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Human Genome
Corentin : Human Genome  -  Convulsions
 Publié le 23/01/09  -  5 commentaires  -  11807 caractères  -  25 lectures    Autres publications du même auteur

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Il était environ cinq heures du matin. Logan était resté toute la nuit à travailler sur son ordinateur. Cela faisait plusieurs heures qu'il se battait avec le logiciel Matlab pour formater des données, mais il était confronté à un bug dont il n'arrivait vraiment pas à se dépêtrer.


Il était littéralement en train de péter les plombs.


Au bord de l'explosion, il secouait son écran en fulminant, bondissant sur sa chaise, balançant toute sorte d'objets dans tous les sens et insultant les concepteurs du logiciel de tous les noms. Ses quelques collègues dans les boxes d'à côté n'en menaient pas large, tant il était énervé. L'atmosphère était donc déjà terriblement tendue quand Youri déboula en trombe, le regard livide et le téléphone portable vissé sur l'oreille.


— Bon, les gars, on a un problème ! Un très gros problème ! On est en train de perdre une autre fille ! Il me faut du monde, et vite !


L'annonce de Youri fit l'effet d'une bombe. L'équipe s'était à peine remise de la perte d'Irina et de son enfant. Jusque-là, ça avait été le premier grave échec du projet et, suite à ce terrible événement, beaucoup commençaient à avoir envie d'arrêter les frais. La perte d'un être humain n'est jamais chose facile. Encore plus lorsqu'il s'agit d'une charmante jeune fille.


Et qu'elle est morte par votre faute.


Youri venait donc de réveiller un sentiment de honte et de culpabilité et de planter un énorme couteau de boucher dans une plaie à peine pansée. D'un coup, d'un seul, tout le monde se sentit mal et incapable de bouger. Mais certains commençaient à penser que, après tout, ils n'y étaient pour rien. Ceux-là étaient de purs informaticiens et n'avaient que peu à voir avec le volet biologique du projet, et se seraient bien lavé les mains de ces échecs imputables avant tout aux médecins et autres obstétriciens de l'équipe.


Alors, dans cette salle pleine d'ordinateurs et de cerveaux surchauffés, que ce soit à cause de la peur, du malaise ou du déni, personne ne bougea.


Personne, sauf Logan qui jaillit hors de son box pour venir épauler son ami. Youri était en train de faire la tournée des différents secteurs à la vitesse grand V pour récupérer un maximum de monde à cette heure beaucoup trop matinale pour être honnête. Logan lui-même n'était là que parce qu'il n'avait tout simplement pas dormi. Michael, l'un des obstétriciens, était en train de discuter avec Youri.


— OK, c'est bon, qu'est-ce qu'on a ? fit Logan en suivant les deux hommes qui se ruaient déjà vers la zone d'apprentissage.

— C'est Nadejda. Elle m'a appelé parce qu'elle commençait à se sentir mal. Et puis soudain, je n'ai plus entendu qu'un cri étouffé.


Michael était terriblement stressé. Logan se demandait s'il n'allait pas tourner de l'oeil. Les trois hommes avançaient au pas de course, quand Michael dit :


— Bon, écoutez, les gars, ça ne sert à rien de rameuter tout le monde. Il faut y aller, et vite.


Youri questionna Logan du regard. Celui-ci était déjà parti en trombe vers la sortie.


— À ton avis, qu'est-ce que c'est ? demanda Youri à Michael, en se lançant à la poursuite de Logan.

— Tu sais très bien ce que c'est, fit-il en ahanant. Éclampsie. Nadejda est en train de nous faire une crise d'éclampsie.

— Encore !?

— Oui, encore. Et ça n'a pas fini de nous arriver.

— Seigneur...


Les trois hommes étaient entassés dans une voiture pleine de matériel médical qui cahotait à toute vitesse sur la piste enneigée. C'était un prototype d'ambulance qu'ils avaient commencé à bricoler après ce qui était arrivé à Irina, il y a à peine quelques jours de cela. Mais d'après Michael, rien n'était encore vraiment fonctionnel. Logan soupira, alors que Youri entamait un long dérapage dans un virage verglacé.


Il se sentit soudain vraiment minable.


Irina était morte par leur faute et Nadejda allait sûrement y passer elle aussi. Et eux étaient là, à rouler comme des cons dans une voiture pourrie qui n'avait d'ambulance que le nom. Il commençait à se dire que les choses devenaient hors de contrôle, non pas parce qu'elles étaient particulièrement compliquées, mais simplement parce qu'ils avaient mal fait leur boulot. Pourquoi n'y avaient-ils pas pensé dès le début ? Pourquoi n'avoir pas acheté une véritable ambulance en lançant ce projet ? Pourquoi n'avaient-ils pas tout simplement plus insisté pour garder les filles « à risque » dans leurs locaux ?


À cet instant, Logan commençait à doucement haïr son job. Il se disait que la Science ne justifiait plus ce qu'ils étaient en train de faire. Ils étaient peut-être bien allés trop loin, après tout.


