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Science-fiction
Alexis-Del : Une goutte d’eau dans l’océan
 Publié le 27/03/25  -  3 commentaires  -  14369 caractères  -  25 lectures    Autres textes du même auteur

Une sonde est envoyée dans l'infini de l'univers, porteuse d'espoir…


Une goutte d’eau dans l’océan


Oui ! Gerald B. Walkens avait accepté la demande. Mais entre le moment où l’accord fut conclu et celui où les sondes furent envoyées, une bonne décennie s’écoula. À échelle universelle c’est insignifiant. À échelle humaine, c’est long. Surtout lorsque l’humain se nomme Walkens. Les premiers mois, le multimilliardaire était furieux. Contre la science ? La fatalité ? Lui-même peut-être ? Ou bien l’auteur du projet ? Jamais Edward n’avait promis un temps plus court. Walkens se l’était pourtant plus ou moins imaginé. Il avait alors fait éplucher leurs échanges, encore et encore. Avait fait relire chaque mot du contrat par ses meilleurs avocats. Non, rien à faire : le scientifique à l’origine de la proposition avait toute sa conscience pour lui.


D’ailleurs, on le lui avait cent fois expliqué à Walkens : science rime avec conscience autant qu’avec patience. On tente, on fait un pari, on met en route, on voit ce que ça donne. Certaines théories sont étudiées des siècles durant pour conclure à une impossibilité. Gerald Walkens n’avait jamais bien compris. Dans ses affaires, il fallait que tout aille vite. Ses plus ambitieux projets ne s’échelonnaient pas sur plus de quatre ans, ce qui à ses yeux était déjà gigantesque. Au cours de sa vie, cette impatience avait joué en sa faveur : grâce à elle, il avait conçu, ou plutôt fait concevoir, des électroménagers adoptés par la planète entière. Des drones sous-marins, des engins de chantier révolutionnaires, des briques aussi légères que solides et écologiques. Son empire effrayait et fascinait.


Les collègues d’Edward avaient été les premiers surpris. L’homme était connu pour être un réaliste, un pragmatique. Un tel projet allait à l’encontre de sa réputation. Là encore, Edward semblait s’en moquer. On le jalousait comme on l’admirait. Mélange de passion et de mépris… Un point commun qu’il partageait avec Walkens.


Edward fêta le lancement en famille, avec femme, oncles et cousins, puis se reposa un peu. Le projet aboutissait enfin ! Et malgré toute la jubilation de Walkens dans les médias, ce dernier n’avait pas jugé bon de revoir le scientifique. D’une façon ou d’une autre, même sans bonne raison, il semblait lui en vouloir. Qu’importe pour Edward, le rêve était réalisé.


Pourtant, ce projet de colonisation universelle était considéré comme purement symbolique. Des milliards investis ! Sans rendement possible aucun. Une première pour Walkens. Une dernière aussi. Douze sondes… comme des sortes de petites graines. Qui théoriquement pouvaient éclore sur des planètes lointaines, peut-être dans des millions d’années, lumière ou non, lorsque l’une d’elles repérerait, qui sait, un lieu propice à la vie. En chaque sonde, toutes les bactéries nécessaires pour recréer la vie. Ainsi que tous les éléments pour un contexte évolutif forcé. Très progressif bien entendu, mais assuré, selon l’expertise d’Edward et son équipe.


De petites graines… comme une goutte d’eau dans un océan. Une goutte d’eau qui devrait s’écraser en un point précis de la côte new-yorkaise, un point sur une roche, d’un demi-centimètre de large. C’est ce qu’un collègue avait calculé en se basant sur cette expérience de pensée. Une façon de dire que les chances d’accomplissement étaient proches du zéro absolu. Walkens, lui, était persuadé que les planètes habitables étaient incroyablement plus nombreuses que les scientifiques le prétendaient. Sans cette conviction, il est peu probable qu’il ait donné son aval. Pour Edward l’essentiel était qu’il le croie.


Calculs, probabilités, chances… Le fait qu’une douzaine de sondes aient été « dispersées » dans l’espace n’y changeait pas grand-chose. Mille aurait été envoyées, là encore les chances d’aboutissement seraient restées infimes.


Que l’humain parte lui-même pour recréer un jour l’humanité ailleurs semblait impossible, en dehors des histoires de science-fiction. Alors pourquoi ne pas envoyer un héritage ? Presque une sorte d’acte sexuel, la sonde étant un spermatozoïde et l’hypothétique planète habitable un ovule. L’image était belle, quoique ô combien utopique. Elle plaisait beaucoup à Walkens, qui se voyait comme créateur d’une civilisation à venir, extraterrestre d’origine terrestre.


