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Science-fiction
Alcirion : La tentation du dehors [concours]
 Publié le 18/09/17  -  13 commentaires  -  20814 caractères  -  150 lectures    Autres textes du même auteur

L'enfer, c'est les autres.


La tentation du dehors [concours]


Ce texte est une participation au concours n°22 : Inversons-nous !

(informations sur ce concours).



J'aurais pu me contenter d'appeler la sécurité, mais je l'avais au bout de mon arme. À deux cents mètres. Avec la lunette, pas moyen de le manquer. Un gamin l'aurait eu.


Le doigt sur la gâchette, j'ai attendu un peu, par sadisme sans doute. Je l'ai observé courir à perdre haleine de buisson en buisson. Il voulait grimper au sommet de la colline pour franchir l’enceinte qui délimitait notre territoire.


Il avançait bien, le salopard. Il serpentait bien à l'écart du chemin, jaillissant d'un coup sur quelques dizaines de mètres pour ensuite attendre prudemment quelques minutes, tapi dans la cache d’un nouveau bosquet desséché par un énième été caniculaire.


Le coup de feu me fit sursauter à l’instant même où j’allais appuyer sur la gâchette. Un voisin m’avait devancée, mais ce con-là tirait mal : la balle avait dû se perdre à plus d’un mètre de l’étranger. Complètement affolé, celui-ci s’était mis à courir comme un dingue vers le grillage dont ne le séparaient plus que quelques dizaines de mètres. Il l’avait escaladé dans un saut désespéré, s’arrachant la peau sur les morceaux de métal biscornus qui les parsemaient pour interdire en théorie ce genre d’intrusion sur le territoire.


Sur une cible immobile, je suis pas mal, mais pour tirer sur quelque chose en mouvement, j’avoue que je suis un peu limitée… Ma troisième balle était quand même parvenue à lui érafler l’épaule. Il avait poussé un cri d’angoisse, un cri de bête qui sent venir la fin, pensant sans doute que la blessure était plus grave, et basculant comme un sac de l’autre côté du grillage, avait disparu dans la forêt de hêtres qui encerclait le creux de notre vallée cachée...


Merde. Ce coup-là, il fallait vraiment que j’appelle les miliciens. Un gueux était parvenu à se faufiler sur notre territoire pour la première fois depuis six mois.



***


Debout au fond de la salle, les bras croisés, je voyais des lèvres inquiètes bouger frénétiquement dans un brouhaha épouvantable. On ne parlait que de l’intrus, on prenait des postures indignées, il y avait des secouages de têtes, des cris... Parfois, les soirs de grande lassitude, je me dis que je vis entourée d’une vraie bande de cons. Et puis je finis par me dire que je ne vaux pas mieux qu’eux, c’est l’isolement qui nous abrutit.


L’ermite, on l’avait même pas laissé parler. Trop de monde voulait prendre la parole dans la grand-salle du forum ce jour-là, les trois quarts de la communauté était présente, des gens effrayés et énervés. Et puis, de toute façon, les histoires du mystique en guenilles, ça durait toujours des plombes et c’était pas intéressant. Même pas foutu de faire tomber la pluie, ce vieux taré. Il avait comme qui dirait inventé une religion personnelle, mais trop, personne n’avait jamais rien compris à ses conneries. Il était arrivé dix ans auparavant, avec un sauf-conduit réglementaire, alors on l’avait laissé s’installer dans la forêt.


Avec espoir. Mais tout le monde avait vite compris qu’il ne connaissait rien aux techniques de maîtrise climatique, cette science oubliée qui nous faisait cruellement défaut. On savait, aux dires des voyageurs en règle qui s’arrêtaient parfois, que d’autres communautés les connaissaient encore et avaient apparemment de meilleures conditions de vie que les nôtres... Mais elles étaient loin, trop loin, on arrivait à survivre ici, les ressources de la vallée étaient abondantes, on parvenait à faire un peu de céréales, des cultures vivrières, alors pourquoi prendre des risques ? Partir à pied pour des centaines de kilomètres, avec les dangers des prédateurs mutants et les plantes carnivores mobiles, plus les chasseurs-cueilleurs New Age anthropophages devenus complètement timbrés à force de se reproduire entre eux, bizarrement, ça tentait personne...


