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Horreur/Épouvante
amethystev : Mon visage
 Publié le 19/02/16  -  13 commentaires  -  14884 caractères  -  290 lectures    Autres textes du même auteur

Une adolescente tente d'échapper à son quotidien douloureux à travers son amour pour le personnage principal de "L'Homme qui rit"…


Mon visage


(L’aube)

L’amour à l’adolescence tue. Ces amours-là sont toujours impossibles. Je veux l’ignorer. Je veux me perdre toujours entre ses pages humides et jaunes.

Le livre me transmet son odeur vieille et ridée, ses doux relents de papier qui me rappelle le whisky. Mes bras le serrent avec passion. Mes yeux se ferment. Dans cette obscurité latente, le livre devient vivant. Il est chaud et palpitant contre moi.

L’aube transparaît derrière les stores. La lumière bleuâtre des jours de neige dérange mon repos. Je remue, nue sous les couvertures. Le livre m’échappe, il part à la dérive sur la peau de mes jambes. Un peu de chair de poule pousse sur mes cuisses. J’adore ce contact un peu coupant de l’objet qui veut vous fuir. Cela titille mes tendances prédatrices. Je me glisse à mon tour sous la douillette. Je joue un peu à chat avec lui. Il finit par revenir à ma main, docile. Nous retrouvons l’air libre. Le bouquin s’est déposé tout seul entre mes deux seins.

Mon souffle se fait court. Ma bouche s’entrouvre, je lance un gémissement muet comme si les lèvres d’un homme narguaient ma nuque. Je n’en peux plus. C’est insoutenable. J’ai besoin de le voir. J’ai besoin…

J’ouvrais le livre à la page fatidique… « La nature avait été prodigue de ses bienfaits avec Gwynplaine. Elle lui avait donné une bouche s’ouvrant jusqu’aux oreilles, des oreilles se repliant jusque sur les yeux, un nez informe fait pour l’oscillation des lunettes de grimacier, et un visage qu’on ne pouvait regarder sans rire. » Je relis ce passage à quelques reprises et la magie s’opère, il est là, juste à côté de mon lit, dans un habit brûlant de pierreries. Mon amant se dissimule dans l’ombre, il n’ose approcher. À chaque fois, c’est la même chose. Il n’ose me montrer sa face. Il craint que je ne le supporte plus, que mes lèvres se plissent à leur tour dans un rire infamant. Je dois prendre ma voix la plus douce et ne pas le lâcher des yeux, sinon il disparaîtra et il faudra tout recommencer. Je l’appelle :


– Viens, Gwynplaine, viens.


J’entends alors ses pas sur la moquette. Le bruit semble tinter, son pas a le velours du chat. Il approche du lit, sournois et amoureux. Il est tout près. J’entends son corps qui se froisse sur le matelas. Je bondis et je l’attrape par le bras. Nous roulons tous deux sous les couvertures. Son corps est doux, si réel contre moi. Ma paume caresse le satin de sa tunique. J’avance ma main sur son visage. J’en découvre la fantaisie, ces joues retroussées, cette ligne de la chirurgie qui s’étire comme un faisceau lumineux, ce sourire infini et inviolable. Cette difformité me rassure, j’y vois beaucoup de moi-même. Elle est le reflet d’un monstre bon.

Je me cramponne à Gwynplaine. Je touche sa tête crépue. Je m’accroche à un soleil. Un peu de sécurité reflue jusqu’à mon âme. Je me sens bien. Je me sens…

La réalité claque. Tous les malheurs que mon imagination semblait pouvoir essuyer du revers de sa main invisible refluent, les eaux visqueuses de la nuit reviennent me boucher la gorge. L’espoir de l’aube est encore une fois déçu, mes fantasmes enfermés dans le placard de ma vertu. Mon prédateur noctambule s’est découvert des appétits diurnes.

La porte de ma chambre s’ouvre. Mon père se glisse comme un ver solitaire. Gluant et glouton. La porte reste entrebâillée. Mais personne ne verra rien. Personne. La maison est aveugle.

Mon corps déjà nu rend mon père fou. Ses mains s’accrochent à mes épaules. Il me retourne sur le ventre. Il s’étend sur moi. Il s’adonne à son nouveau plaisir.

Du coin de l’œil, j’aperçois encore L’Homme qui rit qui luit comme un secret. Je m’accroche à cette vision du bonheur. Je m’accroche.


