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aldenor : Barba Nardo
 Publié le 05/03/13  -  6 commentaires  -  27337 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

Considérations sur le processus de la création littéraire.


Barba Nardo


En rangeant les affaires de sa tante Vjera, ma mère a découvert une enveloppe brune contenant des lettres de son frère Nardo à la guerre. Adressées à teta Vjera(1), qui s’éteindra à l’âge de cent trois ans, sans jamais en dévoiler l’existence. Écrites au crayon sur du papier de fortune, les feuilles elles-mêmes ingénieusement pliées en forme d’enveloppes. D’endroits de plus en plus lointains : Solin, Kaštela, Trogir, Šibenik… au fur et à mesure des déplacements de la 9ème division dalmate que Nardo avait rejointe début 1945. Puis de Mostar et de Lapac quand les troupes dalmates auront fusionné avec l’armée yougoslave pour déclencher l’opération Mostar et ensuite l’opération Lika-littoral, un encerclement sur deux axes, Gornji Lapac-Bihać et Udbina-Korenica-Prijeboj, qui brisera la défense allemande et mènera à la libération du littoral croate. C’est durant cette manœuvre que Nardo sera tué, quatre jours après sa dernière lettre, dont voici la traduction, du croate, dans ce dialecte teinté d’italien qu’on parle encore dans la ville de Split.


« Lapac, le 21-III-1945

Chère teta Vjera,

Tu as vu comme nous sommes brusquement partis, hein ? Mais ne t’en fais pas, ce n’est pas du tout pareil à l’opération de Mostar. L’ambiance est très bonne cette fois-ci. Nous mangeons bien. Même de la marmelade d'orange le matin ! Car nous avons trouvé toutes les grâces, en butin de guerre : confiture, jambon, fromage, pâté, pain ; je suis tout à fait rassasié. Une fois de plus nous sommes entrés en terrain occupé, mais derrière les tanks, et tous sains et saufs et de bonne humeur. Je te le dis, cette opération est différente de celle de Mostar, du ciel à la terre. Là-bas, un étalage de forces ennemies : barrages, chars, avions, pas étonnant qu’ils se soient crus vainqueurs ; et puis ici des morts, des prisonniers allemands, une masse de matériel abandonné, etcetera. Instructif et intéressant.

Qu’advient-il de vous ? De ma mère ? Désormais, il n’y a plus la moindre chance que nous nous revoyions, mais je dois garder le moral. J’irai bien, comme tu me le demandes.

Je t’aime. Nardo.

Oh ! Ce que je peux manger ! »


* * *


Sans ces lettres, cachées si longtemps, soudainement sauvées de l’oubli, comme un coffret de mots et de pensées, il ne resterait aucune trace des derniers jours de la vie de barba Nardo. L’écriture est une photographie de l’esprit. À la différence d’une photographie du corps, qui n’a valeur que de copie du réel, la pensée de la personne est là, intacte, continue d’exister dans l’écrit, dans le cerveau-réceptacle du lecteur. Voilà ce que j’ai ressenti à la lecture des lettres de mon oncle. Desquelles je pars, pour écrire quoi ? Pour l’instant je sais seulement que je ne sais pas ce que je vais écrire. Ce n’est déjà pas mal.

Écrire, c’est s’embarquer sur un chemin. On peut avoir certaines indications, ou une idée toute faite, sur notre destination. Ou bien non, partir à l’aventure. Mais part-on vraiment à l’aventure ? Ou bien notre inconscient nous guide-t-il ; au fond de nous, notre dieu intérieur sait où il nous mène ?

Autour d’un café turc, à la serbe, avec un slatko aux fraises des bois, j’en parle à ma mère, qui est portraitiste et iconographe, convalescente d’une thrombose, au lit dans son studio de peintre, mais pas trop à cheval sur les consignes du médecin.


– Sais-tu à l’avance ce que tu vas peindre, ou bien l’image se forme-t-elle progressivement en peignant ?

– Décidément, Alzheimer te guette ! Tu m’avais déjà posé cette question l’année dernière, dit-elle en lâchant une bouffée de cigarette mentholée. Tant pis, je répète : pour les portraits je me forme généralement l’image entière du tableau avant le premier trait de fusain, tandis que pour les icônes, oui, je commence souvent par situer un objet ou un personnage à un certain endroit sur le bois. Par exemple, je peins un visage de Madone, dit-elle en indiquant une icône suspendue sur le mur, couvert d’icônes, en guise d’exemple.

– Ah, celle-là ! Une impression de perfection s’en dégage, alors qu’elle est inachevée, c’est surprenant non ?

– Inachevée ? Parce que le fond est laissé à l’état brut ? C’est voulu, donc achevé de mon point de vue. Il faudrait que je peinturlure chaque petit recoin de la surface pour que tu la considères achevée ?

– Je ne sais pas, je m’interrogeais. Bien, donc tu as situé là ce visage de la Madone, sans savoir la suite.