Quelques jours après le lancement, Billy, fils d’Edward, vint rejoindre son père. Trop pris par ses examens, il n’avait pu assister à la grande fiesta familiale. Père et fils allaient se rattraper en buvant un bon coup entre hommes et en se racontant leurs petites histoires. C’est du moins ainsi que Billy l’envisageait. Mais Edward l’accueillit gravement. D’ailleurs, il n’avait que de l’eau. En préambule, il déchira une lettre.


— Mon testament, jeune homme ! Je comptais qu’il te soit légué à ma mort. Mais le temps presse, et pour que tu saisisses bien ce que je dois te dire la sobriété est de rigueur. Nous pourrons toujours déboucher le champagne après.

— Père. Ne me dites pas que vous avez peur de la situation actuelle ?

— Hélas, fils, hélas ! Oh que si. Oh que si j’ai peur, tu ne peux sans doute pas imaginer.

— Ces rumeurs de guerre nucléaire mondiale seraient donc… fondées ?

— J’espère me tromper ! Mais… dans la communauté scientifique on s’inquiète beaucoup. Plus que de raison ? Souhaitons-le. J’ai aussi des connexions dans certaines instances politiques. Crois-moi le risque est réel.

— De quelle ampleur ?

— Le risque ou la guerre ?

— Plutôt la guerre.

— Nul ne peut dire. Chaque réaction dépendra de celle de l’autre. Et ainsi de suite.

— Un effet en chaîne ? Chaotique, imprévisible ?

— Les plus puissants ordinateurs quantiques sont eux-mêmes sans voix. N’en dis rien à ta mère elle se ferait un sang d’encre.

— Et pour une fois il y aurait de quoi.

— Disons qu’il ne sert à rien de créer de l’angoisse au carré. Et si jamais je délire, autant ne pas l’affoler pour rien.

— Mais vous n’êtes pas seul à délirer, me dites-vous.

— Et c’est bien ce qui m’inquiète. Bref, parlons peu mais parlons bien. Tout pourrait se décider dans les prochains jours.

— Hein, les prochains jours !? Mais père, c’est…

— Fils, tais-toi un peu et écoute. Un bunker antiatomique souterrain se trouve à une centaine de kilomètres de la maison familiale. Va passer quelques jours chez ta mère. Prends ces documents, tout y est détaillé. Le lieu précis, comment entrer, refermer, le fonctionnement…

— Est-ce que l’abri tiendra pour de bon ?

— Disons qu’à l’intérieur il y aura une bonne chance de s’en tirer. À l’extérieur, aucune.

— Et vous ?

— On a besoin de moi. Impérativement.

— Voyons, rejoignez-nous.

— Totalement impossible pour le moment. Pas de discussion.


Billy prit une profonde inspiration. Tout cela allait beaucoup trop vite pour lui.


— Donc je me tiens prêt et attends votre appel. Si je reçois votre message d’alerte…

— Non ! Le contraire. De nombreuses lignes seront peut-être bloquées. Soit tu reçois un message rassurant de ma part. Soit tu ne reçois rien d’ici trois jours, et tu pars au bunker avec ta mère. Sache aussi que les sondes ont un rôle capital à jouer.

— Les sondes ? À quoi bon s’en préoccuper à présent ?

— Car tu ne sais pas tout. J’ai dû te cacher des choses. À toi, à ta mère, à la plupart des collègues, à Walkens. Les sondes n’ont… pas la fonction que tu crois.


Billy marqua un temps.


— … Vraiment !?

— Oui, vraiment. Une fois au bunker vous n’aurez plus rien à craindre. Ou bien moins. Dans une heure tout au plus tu devras être parti. Je t’expliquerai le reste plus tard. Pour un seul homme ça fait déjà beaucoup à encaisser, n’est-ce pas ?


Billy n’eut pas le cœur de goûter au champagne. Il aurait été incapable de ressentir la moindre subtilité du spiritueux.



Les évènements s’enchaînèrent très vite. Trop vite pour qu’on puisse bien les comprendre. Edward parvint à joindre son fils, mais uniquement pour le presser de faire le rapatriement prévu. Ce qui fut fait. Les affaires étaient déjà préparées, Billy n’eut qu’à pousser sa mère, presque de force, dans la voiture. À peine deux heures plus tard, mère et fils se trouvaient dans l’abri, situé à trente mètres sous terre dans une zone militaire. Contre toute attente, une dizaine d’autres personnes étaient présentes. Encore une structure qui avait dû coûter une fortune. Tout y était conçu pour tenir en toute autonomie pour des temps indéterminés.


