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Sentimental/Romanesque
appolline : Les invités ne viendront plus !
 Publié le 02/05/11  -  8 commentaires  -  27454 caractères  -  109 lectures    Autres textes du même auteur

Il est dix heures du matin et déjà la table est mise ! Louise guette ses invités à travers les gouttes qui ruissellent sur la vitre... et... le temps qui passe !


Les invités ne viendront plus !


Il pleuvait depuis des jours et des jours et pas une âme un tant soit peu raisonnable ne s'était aventurée à l'extérieur d'un abri. Le ciel ne semblait pas vouloir se dégager et cela l'avait attristée. Comment ne pas se laisser gagner par la nostalgie alors qu'au dehors tout était gris et que la ville avait revêtu son habit de chagrin ?

L'horloge venait de sonner. Il n'était que dix heures du matin et pourtant la journée lui paraissait déjà bien longue. La table était mise. Chose curieuse à cette heure-ci ! Plusieurs couverts étaient disposés de part et d'autre de la table rectangulaire recouverte d’une nappe à fleurs jaunes. Pourtant, elle n'attendait personne ! Voilà vingt-cinq ans qu'elle n'attendait plus personne…


Il lui sembla percevoir son reflet dans la vitre mais elle n'était pas sûre de vouloir se reconnaître. Ses cheveux étaient gris depuis de nombreuses années déjà. Il lui sembla qu’ils étaient plus fins, plus clairsemés. Alors, ne supportant plus cette prise du temps sur elle, elle détourna lâchement son regard. Elle se prenait parfois à rêver qu'elle n'était encore qu'une jeune fille et que ses invités ne tarderaient plus à arriver !

Chaque jour, elle guettait au loin le bout de la route. Celle qui conduisait de chez elle jusqu'au grand croisement. C'était par là qu'ils arrivaient toujours. Elle en avait la certitude ! Les voitures se succédaient et à chaque fois son cœur s'emballait. Mais aucune de ces voitures ne s'arrêtait jamais devant la grille du jardin et Louise avait ensuite du mal à retrouver son calme. La femme de ménage venait à pied. Elle passait par la porte de derrière et elle ne frappait plus. Aussi, Louise avait-elle perdu depuis longtemps la joie d'aller ouvrir la porte d'entrée tout à l'impatience de découvrir qui se trouvait derrière.

Elle resta un instant immobile, essayant de ne pas même bouger un doigt. C'était son passe-temps favori, essayer de s’imaginer morte, quand plus un mouvement n'animerait son corps et qu’aucun battement n'entraînerait son cœur.


Une voiture venait de passer devant la petite maison décrépie, mais son chauffeur n'avait même pas tourné la tête. Concentré sur la route, il n'avait pas pu apercevoir le visage de Louise collé contre la vitre. Le bruit du moteur s'éloigna, le silence se fit. Comme à regret, elle quitta son poste d'observation et se dirigea vers son fauteuil. Il était recouvert d'une vieille couverture rouge car le tissu d'origine était trop usé et trop abîmé pour qu'elle puisse encore se permettre de s'asseoir dessus…


Elle regarda Solange et celle-ci lui sourit en échange. Elle était rayonnante. Elle avait revêtu pour l'occasion une robe en velours noir.

« Te souviens-tu de notre première rencontre ? » lui glissa-t-elle d’une voix à peine audible.

Louise secoua la tête :

« Non, je ne m’en souviens pas ! J’ai l’impression de t’avoir toujours connue, de t’avoir toujours aimée ! Ma mémoire me fait faux bond, tu sais ! Je ne me souviens pas de ma vie avant toi ! A-t-elle seulement existé ? »


Elles avaient grandi ensemble mais elles n'avaient pas vieilli côte à côte !...