– Voilà, puis m’est venue l’idée de l’entourer d’une fenêtre en arcade, et sur le rebord de la fenêtre j’ai trouvé alors naturel de poser une main, etcetera.

– C’est aussi ainsi que j’entends écrire cette nouvelle ; laisser les idées s’appeler librement les unes les autres. Bon, mais au-delà de ce mécanisme, on peut se demander si au fond de toi une sorte de clairvoyance inconsciente savait pourquoi tu disposais le visage de la Madone dans ce coin de l’icône, que viendrait l’arcade, puis la main…

– Ça, ce n’est pas à moi qu’il faut le demander. Tu dois t’adresser directement à ma « clairvoyance ».


On est plus flexible en écrivant, on a des éléments entre les mains, des passages qu’on peut réarranger, cette ligne par exemple est bien plus tardive qu’elle ne paraît. Les idées peuvent s’entrappeler à distance. Mais au bout du compte, une fois le texte terminé, chaque élément est fixé en un certain emplacement, comme dans un tableau.


* * *


Teta Vjera était pianiste. Elle aimait parler de ses années au conservatoire à Prague, « la plus belle ville du monde », où elle pouvait assister tous les soirs à des concerts. Par la suite elle en donnera elle-même à Split. Et encore, centenaire, des leçons de piano.

À dix-huit ans – nous sommes en 1920 – elle accompagne au piano les films dans la salle de cinéma de son père, Josip Karaman, pionnier-cinéaste. C’est une jeune fille timide et au début elle est terrorisée de jouer en public, mais contrainte par sa mère, nona Eulalia, teta Vjera s’y met, derrière un paravent, d’où elle peut voir l’écran. Elle improvise. Pour s’aider elle s’est fait un petit répertoire d’airs convenant aux situations les plus courantes : air du bonheur, de la frayeur, de l’angoisse, du ridicule, de la romance…

Petit à petit elle prend courage et des libertés, laissant resurgir son naturel mutin et enjoué, jouant des tours aux spectateurs, comme l’air du ridicule au moment où un acteur tombe raide mort. Certains rient, sur l’automatisme de la musique, puis se sentent confus. Parfois quand l’action traîne à son goût, elle met un rythme endiablé ; la salle dit : « Hé Josip ! Qu’est-ce qui arrive à ton pianiste ? »…


* * *


– Je m’étonne, dis-je à ma mère, rien dans les lettres de Nardo n’évoque une quelconque désespérance, ni surtout les dernières paroles qu’il nous laisse : « Oh ! Ce que je peux manger ! » Or, je croyais qu’il était mort volontairement ; qu’il était sciemment sorti de son abri pour s’exposer aux balles.

– D’où sors-tu cette histoire ?

– C’est toi qui as dû me la raconter ! À moins que ce ne soit teta Vjera… En tous cas, c’est ce que j’ai toujours cru. Ce n’est pas vrai ?

– Nardo a été tué dans une embuscade. Les Allemands ont pris son bataillon dans une embuscade. Mais oui, il voulait aussi en finir, il se sentait abandonné, il avait perdu l’espoir. Dans sa dernière lettre il dit que nous ne le reverrons sans doute plus. S’il le savait, c’est qu’il était décidé à mourir.

– Je ne sais pas. C’est contradictoire, ce que tu me dis. Ces lettres m’ont donné envie d’écrire une nouvelle sur barba Nardo, mais je ne peux rien construire sur une argumentation aussi brumeuse.

– La vie est faite de contradictions. Tu crois que ta nouvelle va te tomber du ciel finie-mâchée ?


* * *


Toute petite et moins belle que ses sœurs, ses parents se faisaient du souci pour caser teta Vjera. Quand survint Maté Sokolic, deux fois son envergure, en quête d’un mariage confortable, qui fit bonne impression sur les parents. Ils se marièrent et n’eurent pas d’enfants. Avec sa dot, Maté acheta un moulin. Et puis les communistes lui confisquèrent son moulin et le mirent en prison.


– Pourquoi les communistes ont-ils mis barba Maté en prison ?

– Il fallait bien un prétexte, je ne sais lequel, pour lui confisquer son moulin, m’explique évasivement ma mère, qui suit à la télévision un épisode de « Soliman le magnifique ». Comme moyen de subsistance, poursuit-elle pendant les publicités, teta Vjera aura alors l’idée de faire un élevage de cochons. À côté de la prison, où elle pouvait les nourrir en allant rendre visite à son mari.


À la fin de l’épisode je lui demande si elle pense que les traits du visage expriment la nature profonde de la personne.


– Bien sûr. Autrement, à quoi ça rimerait de faire des portraits de visages ? On pourrait aussi bien faire des portraits de pieds ou de fesses.

– Pourtant, si j’écrivais par exemple que le sourire de teta Vjera est asymétrique, qu’elle a un grand nez ou que son sourcil gauche forme un point d’interrogation, il me semble que je ne dirais pas grand-chose de qui elle est.

