Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Aventure/Epopée
Absolue : Mozart en plein ciel
 Publié le 12/11/07  -  9 commentaires  -  9108 caractères  -  46 lectures    Autres textes du même auteur

Zoé et Delphine se préparent à réaliser leur rêve : un saut en parachute ! (nouvelle écrite en 1997)


Mozart en plein ciel


Allegro Con Brio. Ma chambre. Le flot de notes me submerge l'esprit et fait frissonner mon corps. Dehors, il pleut à verse et j'ai ressuscité Mozart. Par une simple pression du doigt sur un bouton, je lui ai redonné vie. Il n'a que quelques minutes pour me transmettre son message. Moment intense. Précieux. Profond.
Sa musique, cette part de lui-même, coule sur moi, enveloppante.
Elle hérisse ma peau, s'enroule autour de mes poignets et de mes chevilles, pénètre dans mes oreilles. Elle s'engouffre dans mes yeux et dans mes narines. Je l'entends, la ressens, je la vois frapper contre les vitres. Je la respire. Elle m'inonde. Comme la pluie inonde en ce moment la terre. Et je ferme les yeux, pour plonger au fond de moi-même. Recueillir ce qu'elle a fait naître.
Je me désaltère à cette cascade limpide avant qu'elle ne s'évapore, avant qu'elle...


- Zoé ! Zoé ! Es-tu bientôt prête ?

- Oui, oui, j'arrive dans deux minutes, attends-moi dans la voiture !


Aujourd'hui est un grand jour. Mon rêve d'enfant va bientôt se réaliser et j'ai trouvé quelqu'un avec qui le vivre et le partager.
Oui, c'est vrai, cela me fait peur. Cela nous fait peur à toutes les deux. Pour Delphine, c'est la première fois. Pour moi aussi. Un véritable défi. Tout ce que j'espère c'est que nous ne serons pas déçues. Qu'une fois là haut, aucune de nous ne voudra revenir en arrière. Je me rappelle de l'époque où nous étions petites, lorsque nous nous amusions à sauter les escaliers de l'école. Quand je réussis pour la première fois une chute de six marches, j'eus le sentiment d'avoir accompli un exploit digne des plus grands. Je me souviens aussi de la mine admirative de ma jeune complice pour qui j'étais devenue, en quelques secondes, une véritable petite héroïne, elle qui ne sautait que les quatre premières marches ! À présent, lorsque nous nous la racontons, cette anecdote nous paraît si dérisoire par rapport à l'ampleur que nous lui avions alors donnée ! Avec une pointe d'amusement, je me dis, à quelques heures du grand saut, que Delphine a aujourd'hui l'occasion de prendre sa revanche sur mes deux marches d'avance.


- Zoé ! Dépêche-toi donc ! Qu'est-ce que tu fabriques ?

- Je mets un pull et je viens !


Le dernier jour des cours théoriques, notre moniteur, Alex, nous avait prévenues qu'il fallait bien se couvrir avant de sauter dans le vide. Même si c'était l'été, la température chutait considérablement là-haut et le vent, lié à la vitesse de la chute, ajoutait à cette impression de froid. Durant ces trois jours de cours, on nous avait appris les choses essentielles. On nous avait prévenues qu'il y avait des risques mais qu'on pouvait facilement les éviter en respectant les mesures de sécurité. On nous avait surtout rassurées et Alex nous avait juré que tout se passerait bien. C'est donc dans l'espoir d'une expérience excitante et enrichissante que je descendis les escaliers pour rejoindre Delphine qui s'impatientait dans la voiture.


Lorsque je m'installai à ses côtés, je vis dans son regard tout ce que j'éprouvais au fond de moi : un mélange d'incertitudes, d'incrédulité et de joie indicible. Nous en rêvions depuis si longtemps... Pendant un long moment, nous restâmes silencieuses. Une émotion partagée se passe de paroles. Je me surpris à observer le ciel, croyant sans doute y déceler un signe, un message rassurant. Dans moins d'une heure, je serai là-haut en train de réaliser mon rêve. Qu'éprouverai-je alors ? Et si mon cœur cessait de battre ? S'il n'avait jamais battu que pour ça, que pour aujourd'hui ? Malgré la chaleur qui règne dans la voiture je ne peux m'empêcher de frissonner. Le vide du ciel sera-t-il encore plus grand et plus mystérieux que celui que je ressens en ce moment ? À présent, je sens en moi comme un gouffre. Je me penche pour voir le fond mais j'ai le vertige. J'ai le vertige et la tête me tourne...


