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Sentimental/Romanesque
Alice : Sel et poivre
 Publié le 04/12/15  -  15 commentaires  -  9278 caractères  -  399 lectures    Autres textes du même auteur

Sur la table des gens, parfois, il y a le sel et le poivre ; d’autres fois, il y a la vodka et le gin, et voilà tout.


Sel et poivre


– Y veut pas bouger…

– Enjambe-le.

– Pas moyen d’enjamber ça, y est sur le côté en plus…

– Marche-lui d’ssus.

– Si ça le fait vomir ?

– Sa tête est tournée de l’autre bord, t’es safe.

– Ben là, je ferai pas exprès non plus !

– Comme tu veux, va pas aux toilettes alors.

– Ben j’ai vraiment, vraiment envie.

– Ben marche-lui d’ssus pis laisse-moi dormir !


Papa buvait tous les soirs, en rentrant du travail, à dix-huit heures. Ça posait problème. Pas qu’on était des chochottes au point où la vue de deux bouteilles de fort sur la table de la cuisine, renouvelées avec une constance admirable, nous dérangeait ; à dire vrai, on ne remarquait pratiquement plus. Sur la table des gens, parfois, il y a le sel et le poivre ; d’autres fois, il y a la vodka et le gin, et voilà tout. Avoir un papa dont l’haleine peut vous désinfecter une coupure à partir de dix-huit heures et quart c’est toujours bon aussi.


Le réel problème, c’était que la chambre du père se trouvait à une porte de la nôtre, et que parfois d’un battant blanc à un autre la différence s’amoindrissait, et qu’à choisir, pour appuyer un coma, la porte la moins loin de la cuisine devenait plus pratique, enfants ou pas.


Lorsque le moment de dormir approchait, juste après avoir couché Aline (dans la chambre du fond, grand bien lui fasse), on avait pris l’habitude de ne plus boire, y compris pendant le brossage de dents. Boire donnait envie de pipi, et ce n’était pas comme si passer l’étape du cachalot au pas de la porte était chose facile du haut de pattes d’enfants de dix et douze ans. J’avais commis l’erreur une première fois il y avait quelques mois, puis ç’avait été Michael qui avait fait un abus de lait au chocolat au Nouvel An, et ce soir, la tentation s’était présentée à moi sous la forme d’un jus fraise-kiwi bien frais, apporté en après-midi par la tante Lucie qui ne se doutait pas de la gravité de son acte.


Dans les ronflements du cachalot on entendait le gargouillis annonciateur de bave. Le dos était pratiquement aussi large que mes jambes nourries aux boîtes de légumineuses étaient longues, j’avais une bouteille de jus fraise-kiwi dans la vessie, je devais passer, et il y a une incapacité chronique à marcher sur son papa. Telle était l’équation de la situation, et Michael avait beau ricaner sous la flanelle, je savais qu’elle manquait singulièrement d’humour.


– Comment t’as fait, toi, l’autre fois ? ai-je soufflé dans la direction de la bosse de mon aîné sur le lit.

– La garde-robe, a-t-il répondu en s’étouffant pratiquement de rire.

– Hein ? Ouache !!!

– Ben là, j’avais pas trop le choix. Il avait vomi sur le plancher en plus. Estime-toi chanceuse.

– Franchement ! T’as lavé j’espère !

– T’as senti quelque chose ce mois-ci ?

– Non…

– Ben ça change quoi alors ?

– Mettons. Mais je peux pas faire ça dans la garde-robe !

– Ben non, c’est vrai, parce que t’es handicapée, tu peux pas viser. J’te l’ai pas proposé non plus.

– Je suis pas handicapée ! Faut juste que je m’assois, parce que je suis une fille !

– Ben c’est ça, t’es handicapée.

– N’importe quoi !

– Riri, pour vrai marche-lui d’ssus pis c’est tout, y va même pas s’en rendre compte.


J’ai redressé la tête d’un air digne et j’ai marché vers la garde-robe, qui ne fermait plus complètement depuis qu’on l’utilisait comme but pour les parties de soccer.