– C’est dans le regard que réside l’expression de la personne. Le regard est vivant, mouvant ; le reste n’est que des lignes, qui peuvent avoir une signification passagère, des rides, une moue, mais ne disent pas l’essentiel. Pour teta Vjera, je trouve de la malice et de la bonté dans son regard. Elle est entièrement dans ses yeux marron profonds, luisants.

– En somme, si j’écris de quelqu’un qu’il a les yeux marron profonds, luisants, je dis aussi un peu qui il est ?

– Oui, mais bien entendu il y a des inflexions, que je ne peux pas t’expliquer, dans le degré de profondeur, de luisance, le ton du marron.

– Malice et bonté ne vont pas habituellement de pair, mais c’est elle, nous sommes d’accord sur le fond, les mots-clefs. La différence, c’est que toi portraitiste, tu vois ces choses sur la seule morphologie des yeux, à la limite sans connaître la personne. Qu’est-ce que tu peux voir encore dans un regard ?

– L’intelligence, le bonheur, la ruse, des tas de choses… même que la personne est amoureuse !


* * *


Quand je l’ai connu, Maté faisait des patiences à longueur de journée, sur cette table même où je suis en train d’écrire. Au cœur de la vieille ville de Split, qui est construite sur les vestiges du palais de Dioclétien et de ses fortifications, où s’imbriquent des habitations, comme celle-là, une maison à trois étages, la plus vieille et bringuebalante de la Marmontova, une élégante rue piétonne. Qui ne l’était pas du temps où Maté faisait ses patiences ; alors des motos pétaradaient tous les soirs à qui mieux mieux et des autobus pachydermiques faisaient vibrer les murs et sursauter le jeu de cartes, mais pas barba Maté, toujours imperturbable avec son nœud papillon et sa veste à queue.

Mais durant les années de la guerre, Maté avait encore son moulin et teta Vjera s’était alors beaucoup rapprochée de son neveu, Nardo, resté à Split avec sa grand-mère, nona Eulalia. Ma mère et ses parents étaient en Turquie à cette époque.


– Pourquoi Nardo n’était-il pas avec vous en Turquie ?

– J’en veux à mon père. Il avait une conception austro-hongroise de l’éducation du fils, à la dure. On l’a abandonné.


D’où probablement le mythe que Nardo ait voulu mourir : ma mère porte un sentiment de culpabilité. Toujours est-il que Nardo était devenu pour teta Vjera comme un fils.


* * *


Tôt le matin, je me promène par les ruelles entre le rempart du front de mer et le péristyle dans une semi-obscurité d’avant la pluie ; un drapeau claque, seul signal de la bora qui se lève et à un détour, je l’aperçois au haut du grand clocher de sveti Duje. Une enseigne à fond noir « PALACE SUITES **** » sur une maison de la piazza fraîchement repeinte en rouge vénitien me fait penser à Moon Palace de Paul Auster. Les rares passants, tous de dos, semblent fuir le réel.

Le problème avec les photos en noir et blanc, passées et jaunies, de Nardo qui se trouvent à la maison, c’est qu’on ne voit pas vraiment ses yeux. Ils étaient bleus selon ma mère, pas bleu-vert comme les siens, purement bleus.


* * *


Je flâne dans Solin. À dix minutes de Split en bus. La rivière Jadro traverse la ville. Je tombe sur un joli coin : une ancienne bâtisse sur pilotis, l’eau est verte, longée de saules pleureurs ; d’un angle l’eau afflue en rapides. Je m’assois dans un café juste devant.

Une serveuse s’approche, je lui demande un café long :


– Kava velika, molim.

– Sa mlijekom ? Au lait ? s’enquiert-elle.

– Bez. Sans, je réponds.


Et puis je me sens gêné, en songeant qu’en français « bez » pourrait porter à quiproquo.

En buvant mon café à six kunas (à Split on ne le trouve pas à moins de sept), je me dis que ça doit être un moulin cette bâtisse sur la rivière. D’ailleurs le café s’appelle « Mlinica », qui signifie moulin. Ça doit être celui de barba Maté. Pour une coïncidence !

Écrire, c’est établir des liens, des rapports. Puis les interpréter. Je ne comptais pas insérer ma visite de Solin dans cette nouvelle, mais un rapport s’est établi tout seul. La coïncidence est énorme – un jour j’apprends l’histoire du moulin de Maté, le lendemain je tombe dessus par hasard – ; son interprétation risque de m’emmener au-delà du rationnel, mais je dois rester fidèle à ma méthode (« je dois » : recoupement avec « je dois garder le moral » de la lettre de Nardo). Dans l’autobus sur le chemin du retour je deviens même très excité à l’idée qu’il y aura une part de surnaturel dans ma nouvelle.


* * *


Je raconte à ma mère ma visite à Solin, la découverte du moulin…


– À Solin ?

– Oui, tu m’avais bien dit qu’il était à Solin le moulin de barba Maté ?

