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Réalisme/Historique
Ambroise : Moustache
 Publié le 01/05/09  -  7 commentaires  -  10090 caractères  -  101 lectures    Autres textes du même auteur

Ce fut une sacrée belle journée.


Moustache


Ce matin-là, j’avais été réveillé par le boucan du boulanger qui passait à travers le village, dans l’épave qui lui servait de voiture. Il pétaradait et klaxonnait comme un forcené échappé de l’asile. Des matins comme ça, il y en avait tout le temps, le réveil du boulanger me foutait particulièrement en rogne. Je sortais à peine d’un rêve érotique avec Louise, j’ai dû mettre quelques secondes avant d’ouvrir les yeux, admettre que c’était fini.


- Putain de merde, j’ai dit.


Autour de moi, tout était encore flou mais je devinais le foutoir qui m’entourait. La pile de vêtements, les assiettes par terre, la poussière et les cours partout, c’était dégueulasse. Je chopai mes lunettes entre les paquets de Lucky Strike sur la table de chevet et les plaçai sur mon nez, le désordre m’apparut encore pire. En face de la rue, la chambre de Louise était allumée, elle aussi. Derrière les rideaux mauves on devinait la lumière feutrée de la petite pièce. Elle devait se lever comme moi, dans son petit pyjama, peut-être même dormait-elle en petite culotte et les seins nus. J’aurais tué père et mère pour glisser mes yeux à travers les fins rideaux mais je ne pouvais que l’imaginer, elle et sa fracassante beauté. Je me suis recouché pour me masturber sous la couette.

Louise avait 18 ans. Elle n’était pas simplement belle, il y avait quelque chose en plus qui la possédait. Tout son visage, et chaque partie de son corps étaient comme parfaitement articulés, un travail d’orfèvre millimétré auquel nul ne restait indifférent. Une allure de princesse lorsqu’elle marchait, une prestance quand elle parlait, je savais tout d’elle. À quelle heure elle rentrait chez elle, ce qu’elle portait chaque jour de la semaine. On était lundi, c’était la fin du printemps. Elle allait sûrement porter sa petite robe blanche. C’était ma préférée, elle se raccordait bien à ses longs cheveux blonds. À 7 h 45 elle sortirait de chez elle, son Darel sous le bras et grimperait dans la grosse voiture de son père. Tous les matins, j’attendais ce moment avec impatience comme un chien qui attend sa pâtée. Ce que je supportais encore moins que le réveil du boulanger c’était de louper les quelques mètres qu’elle parcourait, onze pas exactement. Quelques fois, douze.


J’ai traîné les pieds jusqu’à la salle de bains et suis resté fixé quelques minutes devant le grand miroir. Je n’aimais pas mon visage, pas plus que mon corps. Mes bras étaient trop fins, mes oreilles étaient trop grandes, mes boutons trop rouges et mon sexe trop petit. « Une belle journée de merde qui m’attend », j’ai pensé.

J’étais sous la douche quand Anton frappa à la porte en grognant quelque chose d’incompréhensible. J’ai eu peur, je me suis rincé, essuyé en vitesse, et j’ai filé dans ma chambre. À peine le temps d’enfiler un caleçon qu’il est rentré et m’a pris par l’épaule en serrant de tout son poing. Il m’a traîné jusque dans la salle de bains, sans bruit, pour ne pas réveiller ma mère.


- Tu vas m’essuyer tout ça et que ça saute, il a dit.


J’ai baissé la tête, il y avait trois foutues gouttes par terre. Alors j’ai pris un coton qui traînait, je me suis baissé et j’ai soigneusement essuyé les trois gouttes. Avec le coton. Humilié par le sarcasme de mon geste, il a posé son gros pied sur mon épaule et a tendu la jambe violemment. Je me suis encastré dans le mur un mètre plus loin. Il s’est baissé pour m’empoigner la nuque et s’est approché tout près pour me chuchoter :


- Voilà ce qui arrive quand on se fout de ma gueule.