Pour l’intimité on repassera.


– Non. Je vais viser, moi aussi.

– Comme tu veux. Tu vas t’en mettre partout sur les pieds, ça va être drôle.

– Va chier !

– Ben toi va pisser. Pis ferme-la.


Mon affaire était commencée depuis une nanoseconde quand il y a eu un branle-bas de combat dans le couloir.


– J’ai jamais vu ça ! Pis les enfants qui peuvent se lever n’importe quand, te voir ! J’en reviens pas ! Je les prends avec moi pour le reste de la nuit, en fait je suis aussi bien de les prendre tout court ! Mireille aurait voulu la même chose si elle t’avait vu ! J’espère que t’as honte !


Des bruits sourds se faisaient entendre de l’autre côté de la porte. On remuait le cachalot avec acharnement, comme si on le traînait dans le couloir.

Le temps de restituer, à moitié sur le sol à moitié sur les pieds et les bobettes, les trois quarts de la bouteille de jus, la porte voisine claquait, celle de la chambre s’ouvrait et le plafonnier s’allumait.


– Les enfants, désolée de vous réveiller. Vous allez prendre Aline, vous passez la nuit dans mon appartement, d’ac… Est où ta sœur ?


Michael ne riait plus.


– Ben…

– C’est quoi ce bruit-là ? Y a un dégât d’eau en plus ? On dirait que ça vient…


Le filet venait de se tarir lorsqu’elle a regardé par l’entrebâillement. Même avec le plafonnier aveuglant juste au-dessus de sa tête, ses traits à moitié flous et ses cheveux en ombres chinoises, je l’ai vue blanchir d’un coup.


Je me suis redressée et j’ai rabaissé ma robe de nuit aussi vite que j’ai pu, sans remonter mes vieilles bobettes Minnie un peu trempées, pour la dignité c’était trop tard de toute façon. Je me suis mise à balbutier sans m’entendre.


– J’avais… vraiment envie. C’est à cause de ton jus, d’habitude je bois pas avant de dormir, l’autre fois c’était Mich, il l’a fait lui aussi, à cause du lait au chocolat, sauf qu’il sait viser, moi je suis une fille, je suis handicapée, fraise-kiwi c’est vraiment mon jus préféré c’est pour ça, tante Lucie si papa est réveillé j’aimerais vraiment ça aller me rincer les pieds…


Lucie n’a rien dit pendant une bonne minute. Ses yeux pastel se sont creusés, jusqu’à ce que tout soit béant, moi, elle, Minnie, la flaque autour de mes pieds, il n’en finissait plus, son regard, je n’en venais pas à bout de tomber dedans, pendant qu’elle me fixait trop fort. Et puis elle a brusquement rabattu ses paupières sur les deux vertiges et j’ai pu respirer.

Elle s’est ramollie, s’est racrapotée à partir du haut, tous ses membres ont fondu autour de moi en même temps et elle m’a cachée dans ses cheveux, plus longs que l’étaient ceux de maman, plus longs que n’importe quels cheveux qui m’avaient cachée dans ma vie, et je me suis mise à pleurer, en bobettes Minnie et pieds tout collants dans la garde-robe.


– Ma pauvre chatoune…


Quand on m’appelait comme maman m’appelait, si je ne me dépêchais pas de parler j’étouffais.


– T’es revenue…

– J’avais oublié mon cellulaire tantôt.

– J’avais vraiment trop envie, pis je pouvais pas passer…

– Je le sais, ma belle. C’est pas grave, pas grave du tout. On va te laver pis aller chez moi, tous les quatre. Ton frère va faire ton sac et celui de votre sœur pendant qu’on va à la salle de bain, hein mon grand ?

– Ouais. Pleure pas, tite Riri.

– Lucie ? Il est où papa ?

– Il dort dans son lit maintenant. Viens mon cœur.


