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Sentimental/Romanesque
Alice : Cliffs of Moher
 Publié le 10/02/15  -  19 commentaires  -  7345 caractères  -  256 lectures    Autres textes du même auteur

En revenant d'Irlande, j'étais convaincue que le vent savait parler. Les falaises où se déroule mon histoire, il faudrait pouvoir y aller. Tous les jours. Seul. Il y a quelques décennies, les Irlandais le pouvaient encore.


Cliffs of Moher


Maman avait mis sa grande jupe, sa jupe de bohémienne, sa jupe de poésie. Elle la mettait pour jouer du violon, pour peindre, pour nous raconter des histoires. Elle la mettait pour m’emmener aux falaises. Elle ne la mettrait pas lorsqu’elle s’y rendrait pour la dernière fois, lorsqu’elle tomberait longtemps, très longtemps ; presque le temps de vivre.


La jupe se balançait devant moi, je suivais tant bien que mal, propulsée par l’orgueil des courts sur pattes. L’herbe était longue, battue par un vent moucheté de pluie qui délavait le ciel. Mon vent d’Irlande. Déjà, en ce temps-là, il me faisait peur. Les enfants craignent instinctivement ce qui rend leurs parents rêveurs. J’avais six ans, je pressentais mieux qu’à seize. Mon vent d’Irlande était là pour que maman s’envole.


Ce jour-là comme tous les autres, elle insistait pour que je m’approche du bord, là où la terre dépend des rochers. Elle disait que le vertige, ce n’était pas la peur de tomber mais l’envie de tomber. Que les tremblements, les sueurs froides, la gorge aride, c’étaient moi amoureuse du vide. Si je devais laisser pendre mes pieds à deux cents mètres de haut pour vivre mon idylle, ça n’avait rien de bien méchant. Tous les amoureux ont une chute à risquer quelque part. Tous les amoureux tombent de plus ou moins haut. Maman était très amoureuse. Du vent.


Mes pieds pendouillaient, tous leurs orteils crispés. La voix douce de maman, le roulement du français, m’avaient ensorcelée aussi bien qu’à l’accoutumée. Et ce vent qui, toujours, incitait. De temps à autre, une voie de sortie était débroussaillée par l’anglais paternel : une langue comme une paume ouverte sans odeur particulière, qui me proposait des mots détachés du sentiment, de la pure logique pour laver les trop-pleins. Never mind what she says.


– Étends-toi avec moi, l’herbe est tellement douce.


Je me laissai choir à ses côtés, me repliant contre son flanc gauche sans perturber sa forme d’étoile, enfouis mon visage dans mes boucles dont le froid avait volé l’odeur, me protégeant des embruns. D’à peine quelques centimètres elle abaissa sa main, sa main rugueuse au bout des doigts, et me caressa les cheveux, le bras encore appuyé sur l’herbe extraordinairement moelleuse. Chaque infime moulinet de son poignet faisait ronfler dans mes narines la lourde fragrance du sol humide, presque un goût.


Mon corps de six ans était tellement malingre qu’une seule caresse le cajolait tout entier. Je m’endormis presque.


– Je pourrais prendre de ces herbes-là pour bourrer ton matelas et ton oreiller, si tu veux. Tu les aurais pour dormir toute la nuit.


Je hochai la tête, faisant à peine remuer sa main dans mes boucles. Elle se ploya pour dégager mon front et l’embrasser, ajoutant comme pour se justifier :


– Je t’aime bien trop, toi.


Je repliai mes mains pour que les mots restent chauds.


– Les herbes, il va falloir que je les sèche un peu avant. Tu vas m’aider ?


Je blottis mon visage contre ses côtes pour qu’elle sente mon sourire.


***


J’avais dix ans et je marchais devant les jambes maigrelettes de Jade. Mon vent d’Irlande donnait une voix caverneuse au vide le long des falaises. Maman m’avait prêté sa jupe de bohémienne, sa jupe de musique et de vent mouillé. Les falaises, ça ne se vivait pas sans jupe. Elle était beaucoup trop grande pour moi. Je m’enfargeai tout au long de l’ascension, ce qui laissait à Jade le temps de me rattraper sur ses spaghettis. Maman ne l’avait jamais emmenée ici, elle m’avait demandé de le faire et nous avait déposées au bas de la pente. Des endroits secrets, ça ne se partage qu’une fois.