*


(La vie)

Mon corps tressaille d’amour pour la première fois. Nous sommes sur le sofa, le livre et moi. Je pleure sur lui. Les pages acceptent mes larmes et ne m’en veulent pas de le détremper. C’est bon de ne pas devoir quelque chose à quelqu’un.

Je devrais jeter le livre. Ce n’est qu’un bouquin. Et Gwynplaine n’existe pas. On ne peut pas tomber en amour avec un personnage de roman. Ça ne se fait pas. Et puis papa commence à le regarder avec suspicion. Il se doute de quelque chose. Papa n’aimerait pas savoir qu’il n’a pas le contrôle sur toutes mes pensées.

J’embrasse sa quatrième de couverture. Mes lèvres sont sèches et tristes. Je mets mes mains sur lui. Mes doigts filent sur ses pages. Je reviens à la toute première.

La vraie vie est là.


*


(Le pendu)

Une bouche d’égout déverse ses miasmes dans une mare d’eau stagnante. Nous regardons l’eau brunâtre et y contemplons une beauté. J’ai dans mes mains un sandwich. Nous discutons, pique-niquons, attablés dans un champ.


– Tu sais, Emma, tu ne vois pas vraiment. Tu es aveugle. Tu regardes les gens, mais tu ne vois pas leurs visages. Tu ne vois que la lumière ou l’ombre. Tu refuses les apparences. Ta conscience est un astre. Tu es comme elle, ma Déa. Tu es Déa.


Ce petit monologue à la Gwynplaine aurait dû me ravir, mais je l’entends à peine. Je n’ai pas la tête à me faire charmer par une œuvre littéraire. L’œuvre devrait plutôt m’effrayer et me mordre le cœur. J’ai besoin que les êtres et les choses s’accordent à mon état d’esprit. Je ne veux plus rien de lumineux. Je veux le condensé de l’œuvre dans la couverture. Le gibet qui s’avance vers l’observateur. La corde qui semble remuer. La tête penchée du revenant étouffé.

Gwynplaine m’attrape le poignet. Le contact est de ceux fluides dans lesquels on se perd. Mon cœur bat et expire. Une vie fleurit dans mon ventre. Il y a un peu de blanc qui se fait dans mon esprit. Je lui offre mon visage. Gwynplaine blottit ses lèvres hideuses contre les miennes.

J’oublie le pendu. J’oublie le matin et le visage de ma mère qui avait ses traits. Le téléphone sur l’oreille, les yeux hagards et rouges. Le visage blême, les lèvres ouvertes. La tête penchée et le cou qui a le tonus d’une chenille. Le père sur le sofa par-dessus moi. Elle passe devant nous et ne voit rien. Elle ressemble à un fantôme. Le message qu’elle m’envoie est clair. Elle n’a pas d’yeux. Elle est une chose. Elle est là, mais c’est tout. Elle décore et n’influe sur rien.

Comme le pendu sur la colline.


*


(Le reflet)

Je regarde le miroir. La glace me renvoie une image déformée. J’observe mon corps dénudé, mes seins couverts de larmes.

Ils sont agréables à regarder. Petits, ronds, on dirait des bourgeons qui n’éclateront jamais. Des aréoles couleur café au lait comme aime le répéter papa.

Mes mains prennent ces boules délicates entre leurs paumes. Innocemment, elles se mettent à gonfler et leur pointe mouillée se fait raide entre mes doigts. Aussitôt, mes larmes croissent. Les images de la nuit se précipitent sur mon âme. Derrière mes yeux, toute ma vie s’agite. La vie dont je ne dis rien. La seule vie à laquelle j’ai droit. Celle de la nuit.

J’entends le bruit de la porte qui s’ouvre. Le grincement sec du bois mort. Ensuite, elle se referme dans une note unique et grave. Mon père se faufile sous les couvertures. Je sens son souffle chaud sur ma nuque et son désir cuisant sur ma cuisse. Ses mains agrippent mes seins sous ma chemise de nuit. Ils les empoignent et les martèlent. Ses doigts mordent mes tétons. Ils s’élèvent d’un seul souffle. La bouche de mon père se pose au creux de mon oreille. Sa langue postillonne dans le conduit auditif. Il parle. Il dit : « T’aimes ça quand je te prends les seins ? Je sais que t’aimes ça. »

Est-ce vrai ? J’aime ce qu’il me fait ?