Elle m’a déshabillée et m’a lavée de pied en cap, même les cheveux, parce qu’il y avait des mèches qui sentaient la vodka, papa avait dû respirer fort en me servant mes légumineuses. Elle m’a fait mettre une autre chemise de nuit, mes bottes et mon manteau, pour le voyage.


– Mets le capuchon, ou tu vas prendre froid avec tes cheveux mouillés, ma Renée. Il fait -25 cette nuit.


L’appartement de tante Lucie était grand, propre, et il y avait du sel et du poivre sur la table.


J’ai dormi dans le grand lit avec Lucie. Sa garde-robe à elle fermait complètement. Ça avait quelque chose d’effrayant, alors elle l’a entrebâillée pour qu’elle ait une forme de but de terrain de soccer.


Elle est restée comme ça pendant un mois et demi.


***


Le matin du troisième jeudi de mars, avant qu’on parte pour l’école, Lucie s’est remise à hurler sur le pas de la porte. Papa voulait entrer.


– Je sais que je leur ai fait peur. J’ai pas été correct. J’ai jeté tout mon alcool, je suis sobre depuis la nuit où tu les as pris, j’te jure.

– Sors ça à quelqu’un que ça intéresse !

– Je veux les reprendre, je peux les reprendre.

– C’est pas à toi de décider ça !


Pendant que je plaçais le sac de la petite sœur sur ses épaules, des odeurs de maison sont arrivées dans mon nez. J’ai regardé Michael qui a hoché la tête. J’ai serré la main d’Aline et elle m’a fait un sourire tout en trous. Ils avaient senti aussi. L’avant, ça sent fort.


– Viens vivre avec nous le temps d’être convaincue si tu veux, plaidait papa qui avait réussi à passer le seuil et à refermer la porte derrière lui.

– Non mais tu te rends compte de…

– C’est beau, tante Lucie, ai-je dit. Ça va être correct.


Elle m’a regardée. Avec des yeux écarquillés d’adulte d’abord, les yeux qui se demandent un peu stupidement comment expliquer ce qui n’est pas fait pour être expliqué. Puis avec les yeux de sa sœur, ma maman, les yeux pastel qui savaient faire confiance à la vérité même quand elle était haute comme trois pommes. Elle a fait oui de la tête.


– Je viens avec vous trois, on va voir comment ça va se passer.


Mon père a fait un sourire, un vrai sourire qui ne dégoulinait pas trop n’importe comment sur les joues, avec juste assez de nervosité.

J’ai mis mon sac sur une épaule, comme Michael, et j’ai tiré Aline vers la porte. Je l’ai ouverte, ai gardé la main sur la poignée sans passer le seuil. Je me suis tournée vers papa.


– La prochaine fois, je vais te marcher dessus.


 
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   Mauron   
21/11/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Très beau texte, très bien narré, le point de vue d'une enfant devenue adulte depuis, ou pas d'ailleurs, le passé composé permet ce genre d'ambiguïté. Naïveté et fraîcheur. Rien à rajouter, c'est poignant et juste, précis et ni trop gentil ni trop cruel. La fin est à la fois elliptique, ouverte et très claire, tout y est suggéré en quelques mots. Bravo!

   Anthyme   
5/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bon sang !


Ça ne sent ni la gnôle, ni la pisse …
… mais le vrai.

________________________________


Pour ce qui me concerne, c’est un texte à découvrir …

Je m’explique :

La première lecture m’ouvre des portes …
La deuxième des émotions …
La troisième des sentiments …
Il m’a fallu la quatrième pour atteindre des âmes …

« Pas doué, le mec ! » doivent penser certains.

… Peut-être … Peut-être … Mais faites moi la grâce de me croire, chère Alice …
… à la cinquième lecture, votre texte me parlait québécois !!!


________________________________________

Rassurez-moi, je vous prie : où se situe l’action ?


===================================
Ps le 5 décembre.
Quel nunuche je fais :
Il m’a fallu relire les dernières nouvelles d’Alice pour m’ouvrir les yeux sur ce qui maintenant s’impose :
Alice ; la conteuse du Québec des femmes !