– Ah non. Il était à Split. J’ai pu te dire « sur la route vers Solin », mais dans Split. D’ailleurs il n’avait pas du tout l’air d’un moulin. C’était une pièce dans un bâtiment où on fabriquait de la farine…

– Hmm… On dirait que c’est moi qui me suis fait rouler dans la farine…


* * *


Nardo tenait un journal personnel. Une pleine valise de carnets, remplis d’une écriture serrée, plus compacte d’année en année, jusqu’à devenir microscopique, sans marges, recto-verso de la première à la dernière feuille, avec seul un saut pour marquer la date, dans le même format que sur ses lettres, avec le mois en chiffres romains, sans jamais manquer un jour…

Toute sa vie, jusqu’à son départ pour la guerre, il a écrit sa vie, consignant les menus événements de son existence ; ses rencontres, ses lectures, ses passages préférés ; les films qu’il avait vus : résumé, liste des acteurs, impressions ; la famille, l’école, la faculté de droit, les copains ; Split, Gomilica, Belgrade, Vienne, Istanbul… Ses pensées, ses opinions. Aussi soucieux de clarté et de vérité qu’un historien, adjoignant des croquis, des caricatures, des plans, des tableaux statistiques.


Pourquoi ? Pour lutter contre l’oubli ? Je ne crois pas. Je l’imagine plutôt comme un mathématicien notant ses calculs, résolvant l’équation de sa vie jour après jour, le cahier ouvert sur son bureau dans le faisceau rassurant de la lampe.


La dernière année, il s’était mis à accorder à tous les jours le même espace. Comme les journaux quotidiens qui ont toujours autant de feuilles. Écrit-on pour s’adapter au rythme du temps, ordonner sa vie, la contrôler ?


* * *


Dans le studio où ma mère est alitée se trouve, posé sur un grand poêle, un buste en bois d’elle à l’âge de douze ans, qui fait office de porte-chapeaux.


– C’est amusant cette pile de chapeaux disparates et multicolores sur ton buste.

– Ces chapeaux m’agacent. Mais je n’arrive plus à les atteindre, ils sont devenus trop hauts pour moi. Enlève-les… Ah ! voilà, c’est mieux ! Mon père l’avait commandité à un sculpteur de passage. Dire que ce buste est moi, était moi. Combien l’être humain peut changer et devenir méconnaissable !


Réflexion qui m’a amené à parler des portraits dans lesquels elle peint plusieurs visages de la même personne : à divers âges, ou sous différentes perspectives. Celui de Fayrouz en particulier, la chanteuse libanaise. Qui a une voix très douce et apaisante et que les Libanais aiment écouter tôt le matin.


– Tu sais pourquoi j’ai peint un de ses visages tout en bleu ? C’est la couleur de sa voix.

– Heu…

– Les voix ont des couleurs, tu ne savais pas ? Celle de Fayrouz est bleue. Comme celle d’Oum Kalsoum est noire.

– Non. Je n’avais pas idée. Si je te donne un nom de chanteur tu pourrais immédiatement y associer une couleur ?… Dalida par exemple.

– Rouge.


* * *


Écrire c’est comme construire un puzzle. On ramasse les pièces, on retient dans le flot de nos pensées et de nos observations ce qui pourra servir à l’image en construction. On les groupe en paquets : les morceaux qui semblent appartenir au ciel, ceux à la mer, etcetera… Puis on essaye de les mettre en place.

À la fin, si on réussit, on a un assemblage cohérent, donc intelligible, « montrable ». La chose écrite gagne en réalité, situe en quelque sorte l’événement au sommet d’une hiérarchie dans le degré de réalité : rêvés, pensés, dits, écrits. Les carnets de barba Nardo donnent à son existence une assise matérielle : voici sa vie. Contrairement à un autre qui n’a pas pris de notes : si on lui demande c’est quoi sa vie, il lève ses bras en l’air et nous montre la montagne de pièces de puzzle empilées.


La différence entre cette nouvelle et les carnets de barba Nardo, c’est qu’un journal est par définition organisé chronologiquement alors qu’ici j’ai de la peine à ranger mes idées en un ensemble cohérent. Elles ne me viennent pas dans l’ordre.

Cette pensée même de l’écriture comme une forme de puzzle, qui naît en moi sur la plage de Trstenik, au prix d’un café à huit kunas, n’est elle-même qu’une autre pièce du puzzle : je ne sais pas encore où la placer.


* * *


Retour au moulin de Solin. Cette fois je demande un kava crni, un café noir, pour éviter tout quiproquo. Il s’avère être à sept kunas, alors que le café sans lait était à six !

Ce matin ma mère m’a surpris :


– Tu ne sais pas ce que je viens d’entendre à la TV, le moulin de Solin avait appartenu à une sultane ottomane. Mihrimah, la fille de Soliman le magnifique. Tu étais chagriné d’avoir imaginé une coïncidence là où il n’y en avait pas ; ce n’était pas le moulin de barba Maté. Eh bien, voilà une coïncidence tout de même ! Tu me parles de ce moulin et le lendemain je tombe dessus à la télé.


