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Craig faillit faire demi-tour. Si ce sale type était ici, c'est qu'il était en train de se passer quelque chose de vraiment pas net. Il vit Komarov s'avancer, suivi par Tchelomeï Sibirsk. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de l'entrée, de l'autre côté de la baie vitrée. Craig se retourna. Abby était juste derrière lui. Il hésita un instant.
Juste au moment où il allait se décider à redescendre les marches en emmenant Abby avec lui, une voix porta depuis l'entrée.
— Monsieur Nathan Craig, quelle joie de vous revoir ! s'exclama Sibirsk, doucereusement.
Sa voix était enjouée. Mais Craig ne savait que trop ce qui était dissimulé derrière cette attitude faussement mielleuse : Le plus perfide des venins.
— Oh! Madame Lockart est avec vous ? poursuivit-il faussement étonné, comme s'il n'était pas à l'origine de ce curieux meeting. Mais quelle délicieuse surprise ! — Et vous, que faites-vous ici ? tança Craig, d'une voix plus froide que l'espace.
Il se retourna pour jeter un regard vers Abby. Comme une espèce de mise en garde.
— Oh, vous savez, je venais juste rendre visite à ce très cher Mikhaïl. Pour discuter de choses... et d'autres, répondit-il avec un haussement d'épaules calculé, en s'approchant d'Abby pour lui faire le baisemain.
Craig en fut ulcéré et lui lança un regard de braise. Il en avait presque oublié qu'il était sur le point de raconter une histoire qui n'existait pas pour protéger les intérêts de son entreprise. Mais il n'en avait plus rien à faire. L'instant d'avant, Craig se faisait déjà la réflexion qu'Abby n'était pas aussi dangereuse que cela. Mais maintenant... Maintenant que cette espèce de vieux rat de Sibirsk était ici, dans les locaux mêmes de Futura Genetics, en compagnie de Mikhaïl, à cette heure tardive, Craig se dit que, vraiment, toute cette histoire de mensonge et de mystification journalistique dont il s'était fait toute une montagne était instantanément devenue le cadet de ses soucis.
Abby ne dit mot, elle se contenta d'un simple hochement de tête pour Sibirsk et Mikhaïl. Elle avait une drôle d'impression. Elle sentait comme une... tension. Une espèce de lien physique invisible qui reliait les trois hommes, fait de cohésion et de répulsion, mettant en jeu des forces défiant l'entendement. Avec ce qu'il venait de se passer au restaurant et dans la limousine, Abby était plus que jamais sur la défensive.
Craig perçut cette attitude d'auto-défense passive qui animait la jeune femme, soudain devenue raide comme un piquet. Il s'en réjouit. Elle allait peut-être bien avoir besoin de se protéger.
Sibirsk multiplia les mots doux et se félicita de cette rencontre prétendument impromptue, mais rien n'y faisait. Craig était tendu comme un câble de remorquage de supertanker et Abby était plus circonspecte que jamais. Elle jeta un regard interrogateur à Craig qui tenta de lui répondre d'un haussement d'épaules et d'un balancement de tête. Il ne savait pas trop ce qu'elle pourrait bien y comprendre, mais de toute façon il ne savait pas trop ce qu'il aurait bien pu lui dire. Mikhaïl choisit ce moment pour inviter tout le monde à l'intérieur, tentant de faire dériver la discussion sur le froid polaire qui étreignait Moscou, espérant réchauffer l'atmosphère.
Ce fut un échec cinglant. Car lui-même était sous pression comme une citerne de gaz surchauffé. Il savait en effet que, d'ici peu, Rokov ferait son entrée. Et qu'alors, tout serait révélé. La partie allait se jouer ici même, ce soir. Maintenant.
Craig ne savait pas trop quoi dire, la présence d'Abby l'incitait à la retenue. Autrement, il aurait passé Sibirsk sur le grill et aurait demandé des explications détaillées à Komarov sur la présence ici de ce sale type. Mais il ne pouvait rien dire de tel. Alors, il se tut. Komarov expliqua qu'il avait quelque chose de très intéressant à leur montrer, faisant habilement allusion à ce que Craig était censé présenter à Abby. Cette dernière s'étonna du mutisme du grand patron et, à reculons, accepta de suivre tout ce petit monde vers le fond du hall, d'où ils pénétrèrent dans un long couloir blanc aseptisé, brillant intensément sous l'action de centaines de néons survoltés. Komarov marchait en tête. Abby suivait juste derrière avec Sibirsk à ses côtés qui n'arrêtait pas de lui servir des « Madame ceci » et autres « Madame cela », répétant inlassablement qu'il était ravi de la voir, ce qui commençait d'ailleurs à la gonfler prodigieusement.