   Myndie   
4/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Alice, vous l'aurez remarqué, étant plus une habituée de la poésie, je viens rarement commenter les nouvelles. Bien que je les lise. Mais là, comment aurais-je pu taire l'émotion que suscite votre texte?
Il y a deux choses qui m'emportent, m'enthousiasment ou me révoltent dans la vraie vie comme en littérature : les enfants et les animaux. Le bonheur qu'ils prodiguent et la souffrance qu'on leur inflige parfois.
Voilà, tout est dit, en plus d'être magnifiquement écrit, votre texte est bouleversant.
Et j'ajoute que je me délecte de ces expressions typiques qui me rappellent une amie québecquoise , comme "les bobettes" (ah j'adore!)

Merci infiniment pour le plaisir de lectureque vous m'avez apporté

myndie

   Pepito   
4/12/2015
Alice et délices,

Kriture :
"vieilles bobettes Minnie" rien qu'avec ça, la lecture est amortie ;=)
"Et puis elle a brusquement rabattu ses paupières sur les deux vertiges" tss, tss' vous avez pas besoin de ce genre de truc ;-(
"parler j’étouffais" un ch'tite virgule entre les deux... peut-être...
"Sa garde-robe à elle fermait complètement. Ça avait quelque chose d’effrayant," haha, géant le contre pied des films WD ! ;=)
"des odeurs de maison" "L’avant, ça sent fort." sur le coup j'me suis dis oups ! c'est limite clarté... puis non, un bon texte, faut s'le mériter ! Excellent.
"avec juste assez de nervosité. " mhhh, un peu haut pour une gamine, non ?

Fond : on s'en moque c'est mimi, c'est émouvant sans un poil de sordide (une petite trouille au début > papa, chambre, p'tite fille, brrrr !) puis non. Que du mimi et c'est très bien ainsi.

Bien sûr on a une maman morte (j'allais dire, on a "que" une maman morte) mais j'y suis habitué maintenant et je ne boude plus mon plaisir.

Merci pour la lecture.

Pepito

PS : heu... la mère... c'était un cancer ? ;=)

   Pascal31   
4/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai plongé dans cette nouvelle avec en fond sonore ce fort accent québécois qui ressort pour la première fois d'un de vos textes (du moins, ceux que j'ai lus). C'est un peu déroutant au début et ça apporte un côté sympathique immédiat (la gentillesse et la chaleur, c'est bien deux traits de caractère innés chez quasiment tous les québécois, non ?) . Du coup, le récit prend une tout autre tonalité, je trouve.
Hormis cela, c'est encore une fois un texte émouvant et très bien écrit. Le tragique de la situation est atténué par cette vision qu'ont les enfants du monde qui les entoure : ils s'adaptent comme ils peuvent. Toute la première partie est donc traitée avec légèreté, insouciance, presque avec humour. La dure réalité - et du coup le côté poignant de la nouvelle - fait surface avec l'apparition de la tante Lucie. Elle voit ça avec ses yeux d'adulte. Elle en mesure toute la gravité. Et si le récit devient plus sombre, vous choisissez de conclure avec une jolie note d'espoir. Un espoir qui vient des enfants, bien sûr. Il n'y a qu'eux qui ont le courage de croire que demain sera forcément meilleur...
Bravo et merci pour ce très beau texte, Alice.

   carbona   
27/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Alice,

Plus j'avance dans la lecture, plus je suis happée. Je reste cependant un peu déçue de la chute sans trop savoir pourquoi.

