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Humour/Détente
alifanfaron : Du charme cynique de la vie
 Publié le 03/01/11  -  7 commentaires  -  7308 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur

Il y a des rêves, dans la vie, que la réalité matérielle rend irréalisables. Il y en a d'autres qu'elle exauce. Toutefois, il n'est pas rare de constater que leur concrétisation n'est pas toujours à la hauteur de nos attentes...


Du charme cynique de la vie


En quittant le monde à midi, je me suis fait cette réflexion : « C’est quand même marrant la vie ».


Je fais partie de ces nombreuses personnes, je crois, qui ont toujours rêvé d’avoir leurs habitudes dans un petit bar cosy au nom anglais. Vous savez, être un client régulier, un habitué. Un peu comme les personnages de séries américaines : aller boire sa petite bière après le boulot, plus par habitude que par envie. J’y vais seul mais je ressors toujours avec des collègues ou des amis. On ne s’appelle pas pour se dire que l’on y va mais on s’y retrouve presque chaque jour. C’est un peu comme une annexe du bureau, les chefs en moins et l'alcool en plus...


Le barman - qui s’appellerait Terry - me salue quand je rentre. Qu’il y ait du monde ou qu’il n’y en ait pas, une place m’est toujours réservée. Jenny - ça serait le nom de la jolie serveuse - m’appelle par mon prénom. On se respecte sans être distants, on est proches sans être familiers. Elle ne me demande jamais ce que je veux boire. À la longue, elle a fini par le savoir : une Beck, avec un centimètre de mousse, à la régulière.


Dans cette affaire, chacun en a pour son argent. Surtout moi en l’occurrence : j’ai une ardoise longue comme le bras qui, en dépit de mes règlements hebdomadaires, n’en finit pas de s’allonger. De son côté, Terry a ma confiance. Il sait très bien que tôt ou tard, je réglerai la note dans sa totalité. En attendant ce jour, il continue de me servir. Si notre accord peut sembler déséquilibré, croyez bien qu’il n’en est rien. Avec tout ce que je dépense en liquide - c’est le cas de le dire -, Terry y trouve son compte.


Pour ce qui est de ma relation avec lui, elle est sommaire mais reposante. Jamais je ne suis obligé de parler si je ne le souhaite pas. Terry me connaît bien et il sait quand j’ai besoin d’être seul. Il sait aussi quand je veux écouter la bande originale de Pulp Fiction en jetant des cacahuètes sur les autres clients du bar.


Quelquefois, il me paye un coup à boire. Souvent, c’est pour m’offrir l’opportunité de flirter avec une jolie fille assise au comptoir. D’autres fois, c’est juste pour passer le temps et me rappeler pourquoi j’échoue trois fois par semaine dans son rade. On échange alors des banalités, on parle du foot et de la météo. Puis rapidement, nos sujets de prédilection arrivent sur la table : lui, c’est les voyages. Il me raconte qu’il va bientôt tout quitter pour partir aux quatre coins du globe. En m’assurant qu’il me regarde bien dans les yeux, je lui dis qu’il a raison et qu’il a aussi beaucoup de courage. Moi, je ne pourrais pas le faire. C’est du moins ce que je lui réponds. Chaque fois, mes paroles le réconfortent, le font sourire. C’est qu’il est fier de son rêve, Terry. Nous savons pertinemment, lui et moi, qu’il ne partira pas, qu’il ne partira jamais même. Mais en parler, c’est garder l’espoir tenace. Et souvent, la vie ne nous laisse rien d’autre que des lambeaux d’espoirs auxquels se raccrocher, alors bon...


De mon côté, je lui annonce, le regard vide, que je continue de chercher l’âme sœur, hélas en vain. Il soupire, puis me lance à la volée un « Ah women... » qui disparaît dans l’atmosphère enfumée du bar. À ce moment-là de la conversation, nous nous taisons. C'est comme si ces deux mots perdus renfermaient toute la suite de notre conversation. Les yeux dans le vague, nous nous réfugions chacun dans nos pensées. Puis un client finit par l’appeler pour une commande et sans un mot, nous retournons à nos occupations, conscients de s’être auto-persuadés que tout finirait bien par s’arranger. Jamais aucune de ces conversations ne nous laisse tristes.


C’est même pour cela là que l’on s’apprécie avec Terry : on ne veut pas d’une amitié solide. On ne veut rien partager d’autre que ces moments-là. La superficialité a quelque chose d’extrêmement rassurant. C’est ce qui me fait dire, d’ailleurs, que nous vivons une époque terrifiante. En tous cas, Terry ne me demande jamais comment va mon frère, et je ne lui demande jamais, de mon côté, s’il arrive à voir sa fille de temps en temps... On aurait une relation comme ça Terry et moi.


