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Les silences de Colombe
Maëlle : Les silences de Colombe  -  VI - Talonnage
 Publié le 10/08/10  -  9 commentaires  -  6376 caractères  -  114 lectures    Autres publications du même auteur

Je profite du cours de latin. J’en fais pas. Colombe, si. Dix-huit élèves, tout au fond du couloir, un vendredi en dernière heure. Autant dire, le désert. En tout cas, c’est ce que je me suis dit.

Je m’suis assis dans l’escalier. Le froid du carrelage commence à m’atteindre, alors je danse d’une fesse sur l’autre. Comme j’avais rien d’autre à faire, j’ai sorti mon DM de maths. Au moins, je m’avance. Enfin, j’essaye. Je renonce à faire un graphique correct, de toute façon, dans cette position, il n’y a rien à espérer. Je me rabats sur la suite de l’exo. Mon cœur bat comme un tambour, plus vite que les secondes qui défilent sur l’écran de ma montre. Je range précipitamment mon cahier, ils ne vont pas tarder. J’entends le bruit des chaises, la rumeur qui enfle. La porte qui s’ouvre et un bruit de course. Je me lève. Dans l’escalier je gêne. Je ne veux pas descendre. Faites le tour, putain ! J’attends Colombe. Colombe marche, elle ne court pas.

Ce n’était pas sa classe. Je m’avance dans le couloir. Là, une craie tape contre le tableau, ici une voix stridente tente de couvrir le brouhaha d’une classe impatiente de quitter le bahut. Il est 28. Mentalement, je compte. Elle lâche en avance ou pas, la prof de latin ? Une autre classe sort. Ça sonne. Une porte s’ouvre. Toujours pas. Enfin, c’est la bonne salle. Colombe sortira la dernière. Je la connais. Pourvu qu’elle soit seule ! Damien me fait un bref signe. Je hoche la tête en retour. J’ai les muscles crispés comme jamais. Je veux la voir. Je veux lui parler.

Tout de suite.


+++


J’avais attendu la fin de l’année. Pour être sûr. Enfin, c’est ce que je me disais. Par timidité, par peur de mal faire, surtout. Je faisais mes itinéraires en fonction des siens. Je m’émerveillais de la croiser si souvent alors que je provoquais le hasard. Elle s’arrêtait pour me dire bonjour, une bise rapide qui me laissait statufié, et parfois elle s’arrêtait juste, quelques instants, devant ou à côté de moi, sans rien dire… Parfois je disais une banalité et elle hochait la tête. Parfois, je la regardais juste et elle souriait.

Son visage tourné vers le mien, en attente…

Un jour, je l’avais rêvé mille fois, rêvé seulement, pas calculé ni prévu, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai penché ma tête vers elle. Elle a levé encore un peu la sienne, comme une question. Alors j’ai fermé les yeux et j’ai plongé très vite, pour ne pas prendre la fuite. Nos lèvres se sont juste effleurées. Elle était encore là, elle était toujours là. Alors j’ai recommencé. Entrouvrir la bouche, appuyer un peu plus, poser ma main sur sa taille pour me rapprocher d’elle.

Sa résistance, soudaine. J’ai ouvert les yeux. L’air désolé, elle désigne la pendule. La prof d’anglais déteste les retardataires. Elle part en courant, s’arrête, se retourne, me fixe, m’envoie un baiser.

Je fais mine de l’attraper au vol, pour le poser sur mon cœur. Elle disparaît. Il est toujours là.

À la rentrée de septembre, je paniquais. Bien sûr, je l’avais appelée. Bien sûr elle m’avait écrit. Des lettres, pas de simples cartes postales. Nous nous étions retrouvés quelques fois à la piscine, avec d’autres, embarrassés par le manque d’intimité et cette presque nudité qu’est le maillot de bain. C’était trop tôt. Mais…

Je suis arrivé en avance comme jamais. Seul, devant le lycée, enfin, avec quelques nouveaux de seconde, plus stressés que moi. J’ai poireauté cinq minutes devant la grille fermée, et j’ai fait demi-tour. C’était pas possible. Je pouvais pas être en avance à ce point. J’arrivais même pas à me dire que ceux qui le savaient avaient le même handicap.