Quelques remarques :

- "Ça posait problème. Pas qu’on était des chochottes au point où la vue de deux bouteilles de fort sur la table de la cuisine, renouvelées avec une constance admirable, nous dérangeait ; à dire vrai, on ne remarquait pratiquement plus. " < cette phrase m'a titillée car j'attendais la contrepartie : pas que...mais

-"Le réel problème, c’était que la chambre du père se trouvait à une porte de la nôtre, et que parfois d’un battant blanc à un autre la différence s’amoindrissait, et qu’à choisir, pour appuyer un coma, la porte la moins loin de la cuisine devenait plus pratique, enfants ou pas. " < à ma seconde lecture, je comprends mieux cette phrase. Le père s'endort dans le chambranle de la porte des enfants, pas clair lors de ma première lecture

- "Le dos était pratiquement aussi large que mes jambes nourries aux boîtes de légumineuses étaient longues," < j'aurais arrêté la phrase à "légumineuses"

- "et il y a une incapacité chronique à marcher sur son papa. Telle était l’équation de la situation," < je ne suis pas fan des termes employés "incapacité chronique" et "équation" qui ne collent pas à mon goût avec la poésie du récit

- "Des bruits sourds se faisaient entendre de l’autre côté de la porte. On remuait le cachalot avec acharnement, comme si on le traînait dans le couloir. " < à partir de cette phrase votre texte est d'une beauté !! Un délice vraiment, plein d'émotions, de douceurs, de tendresse et de dureté aussi.

-"et elle m’a cachée dans ses cheveux, plus longs que l’étaient ceux de maman, plus longs que n’importe quels cheveux qui m’avaient cachée dans ma vie, et je me suis mise à pleurer, en bobettes Minnie et pieds tout collants dans la garde-robe. " < beau, beau, beau !

- "Quand on m’appelait comme maman m’appelait, si je ne me dépêchais pas de parler j’étouffais. " < beau, sobre et beau

- "Elle m’a déshabillée et m’a lavée de pied en cap, même les cheveux, parce qu’il y avait des mèches qui sentaient la vodka, papa avait dû respirer fort en me servant mes légumineuses. Elle m’a fait mettre une autre chemise de nuit, mes bottes et mon manteau, pour le voyage." < ce passage là est plein de tendresse également et ce juste avec quelques mots simples, c'est puissant !

- sel-poivre / gin-vodka < super

- bobettes < j'adore ce petit mot

- "J’ai dormi dans le grand lit avec Lucie. Sa garde-robe à elle fermait complètement. Ça avait quelque chose d’effrayant, alors elle l’a entrebâillée pour qu’elle ait une forme de but de terrain de soccer. " < tellement beau car tellement réaliste

- "L’avant, ça sent fort. " < magnifique !


Eh bien bravo Alice, ce texte est magnifique. Il traite d'un sujet grave avec une douceur et une tendresse super bien dosées et surtout une justesse qui rend le tout très réaliste.

Un petit bémol pour la fin sans avoir pour autant imaginé quoi que ce soit d'autre.

Merci beaucoup pour cette lecture très forte !

Edit : ""Le dos était pratiquement aussi large que mes jambes nourries aux boîtes de légumineuses étaient longues," < j'aurais arrêté la phrase à "légumineuses" ", je relis mon commentaire et ne suis plus d'accord avec ma suggestion. Arrêter à "légumineuses" n'aurait pas de sens puisque les jambes sont longues et non larges. Je pense que ce qui m'a fait tiquer ici est une certaine lourdeur dans la formulation.

   widjet   
5/12/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je suis doublement désolé.

Un, je n'ai pas lu ton précédent opus, moi qui d’ordinaire ne manque aucune de tes nouvelles ou presque (il faut dire que je passe désormais qu’en coup de vent et ne commente quasiment plus).

Enfin, désolé une seconde fois, car pour moi ce sera un « non » affectueux, mais un non quand même sur ta dernière oeuvre.

Le gros souci (toujours pour moi) est le langage (vocabulaire, expressions, tournures...) de la gamine : je n’y ai pas cru. Pire, ça m'a un peu agacé (mais les gamines sont parfois agaçantes, c'est vrai). Trop recherché parfois entre les « les yeux pastel », "l'incapacité chronique", "grand bien lui fasse", les «  ses paupières sur les deux vertiges » ou excessivement tarabiscotés (ce qui nuit parfois à la compréhension ou la fluidité), j’ai trouvé cette fois que tu es tombée dans quelque chose de « surjoué » qui plombe tout le naturel de ton écriture (dans "Pitchoune" tu avais frôlé ce piège je crois).