Comment ne pas le croire les regardant ? On les caresse un peu et ils s’excitent tout de suite, ils fixent le miroir comme un regard interloqué.

Dans la glace, mes yeux descendent sur mon ventre. Je sais que lorsque les gens regardent mon corps, il dénote une certaine pureté. Ce ventre est plat et il n’a pas appris l’art des courbes. Je peux regarder plus bas. Je ne possède pas de hanches et sûrement pas le début d’un flanc. J’ai le corps d’une enfant. Mes jambes grêles et mes cuisses lisses tromperaient un pédophile expérimenté. Même ma vulve, avec sa pilosité courte et blonde, permet l’illusion d’un sexe glabre et immaculé de petite fille. Je ressemble à une île naissante, inviolable et fraîche. Lorsqu’elle caresse mes cheveux, ma mère soupire que j’ai quelque chose de céleste. Elle dit que je suis une étoile, lointaine mais chaude. On peut se réchauffer à mes rayons, mais on ne pénètre pas mon essence.

L’illusion de pureté atteint cependant son paroxysme avec mon visage. Il me fait peur. Il transpire l’innocence. Il désarme. Il est blanc. Il est rond. On dirait une peinture de chérubin. J’essaie de sourire à mon reflet comme je ne manque pas de le faire à chaque passant dans la rue. C’est plus fort que moi. Mon sourire est trop vrai.

Mes joues se dévoilent au complet, ma face fume des fossettes rougeoyantes. Mes dents exposent la blancheur cruelle de l’enfance. Mes lèvres étalent leur beauté et leur délicatesse, elles n’ont rien d’aguichant, à moins de trouver aguichantes les lèvres d’un ange-enfant. Mon sourire est sans appel. Il exprime toute la candeur du monde.

Mes yeux peuvent bien pleurer, mon sourire dit que tout va bien. Mon reflet, comme le regard des passants, n’a que faire de ma douleur. Il semble ému et croire pleurer de joie. Ma main se pose sur ma joue. Je déteste sa rondeur, sa beauté, sa blancheur. J’aimerais qu’elle soit laide et misérable. Couverte de boutons gonflés et écumeux, de pustules implorantes, de lèpres et de plaies salivantes. J’aimerais que mon visage soit dévasté par l’herpès, envahi par un virus qui se transmet d’un baiser, que l’homme qui s’immisce sous mes draps s’écroule devant l’horreur de la maladie affectueuse. J’aimerais que mes yeux seuls restent beaux. J’aimerais que mon reflet, j’aimerais que les passants, ne voient pour toute pureté que mes larmes. Cette souffrance aiguë et ridicule, ces apitoiements, ces jérémiades, qu’ils comprennent que ce sont là les seuls vestiges abandonnés par un enfant.

J’aimerais qu’on me fuie. Qu’on me dédaigne du regard dans la rue. J’aimerais qu’on rie de moi comme d’un itinérant affalé, ivre et mort. J’aimerais que les hommes mettent les mains sous mes jupes en ne croyant pas commettre une profanation. J’aimerais leur haine. Leur satisfaction moite d’être dans leur droit.

Le chaos s’inverserait. Les lumières se pendraient aux ténèbres et les ombres jailliraient de l’obscurité. Tout serait gris et noir, informe. Tel qu’il devrait être. La vie se révélerait dans tout ce qu’elle a d’ignoble et de véridique. Les faux-semblants, les mensonges, l’ironie, le marasme et les non-dits disparaîtraient dans un écran de fumée. Je tendrais les mains et personne n’essaierait de les attraper. Je chercherais des bras dans lesquels me blottir et parce que j’en aurais vraiment besoin, personne ne me répondrait.

Un sens ténébreux m’apparaîtrait alors. On verrait apparaître sur mon visage un sourire dément, plein de rouge, tranché jusqu’aux oreilles. Je semblerais alors me tordre dans un rire effroyable et le cœur de ceux qui m’entendraient gémirait d’incompréhension. Je rirais comme un clown psychopathe, je rirais de leur dégoût et de leur effroi. Toutes mes larmes seraient dans mon sourire. Et ces larmes seraient des poignards, et ces larmes résonneraient de l’écho triomphant du pouvoir. Je serais l’abîme et l’abîme les engloutirait tous.