Je me suis forcé de ne pas répondre, mais j’ai quand même fait la grimace. Je n’avais pas mal, c’était son haleine. Elle était épouvantable.

J’ai entendu la porte de la chambre de ma mère s’ouvrir - sans-doute alertée par le bruit sourd de ma tête contre le plâtre - et ses pas pressés vers la salle de bains. Anton s’est vite relevé et a chopé sa brosse à dents.


- Qu'est-ce qui se passe ici ? elle a crié en ouvrant la porte.

- Rien chérie, j’allais me laver les dents, il a parlé d’une voix douce.

- Arthur, ça va ?


J’ai levé la tête, et j’ai prié. Pour qu’une trace apparaisse, rien qu’une toute petite rougeur sur mon visage, mais non. Rien. Ma mère n’a rien vu.


- Oui ça va, j’ai répondu en souriant.


Elle est partie, j’ai eu droit à un autre coup de pied.


Cet enfoiré d’Anton était le nouvel ami de ma mère. Il était incrusté chez nous depuis cinq ans. Même si au début je l’avais trouvé gentil, je m’étais vite rendu compte quel vicieux de la pire espèce il était. J’avais envie de le tuer, mais à 14 ans, je ne pouvais rien faire contre le colosse et ses gros poings. Je priais chaque soir dans mon lit le petit Jésus, pour que ma mère le surprenne en train de sévir, qu’il se fasse griller en beauté, qu’elle vire cette merde sur le palier, en caleçon, un 31 décembre. Je voulais une trace, un hématome, une bosse ou un nez cassé. Mais rien. Petit Jésus mon cul. Rien. Le fourbe savait trop bien cogner pour laisser quelque marque. Je me suis éclipsé dans ma chambre pour m’habiller.


J’étais en train d’enfiler ma chaussette gauche quand les deux notes insupportables de la sonnette ont retenti. J’ai entendu la porte s’ouvrir et la voix de ma mère résonner jusqu’à mes oreilles. Louise, Dieu me tripote, j’avais bien entendu Louise. J’ai senti le sang me monter tout d’un coup à la tête, ça m’a filé des vertiges. J’ai forcé sur ma chaussette pour l’enfiler en vitesse et j’ai dévalé les escaliers quatre par quatre. Sur le pas de la porte, Louise était là. Elle était sacrément belle, dans sa petite robe blanche. Ses cheveux blonds attachés retombaient sur sa nuque et venaient caresser ses petits seins. Sur ses fines cuisses découvertes, on devinait les petits points de ses poils dressés par la brise du matin. Elle parlait à ma mère, l’air affolée, je ne l’écoutais pas. Mon regard était captivé par le sien, ses yeux étaient si clairs qu’on ne devinait pas la couleur bleu-vert-gris. Je n’avais rarement vu de pareil spectacle. C’était fantastique.

Elle parlait de son chat, il s’appelait Moustache. Quel nom à la con, j’ai pensé. Deux jours qu’elle ne l’avait pas vu, elle voulait savoir si nous non plus. Il y avait dans le ton de sa voix un mélange de passion et de panique, qui lui donnait un côté mignon. Ma mère a parlé à son tour, puis elle l’a remerciée avant de dire au revoir. Son regard s’est posé sur moi


- Salut, elle a dit.


J’ai bégayé un truc puis elle est partie. Je me suis approché de la porte et l’ai regardée s’en aller à travers l’œillet.


Le lundi, c’était ce pauvre type d’Anton qui m’amenait au collège. Il avait une petite voiture vert kaki qui fumait noir au démarrage. À l’intérieur ça sentait mauvais le chien et les fruits pourris. J’ai voulu allumer la radio, je me suis pris un coup sur le menton - il ne visait pas toujours bien. Il a démarré dans un boucan monstre, pire que la camionnette du boulanger, et a fait ronronner le moteur quelques secondes avant de passer la première. On s’est engagé en trombe dans la petite rue du quartier. Au bout de la petite rue, il y avait un rond-point. À cette heure, jamais personne. Cet idiot accélérait toujours dix fois trop, il était obligé à piler juste avant le carrefour. Je me suis attaché. On n’avait pas fait deux cents mètres que déjà il passait la quatrième, agrippé à mon siège en mousse j’avais sacrément les chocottes.