Et surtout, ça plombe mon émotion.

Mais, c'est peut-être moi, je ne sais pas.

Je ne dis pas que ce n'est pas crédible (il doit avoir des gosses de 10/12 ans qui parlent ainsi), mais moi, je n'ai pas pu (su) l'imaginer.

Dès lors où je ne plonge pas avec le personnage principal, le reste, hélas (car tu fais toujours preuve d’habileté et ne tombez jamais dans le « terrorisme lacrymal »), passe à la trappe, l’empathie itou.

Un récit gentillet (en dépit du ou des drames), une écriture trop bouffi (on sent, à tort ou à raison, que l'effort est trop voyant, le souci de faire mouche aussi, et ça donne l'effet contraire), un style qui se regarde un peu trop le nombril (alors que tu sais parfaitement sublimer la simplicité), bref, un texte bien en deçà de tes productions.

Un rendez-vous manqué....pour mieux te retrouver dans le prochain.

Bon week-end à toi

W

   Automnale   
5/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Un père alcoolique, des enfants livrés à eux-mêmes, une maman partie dans un autre monde… Ce n’est pas bien réjouissant tout cela… Certes pas réjouissant, mais amplement suffisant pour en faire un tableau vivant, tendre, drôle, crédible et inoubliable. Alice possède un savoir-faire, en l’occurrence un savoir écrire, ô combien incomparable.

Avec Alice, c’est toujours la même chose : On prend son épuisette et, comme d’autres vont à la pêche à la crevette, nous partons à la pêche aux pépites. Et jamais nous ne revenons bredouilles.

D’abord, nous allons à la pêche aux expressions. Ici : T’es safé… Bouteilles de fort - Ouache ! - Les parties de soccer - Les vieilles bobettes Minnie - S’est racrapotée - Mon cellulaire - Ma pauvre chatoune… Sans oublier ce « pis » pimentant, de façon irrésistible, l’ensemble de l’histoire.

Mais où Alice va-t-elle chercher tout ce qu’elle nous raconte ? Y compris toutes ces choses bien vues, remarquablement senties :
- Sur la table des gens, parfois, il y a le sel et le poivre, d’autres fois, il y a la vodka et le gin (les objets disent, en effet, beaucoup sur l’occupant des lieux).
- Avoir un papa dont l’haleine peut vous désinfecter une coupure à partir de dix-huit heures et quart (génial).
- Entrebâiller la porte d’une garde-robe pour lui donner une forme de but de terrain de soccer (adorable).
- Un sourire tout en trous (hou lala, comme c’est mignon).

Avec Alice - quel bonheur ! -, nous redevenons, l'espace d'un instant, des enfants. Fraîcheur et grâce engendrent spontanéité, gaieté, originalité, drôlerie :
- L’abus de lait au chocolat, une bouteille de jus fraise-kiwi dans la vessie, des jambes nourries aux boîtes de légumineuses.
- La définition d’un supposé handicap : Je suis pas handicapée ! Faut juste que je m’assois parce que je suis une fille.
- L’affaire commencée (et quelle affaire !) depuis une nanoseconde !
- Le temps de destituer, à moitié sur le sol à moitié sur les pieds et les bobettes, les trois quarts de la bouteille de jus…
- La tante Lucie pensant à un dégât des eaux !
- Pour la dignité, c’était trop tard, dit la petite fille.
- Cette façon de parler : « - Sors ça à quelqu’un que ça intéresse ! ».