Si je vous explique tout cela, c’est que cette année, je découvre ces petits plaisirs. Cette année, je suis un habitué, un régulier. Néanmoins, en quittant le monde à midi, je me suis fait cette réflexion : « C’est quand même marrant la vie ». Et, alors que je repense à cette pensée qui m'a traversé l'esprit, je sais maintenant que par « marrant » j’entendais en fait « ironique ». Car je dois bien vous l’avouer, la concrétisation de ce petit rêve n’a pas été exactement à la hauteur de mes attentes. Et pour cause, je n’ai jamais imaginé qu’un jour je puisse devenir un habitué d’un centre de Jésus. Qui plus est dans le centre de Londres. Pourtant...


Pourtant, chaque jour que Dieu fait depuis deux mois, je me rends au monde. Toutefois, le world, de son petit nom anglais, n’est en rien un bar cosy. Ce n’est pas même un bar « tout court » d’ailleurs, c’est un restaurant. Que dis-je un restaurant ! C’est une cantine annexe à un centre chrétien qui a pour vocation d’aider les personnes en difficultés du quartier. Si dans l’idée, le côté rituel est respecté puisque j’y vais chaque jour, dans les faits, je dois reconnaître que tout ne se passe pas exactement comme je l’avais escompté.


Par exemple, jamais Josh - c’est le nom du patron - ne passe la bande originale de Pulp Fiction. En revanche, il a toute une collection de musiques relaxantes qu’on entend généralement dans les ascenseurs : du genre jazz aseptisé et musique de chambre javellisée. Que du très soft : accords majeurs, tonique, tierce, quinte, et c’est marre !


Pour la boisson, inutile de vous préciser que je n’ai jamais commandé de Beck. Pas plus que je n’ai commandé de Kro, de Budweiser ou de n’importe quelles autres bières : le world ne vend pas d’alcool. Alors je bois de l’eau.


La serveuse quant à elle, une Asiatique plus timide que jolie, ne m’appelle pas par mon prénom. La raison ? Je ne le lui ai jamais dit : elle ne comprend pas mon french accent, alors à quoi bon... De son côté, Josh ne m’a jamais raconté qu’il voulait partir aux quatre coins du monde et je ne lui ai jamais avoué non plus, le regard vide, que je cherchais l’âme sœur. Et pour cause, c’est un peu parce que j’ai suivi ma copine à Londres que je me retrouve chaque jour attablé au monde.


Bon, en dépit de ce tableau noir que je m’évertue à vous dresser, j’ai quelques satisfactions. Par exemple, on a tout de même des petites conversations sympas de temps à autre avec Josh. Qui plus est, il m’accueille toujours avec le sourire et depuis une semaine, je ne passe plus de commande : il sait que je prends un bacon roll à 2£ et une petite bouteille d’eau à 0,80£. Il ne met plus, non plus, de concombre dans ma salade : il a bien vu que chaque midi je les laissais sur le rebord de mon assiette. Voilà.


Bien sûr, ce n’est pas tout à fait ce que j’avais en tête mais néanmoins, je resterai un fidèle de cet endroit. Savez-vous pourquoi ? Parce que la vie, dans sa bonté la plus cynique, m’offre l’occasion de vivre non pas un, mais deux vieux rêves : en plus d’être un habitué, chaque midi, je peux me vanter de faire le tour du monde.


 
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   caillouq   
15/12/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
Lecture entachée tout de suite du:
« J'y vais seul mais je ressors toujours ... » Je n'ai été sûr de la valeur irréelle de cette phrase qu'après avoir lu le paragraphe suivant, qui m'a amené à relire cette phrase.
Bon, un présent pour un irréel, dans le principe, ça ne me choque pas, mais quand ça gêne trop la fluidité de la lecture, il y a peut-être quelque chose à revoir … En l'occurrence, il serait plus sain de garder ce type de phrases après le « qui s'appellerait Terry », qui annonce plus clairement la couleur.
Après cet accrochage, le récit prend son rythme et ça va mieux.
Jusqu'à la dernière phrase que je trouve un peu ratée - l'humour n'y est plus en demi-teinte, et ça passe moins bien.
La déconstruction du fantasme, confronté à la réalité du gentil petit frenchie en exil à Londres pour suivre sa girlfriend, est une idée amusante, intéressante. Je regrette que l'auteur n'en profite pas pour aller plus loin - il y a tellement de potentialités ! Là, ça reste à la limite de la fadeur. Participe peut-être à cette impression le petit jeu sur le « monde », qui faisait éventuellement croire à un suicide au début - alors que tout est beaucoup plus gentil.