C’est là que j’ai vu moustache. Il débarquait de l’une des rues sur la droite. Quand il a entendu le bruit sourd de la voiture qui fonçait droit sur lui, il s’est figé, puis a gambadé à travers la route, effrayé par le bolide. Anton l’avait bien vu.


- Sale bête, il a crié.


Le chat était encore loin et courait vite, le chauffard n’a pas pris la peine de piler. La même seconde, Louise a aussi débarqué du coin de la rue. Elle courait après Moustache. La voiture allait trop vite, elle ne l’a pas vu arriver, Anton non plus. Elle a commencé à traverser puis elle a levé la tête dans notre direction, figée comme le chat au milieu de la route, durant la seconde où je l’ai vue, je l’ai trouvée belle. Anton a crié, la voiture a dérapé en belle diagonale dans un bruit de pneus crissés, les petits seins de Louise sont passés à quelques centimètres de mon nez, et le mur d’en face est arrivé très vite. La roue avant gauche à heurté la première le trottoir, soulevant la voiture d’une violente secousse, puis c’est toute la partie gauche de la voiture qui est venue s’encastrer dans le mur de la maison. J’ai été sonné durant quelques secondes, par le choc et par le bruit.

Lorsque j’ai ouvert les yeux, il y avait de la fumée partout, et ça sentait le cochon grillé. J’ai détaché ma ceinture et j’ai défoncé la porte à coups de pieds. Louise s’est précipitée sur moi, elle m’a pris dans ses bras, elle pleurait. Sa poitrine, ses hanches étaient ensanglantées, sa jolie robe blanche était devenue rouge sang. Mon sang.

Elle a couru chez les voisins appeler les secours, j’étais salement amoché. Je suis retourné à la voiture. Le sol était jonché de verre, toutes les vitres avaient volé en éclats. La carrosserie était éparpillée sur toute la route, et dans le mur. Il ne restait plus rien, ce n’était plus qu’un gros tas de ferraille. Je me suis approché. Anton était allongé sur ce qu’il restait du capot. Il avait du verre planté dans la figure, dans les yeux et dans les bras. Sa jambe gauche était broyée, un mélange d’os et de sang. J’ai d’abord cru qu’il était mort. Puis je l’ai entendu grogner. Il a levé la tête et ouvert un peu les yeux. J’ai failli gerber. Il lui manquait la partie gauche de la peau du visage, du menton jusqu’à l’oreille. Et je l’ai vu, essayer de murmurer quelque chose qui m’a semblé être un appel à l’aide. Je n’ai pas bougé. Je l’ai regardé perdre tout son sang, gémir, pleurer de douleur et me supplier de l’aider. Je l’ai regardé crever comme un chien sans en perdre une seconde, pour que ses dernières pensées ne soient que douleur et indifférence.


Quand les pompiers sont arrivés, Anton était déjà mort.

Ce fut une sacrée belle journée


 
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   Selenim   
1/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une petite histoire plutôt sympathique.

C'est léger, le style n'est pas exempt de défauts mais la lecture reste fluide malgré tout.

J'ai trouvé juste dommage que la relation entre Arthur et Anton soit si peu développée. Quelques flash back bien sentis auraient pu densifier les personnages et donner à la chute un autre ressenti.

Pour plus d'impact, j'aurais opté pour l'utilisation du présent.

Le fait que les différents protagonistes ne soient qu'esquissés dessert la charge émotionnelle de la chute.
Même si Louise n'a que peu d'importance dans l'intrigue, il aurait été bienvenu de lui accorder d'autres traits qu'une plastique de magazine de mode.