*


(Le couteau)

Je lance un regard au couteau déposé au creux du lavabo. Sa lame rutile, quelques gouttes ont glissé sur elle et lui donnent un air larmoyant. La lame, large et folle, m’appelle. Mon visage est prisonnier d’un aimant. Ma main tremble. Je ne possède pas la rigueur nécessaire. Il faut agir pourtant. Il faut être à la hauteur même si on ne l’est pas.

Je prends le couteau. Son manche est raide, massif. Ça ressemble à du chêne, mais ça n’en est pas. Le manche est peinturé de brun, c’est tout. Le manche est en métal comme la lame. Du métal lourd et plein. C’est de ça que le cerveau de mon père doit être rempli.

Cette pensée, étrangement, raffermit ma poigne et ma certitude. Cet acte sera.

Cet acte est absurde. Cet acte est insensé. Je ne suis pas folle au point de croire qu’ils pourront comprendre. Mais ça les tuera peut-être. Ça me tuera peut-être.

Cet acte est nécessaire.

J’attaque la joue gauche. Je place la courbe de la lame à la commissure des lèvres. Je souris à la glace. Le tracé du sourire ainsi entamé sera plus facile à continuer au couteau. Le couteau appose la première pression. La première goutte de sang jaillit. Elle est rouge, elle est écarlate, c’est un rubis liquide qui court dans l’embouchure. Je force encore, souriante et paumée. Les cartilages de ma bouche cèdent sans effort. J’ai l’impression de forcer une pâte à pain.

Une main se pose sur mon épaule. Ma peau tressaille à peine. Mes yeux bougent dans le miroir. C’est Gwynplaine. Je le sais. Sa main froide et douce essaie de me dire de réfléchir encore. De ne pas. Pour une fois, son visage ne rit pas. Toute la volonté est concentrée dans ce visage, comme le dit Hugo, pour y jeter un voile tragique. Il a éloigné de lui-même toute émotion pour que son irrépressible rire prenne une tangente sinistre.

Cependant, même lui aujourd’hui ne me convaincra pas. De ne pas. Ma résolution est trop forte. Ma tête a un imperceptible mouvement. Mon amour comprend. Il entend mes pensées. Il entend ma tête. Nous en avons longuement discuté. Les hommes lui ont enlevé son visage. À la place de la pensée le rire a été creusé, la difformité siège là où devrait être la beauté, le bouffon est assis à la place du lord. Son visage est un masque de chair.

Mais, tous les visages sont des masques. La pureté, pour un être que l’on a sali, est pareille au visage déformé. Chaque regard jeté dans son reflet est un dédoublement. Chaque sourire est une honte offerte. Chaque larme de cristal est un caillot de nécrose. Tout amour donné n’est qu’une haine sacrifiée.

La pureté n’est que le manteau du monstre.

Gwynplaine comprend. Dans le miroir, il hoche tristement la tête. Ses yeux me crient de revenir. Mais il s’estompe. Son rire se dissipe dans un souffle de brume bleue. Je vois encore le bout de sa tête. Sa tête crépue et rêche qui est le soleil. J’essaie de retenir son image en lui jetant des yeux aveugles. C’est fini. Il est parti.

Ma main serre plus fort le couteau. Mon sourire s’étire. Toute ma foi s’attelle dans la construction de mon nouveau visage. La lame tire et déchire tranquillement ma première joue. Ma main brûle. Dans ma joue, la douleur est une orgie de trahisons et de flammes ivres. Je coupe, je découpe. Je suis un enfant qui se prend pour un chirurgien.

Et je ris et je ris. Je pense : « Mon visage ! », « Mon visage ! »

Puis je comprends. Je suis seule. Irrémédiablement seule.


 
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   hersen   
4/2/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément
Il ne me semble absolument pas que la catégorie sent/rom convienne à ce texte poignant, criant à la fois de simplicité et de douleur.

L'inceste vécu par la narratrice, les yeux fermés de sa mère, sa propre culpabilité. le héro de son livre préféré n'y pourra rien, elle veut tuer cette beauté qui est la sienne pour se délivrer, allant jusqu'à se mutiler.

Une manière de raconter entre candeur et résignation. Un ton qui sonne mille fois juste.