Après avoir appris la situation, l’épouse eut à peine la force de dire quelques mots à son mari. Le fils parvint à poursuivre l’échange, en devinant que ce serait le dernier.


— Fils ! Nous n’avons pas le temps pour des adieux déchirants.

— Père, dites-moi seulement. Était-il indispensable que vous vous teniez loin de nous ? Et n’avez-vous vraiment aucun moyen de nous rejoindre ?

— Aucun, et c’est justement à cause de tous ces bunkers.

— Il y en a tant que cela ?

— Quelques centaines à travers le monde. Il est prévu tout un système pour que vous puissiez communiquer. À terme que vous puissiez aussi vous rejoindre, entre certains abris. Un bien vaste projet, je manque trop de temps pour te raconter. De même qu’il serait inutile de t’expliquer pourquoi c’est sûrement la fin.

— En ce cas, dites-moi l’essentiel, père.

— Je dois organiser, à distance, les entrées dans tous les abris antiatomiques. Un bon millier d’humains est concerné. Sans moi, et quelques collègues, rien ne pourra se faire. Vous serez dans l’abri pour au moins plusieurs années. Davantage ? Nous verrons, enfin vous verrez. Il faudra être très attentif aux données extérieures. Toute erreur d’appréciation rendrait une sortie mortelle.

— Mais qu’y aura-t-il à l’extérieur ?

— Probablement rien ! C’est là tout le problème. Poussière et radioactivité.

— Un territoire définitivement hostile ?

— Rien n’est jamais définitif.

— Des infrastructures intactes, qui seront en surface ? Au moins quelques-unes ?

— Certainement aucune.

— Alors rien pour nous permettre de rebâtir une humanité.

— Une humanité ? Si. Plusieurs abris ont été conçus pour une procréation saine. Pas le vôtre. Certes il y a ici parmi les élus une femme encore fertile, dans ta tranche d’âge je crois bien, mais un enfant n’est pas prévu dans nos calculs. Pas ici. Si jamais sexe il y a…

— Compris, père.

— Tu as de bonnes connaissances scientifiques. Tu seras sans doute mis à contribution de bien des manières. Il y aura beaucoup à coordonner.

— Beaucoup de… technologies de pointe sont prévues dans les différents abris ? Afin de rebâtir une civilisation qui ne soit pas à l’âge de pierre.

— Rien de salvateur de ce côté, dans aucun abri. Chaque mètre cube, chaque outillage doit servir à la survie. Il n’y avait pas d’autre solution !

— Vous parliez de rebâtir une humanité.

— Oui. Primitive, en tout cas techniquement. Je n’ai pas parlé de rebâtir une civilisation.

— Alors si nous survivons, cela prendra des… dizaines… centaines de milliers d’années pour s’extirper de notre condition d’hommes de Cro-Magnon ? Plus encore ?

— Il y a les sondes.

— Les sondes !? Parties au hasard dans l’univers pour toujours ?

— C’est ce que Walkens pense. Non, leur objectif est tout autre. Un retour est prévu pour chacune.

— … De quelle façon ?

— Enfin, fils ! Ça fait partie des bases voyons. L’émotion t’égare. Chacune a été envoyée en ligne droite, par une navette spatiale. Une impulsion de vingt mille kilomètres heure chaque. Chacune a un retour programmé, par une impulsion inverse.

— Sur Terre ?

— Je ne vois nul autre endroit.

— Mais pourquoi ?

— Voyons. Tu ne saisis toujours pas, fils ?

— … Pour recréer une civilisation.

— Naturellement ! Ou plutôt artificiellement. Les bactéries, le processus évolutif… Oui, tout cela est bien en chaque sonde. Mais pas seulement. Il y a aussi des instruments de pointe pour découper et assembler n’importe quelle matière. Faire fondre de l’acier. Mouler du béton, forger du fer. Et d’autres choses encore.

— Des machines ?

— Disons, des machines conçues pour concevoir des éléments qui… permettront de concevoir d’autres machines. Qui, elles, à terme, permettront de créer un réseau d’électricité, des engins volants, roulants, marins. De bâtir des maisons, et… tout ce dont la civilisation à venir a besoin.