Pourtant, je ne pars pas. J’ai reconnu la voiture. Elle descend, se penche, prend son sac. Se repenche, secoue la tête. Elle fait un geste de la main… Son père, sûrement. Elle se relève, se repenche encore. Attrape son sac, se retourne, me voit. Son visage s’éclaire. Elle me sourit. Je la regarde se retenir de courir, lancer des regards furtifs vers la voiture qui s’éloigne. Et enfin, elle se jette dans mes bras. Je la soulève du sol. Colombe !


+++


Elle est avec Sarah. Je déteste cette façon qu’ont les autres filles de la coller, maintenant. Sarah n’est pas une de ses copines, à peine une camarade de classe, pourtant, à les voir, on les croirait les meilleures amies du monde. Comment Colombe a pu changer à ce point ? Elle rit. Ou plutôt, elle se force. Tu n’avais pas ce rire quand je te taquinais, Colombe. Tu n’avais pas besoin de faire semblant, alors…

Je m’adresse à Sarah d’abord. Toujours amadouer le service de sécurité.


- Excuse-moi, il faut que je parle à Colombe.


Mine de rien, celle-ci amorce la descente des escaliers. Je la poursuis, la rattrape, l’arrête.


- Attends, Colombe. Pourquoi tu me fuis comme ça ?


Elle ne lève pas les yeux.


- Pourquoi tu veux plus me voir, Colombe. Pourquoi tu me parles pas ?


Elle garde la tête obstinément baissée. Ça me fait mal.


- Regarde-moi, au moins. T’as pas le droit de me laisser comme ça. Dis-moi ce qui se passe, Colombe, au moins dis-moi ça !


Elle fait mine de passer mais je la bloque. Réflexe pur. Je suis campé sur mes pieds, légèrement baissé, prêt à en découdre. Elle abandonne sans lutte. Ça ne lui ressemble pas. De près elle a l’air encore plus misérable que ce que je croyais. Les cernes lui mangent le visage, elle est pâle à faire peur. Je lève le bras pour l'enlacer, mais je m’arrête. Elle ne veut pas. Alors je murmure :


- Colombe, qu’est-ce qu’il t’arrive… Colombe, ma Colombe, j’ai peur pour toi, tu sais… Même si tu veux plus de moi, au moins dis-moi ce qui se passe, dis-moi ce que je peux faire pour t’aider, Colombe…


Je suis si proche que je l’entends respirer. Elle suffoque, et moi je reste là, les bras ballants, sans savoir quoi faire. Je voudrais la prendre dans mes bras. Je n’en ai pas le temps. Sarah refait surface.


- Pauv’mec, mais t’en as pas assez fait comme ça !


Interloqué, je suspends mon geste. Elle profite de l’ouverture, entraîne Colombe qui se laisse faire. Elle tourne juste la tête, et enfin je croise son regard.


Je préférerais qu’elle me haïsse.


Tout plutôt que cette détresse.




+++




Le lundi suivant, la place de Colombe, à côté de Maiwen, était vide. La place de Colombe, à côté de moi, était froide.



 
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   brabant   
16/8/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonsoir Maëlle,

Bon, j'ai renoncé à avoir plus de détails sur les différents protagonistes de cette histoire.

Tiens ! Voilà Damien !

Le paragraphe central de ce chapitre opère un flash back, pas évident à saisir d'emblée. Les profs sont anonymes (typés par lâche/lâche pas à la sonnerie tout de même, ça c'est bien), le "père" de Colombe, une hypothèse.

Tiens ! Voilà Sarah !

Les inconnu(e)s/utililés pleuvent dans ce récit, ils/elles restent des ombres que l'on pousse et/ou sacrifie comme les pions et les pièces secondaires d'un jeu d'échecs.
J'ai un peu l'impression que l'on a quand on regarde de la nage artistique: la nageuse émergeant soudainement tout droite de l'eau puis disparaissant tout aussi soudainement et tout aussi droite.

Le troisième paragraphe me plaît bien. Pourquoi Colombe se comporte-t-elle ainsi ?
Je crois que moi non plus je ne comprends rien aux filles. Me harponneriez-vous enfin avec votre histoire ?
Simon finit par m'apparaître sympathique dans son désarroi. Bien que toujours primaire, trop basique.

