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Human Genome
Corentin : Human Genome  -  Épilogue - La manière russe
 Publié le 14/02/09  -  6 commentaires  -  5714 caractères  -  79 lectures    Autres publications du même auteur

ÉPILOGUE


La manière russe


La conférence était terminée. Les journalistes s'en étaient allés. Craig avait eu une discussion houleuse avec les sbires de Meskine, puis ils avaient vidé les lieux. Abby avait ensuite vu Craig s'éclipser discrètement vers les toits de l'immeuble. Elle monta, dans l'espoir de le rejoindre. Arrivée au dernier étage, elle poussa la petite porte menant au toit.


Craig était accoudé à la rambarde, le regard dans le vide, par-delà les toits moscovites, par-delà les gigantesques enseignes de Gazpran et du World Trade Center, le regard perdu dans la nuit de la capitale, pleine de lumières papillonnantes, zébrée par le blizzard. Il ne ferait pas jour avant encore quelques heures.


Abby s’approcha puis vint s’accouder aux côtés de Craig. Après un long silence, elle se décida à parler.


— Qu’allez-vous faire, maintenant ?

— Je ne sais pas trop. Je vais être jugé. Cela peut prendre des années. Ma société va être liquidée. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de moi.

— Mais vous êtes riche, et influent. N’y a-t-il rien que vous puissiez faire ?

— Riche, je le suis. Influent, je ne le suis plus. Ce procès va être surmédiatisé. Comment voulez-vous que je m’en sorte ?

— Vous êtes quelqu’un de brave. Quelqu’un de fort.

— Je ne sais pas. Je ne pense pas que j’aurai la force. Pas cette force-là. Pas pour me battre contre ces gens-là. Tout le monde veut ma peau.

— Je...


Il y eut un long silence gêné. Craig ne broncha pas.


— Vous… vous êtes quelqu’un de bien, reprit Abby.

— Merci, fit-il avec beaucoup de reconnaissance.

— Je… je serai là pour vous. Je serai là. À vos côtés. Même dans les moments difficiles qui s’annoncent.


Craig eut un léger mouvement. Il se tourna vers elle.


— Merci, Abby, fit-il tout doucement.


Elle s’approcha de lui, imperceptiblement. Craig eut un sourire et, délicatement, Abby vint se blottir contre lui. Lentement, il la prit dans ses bras. Ils restèrent ainsi un long moment, prostrés. Abby releva la tête, les yeux embués, cherchant Craig du regard.

Elle se rendit compte qu’il pleurait aussi.

Alors, elle lui sourit. L’instant d’après, leurs lèvres se rencontrèrent. Ils s’embrassèrent lentement, pudiquement. Puis ils poussèrent un long soupir de soulagement. Craig se pencha en avant pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Abby eut un petit rire. Puis ils s’abandonnèrent tout entier l’un à l’autre.


Mais alors qu'elle le serrait amoureusement dans ses bras, il fit un geste brusque et elle sentit une douleur fulgurante lui perforer le ventre. Elle se crispa, foudroyée par la douleur. Elle sentit un liquide chaud suinter sur sa peau.

Tout de suite, elle comprit.

Ce salaud venait de la poignarder.


Elle tenta de dire quelque chose, mais sa bouche n'émit aucun son. Il était tellement sûr de l'avoir mortellement touchée qu'il ne chercha même pas à la retenir lorsqu'elle fit quelques pas mal assurés vers l'arrière, en titubant. Elle hoqueta puis sentit un goût chaud et cuivré s'insinuer dans sa bouche. Elle fut prise d'un spasme violent puis vomit du sang. Terrifiée, elle interrogea vainement Craig du regard, cherchant une réponse qu'elle savait ne pas exister.


Craig resta stoïque, d'un air absent, presque désolé.

Il avait encore la main serrée contre la poitrine, renfermant sûrement le poignard qui venait de lui traverser le ventre. Son joli costume était maculé de sang. En hoquetant, elle tenta de soutenir son regard de dément. Mais ce qu'elle découvrit lui glaça le sang.


Les yeux de Craig étaient vides, cadavériques.

Il fit un pas en avant, lentement, chancelant. C'est alors seulement qu'elle se rendit compte, avec une horreur absolue, que Craig n'avait jamais eu de poignard dans la main. Il essaya de parler, mais quelque chose l'en empêcha, emprisonnant à jamais la vérité dans sa tête. Il vomit du sang à son tour, essaya de respirer, mais ses poumons étaient collapsés. Il s'effondra lourdement dans la poudre blanche, les mains crispées dans le givre, agonisant. Son corps convulsa encore quelques instants, accompagné de suffocations désespérées. Il baignait dans un liquide épais, noir, parcouru de reflets rougeâtres, fumant doucement au contact des cristaux de neige qui luisaient comme des diamants.