— Vous aviez donc prévu qu’un jour la société humaine s’éteindrait d’elle-même. En partie ou en totalité.

— J’ai prévu le pire ! Si au retour de la première sonde tout est passé de vie à trépas, même la plus infime bactérie, le programme d’évolution lente débutera. Avec une possibilité d’humanité dans quelques centaines de milliers d’années.

— Et si nous survivons dans les abris, nous débuterons donc d’une sorte d’ère préhistorique… pour nous diriger, d’année en année, vers une civilisation.

— C’est l’idée.

— Donc, père… la sonde qui arrivera contiendra tout le potentiel technologique. De cette même technologie qui s’apprête, là, maintenant, à tout détruire.

— Toute civilisation qui évolue est amenée, tôt ou tard, à détenir une possibilité d’autodestruction. Que cela prenne dix ans ou des milliers de millénaires.

— Et chaque sonde contient la même chose. Mais est prévue pour revenir à une différente date.

— J’ignorais quand un conflit atomique mondial aurait lieu. Et même s’il aurait lieu. Si l’apocalypse survenait dans mille ans, il serait contre-productif qu’une seule sonde envoyée revienne cinq cents ans trop tôt. Les humains du futur ne seraient peut-être pas assez raisonnables pour la renvoyer faire un nouvel aller-retour. Nous avons donc prévu une douzaine de dates pour une douzaine de sondes. J’aurais aimé plus. Mais Walkens a déjà été fort généreux, c’est le maximum que nous avons pu obtenir et c’était déjà beaucoup.

— Pourquoi ne pas lui avoir dit la vérité ? L’idée est très excitante.

— Walkens est un passionné de la vie sur les autres planètes. Je lui ai fourni le scénario qu’il fallait.

— Quelle est la toute première date ?

— J’attendais que tu me poses la question. Il faudra d’abord attendre quelques années que l’atmosphère devienne viable, puis redécouvrir une vie dans la nature, avec de la cueillette et de la chasse. Pour quelques générations. La première sonde sera de retour dans une petite centaine d’années à peine. Oui, je ne pensais pas du tout la fin si proche. Ni moi, ni mon équipe. Éduque les enfants à venir mon fils, transmets leur l’amour des sciences. Car science rime avec conscience autant qu’avec patience. Adieu mon fils, adieu…


 
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   Corto   
27/3/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Elon sort de ce corps !

C'est sans doute pour nous remonter le moral que l'auteur a rédigé cette nouvelle... Je la trouve fort bien construite même si le prévision d'un avenir et d'une nouvelle humanité parait plutôt exagérée.
Mais comme chacun sait nous ne savons pas grand chose de la naissance et de la vie de l'Univers. Alors pourquoi pas ?

Le réseau d'une centaine de vrais abris parait aussi assez utopique mais Why not ?

Bravo pour l'imagination, la construction de l'histoire et la rigueur du style.

   tentacule_du48   
28/3/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
En fait le le vrai twist, c’est que ces fameuses sondes ne servent peut-être pas à ce qu’on croit, genre dun coup, on passe de la belle utopie futur à une paranoïa digne d’un bunker anttiatomique. On envoie un héritage à tout l’univers et en même temps on creuse sa propre tombe sous trente mètres de béton, comme si l’homme, dans son génie, oscillait toujours entre créer la vie et préparer sa propre extinction, et puis taf, Et au final, est-ce que c’est pas ça, l’essence même de l’humanité ??? genre de toute notre existence? Un coup on rêve grand et un coup on creuse des trous pour se cacher!

   Gouelan   
31/3/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Le scientifique a joué un tour à l'homme d'affaires en ne lui disant pas tout. Un homme d'affaires qui raisonne à court terme, 4 ans : cela m'a fait penser à un personnage très déplaisant de notre actualité (légèrement orange).
Le scientifique est avisé, autant tenter de reconstruire quelque chose sur Terre, plutôt que d'errer dans l'espace avec une chance minime de trouver un jour une planète viable.
L'homme détruit, il répare pour sans doute, des siècles plus tard, détruire à nouveau. La science rime avec patience, mais hélas pas toujours avec conscience.
Quand la science devient une histoire de gros sous et de pouvoir, c'est fichu. La science, c'est la raison, mais les hommes ne sont pas raisonnables.
Le vouvoiement entre le père et le fils m'a dérangée. J'ai trouvé le ton trop formel, sans vraiment d'émotion.
Cependant, l'idée est intéressante et j'ai pris du plaisir à la suivre. Merci pour cette histoire.


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