Que déduire de cette information ? Le puzzle évolue, se métamorphose. L’irrationnel retrouve sa place.

À tout instant, des choix de vie, de conduite, s’offrent à nous, que nous repoussons. Je choisis en permanence de ne pas sortir de chez moi, aller tout droit, n’importe où, quitter ma vie présente, mon personnage ; de ne pas cambrioler une banque, de ne pas me faire missionnaire en Afrique. Je refais le choix d’être celui que je parais être. Mais rien ne dit que je le referai toujours.

De même en écrivant, je suis libre de ne plus respecter de logique, d’inventer des monstres ou des anges, de rompre avec la linéarité de ma trame, de sortir du sujet, d’écrire des folies. Que barba Nardo est venu sur un cheval blanc prendre un café avec la sultane Mihrimah ou que l’ile de Brač s’est mise à bouger. À chaque ligne, je tâche de trouver les mots justes, les idées qui ajoutent du sens à ce que j’écris, je rejette une foule de possibilités. Mais elles existent et il n’est pas dit que je ne les choisirai jamais. Écrire, c’est exercer sa liberté.

Le moulin, accolé à une chapelle, repose sur des pilotis en arcade. Des canards glissent sur l’eau verte.


* * *


Est-ce que ça importe dans l’existence d’un homme où il va mourir ? Appartient-on de la même manière à la ville où on est né qu’à celle où on meurt ?

Sans doute, dans un sens. Autant Nardo était profondément splitois, (sa devise était « spalatenzis sum alteram gloriam nolo » : je n’ai d’autre gloire que celle d’être splitois) autant pour ceux qui lui survivent, il est aussi le Nardo mort dans un bled perdu, à Lapac.

« Nardo est mort tranquille, apaisé, à l’hôpital de Lapac. On peut même dire que sa mort était bonne », écrit capitaine Urosh à teta Vjera pour la réconforter. Sa lettre se trouve dans l’enveloppe avec celles de barba Nardo.


* * *


Hemingway bar, sur le petit port de Špinut. Fauteuils en beau bois sur une estrade de plain-pied face aux canots de pêcheurs, devant un salon-bar cossu à l’anglaise. On dirait un club privé, mais non, on ne me chasse pas.

Choix de sucre brun et blanc avec l’expresso. Le luxe, à sept kunas comme ailleurs. Vue sur les montagnes rocheuses au-dessus de Trogir, irréelles de netteté sur un fond de ciel bleu, comme coupées au canif par la bora.

Ma mère m’a dit une fois qu’elle peignait pour atteindre sa vérité. Non pas la dire, mais l’atteindre.

Notre vérité ne préexiste pas à l’acte de peindre ou d’écrire ; de créer.


* * *


Lapac se trouve dans une zone assez déshéritée de la Croatie, près de frontière avec la Bosnie. Une vague de froid frappe cette région en ce moment. Comme lors de l’opération Mostar.

Le 14-II-1945, Nardo écrivait à teta Vjera :


« Nous sommes arrivés ce soir à Mostar ! Tu ne peux pas savoir quel bonheur d’y être enfin. Nous avons marché en colonne toute une semaine dans la neige. Côté positif, nous dormions au chaud sur de la paille qui sentait bon le blé.

Il me faudra des jours et des jours pour tout te raconter lorsque nous nous reverrons. Mais en fin de compte je n’ai vraiment souffert que de mes pieds mouillés ! Envoie-moi quand tu pourras des paires de chaussettes, il me faut des rechanges. Envoie-moi aussi des allumettes et des bougies. Et un canif.

[…] Je t’écris au crayon. Dans les régions où je passe on ne sait même pas ce que sont l’encre et la plume.

[…] J’ai reçu les félicitations du chef de bataillon pour ma tenue dans les combats ; il parlait même d’une médaille. Je ne sais pas s’il plaisantait. En tous cas, on m’a confié une mitrailleuse.

[…] Tous les Splitois du bataillon vont bien, excepté Mičič et Covič qui sont blessés. Avise leurs familles. Dis-leur de s’estimer heureux qu’ils ne soient pas morts, ce n’est pas de la blague cette guerre. »


* * *


La colline de Marjan surplombe Split. Peu après le sommet, dit Telegrin, en redescendant vers la mer, un sentier s’enfonce dans la forêt. Plus loin, un bunker apparaît derrière les arbres, et puis une stèle noircie par l’humidité, en mémoire d’un alpiniste, le professeur Umberto Girometta, qui a choisi cet ailleurs empreint de solitude pour mourir le 27 avril 1939.


