandent dans la pièce vous incommodent. Cette impressionnante démonstration de force vous convainc sans peine de votre avantage à vous rallier à ce mage.
- Et comment comptez-vous contourner les sorts de votre successeur ? - Des intermédiaires, trouver je dois. Jusque là, malchance j’ai eu. De nombreux complices, de la princesse approchés se sont. Mais fui sans explication, ils ont… Et puis de vous, parler j’entendis. - Je ne vois pas comment je pourrais vous aider… je suis certainement proscrit à l’heure qu’il est. - De votre identité, pas au courant le roi n'est. Dans ce cachot, sans chercher, le capitaine jeté vous a. Remplacer vous par un autre, avant de supprimer le sortilège des gardes, je puis. - Ce n’est pas très moral, mais quand il s’agit de sauver ses miches… après tout… et puis, de toute façon, cette condamnation était injuste, alors… injustice pour injustice… - Haute importance, cette mission est. Plus que chanter louanges ! Et récompensé, vous serez ! - Pourquoi refuserais-je, dans ces conditions. Mais je flaire, toutefois, un artifice… N’y aurait-il pas quelque danger ? - Lié à malédiction le danger est. De transformation, question il est. - Effectivement, j’ai observé quelques bizarreries dans l’attitude de la princesse. Des paroles pour le moins... suspectes. - Oui, comportement étrange, elle a. Un succube, elle ressemble. Mais jamais ne dure. - Succube ? Je ne suis guère rassuré… - Ses charmes, résister vous devez. Les autres mâles, refusé ils ont. - Les mâles ? - Être donnée que par les hommes, l’antidote doit. Même si menace pour virilité il y a. - Mais le prince ? - Avant que la princesse il rencontre, le contacter j’ai pu. Mais trop compliqué pour lui, le mode d’emploi était. Avalé la potion, il a. Et depuis, conduite inquiétante il montre. - Que faut-il faire exactement ? - Simple, cela est : gagner sa confiance, vous allez. Puis verser contenu de la fiole, vous devez. Au bon endroit, mettre ça il faut. Inefficace sinon, traitement sera. - À quel endroit ? - Imaginer, vous pouvez. De dessin, pas besoin ! - Je vois… vous parlez d’un endroit intime, je suppose ? - Pas supposer, être sûr ! - Mais, pour cela, je dois… vraiment… comment dire… l’apprivoiser. - Faire cette approche, vous devez. - Oui… enfin… c’est une approche rapprochée que vous me demandez ! - Refuser, vous préférez ? - Non, en fait… depuis que je l’ai aperçue dans la fontaine, je dois avouer que cette tâche est un rien stimulante. Mais que se passe-t-il, si je succombe aux charmes de Cunégonde ? - Prendre ce risque, vous devez. Pas d’autre alternative, il y a. Affamés, les lions-lézards sont.
Comment pourriez-vous refuser ? Avec de tels arguments… Et puis, ce ne serait pas la première fois que vous seriez en mesure de contrôler ce genre de situation. Garder la maîtrise de vos pulsions est presque une seconde nature, non ? (NDLR : vous ne doutez de rien !)
Votre charge, déjà bien intéressante, se dédouble maintenant d’une nouvelle mission plus souterraine, mais ô combien palpitante ! Pensez donc ! Sauver le royaume ! Et quand bien même y aurait-il du danger,
Vous êtes Scribe… Le Scribe !
Votre périple touche à sa fin, aventurier ! Si vous voulez changer le cours de votre destin, cliquez là
Votre sang bouillonne et vous perdez votre calme.
Vous empoignez une cuisse de la princesse et tâchez d’y imprimer la passion qui vous anime. La bave aux lèvres (NDLR : les vôtres, scribe polisson…) et le cœur battant, alors que vous vous apprêtez à commettre l’irréparable, le changement de voix et la teneur des propos de la princesse vous font l’effet d’une douche froide :
- ALLEZ ! ACTIVE-TOI AU LIEU DE PINAILLER ! SOIS MA CONFITURE, JE SERAI TON POT !