Pour l’heure, l’urgence était de débusquer l’étranger de la forêt et de lui faire sa fête. On entre pas chez les gens sans frapper, c’est pas poli. Nous, on respectait les règles. Ça peut paraître absurde, puisque toute forme d’administration avait disparu depuis bien longtemps, mais ça nous rassurait. La coutume commençait à se perdre depuis une cinquantaine d’années, mais les communautés qui souhaitaient entrer en contact entre elles devaient dûment accréditer leurs émissaires avec un sauf-conduit. Car sans règles, plus de groupe et pas d’avenir.


Des « étrangers », il y en avait plusieurs centaines de millions qui couraient le monde selon la dernière estimation sérieuse vieille de soixante-dix ans... Depuis, le dernier média survivant, Internet, avait disparu. Mais pour être franc, au moment du black-out définitif, il ne restait déjà plus que quelques geeks qui parvenaient encore à alimenter leurs blogs. Les autres pages restaient sans mises à jour, terrifiantes. On avait vraiment un sentiment de vide et de peur en lisant les dates des derniers articles, certaines vieilles de plusieurs décennies...



***


Ce soir-là, c’était parti pour durer longtemps. Les vieux avaient vaguement essayé de faire respecter les tours de parole après inscription mais ils avaient vite démissionné.


Ça se passait toujours comme ça, de toute façon. Et puis, généralement au bout d’une heure ou deux, les gens commençaient à se lasser de s’énerver et deux ou trois types raisonnables arrivaient à emporter l’adhésion sur les décisions à prendre. Mais cette fois-ci, j’ai pas eu le temps d’avoir mal à la tête : trois miliciens ont failli défoncer les portes, tellement ils sont arrivés avec délicatesse et ont jeté dans le couloir central un corps frémissant et couvert de sang qui hurlait en hongrois ou en chinois, j’étais pas trop sûre, tout ce que je savais c’est que j’entravais rien à ce qu’il racontait : ça allait pas être simple...



***



Ce qui m’a poussée à proclamer le Droit de Reproduction, je ne saurais pas l’expliquer vraiment. Il m’a fait pitié sans doute. La peur et l’excitation avaient déchaîné l’hystérie de l’assemblée et on commençait déjà à chercher la meilleure façon de lyncher le pauvre type à genoux, qui suppliait dans sa langue que personne ne comprenait... Certains étaient même partis chercher des cordes. Je sais pas ce qu’ils voulaient faire en fait, mais l’imagination humaine n’a aucune limite...


Alors, je me suis avancée dans le couloir central en levant trois doigts de ma main gauche : ça a calmé tout le monde aussi sec. J’ai toussoté pour chercher ma plus belle voix, celle avec laquelle j’arrive toujours à obtenir deux trois bricoles de mecs naïfs, et j’ai dit :


– Je prends celui-là !


En fait, c’est pas vraiment ça, les mots, personne n’avait plus employé la formule depuis des années et plus grand-monde ne s’en souvenait, mais c’était dans l’esprit, ils ont compris qu’à partir de cet instant l’étranger devenait intouchable, qu’il allait venir vivre dans ma cabane et qu’ils n’y pouvaient plus rien.


Et dire que j’avais failli le buter trois heures auparavant...



***



Vivre avec un type qui n’arrive même pas à prononcer votre prénom correctement, c’est pas ultra romantique. C’est pourquoi j’étais vachement contente qu’il y arrive enfin au bout d’une heure. Sur le coup, j’ai pensé que j’avais pas chopé une lumière. Et puis je me suis dit que j’étais méchante.


Nettoyé, pansé, restauré, il était maintenant en train de ronfler sur la paillasse de fortune que j’avais assemblée dans la chambre d’ami. J’ai toujours été bricoleuse et mon trois-pièces en planches faisait l’admiration des voisins.


Ma copine Soraya avait pris son petit air pincé, de bêcheuse, de princesse à la con, quand j’avais refusé de la laisser entrer une heure plus tôt... Elle pouvait se permettre de faire la gueule, ça avait été toujours du gâteau pour elle... Elle était jolie, très jolie, avec un caractère facile, tout le monde se bousculait pour lui rendre service... Moi, j’étais une pièce rapportée, la fille d’une femme qu’on avait finalement laissé entrer sur le territoire, après qu’elle ait arraché une oreille à l’inconscient qui avait tenté de lui barrer le chemin, afin qu’elle puisse accoucher, exténuée, et mourir. Elle avait survécu seule pendant dix jours, ayant perdu son compagnon après une attaque de chasseurs-cueilleurs qui avait exterminé son groupe. L’instinct de survie – ou de reproduction – l’avait poussée en avant dans une course improbable, mais elle y était arrivée. Elle avait trouvé le chemin de la vallée et s’était endormie pour toujours après m’avoir mise au monde, sans déranger personne plus longtemps, le devoir accompli. Je sais pourquoi les gens trouvent que j’ai un caractère trop dur, pas conciliant : je tiens d’elle.