On n’entend que la rumeur lointaine des canots. Nardo, entièrement jauni comme sur ses photos, est assis sur un rocher, enveloppé d’un halo de lumière. Il porte une chemise à carreaux et ses cheveux sont plus longs et bouclés qu’au naturel. Il contemple la mer en contrebas ; on dirait un miroir sur lequel reposent les îles comme de grands alligators. Il prend des notes dans un carnet.

Quand il relève la tête, il me regarde derrière ses petites lunettes rondes. Je me rapproche pour examiner ses yeux, qu’il détourne en rangeant le carnet dans une sacoche brune, de laquelle il sort un livre. Il trouve sa page, qu’il avait cochée. Écrire c’est aussi rencontrer l’autre, dans son regard, dans ce qu’il a peint ou écrit.

Il referme brusquement le livre.


– Vraiment c’est désagréable monsieur. Vous me dévisagez comme si j’avais une mouche sur le nez.

– Oh ! Excusez-moi, je ne savais pas que vous pouviez me voir ; j’examinais vos yeux. Ma mère parvient à savoir beaucoup de choses sur une personne dans son regard.

– Vraiment ? Et alors, qu’avez-vous trouvé ?

– Eh bien, je n’ai pas dit que j’avais moi-même ce don. Je m’exerce, c’est tout. Un amour hédoniste de la connaissance, il me semble.

– Pardon ?

– C’est ce que je lis dans votre regard. Car vos yeux captent la lumière plutôt qu’ils ne la projettent. Et une certaine défiance, de la destinée, visible dans une légère contraction de vos pupilles.

– Vous êtes sûr d’avoir bien assimilé les enseignements de votre mère ? Vous parlez comme une diseuse de bonne aventure, dit Nardo en descendant lestement du rocher et, s’approchant du bord de la falaise, il examine l’horizon.

– On dirait que l’ile de Brač s’est mise en mouvement, me dit-il de loin…


S’amène mon dieu intérieur en pallium blanc.


– Qu’est-ce qui se passe ? À quoi rime ce dialogue ? Pourquoi ne pas avoir conclu comme convenu, sur le flou poétique de Nardo lisant devant la mer ?

– Je ne sais pas. Il a pris la parole. Et tout d’un coup plus aucune pièce du puzzle ne s’ajustait. Attention, le revoici…

– Aha, dit Nardo en s’approchant, nous avons de la compagnie. Vous êtes drôlement vêtu monsieur. N’est-ce pas l’habit des philosophes grecs que vous portez là ?

– C’est ma tenue de fonction, dit mon dieu dignement, je guide les artistes et les écrivains qui se lancent dans des œuvres à l’aveuglette ; j’en possède le dessin final, en vertu duquel je filtre leurs pensées. Et pour tout vous dire, votre intervention est inopportune : sur la zone « rencontre de l’autre » du dessin final on ne devrait avoir que votre photo jaunie.

– Vous pourriez peut-être revoir le dessin. Car comment voulez-vous rencontrer l’autre sans lui concéder les attributs de l’existence ?

– Non, non, non ! c’est impossible. L’autre voudrait imposer sa propre pensée. Ce serait ingérable.


Sur ces entrefaites, arrive teta Vjera de son petit pas primesautier, escortée d’un cochon.


– Cher Nardo ! Je savais que je te trouverais quelque part dans cette nouvelle !

– Chère teta Vjera, dit Nardo en l’enlaçant, il me faudra des jours et des jours pour tout te raconter.

– Allons trouver ta sœur, qui nous attend à la Marmontova, dit teta Vjera en entraînant barba Nardo sur le sentier.


Mon dieu intérieur les suit en agitant le bras que son pallium laisse libre.


– Arrêtez, revenez… Oh, quelle pagaille !


Brusquement, un alligator géant couvre de son ombre la colline de Marjan. Ses yeux bruns et luisants roulent enamourés par-dessus son museau, tandis qu’il entonne le chant de « Marjane, Marjane » d’une voix jaune, en louange à la colline qu’il voit et convoite au large de Split, déguisé en île depuis la nuit des temps. Son souffle ploie les arbres et dénude Marjan en soulevant du sol les brindilles et les feuilles mortes, qui s’élèvent dans les airs en prenant des formes fantasmagoriques.


Le cochon de teta Vjera, craignant que sa présence ne dérange, vient se réfugier derrière la stèle commémorative d’Umberto Girometta. Il m’y aperçoit, arc-bouté sur mon puzzle. Il en goûte une pièce. « Pas mauvais », me dit-il. Et nous le mangeons en entier.


Fin



(1) Barba et teta signifient oncle et tante en croate. Et par extension, aussi bien grand-oncle-tante, et même n’importe qui de plus âgé. « Hep ! Barba, renvoie-nous le ballon ! » me diront des enfants dans la rue par exemple. Ceci éclairci, barba Nardo n’a jamais été l’oncle de personne, puisqu’il est mort avant ma naissance.