Il eut un dernier spasme.

La face écrasée dans la neige, Craig reposait, indiciblement mort.


Ce ne fut qu’à cet instant qu'Abby comprit pourquoi Craig s’était effondré : un jeune homme en costume noir surgit de la nuit, pointant froidement sur elle un revolver équipé d'un silencieux.

Il venait d'abattre Craig d'une balle dans le dos.

Le projectile avait traversé son corps de part en part avant d'achever sa course mortelle dans le ventre d'Abby. Celle-ci fit quelques pas en arrière puis s'effondra en sanglotant. Tout dans sa tête fichait le camp. Comment tout avait-il pu basculer aussi vite ? Mais qu'importe.

Craig était mort.

Alors, elle pleura toutes les larmes de son corps.


Son esprit s'embrumait. Tout dans sa tête déraillait. Mais lorsqu'elle vit s'arrêter devant son regard embrumé deux chaussures parfaitement cirées surmontées d'un pantalon impeccable, soudain, tout devint clair.

Elle se souvenait du type qui venait de lui ôter la vie.

Elle savait qui était celui qui venait de la tuer, elle, ainsi que l'homme qu'elle aurait tant voulu aimer. Le tueur était venu s'installer au premier rang de la conférence, avec les hommes de Meskine.


Alors, elle comprit qu'elle n'était qu'une énième victime d'un crime politique. Dans un dernier accès de conscience, amère, elle se dit que rien de tout ça n'était juste.

Mais le meurtre était typique de la manière russe.


 
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   David   
14/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Deux morts à la fin, deux morts au début...

   CitizenErased   
14/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce roman m'a beaucoup plu, il tient très bien la longueur et dieu sait (dieu, you know, celui qui a créé le monde il y a 4000 ans) que ce n'est pas facile.
Bravo et merci !

   Menvussa   
3/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La fin est jolie, digne et bien pratique. Car finalement il n'aura pas de comptes à rendre.

Le roman m'a plu. Bon, je ne m'étais pas trop trompé sur le "prétexte" pour pouvoir énoncer une théorie et en démolir une autre.

Dans ses démonstrations ton Sibirsk était le plus convainquant mais c'était un sale type.

Craig, le génie me semble bien décevant sur la fin, mais il était fatigué.

J'imagine tout ce travail de documentation, toutes ces connaissances que tu as dû assimiler pour en définitive user d'un stratagème un peu simpliste pour "imposer" et non démontrer une conviction.

À mon sens il vaut mieux en rester au stade des hypothèses, c'est ce que fait Sibirsk, par honteuse diplomatie, peut-être mais il joue l'efficacité.

Semer le doute, amener le lecteur à tirer ses propres conclusions et souvent beaucoup plus efficace que de vouloir à tout prix imposer son point de vue.


Mais j'ai passé un très bon moment en lisant ce roman.

Merci

Mon appreciation finale vaut pour le roman dans son ensemble.

   macalys   
20/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
La fin me plait. Efficace et sans tache.


Je vais maintenant commenter ton roman dans l'ensemble.

Déjà, un grand BRAVO parce que boucler un roman n'a rien d'évident ! Et dans le tien, il y a beaucoup de choses intéressantes.

Le thème : L'éthique, la génétique sur fond de Russie et de coup fourrés entre hommes politiques et associations étranges, vraiment tout pour me plaire. Je suis une fan de Greg Bear et de Ken Follet, donc les romans d'anticipation scientifique et les thrillers c'est mon truc. Donc un sujet bien trouvé, et relativement bien mis en scène. Notamment, je trouve que tu as bien distillé les indices du complot tout au long de ton roman, maintenant le suspense sans trahir le lecteur. Tu as dû compulser une sacré documentation pour mettre ton intrigue en place.
MAIS, dans bien des chapitres, j'ai eu l'impression de lire des articles de vulgarisation scientifique sous forme de dialogues (comme des interviews). Ton intrigue et tes personnages disparaissent alors complètement au profit d'un exposé plat (même si intéressant). Je crois que tu as un équilibre à trouver entre informations et intrigue. Tu as aussi tendance à disgresser, parfois sans lien avec ton récit. Je pense en particulier à ce long développement sur l'armée russe.
Et pourquoi pourquoi pourquoi n'as-tu pas développé sur l'apparence et les fonctions de Homo Futurus ??? Je suis restée sur ma faim.