***



– Marie !


Mon colocataire me secouait comme un prunier en me tenant par les épaules...


– Marie ! Marie ! Marie !


C’était le même rituel tous les matins. Il se levait, le sourire aux lèvres et répétait mon prénom inlassablement, il fallait toujours que je l’interrompe, que je calme sa jubilation... Andulis – il avait un chouette prénom... – avait parfaitement compris qu’il me devait la vie. Mais au-delà de cette reconnaissance légitime, il était vraiment gentil, agréable et tout à fait différent des autres hommes du village qui se moquaient de lui en permanence et faisaient des gestes obscènes derrière son dos.


Quand on sortait de la maison, les quolibets se déchaînaient, j’avais beau fusiller les traîne-lattes du regard, les insulter copieusement en retour, rien à faire, la même bêtise nous tombait dessus dès qu’on mettait le nez dehors. Boris était toujours en tête de ligne, avec sa grande carcasse ridicule, tout à son aigreur d’avoir été refusé quelques mois plus tôt. Sur ce plan-là, j’ai jamais compris les hommes. Mais eux me trouvaient inhumaine, j’avais entendu ça une fois, en surprenant une conversation. Trois jeunes connards racontaient des horreurs à mon sujet, ils hésitaient sur le fait de savoir si j’étais frigide, lesbienne, les deux à la fois ou seulement misanthrope...


Alors, vu l’ambiance, j’avais préféré qu’on s’isole un peu. En quelques semaines, Andulis avait beaucoup appris, il comprenait tout, il pouvait même à présent, avec difficultés certes, soutenir une conversation. J’étais parvenue à comprendre qu’il venait de loin, de Lettonie, et qu’il avait traversé l’Europe à pied pour arriver jusqu’à notre vallée cachée.


Et il avait un plan.


Il n’en savait pas plus que moi sur la Grande Décadence qui avait commencé un siècle plus tôt – en 2098 selon les derniers manuels pour lycéens. Les conflits sans fin provoqués par le réchauffement climatique, les migrations forcées de centaines de millions de personnes, les crises économiques à répétition, avaient fini par complètement déstabiliser les relations géostratégiques et provoqué un marasme qui n’en finissait pas, « la fin de la civilisation » selon le mot prétentieux d’un ancien. De toute façon, ça n’intéressait personne d’en savoir plus, on préférait ne pas y penser pour ne pas vivre dans le regret ou la rancœur. Et puis, vu à quoi ressemblait leur civilisation, j’étais pas trop nostalgique.


Nous, on y était pour rien. C’était nos aïeux qui nous aimaient pas.



***



Le plan, c’était de se barrer.


Andulis avait quelques infos qui semblaient intéressantes, des rumeurs récoltées au cours de son périple. Il y avait apparemment encore des bateaux au sud, en Galice, dans l’ancienne Espagne. Les bateaux, c’était son truc, à Andulis. Son groupe d’origine, tout là-haut dans le nord, survivait en pêchant dans la Baltique quelques espèces de poissons de plus en plus rares. J’aurais aimé en savoir plus sur ses origines mais quand je lui posais des questions sur sa famille, ses amis, il se refermait et des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues. Et comme c’était le seul sujet qui le portait à la mélancolie, j’ai vite arrêté d’en parler.


Plus au sud, en Afrique, c’était mieux, selon les infos d’Andulis. Mais il fallait traverser le Sahara et le Sahel qui était descendu presque jusqu’aux côtes nord du golfe du Bénin. Et en continuant encore quelques centaines de kilomètres vers le sud, on arrivait enfin au paradis perdu. Je me doutais bien que les rescapés, les voyageurs, tous ces gens qui s’agitaient pour survivre sur toutes les latitudes, enjolivaient la situation, mais au-delà du mythe, il semblait bien que le réchauffement climatique ait asséché une bonne partie des zones équatoriales, la forêt primitive était partie en lambeaux, la terre avait changé et de vastes étendues arables permettaient à présent la culture intensive de céréales.