— Et nom de Dieu, pourquoi on est deux bio-informaticiens dans une ambulance sans appareils et que tu es le seul médecin ? beugla-t-il à l'attention de Michael. On a une fille en train de crever et on n'a qu'un seul médecin ? C'est du délire !

— Je te rappelle qu'il est cinq heures du matin, asséna Michael mi-éteint mi-furax, estime donc toi déjà heureux que Youri m'ait trouvé au labo. J'ai appelé les autres pour les tirer de leur lit et leur dire de se bouger le cul. Ils sont en chemin, mais ils auront sûrement du retard.

— OK, OK. Deux bio-informaticiens et un obstétricien. On va y arriver, hein ? fit-il pour essayer de se rassurer en tentant de se maintenir malgré les bonds de la voiture.

— Oui, on va y arriver, répondit Michael sans trop y croire lui-même.

— Bon, Youri, qu'est-ce qu'on a ? Tu as son dossier, à Nadejda ? reprit Logan, tout tremblant, essayant de se calmer.


Youri fit une embardée.


— Nadejda Simonova. Vingt-cinq ans. Un mètre soixante-treize. Septième mois de grossesse H.N., ex-comptable, vit seule dans un petit appartement.

— H.N. ? Alors c'est sûr, encore une éclampsie ? fit Logan en regardant vers Michael.

— Oui. À tous les coups, répondit ce dernier d'un air fatigué.

— Tu m'étonnes qu'ils aient disparu ces cons-là, avec un système de reproduction aussi naze !

— On n'en sait rien, coupa immédiatement Michael. Rien ne dit que c'est à cause de l'éclampsie, et tu le sais très bien. Il y a plein d'autres explications possibles, et c'est justement pour ça qu'on cherche.

— Ouais, ouais, c'est ça. En attendant, la petite Nadejda va y passer.


Logan était vraiment dans tous ses états. Il ne se souvenait même pas de cette fille-là, peut-être même ne l'avait-il jamais reçue. Ça devait être une des patientes de Youri.


— Et pourquoi elle t'a appelé toi et pas moi ? demanda soudain Michael, excédé. Après tout, c'est qui l'obstétricien ici, hein ?

— Ouais, bah tu ne dois pas être son obstétricien attitré, non ?

— C'est pas moi, en effet.

— Eh bah voilà, tu l'as, ta réponse. Elle a dû essayer d'appeler Lewis, ou je ne sais pas qui d'autre, mais son obstétricien devait sûrement être chez lui en train de pioncer. Alors, elle a pensé à moi. Que veux-tu que je te dise ? On discute assez souvent ensemble.

— Tu discutes ? Mouais. Dis tout de suite que tu la sautes ! s'emporta Michael.

— Très bien ! Oui, je la saute, et après ? Oh, et puis tu vas pas me gonfler, hein, je te rappelle qu'elle est en train de claquer !


Logan regardait les deux hommes s'engueuler, priant pour que Youri ne perde pas le contrôle de la voiture lancée à toute vitesse dans la poudreuse, bondissant sur une piste à moitié défoncée, se maudissant d'avoir signé pour ce travail de timbré.


— Tu sais où elle est, au moins ? demanda soudain Logan.

— Non. Aucune idée. Mais foncer à son appartement me semble une bonne idée.

— Et pourquoi on n’appelle pas une ambulance ? Une vraie, je veux dire ?

— Logan, tu sais aussi bien que moi qu'il n'y a pas d'ambulance à des dizaines de kilomètres à la ronde ! Les secours arriveraient beaucoup trop tard. Et puis on devrait s'expliquer ! On a déjà eu assez de mal comme ça avec l'affaire Irina.


Logan approuva en silence, résigné. Youri avait raison, même si Logan n'aimait décidément pas sa façon de parler d'Irina comme d'une « affaire ». Michael hocha la tête en silence. Puis personne ne dit plus rien.


Nadejda ne répondait pas. On n'entendait qu'un vague râle, comme un soupir étouffé. Logan prit un peu d'élan puis il se jeta contre la porte.


Elle ne céda pas.


Ils durent se mettre à trois pour l'enfoncer à grands coups de pieds. Ils firent tellement de bruit que la voisine de Nadejda accourut sur le palier. Youri était le seul à parler russe, alors il essaya de la calmer, tandis que Logan et Michael finissaient de mettre la porte en lambeaux pour pouvoir entrer.


Logan s'engouffra le premier, secouant sa main en sang ; il s'était sûrement blessé sur une écharde. Il fut vite suivi par Michael et Youri. Ils découvrirent Nadejda étalée par terre, convulsant, maculée de son propre sang. Il y en avait partout.

C'était chaud et collant.


Logan se sentit mal. Il regarda Michael faire ce qu'il avait à faire, pendant que Youri essayait de calmer la voisine qui était devenue folle en voyant Nadejda étalée dans une flaque de sang. La pauvre femme convulsait violemment, puis donna un coup de pied qui envoya Michael voler en arrière.