Texte très fort. Texte terrible.

Merci beaucoup de cette lecture.

   carbona   
4/2/2016
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Il y a de la délicatesse et de l'intelligence dans la construction de votre récit. Pour autant l'écriture n'est pas assez incisive à mon goût. Les sentiments de la jeune fille qui sont décrits avec une certaine sobriété et ne tombent pas du tout dans le pathétique me perdent souvent au cours du récit, je lis mais n'y suis plus.

Merci,

Carbona

   vendularge   
5/2/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Votre texte provoque chez moi un véritable malaise, j'ai donc attendu pour tenter de comprendre pourquoi. L'inceste est traité depuis longtemps mais là il y a ici quelque chose de particulier. C'est la sensualité de l'écriture qui déstabilise le lecteur (elle apparaît dès les premières lignes) puisque cette jeune fille est en état de désir, d'amour ou plutôt de transfert avec un personnage littéraire.

Cette narration de la folie à partir d'elle même est bien vue mais elle génère (encore une fois et pour ma part) un malaise important, sa façon de na pas insulter ce père mais de l'appeler "papa". Le regard forcément narcissique qu'elle porte sur son corps est vraiment à la croisée des chemins.

Voilà, rien n'est attendu dans cette histoire, c'est très étonnant et le trouble (dans le sens dérangeant) ressenti est assez désagréable.

Si l'objectif est l'ambiguité, c'est réussi.

   Anonyme   
20/2/2016
Bonjour amethystev

L'écriture est jolie, romantique, avec du potentiel mais pas encore abouti (le potentiel)

Première phrase : je veux me perdre entre ses pages : les pages de l'amour à l'adolescence, sinon ça aurait été "ces pages" d'autant que juste après vous parlez du livre.

"sur la peau de mes jambes" assez particulier

"Je joue un peu" "un peu de chair de poule" "ce contact un peu coupant"

"revenir à ma main", certes le livre n'est pas une matière morte, ou pas toujours.

"entre mes deux seins" serait-il possible d'en avoir trois ?

"il n'ose m'approcher" "il n'ose me montrer sa face", j'ignore pourquoi, ici la répétition se "sent" alors qu'ailleurs, quand il y en a, non ou moins.

"le bruit semble tinter, son pas à le velours du chat" pour moi ça ne colle pas surtout avec la moquette.

"ma main sur son visage" trop de possessif

"Une bouche d’égout déverse ses miasmes dans une mare d’eau stagnante. Nous regardons l’eau brunâtre et y contemplons une beauté. J’ai dans mes mains un sandwich. Nous discutons, pique-niquons, attablés dans un champ."
Ici, bouche d’égout, eau brunâtre, stagnante = spectacle peu ragoutant suivie d'une bizarrerie : la narratrice m'emmène dans un champ, le champ est vaste (par définition) alors pourquoi choisir de déjeuner ici plutôt que plus loin ? Choix de l'auteur et tous les goûts sont dans la nature, soit.
"nous (le sandwich et la narratrice ?) y contemplons "une" beauté (j'imagine un elfe, quelque chose c'est "une") mais j'ai l'impression que c'est "la" ; la beauté choisie, décidée, ici c'est moche mais j'ai décidé que ce serait beau. D'accord pour "la" pas pour "une".

Même phrase : j'ai dans mes mains un sandwich, nous discutons" avec le sandwich ? Non avec Gwynplaine... mais c'est le genre de phrase qui fait déraper l'attention.

Mes yeux, ma vie, mon visage, ma main, mon livre, mon corps, mes seins, ma peau... mes yeux descendent sur mon ventre... mes joues, ma face, mes dents... A la longue, sensation d'étouffement.

"Il dénote une certaine pureté" je ne doute pas de la pureté je remets en cause "dénote" qui me gêne, je ne sais pas pourquoi, je ne le trouve pas à sa place.

"qu'on rie de moi comme d’un itinérant affalé, ivre et mort." primo, ça ne m'a jamais fait rire, et secundo, itinérant c'est quoi, quand ce n'est pas Victor Hugo qui en parle, un SDF ? autant dire les choses, employer les mots, ne pas avoir peur d'eux. (impression)

Le reflet : dernier alinéa très bon
"Il semble ému et croire pleurer de joie" ( dix fois relue et même accrochage : croire ou croit ? si c'est croire il me semble que c'est mal fichu)

Il les empoigne et les martèle : marteler pareil que plus haut pour dénote.

ma poigne, ma certitude...