— C'est mademoiselle et non pas madame, asséna Abby aussi désagréablement qu'elle le put.
Sibirsk se sentit parfaitement stupide l'espace d'une seconde, mais cela ne dura guère. Car au fond, il n'en avait strictement rien à faire. Il décida d'arrêter là son petit jeu qui n'amusait que lui. Il se retourna, l'air mauvais.
Quelques mètres derrière, Craig fermait la marche, dans un mutisme dérangeant. Abby se fit la réflexion qu'il était comme un geôlier surveillant un convoi de prisonniers. Ce qui n'était pas pour la rassurer.
Nom de Dieu, mais qu'est-ce qu'il fait ? se demanda Craig. Komarov était en train de les mener tout droit vers les labos d'expérimentation CTC. Il n'allait quand même pas... ? Puis, au détour d'un couloir, une fois que le petit groupe fut bien avancé, une porte s'ouvrit lentement derrière eux et se ferma avec juste ce qu'il faut de bruit pour que tout le monde se retourne, intrigué. Craig jeta un regard en arrière. Et ce qu'il vit l'assomma de stupeur.
Mais qu'est-ce qu'il faisait là, lui aussi ? Ivan Rokov venait de faire irruption dans le couloir. Vêtu d'un costume gris impeccable, légèrement brillant sous cet éclairage intense, Rokov était en train de fumer un énorme cigare, avec un air tellement arrogant que Craig sentit monter en lui une inextinguible envie de lui sauter à la gorge.
— Qu'est-ce que tu fous là ? fit Craig en aboyant. C'est quoi ce délire, hein ?
Pour toute réponse, Rokov eut un sourire, tandis qu'il époussetait son costume d'un revers de la main. Craig se tourna alors vers Sibirsk et Komarov. Cette grosse pute de Sibirsk souriait de toutes ses dents comme un prédateur assoiffé de sang – ce qui n'était vraiment pas très engageant. Komarov, lui, semblait déjà beaucoup plus raisonnable. Son visage était grave, mais son regard avait l'air sincèrement navré. Seulement voilà, il pointait sur lui une arme tellement énorme qu'elle eut aisément pu passer pour une pièce d'artillerie. Abby, elle, faisait de grands yeux d'incompréhension et, tremblante, elle semblait dévorée vivante par la peur. Personne ne disait rien. On n'entendait que le grésillement des néons.
Craig se retourna une nouvelle fois vers Rokov, réitérant sa question, avec moins de fougue et d'emportement que précédemment, faisant preuve d'une certaine pondération. Car il ne se sentait étrangement plus chez lui. Il avait la très désagréable impression que la situation lui échappait. Et qu'il n'était donc plus du tout en position de force.
— Ivan, que fais-tu ici, là, maintenant ? demanda-t-il posément. — Tu n'as toujours pas compris ? répliqua Rokov d'un air songeur avant de tirer longuement sur son cigare. — J'ai bien peur que non. Mais tu vas sûrement me l'expliquer. Tout de suite.
Il y eut un long silence.
— Eh bien, mon très cher Craig... Je pense que notre ami Mikhaïl ici présent va se faire un plaisir de tout t'expliquer, asséna Rokov avec un sourire carnassier. N'est-ce pas, camarade Komarov ?
« Camarade ? » se demanda Craig. Il se retourna vers Mikhaïl. Celui-ci commença à se tortiller. Mais son bras ne bougeait pas, pointant toujours fermement l'arme sur Craig.
— Eh bien, Mikhaïl ? Il paraît que tu as des choses à me dire ? lança-t-il, intimant à Abby de venir vers lui d'un geste de la tête.
Elle s'exécuta.
— Je suis désolé, Nathan, répondit doucement Mikhaïl. Ça n'était pas mon idée. Il m'y a forcé, lâcha-t-il avec soulagement.
Abby vint se blottir contre Craig, qui lui murmura que tout irait bien, tout en s'interposant subtilement entre elle et le canon pointé par Komarov.
— Qui t'y a obligé ? Qui ? Rokov ? demanda-t-il fermement en jetant un œil à l'intéressé qui ne cilla pas. — Évidemment ! Qui d'autre ? s'emporta machinalement Komarov. — Du calme, du calme, tempéra Craig. Mais que comptez-vous faire ? Et pourquoi cette arme ? Vous n'allez quand même pas... — Futura Genetics n'a plus besoin de toi, asséna Rokov.
