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Les silences de Colombe
Maëlle : Les silences de Colombe  -  V - Test match
 Publié le 09/08/10  -  9 commentaires  -  4864 caractères  -  143 lectures    Autres publications du même auteur

Je la regarde. Je peux rien faire de plus, mais je m’en prive pas. Je l’apprends, par cœur. Sa façon de se caresser la joue avec le bout en pinceau de sa natte quand elle réfléchit. La manière dont elle referme son sac, une boucle après l’autre. Ses mains, son dos. Son visage, à peine. De loin. Elle me voit et se détourne. Sans brusquerie, sans violence. Comme si elle n’y faisait pas attention. Si elle le peut, elle part. Sans hâte. Colombe, pourquoi tu fais semblant de ne pas me fuir ?


+++


C’était en troisième. Ou en quatrième ? Une heure et demie pour deux classes, filles d’un côté et mecs de l’autre, pour « qu’on puisse parler librement », qu’y disaient.


- Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le sexe ! Sida, pilule, morpions, et tutti quanti ! a claironné Yacine.


C’était exactement ça.


- Vous, les garçons, vous pensez toujours tout savoir, a dit l’intervenante.


Pourquoi c’est toujours des femmes qui viennent, pour ces trucs-là, c’est un mystère. Elle a éteint la lumière et commencé à passer des diapos où des jeunes souriaient en se tenant par la main. Sous chaque photo il y avait une question, et il fallait qu’on réponde.


- Mon frère, pour le code, c’est pareil, a ricané Pedro.

- Ah ouais ? Faut savoir emballer pour conduire une moto ?

- M’dame, on l’sait, comment on fait les bébés ! a braillé Erwan.

- Ah oui ? Explique, alors.


Il s’attendait sûrement pas à ça. Il a bredouillé, nous, on rigolait, alors il a repris un numéro peaufiné en cours de techno :


- Vous mettez la fiche mâle dans la prise femelle, on met le jus, et hop ! Ça marche !


On s’attendait à une menace quelconque, des lignes, ou une heure de colle. Rien. On ricanait de plus belle. Ça faisait drôle, dans le noir, avec juste la lueur du projecteur, et les odeurs de transpiration qui prenaient toute la place, la voix très calme de la fille.


- Ça marche ? Tu veux dire que pour que ce soit réussi, il faut qu’il y ait un môme à la fin.


On a protesté en chœur. N’importe quoi ! Le plus tard possible, les gosses. Ça va pas la tête ? Pedro a ajouté :


- De toute façon, avec les préservatifs…


L’intervenante a repris :


- C’est une contraception, les préservatifs ?

- Bah ouais !


On frimait un peu, on jouait les durs. Je suis pas certain que tous les mecs présents en avaient déjà eu dans les mains, même pour faire des bombes à eau. Pedro a enfoncé le clou :


- De toute façon, on a pas le choix, on est obligé d’en mettre. Autant qu’ça serve !

- Vous êtes obligés ?


La voix de l’animatrice nous mettait mal à l’aise. On s’était jamais vraiment posé ce genre de question. Yacine a fini par répondre, sans son assurance habituelle :


- Ben, ouais, avec le sida, tout ça…


On pouvait pas l’ignorer. Entre la télé, les affiches, le distributeur de capotes à côté de l’infirmerie, les profs, jusqu’aux parents qui nous bourraient le mou avec ça.


- Le préservatif est un bon moyen d’éviter le sida et d’autres maladies, c’est vrai. Mais désolée, les garçons, ça ne suffit pas.

- Quoi ? C’est l’arnaque !

- Le préservatif est un moyen de contraception. Mais il a un taux d’échec trop important pour pouvoir être utilisé seul.

- Faut en mettre deux, c’est ça ?

- Non, surtout pas. Au contraire, ça augmente les risques. Le plus fiable, c’est que la jeune fille prenne la pilule en plus.

- Alors la capote elle sert à rien…

- T’es bouché, on t’a dit que c’était pour le sida !


Ça dégénérait un peu. La prof a toqué à la porte, elle nous a dit de nous taire et que c’était le tour de l’autre groupe. On nous a collés en salle de sciences devant une vidéo bébête, avec des gens qui faisaient de grands sourires en parlant des risques. Yacine a murmuré, assez fort pour que tout le monde l’entende :


- On serait mieux à écouter les filles.


+++


Je regarde Colombe et je ne comprends pas. Elle mange à peine, chipote même les carottes râpées qu’elle adore. Son plateau est presque plein quand je passe après elle. Elle a le nez et les yeux rouges, elle passe des plombes dans les toilettes des filles, avec Élisa ou Maïwen la plupart du temps. Elle a toujours de bonnes notes, elle ne parle pas davantage, en tout cas pas en ma présence, mais elle disparaît aux intercours. Elle s’habille mal, avec des grands pulls et des joggings, ça ne lui ressemble pas. Comme si elle essayait d’être moins jolie. Comme si c’était possible !

C’est elle qui m’a jeté. Elle devrait se sentir libre, être joyeuse, rire. Elle lâche pas ses copines, elle regarde par terre et elle ne sourit plus.