Jade avait cinq ans et elle gardait ses regards tout près d’elle. Elle aussi avait peur du bord, peur du ciel quand il avait l’air d’accélérer. Depuis toute petite, elle s’enracinait les yeux dans chaque sol qu’elle ne voulait pas quitter. Quand papa et moi abandonnerions l’Irlande, elle resterait derrière, ses dix-sept ans tout juste en poche, parce qu’elle savait fixer le vent comme une chose immuable à laquelle s’amarrer. Elle resterait. Et moi, un océan plus loin, je poursuivrais l’idylle à laquelle maman m’avait promise. J’aimerais mes vides, mes vides orphelins de falaises.


– T’es pas obligée de te placer près du bord. C’est normal que t’aies peur de tomber. It’s ok. Here. Hold my hand.


À dix ans, je sauvai ma sœur.


***


J’y portais toujours la jupe de bohémienne, peu importe à quel point mes amis se moquaient. Les falaises, ça ne se vivait pas sans jupe. Le jour où maman l’avait laissée pliée au bout de mon lit était depuis lors l’anniversaire du grand saut. Les falaises, ça se mourrait sans jupe. Elle m’allait bien, maintenant. Juste une maigreur, une carence d’enfant jaunie, qui la laissait mouvante sur mes hanches. J’aimais saisir le tissu terni, plein de deuil fatigué, dans un poing pour gravir des rochers. J’aimais, sobre, rester immobile les yeux baissés et voir de noirs volants enragés mordre le vent. J’aimais, soûle, tournoyer, les bras en croix, une bouteille de vodka pure à la main, avec elle tout en fantômes autour des jambes.


L’alcool et le tournis donnaient une langue au vent. Par-dessus les rires des moins ivres donnant le change et les échos de guitare, je le comprenais. Il me parlait en français, comme ma mère du lac Saint-Jean, à travers les éclats de l’anglais qui m’avait recueillie dans ses bras rugueux, ses roulades irlandaises. Le vent me parlait en français, parce que c’était la langue de mon cœur et que c’est par le cœur qu’on est le plus aisément corrompu. Il m’assurait que moi, il ne me trahirait pas, qu’il supporterait mon poids. Que, suspendue entre le monde du bas et le monde du haut, je pourrais aimer mon vide sans en mourir. Ma mère avait traversé l’Atlantique vers les vents trop tard, à dix-sept ans, quand elle ne pouvait déjà plus les aimer sans se détruire. J’étais différente. J’étais irlandaise. Et je portais la jupe.


L’appellation Cliffs of Moher dérive de la prononciation anglaise de l’irlandais Aillte an Mhothair. Comme pour tout le reste, c’était la traduction française qui gagnait, m’insufflait le sens : Falaises des ruines. Ruine de maman au tombeau venteux. Ruine de papa au cœur envolé. Ruine de la sœur aux solitudes d’amarrée. C’était ma ruine que je venais soûler aux plus hauts points des Cliffs of Moher, jusqu’aux petites heures du jour du départ ; trois décennies avant qu’on balise la poésie, qu’on fasse venir des photographes et qu’on offre au monde avide le visage d’un vent qu’il ne respecterait pas. Les amoureux du vide auraient désormais des centaines de bras et une place d’autocar encore chaude au bas de la pente, comme des chiquenaudes de réel, pour les convaincre de s’éloigner du bord, là où la terre dépend des rochers.


Le nez dans une jupe morte, tous les soirs, je regarde, à travers les saisons québécoises, un vent d’Irlande sanglant parvenir jusqu’à moi. Amputé des falaises. Il ne me parle plus, ni en français ni en anglais, même lorsqu’il me trouve soûle de l’autre côté de la vitre. Une soûle expatriée ça n’en vaut plus la peine. Et puis là d’où il vient on lui a désappris à parler.


Moi, même expatriée je continue à boire. L’alcool invente à ma mère des chutes plus ailées.


 
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   in-flight   
24/1/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très beau texte avec la retenue qu'il faut pour ne pas sombrer dans le pathos.
Il y a de très belles formules:
"Je repliai mes mains pour que les mots restent chauds. "

Par contre celle-ci mérite d'être retravaillée: "Le jour où maman l’avait laissée pliée au bout de mon lit était depuis lors l’anniversaire du grand saut."
On pourrait avoir une syntaxe plus fluide du type:
"Le jour où maman l’avait laissée pliée au bout de mon lit marquait l’anniversaire du grand saut.

Mais c'est vraiment un détail.

La mort de la maman laisse plusieurs interprétations possibles et c'est très bien comme ça.

Vous faites un glissement très maitrisé à partir de "trois décennies avant qu’on balise la poésie". Une parenthèse habile pour critiquer le cirque touristique que sont devenues ces falaises. Pour y être allé je peux en témoigner.

Et puis on finit sur une note d'exil, la difficulté de l'éloignement et le dialogue rompu entre le narrateur et ce vent apatride, fade: "Et puis là d’où il vient on lui a désappris à parler. "

Bravo.