Terrorisé par l’attitude et la vulgarité soudaine de Cunégonde, vous reprenez vos esprits et quittez votre royale cachette. Lorsque vous vous retournez pour jeter un œil à la princesse et que vous croisez son regard, son visage défiguré par la haine est quasi métamorphosé.
Vous courez ventre à terre vers la sortie, sans demander votre reste, lorsque vous entrez en collision avec un homme, et vous écroulez.
En levant les yeux, vous détaillez celui qui n’a pas été affecté par le choc, en raison de son imposante carrure.
L’homme est richement vêtu, son port altier vous donne à penser que c’est un personnage de sang royal. Vous ne vous trompez pas. Une voix douce et mélodieuse s’adresse à vous :
- Ne courez pas ainsi mon brave, je ne compte plus les fois où je me suis cogné la tête ! Si je puis me permettre une astuce que j’ai découverte récemment : regardez devant vous. - Corneille ! Vous arrivez à point ! s’exclame la princesse, dévoilant ainsi l’identité du nouvel arrivant. - Non, Cune, j’arrive à pied. - Je veux dire à point nommé. - Si je donne à mes pieds le nom de mes poings, je devrai faire le poirier pour me déplacer, un peu de jugeote, enfin.
Cunégonde soupire tristement.
- Qu’importe, mon prince ! Figurez-vous que ce maraud attente à ma vertu ! - Vert-tu ? Si c’est une histoire de couleur du surmoi, je crains de ne pouvoir aider. Mon cent quatre-vingtième précepteur s’est jeté dans les douves hier et je n’ai pas encore pu aborder le délicat sujet des couleurs psychologiques. - Intrus vouloir prendre virginité à moi ! C’est plus clair comme ça, Coco ? - De grâce, ne parlez pas comme une primate ! Ce n’est pas parce que vous êtes jolie que vous devez vous comporter comme… Par tous les dieux ! Mais vous êtes nue ? Je ZZZzzz…
La princesse ne fait pas attention à vous. Les yeux pleins de colère, elle pleure en regardant le prince affalé sur le sol.
Car le prince s’est en effet endormi. Vous essayez d’analyser la situation. Vous tournant vers la princesse, vous lui demandez gentiment :
- Pourriez-vous me dire ce qui se passe ici ? - Ce qui se passe ? CE QUI SE PASSE ? JE VAIS TE DIRE, MOI, CE QUI SE PASSE : CORNEILLE EST CON COMME UNE VALISE SANS POIGNÉE ET À CHAQUE FOIS QU’IL ME VOIT NUE, IL S’ENDORT ! IL S’ENDORT !!! - À chaque fois ? - Oui, c’est ce que j’ai dit, la connerie princière serait-elle contagieuse ? - Non, je… j’ai compris. Oh ! Mais comme le temps passe… J’ai rendez-vous avec… avec une autre personne. - Vous n’allez pas vous en tirer comme ça ! GARDES ! AU SECOURS !
Soudain, le sol tremble.
Ce sont les pas lourds et précipités d’un garde proprement gigantesque. Une épée qui, à elle seule, pèse certainement votre poids, dépasse de son fourreau. L’homme fait un état des lieux d’un coup d’œil circulaire puis s’arrête sur vous. Il vous regarde d’un œil mauvais et vous empoigne sans ménagements.
- Oh ! Bonjour Dagon, dit Cunégonde. - L’omage tout l’p’incesse, fait le garde en mimant une révérence qui vous eût paru comique dans un autre contexte. - Oui… Dagon. Emmène ce déplaisant personnage loin d’ici, tu veux ? Il m’a attaquée.
La montagne de muscles tourne lentement la tête vers vous et dit :
- Pesque note p’incesse ou bien ? - Pardon ? bafouillez-vous. - Euste pue d’la bouc avec tes doyes, hein ! - Navré mon cher, mais je ne comprends pas un traître mot de ce que vous dites. - Traître ? va t’en fout’ dans la caban’eud Dagon !
Visiblement, vous l’avez énervé et il parle une langue qui n’existe pas. Le géant vous traîne par les cheveux (NDLR : que vous avez fort beaux, on vous l’a déjà dit ?) jusqu’à l’extérieur du château.