— Logan ! Aide-moi à la tenir, bon sang ! Le petit va bientôt arriver ! hurla-t-il en rajustant ses lunettes non sans les tartiner d'une épaisse couche de sang frais et visqueux.


Logan s'exécuta, tentant avec Youri de maintenir Nadejda tranquille sur le sol. Ce n'était vraiment pas évident. Logan était maintenant lui aussi couvert de sang et le sol était horriblement glissant. Il tentait maladroitement de bloquer la pauvre Nadejda, ne pouvant détacher son regard de son visage crispé, dont les muscles tremblaient sous la peau à une vitesse folle.


C'était atroce.


Nadejda bavait énormément et Logan crut un moment qu'elle allait s'étouffer avec sa propre salive. C'était surréaliste. Il ne savait plus que penser lorsqu'il entendit le petit hurler. Il put enfin détacher son regard de Nadejda pour voir Michael brandir un enfant gluant, les cheveux collés, pleins de sang. Le bébé était en train de pleurer. Logan se dit que c'était bon signe, mais il n'en savait en fait rien.


— Comment il va ?

— Je pense qu'il va aller bien, fit Michael en souriant, à moitié aveuglé derrière ces lunettes pleines de sang.


Malgré l'évidente horreur de l'instant, Logan trouva l'image très belle : Michael, petit médecin bedonnant, souriant de toutes ses dents en tenant dans ses bras ce petit être qui pleurait aussi fort qu'il le pouvait. Oui, il y avait une certaine noblesse en cet instant.


— Et Nadejda ? demanda-t-il soudain, sortant de son délire.

— Il faut l'emmener avec nous, mais je crois que ça ira.

— Et la voisine ? Elle a tout vu ! s'enquit Youri.

— Je t'arrête tout de suite, fit Logan. On ne lui fera rien, OK ? On part avec la fille et le petit, point.

— Mais elle a tout vu, enfin !

— Et après ? Tu crois vraiment que ces imbéciles de flics seront fichus de nous identifier ? Aucune chance ! Ne t’inquiète pas. De toute façon, il est hors de question qu'on lui fasse quoi que ce soit, tu m'as bien compris ? fit Logan en appuyant lourdement sur les mots.

— Nadejda sera remise sur pied d'ici à peine quelques jours, renchérit Michael. Elle reviendra ici comme si de rien n'était. Et tout rentrera dans l'ordre.


Youri ne dit mot. Il se contenta d'acquiescer de la tête, et fit signe à ses collègues qu'il était temps d'y aller. Logan et Youri emmenèrent Nadejda sur un brancard, tandis que Michael gardait l'enfant contre lui, enroulé dans un linge.


En partant, Youri essaya de calmer la voisine qui continuait de hurler, rendue totalement hystérique par les événements. Youri lui promit qu'ils étaient en train d'emmener Nadejda aux urgences. Ils chargèrent le brancard dans la voiture.


Ils démarrèrent en trombe et disparurent au premier croisement.


 
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   Menvussa   
24/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un bon chapitre.

   macalys   
20/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'ai bien aimé les échanges entre les trois hommes dépassés par la situation.

Mais l'accouchement manque un peu de vérité. Une pré-éclampsie c'est quelque chose de grave, on ne s'en sort pas comme ça.
Le style n'est pas très fluide au début du chapitre.

   Anonyme   
12/1/2011
 a aimé ce texte 
Pas ↓
- Je trouve qu'il y a une façon très légère de traiter certains sujets , qui pourrait révéler soit une méconnaissance du sujet , ou une mal connaissance du dit sujet , ou tout simplement un désintéret de celui-çi : pour exemple , le passage sur la gestion de ce qui est effectivement une crise d'éclampsie , très grave complication de ce qu'on appelle une toxémie gravidique , et qui effectivement ne se traite pas à la légère , et necessite une prise en charge en urgence , avec hospitalisation en reanimation ! Ainsi , la description de cet évènement , dans ce passage , aurait pu etre l'occasion d'un peu de " mouvement " et " d'action " , car l'intervention sur ce genre de problème est parfois " très chaud " !
- En ce qui concerne la langue russe : dans le cas du mot signifiant " merçi" , la traduction du cyrilique donnerait en lettres latines " spassiva " et non " spassibo " !

   Anonyme   
8/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Et oui, spassiba !
De l'action cette fois-ci avec cette seconde éclampsie, un terme que j'ai d'ailleurs découvert à travers ce roman.
L'action est assez bonne, bien que les dialogues laissent parfois un peu à désirer.
La voisine de Nadejda, quant à elle, aurait pu se montrer plus véhémente au lieu d'assister passivement à la scène.
Croire que nos deux compères chargés de cette salle besogne ne seront probablement pas reconnus par les flics malgré le témoignage visuel de cette voisine sans doute en état de sidération, relève de l'utopie.
Toutefois le chapitre tient la route.

   cherbiacuespe   
15/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Tournure sanglante pour le projet de la Futura Genetics. Sanglante et pathétique vu l'inconséquence matérielle et humaine. Mais à nouveau de l'action et on progresse. Ça ressemble de plus en plus à une expérience sur le mélange humain.


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