"en lui jetant des yeux aveugles" ?

Du potentiel, c'est sûr et certain, il y en a. Il faut continuer.

A vous, une longue et fructueuse continuation.

Merci

   Pepito   
20/2/2016
Bonjour Amethystev (faudra penser à trouver un diminutif de pseudo ;=)

Forme : belle écriture, très sensuelle. Pour chipoter :
"de papier qui me rappelle le whisky" le "qui" ne semble pas utile
"obscurité latente" > obscurité qui peut se manifester... alors que les yeux sont fermés ?!
"bruit semble tinter" > "son pas a le velours du chat" un pas de chat qui tinte ?!
"Sa langue postillonne dans le conduit auditif. " berk, pourquoi pas "pavillon auriculaire" tant qu'à faire... ;=)
"Il semble ému et croire pleurer de joie." y'a un bug dans le temps là, non ?
"Sa lame rutile, quelques gouttes ont glissé sur elle et lui donnent un air larmoyant." pourquoi pas "Quelques gouttes on glissé sur sa lame rutilante et ..."
"Les cartilages de ma bouche cèdent sans effort." cette phrase m'a semblé en trop : "cartilages" dans la joue ?! "effort" en répétition avec "forcer" de la phrase suivante.
"comme le dit Hugo" là aussi, en trop.
"Sa tête crépue et rêche qui est le soleil." hein ?!

Et de nombreux tops!, au hasard :
"Mon père se glisse comme un ver solitaire." plus loin > " Il me retourne sur le ventre." excellente association
"J’observe mon corps dénudé, mes seins couverts de larmes." superbe
"l’horreur de la maladie affectueuse" ouha joli !
...

Fond : voilà un traitement du drame de l'inceste très atypique. Le coté sensuel de l'écriture plonge le lecteur dans la gêne, une impression de voyeurisme. Le fait de ne pas bien appréhender l'age de la victime, aussi.

"Est-ce vrai ? J’aime ce qu’il me fait ?" cette manière de culpabiliser la jeune fille, de lui faire croire qu'elle est "demandeuse" est terrible.. et bien rendue. Le père n'en parait que plus infâme.
"Mes yeux peuvent bien pleurer, mon sourire dit que tout va bien." là commence cette haine de sa bouche
"J’aimerais que les hommes mettent les mains sous mes jupes en ne croyant pas commettre une profanation. J’aimerais leur haine. Leur satisfaction moite d’être dans leur droit." là encore, cette ambiguïté, comment contrecarrer le désir sauvage ?

"Puis je comprends. Je suis seule. Irrémédiablement seule." j'ai mis du temps à comprendre. Le personnage imaginaire n'existe pas, c'est ça ?

Un texte magnifique par sa complexité sur un sujet terrible. Aux antipodes de Festen dans le traitement, mais un énorme point commun : la Mère qui passe... sans rien voir. Je ne saurais dire pourquoi, mais le rôle de ces femmes me dérange encore plus que celui des pères tarés. Peut-être l'envers du rôle protecteur que l'on donne implicitement aux Mamans ?

Une pause en milieu de texte, avec un tour dans la vie réelle, un flash-back sur la vie avant... permettrait d'alléger le long délire et de situer l'age... juste une idée.

La fin en "sourire" est excellente, loin et pire, que le suicide attendu.

Un texte qui mérite bien plus que quelques lectures et commentaires, mais la non participation à la vie du site a forcement quelques conséquences.

Merci pour la lecture.

Pepito

   alvinabec   
20/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Améthyste,

Vous avez choisi de parler d'un sujet casse-gueule à souhait parce que très connoté moralement, du moins chez les australopithèques occidentaux: l'inceste.

Ce qui est fort riche dans le texte que vous nous proposez, c'est le traitement aussi pudique qu'original que vous faites de ces abus sexuels, ça semble presque frais et léger comme cette figure de mère vaporeuse qui taxe sa fille de céleste...et où l'on peut supposer qu'elle se sent dédouanée.

Tout ce qui concerne les sensations corporelles de la gamine me semblent très justes, exclue qu'elle est d'une vision de pureté pour ne voir que l’objet putassier à détruire.