Mon petit protégé, je l’aurais suivi n’importe où. Je suis pas du genre à donner dans la mièvrerie, le sentiment, ça me désole et ça m’écœure. Mais lui était différent de tous les hommes que j’avais connus dans la vallée. La deuxième nuit, j’étais allée le rejoindre dans sa chambre, je m’étais glissée sous la couverture et j’avais légèrement effleuré son épaule… Il avait bondi comme un diable sorti de sa boîte et était resté debout cinq bonnes minutes à trembler en parlant vite, énervé, choqué, bousculé… J’avais compris qu’il ne voulait pas de ma pitié. Et je n’arrivais pas encore à lui expliquer que ce n’était pas de la pitié...



***



J’avais toujours rêvé de voir autre chose que cette petite société étriquée où je n’étais jamais parvenue à prendre ma place, d’autres montagnes, la mer, des villes, même abandonnées, même en ruines... Et j’en pouvais plus des autres, tous les autres, ces mêmes visages croisés au quotidien depuis l’enfance, les vieux gâteux qui ânonnaient leur impuissance dans des formules sentencieuses, les jeunes crétins comme Boris, les ermites timbrés… Même la douce Soraya, je ne la supportais plus...


Partir, j’y avais souvent pensé mais je n’en avais pas les moyens. À pied, j’aurais pas fait dix kilomètres avant de tomber sur un groupe de chasseurs-cueilleurs. Pour beaucoup, ils n’étaient qu’une rumeur effrayante, une histoire qu’on racontait aux enfants pour leur passer l’envie de franchir le grillage. Les armes à feu des guetteurs les dissuadaient d’approcher du territoire, mais je savais mieux que personne qu’ils étaient là, au dehors, à attendre la faute, prêts à s’abattre sur d’éventuels inconscients qui auraient eu l’idée d’aller voir ailleurs...


Mais à présent, les choses étaient différentes : un trappeur était venu, un endurci, un type qui se laissait pas emmerder pas les bêtes sauvages et j’allais faire ma vie avec lui : une semaine après avoir refusé mes avances, au matin, il m’avait fait asseoir pour déclamer ensuite une grande diatribe en letton, avec force gestes ésotériques. Le final avait été vraiment très chouette : il avait déchiré sa chemise pour en jeter les lambeaux à mes pieds. Le visage ravi, il m’avait ensuite expliqué que c’était de cette façon qu’on déclarait sa flamme dans son groupe d’origine quand on cherchait une relation à durée indéterminée et peut-être même définitive.


J’étais plutôt contente, imaginez, ça changeait des jérémiades insipides que je subissais depuis mes quinze ans...



***



On s’est préparés pendant des semaines. On a volé dix kilos de farine, des viandes séchées, des boîtes de conserve et quelques produits frais pour les premiers jours. Le truc auquel Andulis tenait le plus, c’était son chargeur universel, une merveille de technologie antique, on a pompé de l’électricité au générateur pendant vingt-quatre heures pour le porter à la capacité maximale. Après, on a récupéré tout un tas d’appareils électriques à la déchetterie qu’on a triés et testés patiemment. Andulis a dû bricoler un peu et puis il a finalement choisi d’emporter trois objets : une boussole électronique, un détecteur de présence et un pistolet étourdisseur qui portait à vingt mètres. Avec le chargeur, on pourrait s’en servir pendant un mois.


Les légionnaires romains marchaient cinquante kilomètres chaque jour quand ils partaient en campagne : le but était d’arriver à en faire la moitié. Quarante jours pour arriver en Galice à ce rythme. Et là-bas, on se démerderait pour avoir un bateau, on négocierait un engagement avec les marins, on trouverait une solution...



***



On avait traversé le village désert au milieu de la nuit pour gravir le flanc le moins abrupt de la vallée, bien calmement, silencieusement, et on s’était ensuite faufilés sans problèmes de l’autre côté de l’enceinte grillagée. Andulis avait insisté pour qu’on attende dix minutes, cachés derrière un arbre, pour vérifier que personne ne nous avait suivis.


Ensuite, on avait suivi le petit chemin qui conduisait à l’ancienne route vers le sud, à présent quasi inutilisable pour les véhicules. C’était parti, le temps du bonheur venait de commencer, je sentais des larmes de joie me venir aux yeux...


Et puis c’est vers midi que le cauchemar a commencé.