Elle n’a pas l’air heureuse, et c’est peut-être ça le pire. Je souhaiterais presque qu’elle sorte avec un autre, si elle pouvait arrêter d’être triste, arrêter de disparaître. Elle a l’air d’un fantôme, un fantôme de Colombe. Je peux même pas l’aider.


 
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   brabant   
17/8/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Maëlle,

Bon, ce récit se déride enfin, grâce à Yacine; et à l'animatrice, pince-sans-rire en fait, qui semble connaître son boulot. Mais je reste sur une impression de "succinct", pas de "survol" mais... c'est trop rapide, c'est pas assez développé. Moi-aussi, finalement, je serais bien resté à écouter les filles. Pas idiot, ce Yacine.

Un film n'est rien sans les seconds rôles, et pour faire un bon film il faut de bons seconds rôles. Il doit en être de même pour un roman. Donc, bien asseoir certains personnages secondaires, ce qui n'est pas encore vraiment le cas.


Y aurait-il anguille sous roche avec Colombe ? Qui semble vouloir tailler du XXXL... (lol)
Tiens, pourquoi ne pas l'avoir appelée "Colomba", puisque sa mère s'appelle Estrezzi; les Corses sont très à cheval sur leur identité. Et puis cela serait plus pittoresque.


Je reste toujours sur un sentiment global de manque d'habillage pour ce texte; c'est sans doute un parti-pris de l'auteur.

   Anonyme   
28/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Colombe serait-elle enceinte ?

Bon, cette histoire de vidéos et tout, ça fait tellement "ados observé depuis le promontoire de l'âge adulte"'. Je n'y crois pas. Les personnages sont infantilisés : "Quoi, c'est l'arnaque ?" ... Non.

"Elle s’habille mal, avec des grands pulls et des joggings, ça ne lui ressemble pas. Comme si elle essayait d’être moins jolie. Comme si c’était possible !"

Ce genre de phrase sont un peu trop grossières. Lu et relu cent fois. Dommage.

   David   
22/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Toujours ce mystère de l'attitude de Colombe et le désespoir de Simon réduit au rang de spectateur. Bien que lui ne semble pas l'imaginer, une explication serait un début de grossesse, mais c'est peut-être hors de propos pour des questions de délais, tout semble se dérouler durant la même année scolaire et ce paragraphe suit peut-être de quelques jours l'avant dernier...

   Anonyme   
6/3/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Yes! Ca remonte la pente! J'aime bien ce chapitre-ci! Mieux que les deux derniers! J'adore le fait que Yacine " se rebelle". Enfin je sais pas vraiment quoi dire mais c'est bien !

   monlokiana   
18/8/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ça commence à manquer de suspens. D’accord, il faut faire attention, ne pas tirer des conclusions hâtives, mais ici, tout monde (ou presque) que Colombe serait enceinte ? Pourquoi parle t- on de préservatifs, de protections sexuelles, de vidéos, de pilules.
Les morceaux du puzzle vont bientôt s’assembler, il suffit de lire la suite de l’histoire.
Sur ce chapitre, on peu lire un petit grain d’humour : « On serait mieux à écouter les filles » ou encore « De toute façon, on n’a pas le choix on est obligés d’en mettre. »
Donc, oui, ce chapitre a bien marché. L’auteur garde toujours le rythme, le style, la fluidité.
Je commence bien à aimé la plume de Maelle. J’ai bien les auteurs qui n’ennuient pas avec leur plume. Le premier paragraphe est touchant. On serait même tenté de prendre pitié pour ce garçon qui aime à la folie et qui se fait ignoré sans savoir pourquoi.
Je cours lire le suivant.

   Anonyme   
11/9/2011
Je renchéris : donne de la profondeur à tes seconds rôles, c'est important. Une pointe d'humour apparait grâce à Yacine et au cours de sexo plus vrai que nature, c'est bien ! En revanche, tu as interet à nous sortir un solide argument pour le comportement de Colombe, car il est vraiment de plus en plus hors du commun !
Suspens suspens...

   carbona   
15/12/2015
 a aimé ce texte 
Un peu
Bon ben je fiche mon billet qu'il l'a foutu en cloque la Colombinette. A suivre mais le narrateur commence à être un peu lourd, un peu gnan-gnan.

   MissNeko   
7/10/2016
 a aimé ce texte 
Un peu
Je sens que colombe est enceinte. Si c est ca, c est pas très original.

   Donaldo75   
24/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Toujours aussi vivant, ce récit tient dans ce chapitre par la séance sur l'éducation sexuelle, via les dialogues et la scénarisation du moment. Les passages sur Colombe servent de contrechant cette fois-ci et continuent de me donner envie d'en savoir plus, à l'instar du narrateur qui ne sait toujours pas pourquoi même s'il semble livrer des débuts de piste.

Le style continue à opérer sa magie pour le lecteur que je suis; en plus, des chapitres courts, même s'il y a un côté fragmenté, c'est nettement plus simple à lire sur l'écran d'un ordinateur portable.


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