   Neojamin   
28/1/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Un beau texte, envoûtant. Une écriture délicate qui emporte. J'aime bien le ton, la douceur est la simplicité du texte qui m'invite à fermer les yeux pour m'imaginer les falaises.

Au niveau de la forme, c'est bien écrit mais j'ai trouvé que , parfois, l'auteur en faisait trop, quelques images m'ont parues trop fouillées et pas nécessaires au milieu d'un texte suffisamment imagé comme ça!
J'ai particulièrement tiqué sur:
- "c’étaient moi amoureuse du vide" Pas très gracieux comme formule...
- "ronfler dans mes narines" Pas sûr que les odeurs fassent ronfler.
- " sur ses spaghettis" Vous maniez très bien la langue dans tout le texte et donc les quelques images banales choquent!
- "elle s’enracinait les yeux dans chaque sol" J'ai l'impression que ça en fait un peu trop, l'image peut fonctionner mais je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire.
J'ai bien aimé:
- "propulsée par l’orgueil des courts sur pattes"
- "Je repliai mes mains pour que les mots restent chauds. "

Sur le fond, une belle nostalgie teintée de mélancolie. Pas de fin heureuse ni de fin malheureuse. Nous savons dès le début à quoi nous en tenir...mais j'ai eu envie de lire, de voir au l'auteur nous emmenait. La fin manque de sel...j'aurais aimé en savoir plus sur ces vents du Québec qui semblent morts, sans leurs falaises et sans leurs souvenirs...

Ce fut un beau moment en tout cas, merci.

   Robot   
28/1/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je me suis laissé prendre dans les plis de ce beau texte. Entre la nature et la vie, on y lit beaucoup de sentiments pudiques et nostalgiques.
Les images sont bien amenées et l'écriture sensible. On voit le vide, on sent la caresse du vent, on est dans le paysage. C'est très beau.

   Shepard   
10/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Alice,

Normalement je cherche toujours les défauts des textes en premier lieu. Pour celui-ci je n'y arrive pas. Je sais qu'il y en a, probablement car la perfection n'existe pas, mais sur ce coup je suis dépassé par les évènements !

C'est ça l'Irlande : Il y fait agréablement moche. Il pleut, y a du vent, mais c'est beau, la mer et les falaises (et les pubs).
Vous m'avez emporté dans votre histoire, c'est à la fois très mélancolique et triste mais aussi extrêmement léger et détaché de toute contraintes, deux extrêmes qui se rejoignent et forment une ambiance que j'adore (j'apprécie les contrastes).

En général je suis assez imperméable à ce type de texte, je trouve ça joli mais sans plus, là je ne sais pas ce que vous y avez ajouté mais vous m'avez ému.

   Marguerite   
11/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Alice,

J'ai aimé le ton délicat de ce texte, tout en effleurements.
Dès le début d'ailleurs, dès la première phrase, qui est comme un envoûtement.
J'ai moins accroché au thème, au récit en lui-même. J'ai trouvé que c'était trop... linéaire (désolée je ne trouve pas le mot exact pour préciser ma pensée).

Je l'ai lu deux fois car j'ai fait une énorme méprise la première fois : passée la 1ère ***, j'ai cru qu'on changeait de personnage, de point de vue, idem à la 2ème série d'étoiles, et du coup je ne comprenais pas grand chose à la chronologie, ni à qui était qui...
J'ai relu et j'ai saisi.

Merci pour la lecture.

Marguerite.

   Francis   
12/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Belle harmonie entre les personnages et les décors ! Un texte dans lequel se mêlent amour, mélancolie, pudeur... J'en ai fait une seconde lecture avec "Ireland Irish Pubsongs" en fond sonore. Durant ces deux lectures, je me suis arrêté sur cette phrase simple et belle à la fois : " je repliai mes mains pour que les mots restent chauds".

   aldenor   
13/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un très beau texte.
Mais pourquoi réduire l’action de la première partie à une seule journée ? Je verrais plutôt cela comme une scène récurrente, à l’imparfait. En tous cas, je trouve que le passé simple rompt l’atmosphère, dans la scène sur l’herbe.
Certains détails encombrent la narration, l’histoire de la sœur par exemple, mêler l’Irlande et le canada.... Une volonté de raconter toute la vie de la narratrice au lieu de se cantonner à l’essentiel : la mère et les falaises, l’attrait du vide et du vent, et puis, pourquoi pas, se noyer dans l’alcool...
Le mode du passage sur « cliffs of moher » me semble trop explicatif.
Des passages magnifiques :
« Les enfants craignent instinctivement ce qui rend leurs parents rêveurs »
« Maman était très amoureuse. Du vent. »
« Je repliai mes mains pour que les mots restent chauds. / Je blottis mon visage contre ses côtes pour qu’elle sente mon sourire. »
« L’alcool invente à ma mère des chutes plus ailées. »

   placebo   
13/2/2015
Moui… d'accord avec Aldenor, un peu trop d'explications à la fin, presque de redites.