Craig se retourna vivement vers Ivan Rokov, tout en tenant fermement Abby, contrôlant l'angle pour la maintenir à l'abri.
— Comment ça, plus besoin de moi ? Vous comptez me supprimer ? Moi ? Et elle, par la même occasion ? Mais vous êtes complètement timbrés ! — Tu n'as toujours rien compris, Nathan, soupira Rokov. Après toutes ces années. Tu n'as toujours rien compris à la Russie. — Vous voulez dire... — Bien sûr. Aurais-tu oublié nos méthodes ? Qui se souciera de toi ? Qui ? Nous te ferons disparaître, purement et simplement. — Et Futura ? Le labo, tout ça ? Vous comptez en faire quoi ? Supprimez-moi, et c'est le géant mondial de la génétique que vous mettez à terre. Vous ne voulez pas ça. Vous avez trop besoin de Futura pour faire briller votre fichu pays ! En fait, j'ai toujours su qu'il ne s'agissait que de ça ! Abriter Futura pour prétendre être un pôle d'excellence dans la Recherche mondiale. Je me trompe ? — Tu as tout compris, Nathan. Pas étonnant, venant d'un génie. Il n'en est donc que plus drôle, exquis, de voir que c'est un tout petit détail, presque insignifiant, qui te condamne. — Pardon ? s'étouffa Craig en serrant Abby si fort qu'elle se sentit défaillir. — Dommage que ton peu de goût pour l'Administration te soit fatal, ricana Sibirsk derrière Craig.
Celui-ci ne se donna pas la peine d'honorer Sibirsk de son regard. Il l'ignora, exigeant une réponse de la bouche de Rokov. Celui-ci s'exécuta, faussement navré, laissant transpirer à l'extérieur tous les signes classiques d'une jubilation intérieure.
— Eh bien... Il se trouve que tu n'as pas fait ton boulot. Tu n'as pas su voir les signes annonciateurs. Oh ! Le « grand » Craig qui n'aurait pas fait correctement son travail ? Difficile à croire. Et pourtant... — Annonciateurs de quoi ? fit Craig posément, calmement, malgré qu'il fut ulcéré, et malgré toute la rage folle qui l'habitait et qui montait en lui comme une écume de rancœur bouillonnante. — Nous t'avons racheté, asséna Rokov. Tu n'as plus aucun contrôle. Tu n'es plus au pouvoir, Craig. Nous avons courtisé puis soudoyé tous tes actionnaires. Nous avons obtenu des promesses de vente. D'ici quelques jours, moi et mes associés aurons tout racheté. L'intégralité de Futura Genetics passera aux mains de la Russie. Dans quelques jours à peine, je serai PDG de ton entreprise. Et le nouveau directeur des recherches est ici. Juste derrière toi.
Craig n'eut même pas besoin de se retourner. Il savait très bien de qui Rokov était en train de parler. Komarov. Mikhaïl Komarov. Scientifique compétent, frôlant même parfois le génie. Une taupe, se dit Craig, amèrement. Une taupe !
— Vous m'avez infiltré ? s'offusqua Craig en écarquillant les yeux, relâchant son étreinte sur Abby.
C'était à son tour de défaillir.
— Précisément. Toutes les actions de Futura Genetics passeront aux mains de la Russie, pendant que des scientifiques russes s'empareront de tous les postes névralgiques. En quelques jours, Futura Genetics aura complètement changé de mains. Et tu n'auras rien vu venir. Ton peu de goût, ton dédain – voire ton mépris – pour la gestion administrative t'ont perdu. Tu pensais t'en être remis à des personnages de confiance, à qui tu graissais la patte, que tu entretenais largement.
Rokov éclata de rire avant de reprendre.
— Mais tu ne pourras jamais rien contre mon immense fortune. — Le pétrole, souffla Craig entre ces dents. Gazpran. — Précisément. Je suis plus riche que tout ce que tu pourras jamais imaginer, Craig. J'ai promis monts et merveilles à ceux que tu pensais acquis à ta cause grâce à ton talent et ton argent. Mais qui es-tu comparé à moi ? Rien. Tu n'es rien. Je suis infiniment plus riche que toi. Et j'ai une vision pour la Russie. Un projet. Un grand projet.
Les yeux dans le vague, Craig ne dit pas un mot. Il était estomaqué. Rokov eut un grand sourire carnassier.
— Je t'ai racheté, Craig. C'est fini. Fin de partie.