 
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   Anonyme   
8/2/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Eh bien, je suis vraiment contente d'avoir cliqué sur cette nouvelle. Pour tout vous dire, le sujet m'inquiétait : une réflexion/dissertation sur la création littéraire ? Ouille ! Je craignais quelque chose de sentencieux, prétentieux, bouffi.
J'ai donc été très agréablement surprise : vous réussissez à exprimer des idées, le texte est loin d'en être dépourvu, mais de manière légère, amusante, les dialogues m'ont paru naturels, la trame est souple, illustrant fort bien le fond. Un humour discret traverse tout le récit, qui culmine dans le délire de la fin (délire que j'aurais préféré un peu moins appuyé, mais c'est votre choix ; question de dosage). Et en plus, l'ensemble me donne à réfléchir !
Du beau boulot, vraiment, sur un sujet qui à la base tendrait à m'ennuyer. Peut-être, si je cherche à pinailler, dirai-je que le tout m'a paru un petit poil long. En fait, je verrais assez bien Nardo remarquant que l'île bouge comme conclusion...

"Écrire, c’est exercer sa liberté" : d'une certaine manière, on peut dire cela de beaucoup de choses, puisqu'un peu avant vous faites remarquer que, tous les jours, quoi qu'on fasse on fait des choix... L'écriture n'est pas le seul champ d'exercice de la liberté, ni même l'art d'ailleurs, j'ai l'impression.
"Notre vérité ne préexiste pas à l’acte de peindre ou d’écrire" : ça se discute, mais j'aime bien l'idée.

   Acratopege   
5/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, sa mise en abyme discrète, la mise en évidence des liens complexes entre écriture et remémoration de sa propre existence et fouille patiente de celle de ses proches à travers ce qu'ils nous ont laissé. Le rythme m'a plu, avec cette scansion habile à travers les cafés pris ici ou là. L'image du moulin aussi, qui rassemble une erreur de mémoire et un hasard heureux pour donner vie à un bout de réel plus vrai que nature.
Si j'ai quelques critiques à faire, ce serait plutôt au sujet du style, qui m'a paru parfois un peu empesé et administratif, ("Mais au bout du compte, une fois le texte terminé, chaque élément est fixé en un certain emplacement, comme dans un tableau") alors que d'autres phrases coulent de source vive ("Le moulin, accoudé à une chapelle, repose sur des pilotis en arcade.")
Et puis je n'ai pas aimé la fin qui fait se rencontrer les protagonistes à travers lieux et temps. J'aurais préféré que vous restiez dans le virtuel, l'impalpable, le suspendu...

   Anonyme   
5/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Aldenor,
J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ton texte, qui m'a beaucoup rappelé les romans de Goran Petrovic, auteur serbe que peut-être tu connais.
J'ai particulièrement apprécié l'alternance de ces courts textes amenant progressivement à ta réflexion ainsi que ces enchainements de phrases apparemment sans logique (ma préférée : "– Pourquoi Nardo n’était-il pas avec vous en Turquie ?
– J’en veux à mon père. Il avait une conception austro-hongroise de l’éducation du fils, à la dure. On l’a abandonné."), qui permettent de mettre en lumière cet univers de possibilité qu'est l'écriture.

   Bidis   
11/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je me suis précipitée vers cette lecture, puissamment attirée par l’exergue car je suis en pleine période de recherches et de questionnements sur le processus de la création littéraire.
Or rien dans ce que je lis qui traite ici de l’écriture, ne me semble ni orignal ni même tout à fait juste. De plus, j’ai été gênée (et à la limite catastrophée, car j’apprécie le talent de l’auteur) par le ton dogmatique des affirmations et par le fait que certaines questions posées m’ont semblé être de faux problèmes – ou plutôt des problèmes trop particuliers à l’auteur ou à son personnage et qui ne m’intéressaient pas.

Par exemple :
- « L’écriture est une photographie de l’esprit » et « la pensée de la personne est là, intacte, continue d’exister dans l’écrit ». Je trouve qu’une photographie, c’est trop net, trop précis pour définir un esprit, j’aurais au moins dit « un tableau ». Et je pense que ce n’est pas la pensée d’une personne qui demeure dans ses écrits, mais seulement quelques émanations de cette pensée (ou tentatives d’émanations) à certaines périodes de sa vie. Je dis bien « je trouve » et « je pense ». L’auteur, lui, énonce des « vérités » à l’emporte pièce qui ne me séduisent en rien.
- « Ecrire, c’est établir des liens, des rapports. Puis les interpréter. » : affirmation dogmatique et sans développement, donc vague. Au lecteur de réfléchir là-dessus, si ça le tente. Cela ne me tente pas. Et surtout, cela qui ne me montre toujours pas grand chose d’un « processus de création littéraire »…
- « Ecrit-on pour s’adapter au rythme du temps, ordonner sa vie, la contrôler ? ». L’auteur se pose la question dans sa tentative de comprendre son personnage et c’est tout à fait louable. Mais la façon dont cette question est posée fait que le lecteur se sent obligé de se la poser à lui-même alors même qu’il n’a peut-être aucune envie de s’attarder sur ce « problème ».
- « Ecrire c’est comme construire un puzzle. Etc… ». Enfin quelque chose d’intéressant ! Mais pas forcément vrai. Et, parce que cette idée est présentée de façon si péremptoire – comme une vérité – j’ai le réflexe immédiat de la rejeter sans même l’approfondir. Et c’est dommage. Pour moi et pour l’auteur que je n’apprécie sans doute pas à sa juste valeur…

Alors, pourquoi un « Très bien » ?