L’ensemble serait incomplet si Alice ne nous offrait pas un bouquet aux fragrances d'intense émotion :
- Le regard pastel de la tante Lucie découvrant la petite Riri (et Minnie), la flaque autour des pieds…
- Tante Lucie cachant l’enfant dans ses cheveux, plus longs que ne l’étaient ceux de la maman, plus longs que n’importe quels cheveux…
- Cette façon de penser : Quand on m’appelle comme maman m’appelait, si je ne me dépêche pas toute de suite j’étouffe…
- Cette façon de consoler : Pleure pas tite Riri…
- Lucie qui a les mêmes yeux pastel que sa sœur, la maman de Riri…

Eh bien, moi, je trouve tout cela époustouflant… Epoustouflant pour un auteur de vingt printemps… Epoustouflant d’intelligence, d’humour et de tendresse. A ce point charmée, je suis bien incapable de trouver la moindre éventuelle imperfection. Je n’ai d’ailleurs même pas envie de la chercher. Une fois de plus, je suis admirative. Une fois de plus, je trouve à Alice un incroyable talent de nouvelliste. Et, une fois de plus, je vais être obligée de noter « passionnément ». Et même que, là, je vais diriger, compte tenu du si joli prénom donné à la maman de Riri, la flèche vers le haut.

Ma petite Alice, je vous félicite… Chaleureusement, est-ce utile de le préciser !

   Solal   
5/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Alice.
Alors pour commencer, chapeau, tout simplement.
Concernant votre écriture, je n'est pas grand chose à vous dire. Une petite musique nous murmure à l'oreille. Elle vous est propre, vous la tenez.
L'histoire à présent.
L'humanité, l'alcool et ses conséquences. On tient un sujet important là, entre attrait et rejet. Ca commence dans la joie et ça finit souvent dans l'horreur.
Et ben avec vous, rien de tout ça, on partage un vision originale, proche de l'attendrissement et du sourire. Votre narratrice, avec sa vision enfantine, nous amène vers un univers où l'ivrogne n'est pas qu'un horrible bonhomme irritable et sale. Là il se transforme en cétacé gargouillant mais pas méchant.
C'est agréable de lire une histoire qui éclaire le tragique d'une lueur inconnue.
Merci.

   nemson   
5/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bien quoi...il serait malvenu de chipoter alors que tout est là: Un angle d'attaque démonstratif balayant tout pathétisme, une bonne écriture de bonnes idées....un ptit bémol sur les dialogues qui frisent le trop écrit parfois, ce qui enraye un peu la spontanéité.

   vendularge   
6/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Ce qui me touche le plus dans ce texte très bien écrit, c'est l'absence de pathos et c'est exactement ça qui fait naître l'émotion. Il n'y a pas de grand discours sur la peur, le désarroi ou même la détresse du malade alcoolique. Un enfant n'intellectualise pas une situation, il la vit très exactement comme elle se déroule.

Un grand bravo

   Alice   
9/12/2015

   Coline-Dé   
9/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Non seulement c'est tendre, non seulement c'est superbement écrit, avec la petite pointe d'humour qui empêche la gorge de gratter, mais, en plus, il y a dans cette histoire un petit mot qui m'a replongée dans la mienne, d'histoire : chatoune, et après j'ai eu du mal à lire...
Voilà un commentaire qui ne va te servir à rien, Alice, mais je m'en fiche parce que tu n'as pas besoin ! J'ai juste envie de te dire merci !

   Mare   
12/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Toujours cette délicatesse dans le ton, dans le traitement. On ne peut qu'être admiratif et se laisser porter là où l'auteur nous emmène. Mais là, ce que j'aime le plus c'est la façon dont vous avez su trouver le bon vocabulaire, les bonnes tournures pour nous faire entrer dans la tête de l'enfant. Cela apporte une touche de drôlerie qui rend la gravité du propos supportable. Une partie de vous doit toujours être en enfance, et c'est magique!

   Anonyme   
16/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le style est très intéressant. De manière générale, j'aime énormément l'écriture du langage parlé, et ici c'est très réussi. Les dialogues sont vivants, réalistes et pas du tout prosaïques. Juste ce qu'il faut pour créer la magie d'une discussion d'enfants.
Le fond est grave, mais la tante vient comme dans un conte de fée. Y aurait-il un mariage à la fin ?


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