La structure du roman : Comme je l'ai dit au-dessus, elle est bien pensée. Elle est progressive et plutôt bien amenée.
En revanche, je crois que la présentation des personnages et les chapitres du début sont à revoir. On ne rentre pas assez vite dans le vif du sujet, et certains détails sont vraiment inutiles, par exemple le fait que Craig aime les sports extrêmes. S'étendre dessus pendant un demi-chapitre n'apporte rien pour la suite.
Ton roman comporte aussi des petites incohérences, que Menvussa et David ont relevées. J'en ai vu d'autres que j'ai détaillées dans mes commentaires au long cours.

Les personnages : Ce sont eux qui m'ont le plus déçue dans ton roman. En fait, il n'évoluent pas du tout au cours du roman... Malgré les nombreux évènements traumatisants qu'ils vivent, ils restent des clichés (la naïveté d'Abby est vraiment exagérée). Souvent, leur personnalité s'efface derrière les dialogues scientifiques, et c'est bien dommage, car dès que tu leur prête un peu d'attention, ils prennent du relief et ton histoire avec.

Les situations : Tu te débrouilles très bien pour décrire les scènes d'action. La poursuite, par exemple, on s'y croirait. Les passages où tu décris des habitudes ou des lieux russes rendent bien et donnent une âme aux scènes.
Mais trop souvent, tu nous laisses avec des dialogues sans rien nous décrire du contexte, alors que cela pourrait enrichir ton propos et tes personnages. Je trouve cela dommage car quand tu soignes l'ambiance, tu le fais bien.

Le style : Ce n'est pas ce que j'ai préféré. J'aime bien ta façon de trancher sur un paragraphe avec une phrase. Il y a aussi pas mal d'humour dans ton roman.
Mais, j'ai trouvé aussi que tu multipliais les adverbes, les incises, et cela alourdit le rythme. Pas mal de répétitions, également. Des formules alambiquées. Bref, je crois que tu peux fluidifier tout ça.


En bref, un roman à suspense, à mi-chemin entre l'anticipation scientifique et le thriller, intéressant à bien des égards, mais dont les personnages et l'atmosphère peuvent être étoffés et le style plus travaillé.
(La note vaut pour tout le roman)

   Anonyme   
15/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quel coup de poing !

J'ai vraiment été sidéré par la fin. Rien, absolument rien ne m'avait préparé à ça !

Je ne m'attendais vraiment pas à ce que Craig et Abby meurent, lâchement assassinés ; d'où cette fameuse "manière russe".

Les "fins" de ce genre sont extrêmement rares. La raison principale en est qu'elles ne sont pas vendeuses, et je pense que cette fin aurait été tout simplement refusée par la quasi totalité des maisons d'éditions, mais c'est une fin issue d'un choix personnel et je la respecte pour ça.

Toutefois, personnellement je n'aurais pas fait ce choix, car ça ne colle pas vraiment avec l'ambiance du roman, et plus précisément avec la relation que Craig et Abby ont entretenu tout au long de celui-ci, et ce malgré une forte propension au crime et autres carnages ensanglantés. En plus l'épilogue venait de débuter à l'eau de rose ; la fin n'en aura été que plus inattendue et dramatique.

Pour le reste, l'auteur possède d'excellentes connaissances en matière de théories évolutionnistes, mais aussi en thermes de clonage humain, d'histoire et de "mentalité" russe.

Un roman, donc, de bonne facture.

   cherbiacuespe   
3/1/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Suite et fin avec une confirmation des sentiments amoureux depuis longtemps évident pour le lecteur et la surprise de leur mort tragique. "le meurtre est typique de la manière russe"... Bof! C'est une manière accolée à trop de nations et de peuple. On aurait pu se passer de cette conclusion plutôt vaseuse à mon goût.

Sur l'ensemble, je trouve qu'on est resté trop en surface de cette histoire. J'ai l'impression d'une succession de nouvelles presque indépendante les unes des autres dans leur traitement (pas sur le fil, bien sûr). On reste un peu sur sa faim sur la question du message de fond qui reste toujours obscur. Écrire un roman jusqu'au bout n'est cependant pas une sinécure, alors félicitation pour y être parvenu.


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