Eh bien - et c’est parce que je m’y attendais que j’ai été si déçue par ce que je n’y ai pas trouvé concernant le « processus de création littéraire » - cette nouvelle en fait est écrite dans un style que j’admire et que j’aimerais posséder. J’ai trouvé délicieux ce dépaysement et ces noms exotiques, cette atmosphère étrange distillée par des choses pourtant simples, ordinaires, et la guerre en toile de fond dont les rappels m’ont donné une impression de malheur, d’horreur même, et de résignation mêlées peut-être par l’apparente simplicité dans la façon de l’évoquer.

Par contre la fin, juste après « Il referme brusquement le livre » me semble sans grand intérêt, comme une sorte de verbiage inefficace. Si elle était, cette chute, destinée à faire réfléchir ou donner quelque impression particulière, ce but n’est pas atteint en ce qui me concerne.

Donc, pour cette fin et pour les assertions qui m’ont déplu sur le « processus de création littéraire », un moins à mon très bien.

Edit 11 mars :
Malgré mon rejet viscéral pour tout ce qui m'est présenté ex cathedra, l'idée de puzzle dans le processus de création littéraire a continué à faire son petit chemin, je la trouve de plus en plus séduisante et finis par en faire mon miel. Aussi je regrette de m'être montrée si sévère car c'est bien des idées qu'à cause de l'exergue, je cherchais dans la lecture de cette nouvelle et, au fond, j'en ai effectivement trouvé une.

   matcauth   
8/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour,

Je ne saurais pas dire si j'ai apprécié ou non la lecture de ce texte. c'est, à mon goût, trop confus.

Je m'explique.

Le début du texte nous emmène dans une région du bloc de l'est, il nous emmène également dans l'histoire d'un soldat.

Puis, brusquement, alors qu'on s'attend à la suite de l'histoire, et, également, à une justification géographique, arrive la phrase
"L'écriture est une photographie de l'esprit". Et on repart vers tout autre chose. Là, je suis perdu, et un peu déçu aussi d'avoir été accroché par quelque chose qui ne continue pas.

Ensuite, l'ensemble se mélange, de la description historique aux réflexions littéraires, artistiques, sur la couleur des yeux... en passant par des moments complexes, comme

"Une serveuse s’approche, je lui demande un café long :
– Kava velika, molim.
– Sa mlijekom ? Au lait ? s’enquiert-elle.
– Bez. Sans, je réponds."

que je trouve inutiles et qui heurtent trop la lecture.

Et puis la fin du texte part dans le fantastique et là... je ne suis plus là.

Les références sont trop compliquées, utiliser Split pour poser la scène est trop mal venu (pour moi) car je ne connais que très peu l'endroit, la complexité du vocabulaire et des noms propres ne m'aide pas à me familiariser, au contraire.

Je n'ai pas non plus plongé dans l'histoire, il me manque des choses pour m'identifier, me sentir bien dans cet endroit ou évoluent les personnages. Cela m'apparaît au final comme un article scientifique, en quelque sorte.

Sur la forme, rien à dire. Il y a une écriture très talentueuse, mais ça on le savait déjà, et un rythme, une structure, très équilibrés, malgré la quantité importante d'informations.

Au final, je n'ai que des questions, me manquent des explications pour comprendre.

   David   
8/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Aldenor,

"Brusquement, un alligator géant couvre de son ombre la colline de Marjan." si j'ai bien compris, c'est la fameuse île mentionnée précédemment : "On dirait que l’ile de Brač s’est mise en mouvement, me dit-il de loin… " et encore avant il me semble, mais je ne retrouve pas le passage. J'aurais pu prendre un autre repère, comme les prix du café :) j'en avais besoin pour prendre du recul sur cette curieuse lecture. C'est une succession d'extrait, avec des passages assez poignant comme les lettres du défunt neveu de la grand-mère, ou des dialogues avec la mère du narrateur, en peintre et écrivain, il y a en d'autres aussi plus contemplatifs, "journalistiques" mais au sens de "tenue d'un journal" sans que le sujet soit forcement intime, parfois juste des commentaires de ballade.

L'ensemble trouve sa cohérence à mon goût, l'atmosphère est très particulière, sans une narration forcement linéaire mais sans seulement le vertige d'une introspection non plus. Ça semble même plus réel qu'une histoire proprement dite, toujours empreinte de sa fiction comme un conte de fée, et bien moins froid qu'un ton de journaliste ou même de voyageur.


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