Derrière les douves, il y a un petit cabanon : c’est là que vous conduit la brute, en grognant. Le garde vous saisit et vous jette dans une « chaise » de fabrication rudimentaire. Un clou vous rentre dans le dos mais vous n’osez vous plaindre.
- Bon ! Est-ce pasque le pince la mouillé ? - Oui, alors… Comment vous dire ? je ne comprends pas. - Mansque tu bavoir dans la vieil’ moule !
Vous décidez de vous taire et cherchez un indice, quelque chose à quoi vous agripper, afin de sortir de ce cauchemar.
Dans la pièce, à peine éclairée par la lumière tombante du jour, vous distinguez une sorte de table de nuit qui jouxte une grossière paillasse. Sur cette table de nuit, il y a un cadre de bois sculpté en forme de cœur.
Plissant les yeux pour mieux voir, vous discernez une représentation à l’intérieur du cadre : une tête difforme, de grasses pustules parcourant un visage hideux, quoique souriant.
Les couettes de cheveux gras agrémentées d’un ruban rose sale, ainsi que l’énorme poitrine du laideron, vous indiquent qu’il s’agit d’une femelle. Certainement l’aimée de votre hôte brutal…
Bien décidé à détourner la conversation, vous lancez :
- Ah ! Comme j’aimerais être auprès de ma belle en ce moment ! C’est pour elle que je fais le métier de scribe, savez-vous ?
Les yeux durs du géant semblent s’emplir d’une certaine douceur. Vous êtes sur la bonne voie !
- Oui, je ferais tout pour elle, c’est ma raison d’être, ma fleur de vie.
La brute grogne, le romantisme n’est peut-être pas sa tasse de thé, finalement.
Vous décidez de jouer la carte de l’universelle connivence des mâles :
- Il faut dire qu’elle a des seins gros comme des melons d’Uul !
Le géant ricane. Vous vous en sortez bien.
- Je ne plaisante pas, mon brave, ils sont si gros que lorsqu’elle tombe en avant, elle rebondit pour se retrouver sur l’arrière-train.
Le soldat s’esclaffe.
- Et elle a des talents ! C’est inimaginable ce que cette femme peut être friponne ! Elle vous convertirait le moine le plus pieux de nos églises. - Oste friponne, l’a monga l’uper non ?
Ne sachant que répondre, vous riez et dites :
- Votre coquine, sur le cadre, là ! Elle ne doit pas être en reste pour la galipette, on voit que vous la faites souvent grimper au plafond, hein ?
Le visage du garde se ferme brutalement, il empoigne une hache de guerre et s’écrie :
- N’a pourlé de la moman comme teu ? LA MOMAN ASQUE PUTE !
Vous comprenez « moman ». Comment avez-vous pu ne pas voir la ressemblance flagrante entre le géant et la chose dans le cadre ?
C’est sa mère.
Vous bredouillez des excuses mais le visage boursouflé de colère du colosse ne vous laisse guère entrevoir un avenir meilleur.
Votre mission est un échec.
Vous avez juste le temps de vous remémorer ce vieux dicton populaire :
« C’est le premier coup de hache dans la nuque qui fait mal, après… »
"Vous bredouillez des excuses mais le visage boursouflé de colère du colosse ne vous laisse guère entrevoir un avenir meilleur."
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Vous vous interrompez, dans le vif du sujet.
- De grâce, ô ma tendre princesse ! Je veux vous remercier d'avoir sauvé mes fesses !
La belle, sans préambule, sort et vous laisse céans. Vous voilà comme un gland, seul au milieu des bulles.
À votre regard se dérobant, la belle vous hèle, derrière un paravent.
- Je ne saurais que trop vous conseiller, pendant qu'il en est encore temps, de filer.
Vous distinguez toujours derrière cette fine paroi, ses formes faites pour l'amour qui vous mettent aux abois.
- C'est que... J'ai cru que vous... Quand vous m'avez parlé...
D'un côté de l'abri sa frimousse surgit et, d'embarras, son teint rosit.
- Il m'arrive parfois, je m'en excuse, de ne plus être moi. Et j'abuse.