Le titre, sobre, convient bien à la stylistique de cette narration.

De la très belle ouvrage dirait l'ami Voltaire.
A vous lire...

   Anonyme   
22/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Vous terminez votre texte en confirmant la sensation que j'ai connue tout au long de sa lecture : une énorme, une gigantesque solitude.

C'est un univers totalement clos. Rien ne se passe en dehors du "cercle familial", si on peut le nommer ainsi. La seule scène d'extérieur se déroule dans un champ, mais elle n'est pas réelle, elle ramène encore au roman, si j'ai bien compris. Ceci engendre une grande sensation d'étouffement.

Je me suis renseigné via Google au sujet du roman de Victor Hugo. Je ne le connaissais pas du tout, mais ceci ne nuit pas du tout à la lecture de votre texte. Ces renseignements me permettent de le lier à la scène finale de votre texte, mais ce n'était pas indispensable.

Le chapitre « La vie » est le plus court, mais il condense pas mal de choses, ne serait-ce d'ailleurs que par sa brièveté : l'évasion, la culpabilité, la mainmise, l'implacable sensation de tourner en rond.

Une petite broutille : le verbe tinter, associé à la moquette et au pas de velours, m'a paru étrange.

J'ai beaucoup de mal à noter ce texte. Dire que j'ai aimé sa lecture ne serait pas le reflet de la réalité, mais ce n'est pas ce que vous cherchiez. Vous avez donc obtenu l'effet souhaité.

   in-flight   
24/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un premier texte extrêmement encourageant.

Le final avec le sourire de l'ange aurait pu sombrer dans le cliché mais votre style narratif se prête à merveille à la conclusion de cette terrible histoire. Votre narratrice préfère afficher un sourire éternel face à la douleur éternelle puisque comme vous le dîtes si bien "tous les visages sont des masques"

Je suivrai vos prochaines publications (un client de gagné)

Bravo!

   Anonyme   
19/3/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Hé ben, c'est pas gai ! Je ne m'attendais absolument pas à ce type de récit, persuadé que vous partiez dans une histoire romantique pour adolescentes. L'intrusion subite du père m'a brutalement plongé dans une dimension sordide. Tout s'éclairait alors sous un jour nouveau ; les interrogations de la narratrice, ses échappatoire fictifs et enfin la terrible solution pour stopper cet enfer. Une trame efficace servie par une écriture subtile.
Quelques passages restent obscurs (Le pendu), le regard sur elle-même de la jeune fille parfois pesant, longuet, mais ce sont des détails qui n'enlèvent rien à la force globale du sujet.

   singuriel   
13/4/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Texte horriblement efficace qui montre la transposition du dégoût de l'agresseur sur la victime. J'ai du interrompre plusieurs fois ma lecture dans le passage du couteau, refusant la proposition de l'inéluctable boucherie.
Détruire le corps pour apaiser l'esprit, une solution "inacceptable" pour le lecteur.
Vous avez du talent pour décrire le réel tout en utilisant des métaphores. Bravo !

   Sylvaine   
16/4/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il y a de la puissance dans ce texte, une vraie force hypnotique qui pousse à poursuivre le lecture même si elle se heurte parfois à des phrases plus ou moins claires. Le contraste entre l'amour fantasmatique pour "l'homme qui rit" et le dégoût qu'inspire le père incestueux, l'atmosphère sombrement onirique, la cruauté sans concession du choix final (détruire la beauté qui éveille le désir du père en s'identifiant à l'objet d'amour au visage monstrueux), tout cela contribue à la fascination exercée par la nouvelle. Je serais plus critique sur l'écriture, recherchée, certes, mais sans toujours aboutir à des formules très heureuses. Cela dit, l'intérêt se maintient constamment.

   Anonyme   
2/6/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour, le texte est très profond. J'ai aimé la personnalité de la petite fille. Par contre je ne comprends pas pourquoi elle appelle toujours papa. La fin je trouve bien construite et qui correspond vraiment à la personnalité du personnage principal.
Merci de partager cette belle nouvelle :).

   MissNeko   
31/7/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je viens de recevoir une claque. La nouvelle est très bien écrite. Le sujet est des plus sordides Et dérangeants mais le vivre à travers les yeux de la jeune narratrice qui est dégoûtée par son image est une sacrée expérience.
J ai beaucoup aimé .


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