Grammaire:
« nous retournons à nos occupations, conscients de s’être auto-persuadés » ---> nous et on dans la même phrase, ça fait trop de monde.

   doianM   
21/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Le monde particulier du narrateur, qui en contient deux, on y est invité et on y entre.
Si le narrateur, comme je comprends, est originaire de l'Europe continentale, il vit dans trois monde, car celui qui en comprend deux est à Londres.
Où le narrateur semble exilé, car il a suivi sa copine dont l'existence est évoquée en passant.

Avec peu d'éléments à sa disposition, on arrive à suivre ce récit qui brosse atmosphère et sentiments.
L'environement: le bar de Terry avec alcools, musique de Pulp Fiction, jeunes femmes et vagabondage en compagnie du barman autour du monde.
Et le deuxième, plus strict, la "cantine" de Josh, annexe d'un Centre chrétien.
Là ou le narrateur quitte le monde, réel et aussi imaginaire.
Pour un autre, spirituel.

Bonne lecture

Bonne continuation

   costic   
21/12/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J’aime beaucoup l’idée de la nouvelle et le décalage entre le rêve et la réalité avec toutefois de légers points communs. L’ensemble est plein d’ironie, simple, et juste.
J’ai seulement été gênée, au niveau du temps des verbes : au début de la nouvelle le narrateur nous fait part de son rêve puis on passe au présent sans transition « J’y vais seul… »
Il manque à mon avis un indicateur qui nous ferait bien comprendre qu’on est dans une projection idéale, du genre : j’imagine :...
Même problème ensuite : Le barman - qui s’appellerait Terry - me salue etc…
On alterne entre le conditionnel et le présent ce qui perturbe un peu la lecture. J’aurais mieux compris si tout était au présent ou bien au conditionnel. Mais le mélange des deux me parait troublant.
La transition avec « aujourd’hui » mériterait aussi d’être davantage soulignée.
L’écart entre les deux visions est intéressant. La chute ressemble un peu à une brève de comptoir…

   Pattie   
22/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime beaucoup le titre. L'histoire douce-amère-acide est à la hauteur. Le parallélisme pose deux ambiances bien dessinées, un peu déstabilisantes. La fin en forme de pirouette me plaît moins.

   wancyrs   
4/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le résumé au dessus du texte est en parfaite adéquation avec le texte, c'est quelque chose de bien. Pour le reste, j'ai lu ce texte sans vraiment rentrer à l'intérieur ; l'humeur du jour ? ou bien que le texte ne génère pas assez d'émotions pour qu'on s'y prenne ? Peut-être le fait de nous preparer à lire de l'humour et de nous prendre le triste à la face ?

L'écriture est belle, même si elle claudique par endroits :"
C’est même pour cela là que l’on s’apprécie avec Terry ".

Donc, pas complètement déçu, je dirais juste, à une prochaine.

Wan

   alvinabec   
6/1/2011
Par le vocabulaire employé, ainsi que le style assez direct nous sommes proches du mode du fait relaté, relais du rêve sans ce que l'on peut espérer d'une nouvelle. Votre chute gagnerait à être retravaillée. A vous lire...

   Anonyme   
10/2/2012
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Je me rends compte qu'il est difficile de faire rire un lecteur, parce qu'en fait, d'une part les humours sont différents, mais d'une autre les sujets et leurs traitements donnent des résultats différents.
Ainsi ce texte, qui selon moi souffre d'une présentation très fatigante, lourde, contraignante, entre autre défaut, n'est pas drôle.
Mélancolique, un peu cynique, un peu désabusé, il est tout ça, mais non il n'est vraiment pas drôle.

J'ai apprécié cet aspect d'ailleurs, ce parallèle entre les rêves du narrateur et sa réalité.
Mais il n'y a rien d'humoristique.

L'écriture en elle-même est assez correcte, pas exceptionnelle, mais simple. Quelques erreurs selon moi: il est dommage d'utiliser le mot "rade" pour parler du Monde (le bar), c'est un bar huppé il me semble pas un bouge.
Pourquoi systématiquement traduire le nom du bar? Il sonne aussi bien, mieux même, en anglais, c'est dommage donc et ça force le trait, ce qui rend la lecture un peu désagréable.

Bref, je ne suis pas très convaincu par ce récit, mais surtout par sa mise en œuvre.


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