   Anonyme   
20/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Je n'ai pas laissé de commentaires pour les autres chapitres, parce que j'aimais bien et que, franchement, je ne voyais pas du tout en quoi je pouvais t'aider ! (en l'occurence, l'inverse serait plus logique vu nos niveaux respectifs ^^) Je voulais juste te signaler une phrase, qui m'a marqué. Jusqu'à maintenant le récit tournait autour de l'amour mais pour moi, sans devenir niai. Mais là ca m'a quand même un peu surprise : "- Colombe, qu’est-ce qu’il t’arrive… [...] dis-moi ce que je peux faire pour t’aider, Colombe…"
Qu'il se retrouve enfin devant elle et lui dise une chose pareille, de cette façon, ca m'a vraiment étonnée... C'est quand même très niai, et vu et revu.
Sinon, RAS, très bien !! ;D

   David   
23/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai du mal avec ce qu'il me semble être un flash back, le second paragraphe entre les +++, c'est apparemment Simon qui revient sur sa rencontre avec Colombe, je ne comprend pas la dernière phrase de ce passage :

"Je suis arrivé en avance comme jamais. Seul, devant le lycée, enfin, avec quelques nouveaux de seconde, plus stressés que moi. J’ai poireauté cinq minutes devant la grille fermée, et j’ai fait demi-tour. C’était pas possible. Je pouvais pas être en avance à ce point. J’arrivais même pas à me dire que ceux qui le savaient avaient le même handicap."

Qui sont "ceux", quel est le "handicap" ? J'ai peut-être perdu un fil, j'ai du mal à situer dans le temps la rencontre, la "dispute" ou la séparation plutôt, par rapport à ce passage du collège au lycée.

Le flou pourrait imager les pensées de Simon, constamment à se remettre en question, à fouiller ses souvenirs pour trouver une explication à l'attitude de Colombe.

Ici apparemment, il parvient à discerner de la détresse plutôt que de la colère, mais toujours sans base très solide, ça semble voulu.

   Anonyme   
6/3/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le suspens, j'adore! J'ai rien à redire! Au moins, là, il se passe quelque chose.

BRAVO

   monlokiana   
18/8/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le premier des derniers chapitres qui me satisfait vraiment. Oui, on peut dire qu’il commence à se passer des choses. Même si je garde toujours mon hypothèse sur la fin. Si c’est cela, j’aurais vu juste depuis le début.
J’aime bien ce chapitre. Ici, il y a de l’action. Les questions commencent à être posées, il y a du suspens. Et c’est décoré. Il l’attend à la fin du cours pour l’apostrophé et lui demandé ce qui se passe. Dans ce chapitre, c’est une seule scène et ça manque un peu « passe à autre chose. » Pas de prises de risques alors.
Ah le silence de Colombe ! Quel est le mystère de ce silence ? Ce silence qui crée du suspens et qui commence à agacer les impatients. Vite la suite.
Quelques passages que j’ai bien aimés :
« Interloqué…détresse. »

   Anonyme   
11/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Devra-t-on renoncer à la profondeur des personnages autres que le narrateur ? Il faut croire... C'est dommage, je le répète, mais tant pis.
Par ailleurs, l'intrigue est assez bien menée, un indice à chaque fois, c'est pas mal, et d'ailleurs je crois que j'ai compris... !

   carbona   
15/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Ah il a essayé de lui parler en vrai j'en suis satisfaite. La dernière ligne met du suspens, je vais vois la suite !

   MissNeko   
7/10/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Ca avance !
Pas compris la phrase avec le mot " handicap"??

   Donaldo75   
24/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien
On avance, avec plusieurs temporalités, celle d'avant et celle d'après et un peu de celle de pendant leur liaison. Du coup, la génèse de leur relation donne plus de mystère à la situation suivante, celle où le narrateur ne comprend pas pourquoi Colombe le fuit. Et puis la phrase de Sarah tape fort, demande au lecteur de se souvenir des chapitres précédents, comme le narrateur je suppose, de deviner ce qui a merdé dans leur relation, de trouver l'erreur de parcours, l'accident, le caillou dans la chaussure parce que tout ceci n'a pas de sens vu du narrateur. C'est bien vu en termes narratif; il faudrait cependant que ce suspense ne dure pas des siècles.


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