D’abord, on a entendu des cris. Des voix, des craquements, des échos... Et ça se rapprochait salement à chaque seconde : le détecteur de présence localisait nos poursuivants à cinq cents mètres. Après un énième hurlement, Andulis s’est arrêté pour lancer un regard noir derrière nous et s’est retourné en indiquant le chemin à suivre d’un geste désespéré.


– Courir ! Ensemble, pas se perdre, pas se perdre ! Courir, ensemble, pas se perdre !


Ensuite, ça a duré un moment, on a cavalé, enfermés sur la route au milieu des terres sableuses et craquelées. Au bout de deux kilomètres peut-être, Andulis m’a bloquée et presque jetée sur le sentier qu’il venait de repérer et qui s’enfuyait vers un sous-bois certes famélique mais qui semblait s’étendre loin vers l’ouest ; c’était ce qu’il cherchait désespérément depuis qu’on s’était mis à courir : une zone humide, un chemin, un refuge, une fuite possible... On s’est perdus cinq cents mètres plus loin. Inquiète de ne plus l’entendre, j’ai jeté un regard en arrière et je ne l’ai pas vu.


Pas se perdre !


Alors, je me suis lancée sur le chemin, à rebours, comme une folle, les larmes noyaient mes yeux, ça m’insupportait, j’étais dans l’humeur la plus noire de toute ma vie... Je refusais l’inexorable, la fin du rêve, pas après toutes ces années de détresse, c’était pas possible, c’était injuste... Et trente secondes plus tard, je les ai vus, au sortir d’une bifurcation, cent mètres devant moi, Boris et ses copains, cinq abrutis qui s’excitaient autour d’un corps allongé...


– Tu croyais p’t être qu’on allait t’laisser filer comme ça, enculé ! Après t’avoir nourri pendant deux mois, et avec une des filles encore ! Pas une grosse perte de toute façon, cette connasse, mais on va la choper aussi, t’inquiète pas !


L’horreur. Démobilisante, consternante, parce que je ne pouvais rien faire, ils étaient cinq et moi seule. Certes, j’étais dans un état d’esprit à en crever au moins un ou deux, mais après ? Ça m’a pas arrêtée, j’ai poussé un cri de bête effroyable et je me suis jetée en avant...


Alors, j’ai eu l’impression de rêver. Des ombres hurlantes ont jailli du couvert des arbres pour s’abattre sur le groupe dans un tumulte épouvantable et j’ai vu Andulis rouler sur lui-même, ramper puis se mettre à courir pour échapper au chaos qui se déchaînait... Distraite par la stupéfaction, j’ai senti mon pied gauche buter contre une racine, mon corps a basculé en avant et ma tête est venue heurter le sol...



***



C’est la main d’Andulis qui m’a relevée, il m’a soulevée, il m’a projetée sur son épaule et il a continué à courir comme un dingue... Alors, j’ai eu un aperçu du champ de bataille qui s’éloignait de mes yeux un peu plus à chaque foulée. Trois ne se relèveraient déjà plus, les deux autres étaient en train de se faire lyncher par toute une bande de types torse nu, le crâne rasé, des tatouages plein le visage... Les chasseurs-cueilleurs. Une sorte de soulagement malsain est venu me traverser : avec la quantité de viande sur laquelle ils venaient de mettre la main, ils n’allaient pas se fatiguer à nous poursuivre...


On m’avait appris à les craindre depuis l’enfance, ils avaient tué mon père et poursuivi ma mère jusqu’à la vallée cachée, mais ce jour-là, je n’ai éprouvé aucune rancœur à leur endroit. Un sentiment de justice plutôt : ils étaient venus me payer leur dette.


 
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   Anonyme   
13/8/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est amusant, je trouve, ce retournement du terme "chasseur-cueilleur" qui m'a toujours évoqué une société plutôt paisible de nomades glanant dans la forêt leur subsistance sans déranger personne... Je crains que ce ne soit à mes yeux le point le plus intéressant du récit.

Je n'arrive pas vraiment à mettre le doigt sur ce qui me gêne, mais en tout cas pour moi quelque chose ne va pas dans le ton : la narratrice me paraît trop détachée, trop désinvolte alors que ce qui lui arrive est littéralement une question de vie ou de mort. Alors, bon, d'accord, elle s'est toujours sentie en marge du groupe où elle vit, mais quand même, on dirait que tout ça n'est pas sérieux à ses yeux, comme si elle avait lu le scénario et savait bien qu'elle n'est que le personnage d'une histoire, qui d'ailleurs finira bien. Cela m'a gênée tout au long de ma lecture et m'a empêchée d'y entrer.