- Zoé... Nous sommes arrivées !


Première parole. Ces mots semblent flotter dans l'air, irréels.


Le sourire d'Alex nous accueille aussitôt. À le voir ainsi, détendu et confiant, je me décrispe un peu. Pour lui, ce jour est un jour comme les autres. À peine avons-nous posé le pied à terre qu'il nous présente le pilote, un type d'aspect douteux, grand, osseux, les yeux très renfoncés. Je sens qu'il nous observe. Il semble vouloir nous mettre à jour, découvrir une faille dans notre belle assurance qui n'est - je suis sûre qu'il l'a deviné - qu'une façade.
Je ne veux plus. J'ai trop peur. Delphine, fais quelque chose ! Tu ne vois pas qu'il va nous tuer avec sa gueule d'assassin ?
Alors que je lui adresse cette prière muette, Alex nous invite à prendre place dans l'avion. Le pilote, qui s'appelle Fred, est déjà aux commandes. J'ai l'impression d'être victime d'un rapt tant mon angoisse est forte. Je voudrais faire demi-tour, courir très loin, le plus loin possible, pour leur échapper. Une fois installés à bord, Delphine me prend la main et se met à la serrer très fort. Si elle continue de serrer ainsi, je sens que je vais hurler. Mais elle me lâche et presqu'aussitôt nous décollons. Alex nous donne les dernières recommandations, nous rappelle les consignes de sécurité. Ce sont ces précieuses secondes avant l'ouverture du parachute qui me font le plus peur. Et s'il ne s'ouvrait pas ? Je ne suis pas croyante et pourtant je pense que je n'ai jamais autant prié que ce jour là...


Le vol me paraît si long... Au fur et à mesure de notre ascension, je me rends compte combien il est aisé de quitter la terre. Vus de haut, les maisons, les routes et les gens paraissent si insignifiants par rapport à l'infini des cieux ! Minuscule notre planète et pourtant irrésistible...


- Venez près de moi, je vais vous harnacher.


Perdues dans nos pensées, nous sursautons toutes les deux à la voix d'Alex qui se moque gentiment de nos mines effrayées.


- Qui se lance la première ?


Puisqu'il en faut une, ce sera moi... Si Delphine est d'accord !
Je me tourne vers elle et à son air soulagé et reconnaissant, je devine que oui.


- Dans quinze minutes environ, tu te posteras près de la porte, prête à sauter. Lorsque je te donnerai le signal, tu pourras te lâcher dans le vide. Surtout, pas d'hésitation. Immédiatement après, c'est à ton tour Delphine. À mon signal, tu iras rejoindre Zoé. N'oubliez pas mes recommandations et tout se passera bien. Je vous souhaite un agréable saut et... Restez confiantes !


Figée près de la porte, j'attends. J'attends que défilent ces interminables secondes à apprivoiser le vide. Plus je le regarde et plus il me terrifie. Il est là, tout près mais insaisissable. Bientôt, je vais me fondre en lui et nous ne ferons plus qu'un. De nouveau, j'ai le vertige et la tête me tourne. Ce face à face avec l'inconnu, ce rendez-vous presque charnel, me fait peur et m'enivre tout à la fois. Je jette un coup d'œil vers Alex qui surveille sa montre. Il me sourit et m'apprend qu'il me reste encore sept minutes. Je ferme les yeux pour ne plus voir l'invisible. Mais il est toujours là, je le sens. Je sens son souffle glacé sur mon visage. Il est terriblement silencieux et ce silence est insupportable. Trois minutes. La trouille de ma vie. J'ouvre à nouveau les yeux et je le regarde bien en face. Bientôt, je me livre à toi. Bientôt, je ne pourrai plus échapper à ton étreinte. Encore une minute. La plus longue. Une minute et je réalise mon rêve. Je prends une grande inspiration. Une dernière prière et... Le signal !


Mozart en plein ciel. Il n'a jamais joué aussi bien, aussi fort. Il me traverse de part en part, je le sens dans toutes les fibres de mon être. Je voudrais croire que tu joues pour moi. Le vide ne l'est plus. Il est musique et symphonie et il m'enveloppe tout entière. Mon corps est sensations et délicieux frissons. Je tombe et pourtant j'ai l'impression de m'envoler. Je me sens légère. Mozart, je ne t'entends pas, je te ressens. Le ciel est ton instrument. Joue encore un peu pour moi ! Quelqu'un a baissé le son... À moins que ce ne soit quelque chose ? Je viens de prendre conscience de l'ouverture du parachute. Je ne me rappelle pas l'avoir ouvert. La musique s'est tue tout à fait maintenant. Je redescends lentement sur terre, consciente d'avoir vécu un moment intense. Cette fois, le silence m'apaise et mes craintes ont disparu. Le ciel est mon domaine et je le traverse, légère. Je ne pense plus à rien, je suis bien et j'ai réalisé mon rêve...