En conclusion, un récit qui pêche surtout par son manque de densité et son développement trop ténu.

Selenim

   Anonyme   
1/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
L'écriture est agréable. On se prend tout de suite de sympathie pour ce brave Arthur.
A la fin, il y a un léger suspense. Quelle sera la victime de l'accident ?
C'est le salaud !
On est un peu déçu par ce happy end, mais la phrase de fin, très série B, rattrape le coup.
Un petit texte prometteur.

   Anonyme   
1/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Quelques incongruités, me semble-t-il :

- A 14 ans, on ne dit pas "pour me masturber", mais "pour me branler". Ce qui, au passage, colle beaucoup mieux au reste du récit.
- Ibidem avec "un travail d’orfèvre millimétré auquel nul ne restait indifférent" : trop sophistiqué pour un môme de cet âge.

Autre détail qui grippe un peu : il y a contradiction entre "Cet enfoiré d’Anton était le nouvel ami de ma mère" et "Il était incrusté chez nous depuis cinq ans".

A part ça, j'aime bien la façon avec laquelle tu racontes les choses, Ambroise.
Bien sûr, moi aussi j'aurais bien voulu en savoir plus; mais bon, j'apprécie aussi cette "photo instantanée" focalisée sur quelques instants de la vie d'un ado.

Continue : tu ne peux que t'améliorer. ;-)

PS : et n'hésite pas à châtier tous les salauds que tu rencontreras encore ! Nan mais... :-)

   Menvussa   
1/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
« Elle allait sûrement porter sa petite robe blanche. C’était ma préférée, elle se raccordait bien à ses longs cheveux blonds »
Raccorder me semble un choix maladroit.
« onze pas exactement. Quelques fois, douze. » Alors c’est onze ou douze… le « exactement » est peut-être en trop, non ?

«en serrant de tout son poing. » De toute sa poigne, oui, mais de tout son poing ???
Elle est velue la Louise ! pas très heureux comme image.
Pas trop cohérent ça : « durant la seconde où je l’ai vue, je l’ai trouvée belle. » C’est la peur et l’horreur qui devraient le submerger à l’instant.

La fin est sinistre, même si c’est un sale type.

À part les quelques remarques formulées c'est pas trop mal écrit, le rythme est peut-être un peu monotone.
Le sujet est assez bien traité, mais le choix de la catégorie me laisse perplexe.

   nico84   
1/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'aime cette nouvelle qui est quand même courte, j'aurais aimé que tu devellopes ce personnage mechant et violent, pour qu'on se range davantage derrière le narrateur. Tu aurais pu en écrire beaucoup plus. Car il y avait des choses à mettre encore. Plus de force, de profondeur et d'intensité. Oser, poursuivre, amener le lecteur à detester ton personnage.

La fin est bonne. Bravo.

   widjet   
2/5/2009
 a aimé ce texte 
Pas
L'auteur doit être jeune. Enfin je crois.

Ecriture bancale et scolaire (ce qui explique des maladresses, des lourdeurs) pour une histoire gentillette en dépit de son dénouement "violent". L'auteur hésite (parfois) entre un ton familier et une volonté - certes sympathique - de travailler une forme plus soutenue ( Je n’avais rarement vu de pareil spectacle ????). Pour un ado de 14 ans, reste sur du familier. Quelques suppressions s'imposent (gauche ou droite la chaussette, franchement ça n'apporte rien) et multipler les hrases courtes pour éviter de prendre des risques trop grands (sois patient, et tu prendras confiance au fur et à mesure)

Pas très bon certes, mais rien d'infamant. Surtout à cet âge (si l'auteur s'avère être adulte, j'ai encore loupé une occaz de me faire un pote, moi...)

W

   Anonyme   
10/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
elle est bien ton histoire =) tu en as écrites d'autres ?


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