Bon, et puis l'Afrique équatoriale comme nouveau paradis en plein réchauffement climatique, là, vraiment, j'ai du mal.

Au final, le texte ne m'entraîne pas, il ne me convainc pas. Dommage, j'aime bien les histoires post-apocalyptiques, et l'idée d'un monde où subsistent encore, après plusieurs décennies, des bribes de technologie, des parcelles de connaissance, me paraît, contrairement à l'ensemble du texte, bien vue.

   Bidis   
18/9/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Ce texte me semble biscornu même en science fiction. (Pour moi, le retour à l'état sauvage n'est envisageable que si tout a été détruit et recommence à partir de bactéries.) L'histoire accroche au début mais j'ai trouvé le dernier quart du texte plutôt ennuyeux. De plus, l'on met un certain temps à comprendre qu'il s'agit d'une narratrice et non d'un narrateur à cause de l'emploi plus que fantaisiste des participes passés. (du moins en EL)
(édit après relecture aujourd'hui)

   Anonyme   
17/8/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Elle finit un peu en queue de poisson votre histoire, au moment où le suspens allait crescendo. C'est frustrant car j'avais bien adhéré au déroulement des événements. Au demeurant un épilogue facile ; sauvé par les chasseurs-cueilleurs ! Un autre scénario aurait été plus convaincant, franchement.

À part cette fin bâclée c'est de la bonne science-fiction, bien écrite, trop riche en précisions peut-être. Pas la peine de détailler le contexte, on comprend tout de suite que nous avons une civilisation post-apocalyptique. Laissez le lecteur faire travailler son imagination.

En fait mon seul vrai reproche concerne le thème du concours mais je reconnais qu'il était ambigu. Vous le traitez simplement en prenant une femme pour héroïne, ça ne va guère plus loin. Quid de la différence de genres ?

   Tadiou   
18/8/2017
 a aimé ce texte 
Pas ↓
(Lu et commenté en EL)

Une banale aventure sans attrait où ce monde, théoriquement futuriste, ressemble terriblement au nôtre. Il me semble qu’il y a une succession d’anecdotes et d’indications artificielles : rien qui me touche.

Je ne vois pas en quoi la personne qui parle est une femme, à part le fait qu’elle désire séduire un homme… (Et encore…)

Et c’est étrange que dans certaines phrases la personne qui parle est un homme ; exemples :
« je me suis avancé dans le couloir central »
« Alors, je me suis lancé sur le chemin »
« C’est la main d’Andulis qui m’a relevé, il m’a soulevé, il m’a projeté »
« s’était endormie pour toujours après m’avoir mis au monde »

Et dans d’autres c’est une femme ; exemple :
« j’avoue que je suis un peu limitée.. »

Cela, et la pauvreté de l’intrigue, du suspense, de la description de ce monde, m’incitent à penser que ce texte a été peu travaillé : c’est mon impression et je peux me tromper…

Et je me répète : où est la femme ?

Tadiou

   Mistinguette   
21/8/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une nouvelle que j’ai appréciée malgré que je ne raffole pas de science-fiction.
Les premières phrases m’ont tout de suite accrochée et j’ai lu d’une traite jusqu’à la fin.

Pas de maladresses relevées si ce n’est vers la fin une phrase sur laquelle j’ai buté :
- Trois ne se relèveraient déjà plus…
Il me semble que : « trois ne se relevaient déjà plus » ou « trois ne se relèveraient plus » sonne mieux.

L’écriture, alerte et sobre, me convient tout à fait et colle bien à ce genre de récit.
J’ai bien aimé le passage qui parle de geeks et d’Internet, vraiment angoissant. Un monde sans Internet : quelle horreur ! :-)

Bien aimé aussi le suspens des derniers chapitres, j’ai bien cru que tout ça allait mal finir…
Mais non, tout s’arrange. J’adore la chute !

Merci beaucoup pour cette lecture et bonne continuation.

   wancyrs   
22/8/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Salut à vous,

J'aime bien votre intrigue, cela demande beaucoup d'imagination pour écrire en sciences-fiction, et de l'imagination vous en avez ! Mais tout cela manque un peu d'ordre et de précision ; jusqu'à la fin du récit je n'ai pas su où était le village de Marie et ses concitoyens, juste qu'en multipliant 40 jours par 50 km je pouvais savoir qu'ils habitaient à 2000 km de la Galice ; mais de quel côté ? vers le nord ? vers l'est ? vers l'ouest ?