J'ai compris récemment pourquoi j'aimais le thème de l'enfance en lisant Sénèque, où il montre l'importance de devenir Homme et de laisser l'enfance derrière soi. On acquière de nouvelles connaissances mais paradoxalement on oublie d'autres choses. Les enfants qui en savent moins sentent plus et s'appuient sur ce qu'ils savent : les relations avec leurs parents ou la nature, principalement.

Pour revenir sur la jupe, le vent, le vertige, l'alcool ou l'impression de redite, il y a un léger tourbillon qui s'échappe du texte.

Bonne continuation,
placebo

   Anonyme   
14/2/2015
Bonjour Alice

C'est toujours aussi bien écrit, toujours aussi poétique. Vous avez le sens de la formule, aucun doute. Vos phrases sont belles, vous savez saisir l'instant dans sa seconde.Vous avez également un sens de l'humain presque tactile.
Néanmoins, pour moi, cette histoire manque de chair. C'est comment dire, tellement effleuré que ça en devient éthéré, impression de voir un squelette, de lui compter chaque os sans véritablement le "sentir".
Très difficile à expliquer, mais une chose est sûre, vous avez du talent et votre écriture appelle à la lecture.
Merci

   Anonyme   
14/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien
C'est le deuxième texte que je lis de vous après « Au disparu » et je note une propension pour les thèmes familiaux. Après ce père capable de toutes sortes d'escapades, voici la mère s'offrant au vent du large. Les liens de l'enfance semblent être une source d'inspiration.
Au niveau de l'écriture en elle-même, rien à redire. C'est beau, c'est propre, c'est... toujours aussi sophistiquée ! Je ne vais pas encore vous bassiner avec ma ritournelle sur l'aspect exagérément esthétique de votre style, vous savez ce que j'en pense. Non, j'ai envie de vous dire : on sait que vous écrivez bien, vous n'avez plus rien à prouver, alors envoyez du lourd maintenant ! Du spontané, du brut, du sauvage qui ne s'encombrerait pas de fioritures académiques ! Balancez ce que vous avez dans les tripes sans vous soucier de produire du beau. Alice ne serait-elle qu'un délicat oiseau de cristal ?

   tanagra   
15/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un mélange d'enchantement, de nostalgie puis de subtil désenchantement, lorsque la vie adulte fait place aux songes ailés de l'enfance.
Une écriture subtile, sensible et poétique, oh la saveur de "Je m’enfargeai"

   Anonyme   
15/2/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Quelle beauté dans ce que l'on appelle ici une "nouvelle"... c'est plutôt un superbe poème de femme.

"une jupe de poésie" dans "l'herbe...longue" qui garde "ses regards tout près d'elle"...

Une poésie-nouvelle sans "balise", bref, enfin quelque chose de nouveau dans un écrin de mots qui donnent "une langue au vent".

Continuez donc à boire...

Merci.

   Pussicat   
15/2/2015
C'est en ouvrant le site ce matin que j'ai lu votre ligne de remerciements et c'est qui me vaut d'être ici à poser un commentaire après lecture de votre nouvelle, courte nouvelle mais d'une rare intensité poétique, tout en évitant le pathos, vous déroulez une histoire en trois temps, trois espaces bien définis avec la nature pour tableau, la nature bienveillante comme un cadeau précieux, intime, la nature et ses peurs qu'elle fait naître en nous malgré nous, la nature et ses lois... impossible de citer tous les extraits qui m'ont emportée, c'est l'ensemble du texte en fait, mais il y a des éclats de poésie pure comme : "Jade avait cinq ans et elle gardait ses regards tout près d’elle"
Et que dire de la fin, de ce dernier paragraphe qui m'a déchirée.
J'aime... C'est beau, c'est très bien écrit avec une force retenue, c'est très fort !
A bientôt de vous lire,
ps : une question sur la dernière phrase :"L'alcool invente à ma mère des chutes plus ailées." La liaison n'est pas ici par hasard...