Il y eut un long silence, pesant. Ce fut Craig qui reprit la parole. Il savait que la partie était extrêmement mal engagée, aussi avait-il intérêt à vite reprendre la main. Mais il ne savait pas du tout comment.
— Pourquoi ? demanda-t-il, sans trop savoir lui-même ce qu'il attendait. — Tu le sais très bien, répondit Rokov d'un air narquois. Le plan. — Ah ! Oui. Le plan, répéta Craig, d'une voix éteinte.
Il se savait fini, mais il revint à la charge. Abby lui lacérait le bras de terreur.
— Ton fichu plan, hein ? s'emporta Craig, avec une telle violence dans la voix que tout le monde sursauta. Mais qu'est-ce que tu crois ? C'est toi qui n'as rien compris ! Tu crois que Komarov saura faire tourner la boîte tout seul ? Que tu n'auras pas sur le dos une nuée d'experts sceptiques ? Futura Genetics, c'est MOI ! Et personne d'autre ! J'ai créé cette entreprise, je l'ai portée à bout de bras, je suis son moteur ! Sans moi à la tête de Futura, plus personne ne vous fera confiance ! Vos résultats seront sans cesse questionnés, soupçonnés ! Vous pourrez enrichir tant que vous voulez la banque du génome, plus personne ne s'intéressera à ce que vous faites ! — Détrompe-toi ! — Ta gueule, Ivan ! Ta gueule ! vociféra Craig d'une voix d'outre-tombe. Tu ne sais rien de la Science ! Tu ne sais rien de la Recherche ! Tu n'as pas idée de l'importance de la confiance dans ce milieu ! Tu crois sans doute que posséder et, dans le meilleur des cas, vaguement diriger Futura Genetics sera suffisant ? Tu crois que ton petit hold-up minable fera de la Russie un pôle d'excellence pour la recherche en génie génétique ? Tu crois que ce détournement fera du bien à ton pays ? Tu crois restaurer une partie de la splendeur passée de l'URSS ? Mais tu es complètement timbré, Ivan ! Dans quel monde vis-tu ? Tu es pathétique ! — ... — La confiance ! C'est ça, le maître mot ! La réputation, puis la confiance ! Tu crois que mes collègues scientifiques du monde entier laisseront ça passer ? Sans se poser de questions ? Qu'ils se laisseront abuser ? Tu crois peut-être qu'ils continueront de boire les paroles de Futura comme si c'était toujours les miennes ? Tu n'as rien compris ! Rien ! Tu es pathétique, Ivan ! Tout ce que tu auras réussi à faire, c'est de faire tomber Futura, de la traîner dans la boue ! Mon pays sera bien emmerdé, de ce point de vue là, tu auras de quoi être content ! Mais c'est tout ! Ils ne regretteront pas d'avoir laissé filer Futura, puisqu'elle ne filera pas ! Elle se crashera ! Un point c'est tout. Ils seront bien emmerdés d'avoir perdu ce laboratoire, mais jamais ils ne se soucieront que la Russie l'ait repris. Ça ne marche pas comme ça. La vérité, c'est que les scientifiques du monde entier seront ulcérés ! Ulcérés de voir un pays injecter ainsi de l'argent dans un laboratoire de recherche sans avoir la moindre idée de ce qu'il fait ! Ils se sentiront trahis ! Trahis par l'argent tout puissant ! Ils ne pourront pas croire un seul mot de tes manigances ! Ils se demanderont ce que tu es en train de manigancer. Et ils le découvriront assez vite. Les résultats de Futura vont s'effondrer. Sans avoir le temps de comprendre ce qu'il te sera arrivé, Futura sera bannie. Reniée. Ignorée. Tu pourras alors injecter autant d'argent que tu veux, tu seras isolé. La Recherche, c'est une alliance, une entraide, une coopération. C'est un travail d'équipe. Et à ce petit jeu, le surdoué qui se la joue tout seul dans son coin sera piégé. Tu es fini, Ivan. Fini. Tu comprends ? — Tu peux bien dire ce que tu veux, rien de tout ça n'y changera rien. Futura Genetics change de mains, répéta Rokov. Que tu le veuilles ou non. Ensuite, advienne que pourra. — Advienne que « pourra » ? Mais c'est tout vu ! Futura Genetics va s'effondrer. Et tu auras perdu un sacré paquet de billets, lança Craig comme un défi.
Abby ne savait que faire. À voix basse, elle pria Craig de les sortir de là. Pour toute réponse, elle eut un hochement de tête. Ça n'était pas une garantie de résultat, mais c'était déjà ça.