J'ai remarqué que votre style d'écriture balbutiait un peu entre le formel et l'informel, truffé des auxiliaires être et avoir que vous pouviez à plusieurs occasions éviter, ainsi améliorer l'ensemble. Vous avez déjà une bonne base, un peu de vigilance et de retravail vous ferait du bien

Cordialement.

   plumette   
18/9/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
cette nouvelle me laisse une impression mitigée.
D'abord, sur le respect du concours: il me semble que l'auteur ( puisqu'on a une narratrice) a voulu brouiller un peu les pistes au départ car, en fonction de représentations qui ont la vie dure, on peut imaginer qu'il n'y a qu' un homme pour se trouver derrière derrière un fusil à lunettes.Et puis non! Marie survient peu à peu, avec son histoire singulière.
Et l'auteur s'est fait un peu piéger avec cette notion d'inversion car il s'est embrouillé assez souvent dans les accords de participe passé.
Ensuite, sur la question de l'enfer, c'est plutôt bien vu, mais assez premier degré.
Quant à l'histoire elle-même, on est en SF, dans une époque éloignée de la nôtre mais curieusement le langage est très raccord avec notre époque. Cela m'a tout de même étonnée! Pour une fois que je comprends tout en SF!
je ne saurais dire pourquoi je trouve cette histoire un peu plate, alors que je serais bien incapable de déployer cette imagination pour inventer un monde futur où un certain type de sauvagerie reprend ses droits.

Plumette

   SQUEEN   
18/9/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J’ai beaucoup aimé l’absence de stéréotype pour le caractère de la narratrice, pas de description physique pesante ni rien. C’est une femme. L’auteur n’en rajoute pas, ça fait du bien. L’histoire post apocalypse climatique se tient et se laisse lire, l’histoire d’amour basique et sans chi-chi se tient aussi, mais le style désabusé plaisant au début m’a lassé un peu, au fur et à mesure de ma lecture, une espèce de syndrome « ne pas trop y toucher », qui m’a fait rester un peu en-dehors, sans émotion, le récit est bien construit mais il y manque peut-être du ressenti, de la générosité émotionnelle qui m’aurait permis, de mieux rentrer dans l’histoire. Ici l’on est gardé à distance, c’est dommage. J’ai vraiment beaucoup aimé votre incarnation de la femme, subtil et fine. Et évidemment en miroir sa vision des hommes qui évite également les lieux communs. Intelligente sensibilité même si un peu trop froide à mon goût.
Aimé particulièrement : « Nous, on y était pour rien. C’était nos aïeux qui nous aimaient pas. »
Et le peut-être un peu facile mais tellement réaliste : « Trois jeunes connards racontaient des horreurs à mon sujet, ils hésitaient sur le fait de savoir si j’étais frigide, lesbienne, les deux à la fois ou seulement misanthrope... »
Merci pour le partage à vous relire,

   hersen   
18/9/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Sans dire que la trame est d'une grande originalité, j'ai néanmoins aimé l'histoire, peut-être à cause du ton de narration.

L'auteur a tout à fait su créer un personnage féminin sans s'encombrer de clichés qui ferment illico toute construction personnelle du personnage par le lecteur. (pour ceux qui connaissent, la narratrice me fait penser à Hope :) )
Et puis moi, on me dit qu'un mec, pour déclarer sa flamme va déchirer sa chemise au pied de sa belle, je craque. ça change de celui qui va en mettre une propre et s'asperger de (trop) d'aftershave, mais visiblement, il n'y en avait déjà plus dans le monde décrit par l'auteur.
Un bon moment de lecture pour moi, sans prise de tête.

Peut-être "sous" toutes les latitudes au lieu de "sur". Mais quand le monde est à l'envers...on ne sait plus ! :)