- Zoé, Zoé ! Delphine t'attend !


Cette voix... L'impression qu'il y a quelque chose qui cloche. Et que fait cette chose molle sous ma tête tout à coup ? Comment est-elle arrivée là ? Ma position est étrange. J'ai soudain trop chaud et je ne vois plus rien autour de moi. Que m'est-il arrivé et où suis-je ?
Je viens de me rendre compte que j'ai les yeux fermés et je n'ose les ouvrir. Il s'est sûrement passé quelque chose de très grave.
Mais je ne peux rester éternellement dans cette position, d'autant que mon bras est tout endormi et que je ressens le besoin pressant d'uriner. J'ouvre un œil. Puis l'autre.


Le disque s'est arrêté.



 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
12/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La façon dont sont décrites les impressions qui accompagnent l'embarquement, l'ascension sont très bien rendues. Les indices qui annoncent la chute sont distribués avec parcimonie et de façon subtile. Le parallèle entre le saut et la musique de Mozart est plaisant. L'introduction de la chute par l'expression "Redescendre sur terre" dans ce contexte est une bonne trouvaille . L'envie pressante qui ramène aux réalités est très drôle.On notera que cette envie pressante aura quand même attendu la fin du dique

   studyvox   
13/11/2007
La nouvelle est bien enlevée.
Il y a l'attente d'un dénouement!
Je ne peux pas résister à la tentation de dire que la "chute de la nouvelle" est bien amenée.
Je me suis laissé surprendre!C'est bien.

   Bidis   
13/11/2007
Est-ce bien l'Absolue de "Mandala", l'Absolue de "Promenade en ville" ?!! Cela commence très bien : avec Mozart comme toile de fond et Absolue aux commandes, on va s'envoler... En définitive, je suis retée au sol. Et la fin m'a achevée avec un prosaïsme déconcertant. Mais l'idée était bonne, très, très bonne même. Et puis, comme dirait l'autre, ce n'est que mon avis...

   Twinkle   
14/11/2007
La description de la musique est belle et poétique: très réussie.

   xuanvincent   
19/7/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le titre, il me plaît bien, a retenu mon attention et m'a incitée à lire la nouvelle.

La suite ne m'a pas déçue.

L'histoire me paraît bien écrite. La passion de la narratrice pour la musique de Mozart est bien rendue et j'ai apprécié suivre ce personnage dans la réalisation de son rêve d'enfant.

La fin m'a amusée, je ne m'attendais pas à cette chute. D'accord toutefois avec Pissavy, l'envie pressante arrive à point nommé, seulement lorsque le disque s'est achevé.

   leon   
16/9/2008
 a aimé ce texte 
Bien
C'est bien écrit mais le motif et la chûte sont un peu légers.

   spock27   
25/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai trouvé le texte franchement pas mal. La chute ne me semble pas une facilité, simplement c'est une nouvelle donc tu as laissé "la finale ouverte", au lecteur d'y mettre ce qu'il veut, s'il le veut

un texte bien construit, il y a de la poésie là-dedans, un mélange assez curieux de légèreté et au fur et à mesure du texte, un sentiment étrange s'insinue en nous, nous préparant à une finale que l'on devine négative. c'est peut-être le seul infime reproche que l'on puisse faire sans doute : la fin n'est-elle pas annoncée trop tôt?

l'idée d'associé Mozart, le plaisir divin que l'on puisse ressentir en l'écoutant et la première chute en parachute de la mère et la fille est une excellent trouvaille.

tout cela m'incite à bien coté ta nouvelle.

j'en ai écris énormément mais elles sont restés au niveau du premier jet donc je vais en lire pas mal pour puiser non pas les idées de-ci de-là mais plutôt la forme et surtout les finales car pour moi "la chute" d'une nouvelle retient toute mon attention.

Bravo donc !

alain

   oskarya   
28/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
salut, le titre m'a attiré: j'adore Mozart. j'ai trouvé ce texte agréable à lire. et poétique il m'a fait passé un bon moment.

   Menvussa   
23/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Très agréable à lire. Mozart c'est superbe... mais il a réussi à t'endormir !


Oniris Copyright © 2007-2023