Souhaitant vous justifier, vous sortez de l'eau. Elle pouffe :
- Comme vous voilà trempé ! des cheveux jusqu'aux os ! - Souffrez madame, que je m'excuse. Je ne voulais guère troubler votre bain, ni vous mettre en fâcheuse situation. Pour tout dire, je voulais voir la fontaine du dragon. J'ignorais que vous y teniez vos ablutions.
Promptement vêtue, la princesse ressurgit, une serviette à la main. Elle vous enveloppe la tête, et vous ébouriffe en riant.
- Et qu'en avez-vous pensé ? demande-t-elle, sourire aux lèvres. - De quoi donc ? - Eh bien ! De la fontaine !
Vous bafouillez. Vous ! Le tombeur de ces dames, l'homme à la répartie inébranlable ! Serait-ce la mort ? Serait-ce l'amour ?
- La fontaine est fort belle, vous reprenez-vous enfin.
La princesse sourit toujours, vous regardant de biais, jouant avec une mèche de vos cheveux mouillés. Retrouvant votre assurance, vous continuez :
- Mais quel triste édifice, à côté de celle qui y tenait son office ! - Quel orateur vous faites ! rougit la princesse. - Je ne me suis point présenté, je suis votre nouveau scribe.
Son sourire disparaît. Trop vite, l'amertume le remplace.
- Tous vos prédécesseurs, voulant mieux me connaître, se ruèrent dans l'erreur, voyant mon second être. Et quand enfin sur moi vertu reprend ses droits, certains ne comprennent guère et me livrent la guerre.
Mû par l'audace, vous posez une main sur cette joue altière, où déjà une larme creuse un sillon amer.
- De grâce princesse, séchez vos yeux ! Votre père m'a mandé pour chanter vos louanges : j'en suis bien incapable, je ne suis pas un ange.
La princesse vous rend votre caresse, plongeant ses yeux dans les vôtres.
- Vous êtes gentil, souffle-t-elle de sa petite voix. - Vous m'avez parlé – et pour l'avoir aperçue, elle est troublante – de cette autre vous : celle qui vous hante. - Médecins, oracles, rebouteux, gens de foi... tous m'étudièrent. On me dit folle, maudite, insatiable ou damnée. Pourtant de mon mal, j'en connais la raison, il n'a rien d'immoral, bien qu'il se cache au fond. Ne suis-je point désirable, vous qui me vîtes nue ? N'auriez-vous point voulu, céans, passer à table ? - Il n'y a sur cette terre, pas un homme ici-bas, qui ne vendrait sa mère pour une heure dans vos bras, répondez-vous, gonflant le torse.
Cunégonde lève les bras au ciel et, d'une voix déchirante, s'écrie :
- Je ne suis point pudique, mais mon prince bien-aimé, ne m'a jamais touchée : il est narcoleptique...
Vous êtes stupéfait. Les bras ballants, vous bafouillez :
- Vous voulez dire que vous... Qu'il n'a... jamais ? - Si fait ! Dès que nous nous couchons… dans notre intimité… pour enfin notre union pouvoir consommer… il s’endort. - Quel étrange phénomène ! - C'est peu de le dire. - Mais... il dort vraiment ? - Comme un bienheureux ! Et croyez-en l'adage : le bonheur des uns fait le malheur des cons...
Vous restez un instant avec la princesse, que vous étreignez en silence. Puis, compatissant, vous reprenez :
- Fi donc, princesse ! Il ne sera pas dit que je ne chanterai pas l'amour dans votre vie ! Je vais aller trouver ce drôle de prince, et lui faire entendre raison ! - Je vous souhaite du courage, pour cette rude mission. - Que voulez-vous dire ? - Lorsqu'il est assoupi, je suis seule et m’ennuie. Mais lorsqu'il ne dort guère, seigneur ! Quelle misère ! - Expliquez-vous, princesse... - Vous comprendrez, en allant lui parler. Il n'y a pas homme sur Terre qu'il ne désespère.
Ses propos vous intriguent. Quel est donc ce prince que tout le monde redoute ? Éprouvé par cette rude journée, vous décidez de regagner vos appartements avant que les gardes ne reviennent.
Vous aurez, sans aucun doute, d'autres occasions d'en apprendre plus sur ce mystérieux prince...
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