   vb   
18/9/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,
je n'ai pas aimé ce texte assez long qui m'a beaucoup ennuyé.
Le plus ennuyeux fut de lire le monologue d'une narratrice s'exprimant dans un langage prolétaire sans la truculence que l'on trouve dans Voyage au bout de la nuit ou la Vie devant soi. Je n'ai pas compté le nombre de "cons", "foutre" et mots dérivés qui peuplent cette nouvelle. L'absence presque systématique du "ne" dans le couple "ne pas" n'est pas non plus pour alléger le style.
La narratrice utilise une ironie étrange qui m'a semblé déplacée comme par exemple dans "bizarrement, ça tentait personne..." Cependant l'auteur parsème son texte de formules plus litéraires voire poétiques qui ne font que renforcer l'impression de décalage : "tout à son aigreur", "marasme" (est-ce moins prétentieux que "fin de la civilisation"?), "larmes silencieuses", "avec force gestes ésotériques", "certes famélique", "à rebours" (qui n'est d'ailleurs pas utilisé à bon escient).
Quand j'ai lu "Il avait poussé un cri d’angoisse, un cri de bête qui sent venir la fin, pensant sans doute que la blessure était plus grave, et basculant comme un sac de l’autre côté du grillage, avait disparu dans la forêt de hêtres qui encerclait le creux de notre vallée cachée...", il a fallu que je relise pour comprendre qui était le sujet de "avait disparu".
"Il avait comme qui dirait inventé une religion personnelle, mais trop, personne n’avait jamais rien compris à ses conneries. Il était arrivé dix ans auparavant, avec un sauf-conduit réglementaire, alors on l’avait laissé s’installer dans la forêt." Pourquoi "mais trop"? Cette disgression sur la religion ne mène à rien. On n'en reparle plus.
"Avec espoir." Pourquoi commencer un paragraphe de la sorte. Je n'ai pas compris.
Quelle est la différence entre une "relation à durée indéterminée" et une relation "peut-être définitive"? Cet humour n'est pas le bienvenu dans la bouche d'une narratrice ne connaissant rien au CDI.
"Les légionnaires romains marchaient cinquante kilomètres chaque jour quand ils partaient en campagne" Ah oui? Et d'où sait-elle ca, notre narratrice, elle qui qualifie un chargeur universel de "technologie antique"?
Cependant, à part ces nombreuses faiblesses de style, ce qui m'a le plus dérangé c'est l'absence de sentiment entre la narratrice et ses camarades y compris "la douce Soraya" ou Andulis "un endurci, un type qui se laissait pas emmerder pas les bêtes sauvages" dont le niveau de sentiment est plus ou moins égal à zéro. Ce ne sont pas les "jeunes crétins comme Boris" qui vont relever le tableau et permettre une analyse psychologique plus haute que le niveau des paquerettes.

   Thimul   
25/9/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une belle réussite et un grand plait de lecture.
Certes l'univers post apocalyptique n'est pas en soi très original mais le ton de la narration l'est totalement, et une solide habileté pour éviter les pièges du concours.
Première très bonne idée : la première partie. Le caractère assez neutre du récit nous laisse dans l'attente de savoir si c'est un homme ou une femme.
Autre bonne idée : le caractère endurcie de l'héroïne mais qui garde malgré tout un côté fleur bleue.
Dernière bonne idée le personnage masculin qui je trouve à une certaine épaisseur.
Au niveau du style bravo. C'est limpide et ça colle parfaitement à l'histoire.
Merci d'avoir écrit ça pour le concours.

   Anonyme   
10/10/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Alcirion,

La projection dans un futur où un groupe d’humains doit s’enfermer dans un enclos surveillé étroitement pour échapper à des prédateurs redoutables – Au passage, bravo, pour les chasseurs-cueilleurs transformés en cannibales, ainsi que pour la fin des technologies ! - laisse planer pas mal de lacunes quant au pourquoi et comment de leur existence. Cependant, la SF autorise mon imagination à toutes les éventualités, et l’héroïne focalise bien l’attention.

On comprend qu’elle ait envie de s’évader de cet univers. Et c’est plutôt marrant que son « gibier » devienne l’homme qui va l’emmener vers sa nouvelle vie.

J’ai bien aimé son portrait, qui me rappelle la Hope de là-bas, à l’instar de hersen. :)) entre amazone et romantique.

La nouvelle est truffées de réflexions amusantes.

Aidée par une écriture efficace qui coule limpide, je viens de passer un bon petit moment de lecture.

Merci et à te relire, ici ou là-bas. :))


Cat

   cherbiacuespe   
29/4/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
C'est waterworld sans eau. Ou à peu près. L'envie d'ailleurs est un sentiment très humain, c'est d'ailleurs sans doute pour cela que l'humanité s'est répandue partout à la vitesse grand V! Un monde post-apocalyptique, une jeune femme qui veut s'évader, un explorateur letton perdu et une bande de crétins entourés de fous furieux. Il me manque l'élément surprise, celui qui m'aurait fait m'exclamer : waouh...

Un prochain coup, peut-être...


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