   Coline-Dé   
16/2/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Ils y a des gens qui croient décrire la réalité ( les naïfs !)... et puis il y a des magicien(nes) comme vous qui nous donnent à voir leur réalité, sans chercher à courir après une objectivité qui ne peut exister puisqu'un être humain ne voit forcément qu'avec ses yeux, ne ressent qu'avec ce qu'il est. Et c'est ici, je crois, que la littérature commence : pas plus que peindre ne consiste à imiter parfaitement la réalité, l'écriture ne saurait nous émouvoir si elle ne reflétait pas cette singularité, ce pas de côté, ce qui nous permet de voir avec d'autres yeux ... Là, vous excellez !
Votre texte intègre au paysage des sentiments, des sensations, des chagrins, des réflexions et cette Irlande-là je ne pourrai jamais la voir que dans votre texte, quand bien même j'irais visiter ces falaises... Ce qui est sûr, c'est que si j'y allais, il apporterait à mon regard un plus , une " valeur ajoutée " comme on dit maintenant. C'est de ça que se nourrit la culture : ces ajouts au " brut".
Votre texte n'est peut-être pas parfait. Quelle importance ? Je fais confiance à votre magnifique sensibilité pour faire évoluer votre écriture dans le bon sens : le vôtre ! Votre exigence et votre intuition sont vos meilleurs guides. Vous êtes un écrivain !

   Acratopege   
21/2/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Rien à dire. Votre texte emporte comme une rafale. A la fois rude et souple, léger et dramatique, avec des images magnifiques en cascade. L'idée du vertige dans sa dualité peur/envie est très bien choisie comme moyeu de cette histoire. La peur et le désir de mourir. La peur et le désir de partir loin ou de rester là à regarder la mer. Merci.

   AntoineJ   
8/3/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Prenant et poétique
doux et douleureux
mais pas "touchant" ni "émouvant".
trop bien écrit ? trop relu ?
Ou contraire trop spontané ?

   jaimme   
12/3/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Un texte tournoyant, virevoltant, s'enivrant lui-même (c'est son foie après tout, il fait ce qu'il veut). Fait de vent, de jupes, de boissons et de trop de souvenirs.
L'équilibre entre structuration du récit, déstructuration de la narration (surtout vers la fin) et compréhension de l'histoire est excellent.
La poésie est donc dans les choix inattendus des mots, dans la construction à tous les niveaux et dans l'histoire elle-même.
Chacun pourrait dire: "moi j'aurais...". Non, le récit est d'abord reçu et accepté tel quel. Par moi en tout cas.
Juste deux bricoles: "maman", étant ici individualisé aurait mérité une majuscule. Et au début, pour passer plus aisément de l'imparfait ( mettait) au conditionnel de "mettrait" je pense qu'il vaudrait mieux passer à la ligne entre les deux phrases. Deux bricoles donc.
Sinon: le ressenti est éminemment fort. Plus par les mots que par l'histoire.
Super!

   jfmoods   
15/3/2015
Colline-Dé, qui en connaît un rayon sur le sujet, a dit l'essentiel : « Tu es un écrivain. » Commenter, c'est se trouver, parfois, devant ce type d'énigme, fascinante, devant ce type de mur apparemment sans prises, apparemment impossible à escalader avec des étais de mots. RB parle, très judicieusement, de texte poétique. J'ai toujours la faiblesse de croire que la poésie la plus riche, la plus féconde, répond au maillage, à la fois subtil et profond, d'un double champ de force : celui des quatre éléments et celui des cinq sens. Appréciation sans doute contestable et réductrice... Cependant, j'ai l'impression que ton texte, dense, danse, répond intimement à cette exigence duelle... même si c'est l'alcool qui tient ici métaphoriquement la place du feu absent (hormis par l'image allusive de l'étoile).

J'aurais bien ajouté des virgules dans les dernières lignes du texte...

« Une soûle expatriée, ça n'en vaut pas la peine. Et puis, là d'où il vient, on lui a désappris à parler.

Moi, même expatriée, je continue à boire. »

Merci pour ce partage !

   AnneMariesquieu   
5/5/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Ce texte porté par un style éblouissant évoque un mythe antique (ici celte ) où les éléments : le Vent qui apporte les embruns de l'Océan et sale l'herbe tout en haut des Falaises d'où on éprouve le Vide, toujours vêtue de la Jupe (quand on la laisse, on le prouve..) sont les maîtres du jeu; ce sont eux , dans une atmosphère presque surnaturelle qui règlent le destin des personnages : la Mère, sa Fille, la petite sœur .
Je pense que ce texte pourrait s'appeler: Cliffs of Mother ! aussi que la narratrice d'Alice doit bien dormir et faire de beaux rêves sur un matelas bourré d'herbes séchées de la falaise et sur un oreiller parfumé à la tomate d'un jardin de hasard!


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