— Bon, tu as fini ? demanda Rokov poliment. Tu as fait ton baroud d'honneur, tu as sauvé les apparences ? On peut passer à la suite ? — Quelle suite ? demanda Abby avec un regard d'horreur. — Mademoiselle Lockart, vous n'êtes pas sans savoir qu'une partie du plan est de vous supprimer, répondit Ivan en faisant tournoyer son cigare. — Laissez-la ! Elle n'a rien à voir avec tout ça ! s'emporta Craig en tentant de rassurer la jeune femme. — Oh, que si ! Elle en sait beaucoup trop.
Abby frémit d'horreur. Voyant cela, Craig essaya de gagner du temps. Il ne s'attendait certes pas à ce que les méchants révèlent leur plan comme dans les mauvais films, mais il devait essayer. Komarov avait l'air presque désolé. Peut-être que lui accepterait...
— Attendez ! hurla Craig. Nous avons le droit de savoir. — Oh, mais regardez-le ! Il essaie de gagner du temps ! N'est-ce pas touchant ? Touchant de naïveté ? siffla Rokov avec un air de tueur.
Craig chercha Komarov du regard. Ils étaient presque devenus amis. Il l'implora d'un mouvement de tête.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ? demanda Komarov gentiment, sincèrement.
Rokov et Sibirsk eurent un petit mouvement de surprise. Mais Rokov laissa couler. Après tout, pourquoi pas ? Ils n'étaient plus à cinq minutes près.
— Pourquoi ? Pourquoi est-ce que Sibirsk est là ? demanda Craig.
Komarov hésita un instant, échangeant un regard avec Sibirsk, qui hocha de la tête. Il baissa son arme.
— Tu le sais très bien. — Tu veux dire que... vous avez réussi ? — Oui, Nathan. On a réussi. — Et, évidemment, tu ne m'as rien dit. — Évidemment que non. C'est pour ça que nous voulions récupérer Futura. Tu sais, ça devenait difficile de te cacher ça. Tu avais peut-être bien raison sur le fait que Futura risque de s'effondrer, reprit Komarov sans répondre directement. Mais pas avec ça. Pas avec une telle découverte. Avec ce truc, nous sommes les rois du pétrole. Mais de toute façon, je ne suis pas sûr que la Russie veuille divulguer ces informations. Du moins, pas en l'état. Nous avons encore trop de choses à découvrir.
Abby ne comprenait plus rien. Qui avait réussi quoi ? Elle avait l'impression de nager en plein délire.
— Comment as-tu fait ? redemanda Craig posément.
Komarov eut un petit sourire navré.
— Oh ! C'est très simple. La réponse tient en un seul mot. — ... Eh bien ? s'énerva Craig. — Daryznetzov, lâcha Komarov très calmement.
Soudain, tout prit sens dans l'esprit de Craig. Il s'était fait avoir en beauté.
— Je suis désolé, Nathan. Mais il faut en finir. — Maintenant ? — Oui. Maintenant. — Comment vous allez faire ? — Eh bien... Disons que tu ne mourras pas idiot. J'ai encore quelque chose à te montrer. Même si, j'en ai bien peur, cela n’est pas précisément ce qui va vous tuer. Tous les deux.
Komarov se mit en route, tandis que Rokov sortait un flingue monstrueux pour les forcer à avancer. Craig jeta un regard qui se voulait rassurant à Abby, mais ça n'eut pas l'effet escompté. La jeune femme, qui ne lâchait pas son bras, semblait au plus haut point terrorisée.
Ils avancèrent un long moment dans les couloirs du laboratoire. Craig se rendit alors compte, avec une naïveté qui l'émerveilla lui-même, qu'il ne connaissait pas aussi bien l'architecture de son labo qu'il ne l'aurait dû. Comment s'étonner, dès lors, que Komarov ait réussi à le lui cacher ? Il s'en voulut profondément. Marchant d'un pas lent dans ce qui ressemblait de plus en plus au couloir de la mort, soutenant Abby qui n'en pouvait plus, Craig réfléchissait à toute allure. Il n'y croyait plus vraiment, mais son instinct de survie ne pouvait s'empêcher d'essayer de trouver une échappatoire. Mais y en avait-il seulement une ?
En fait, se dit Craig, tout dépendrait de ce que Komarov allait leur « montrer ». Mais, pour être tout à fait honnête, Craig n'avait pas la moindre idée de ce que cela allait bien pouvoir être. Quelque chose en rapport avec les recherches ? Capable de les tuer ? Non. Craig n'en avait pas la moindre idée. Ou alors...
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