Louise sourit. Les jeux de marelle, les cordes à sauter, tous ces jeux lui paraissent bien loin et pourtant, ils ne datent que d'hier. Était-ce avant la guerre ou bien après ? Elle ne sait plus très bien car tout a tendance à se mélanger un peu dans ses souvenirs…

« Tu as vu ? Quelle chance, le soleil est au rendez-vous ! C’est heureux car tu sais bien qu’autrement je ne serais pas venue… »

Louise approuve, elle sait parfaitement que Solange craint le froid, la neige, la pluie et le vent et chacune de ces intempéries était une excuse pour l'école buissonnière.


Se tenant par la main, elles n'avaient alors que dix ans, peut-être moins, elles passaient la journée dans les prés ou cachées dans une étable si le froid ne leur permettait pas de rester dehors. Là, des heures durant, elles essayaient d'imaginer ce que serait leur vie plus tard. Les rêves de princesses, de châteaux et de princes charmants n'avaient pas tardé à céder la place à l'envie d'une vie simple mais heureuse.

En rentrant, elles n'étaient pas fières. Elles savaient bien à quoi s'attendre. À l'époque la ville n'était pas si grande et tout se savait vite. Il était évident que l'institutrice était déjà passée chez chacune des deux fillettes se plaignant d'un tel comportement. Mais à quoi bon avoir peur ? Elles avaient mérité leur punition, et elles recommenceraient demain ou après-demain...


Solange était arrivée la première et Louise constata qu'il n'était rien de plus normal, Solange avait toujours été première partout. À l'école, elle n'avait jamais vraiment eu de concurrentes mais elle ne s'en était jamais vantée. Elle était toujours restée discrète. Même ce soir à ce repas, elle est assise presque silencieuse à sa place. Elle parle peu et se contente d'illuminer la pièce d'un sourire. Elle est seule, personne ne l'a accompagnée. Personne ne l'accompagne jamais. Elle attend patiemment les autres. Louise ne peut s'empêcher de se souvenir que le seul domaine dans lequel Solange n'excellait pas était l'amour. Elle n'avait connu que de brèves aventures qui avaient souvent mal fini et avaient laissé d'indélébiles blessures dans le cœur d'artichaut de son amie. Pourtant, elle n'y mettait pas de la mauvaise volonté mais Louise se demandait parfois si elle n'avait pas un don particulier pour dénicher les mauvais bougres, les déséquilibrés, les instables...


Soudain, la sonnerie du téléphone retentit dans toute la pièce brisant cet instant de tranquillité qui conduisait Louise jusqu'au sommeil. Elle sursaute et se lève tranquillement pour aller répondre. Elle ne quitte pas Solange des yeux.

« Allo! »

Au bout du fil, c'est la sœur de Solange.

« Oui ? » répond Louise méfiante.


Elle se demande pourquoi elle l'appelle car elles ne se sont jamais vraiment entendues. Elle n'avait jamais partagé leurs jeux. Elle n'avait que deux ans de plus que sa sœur mais elle aimait montrer qu'elle était l'aînée et qu'elle ne se mêlait pas aux plus jeunes. Elle utilisait souvent un ton autoritaire et même condescendant lorsqu'elle s'adressait à sa sœur. Aussi Louise ne la reconnaît pas quand elle lui annonce d'une voix monocorde et éteinte que sa sœur a enfin fini de souffrir. Son cancer a gagné, et a eu raison d'elle !


« Ce n'est pas possible ! » voudrait pouvoir lui expliquer Louise ; Solange est là avec elle. Pourtant quand elle veut s'en assurer et qu'elle détourne la tête vers la table de la salle à manger, elle remarque que tous les invités sont encore là, bien sagement installés à leur place mais que la chaise de Solange est vide. Ce n'est pas possible, elle n'avait que trente-cinq ans et elle n'avait pas réalisé tous ses rêves de petite fille. Louise fait un effort, fouille dans sa mémoire et enfin elle parvient à se souvenir. Elle se souvient de cette horrible maladie contre laquelle son amie d'enfance avait lutté pendant des mois et des mois. Parfois, se croyant seule dans un combat qu'elle savait vain, elle baissait les bras. Alors Louise tentait de l'aider. Elle essayait de lui faire comprendre qu'elle n'était pas seule et qu'il fallait qu'elle continue à se battre. Jour après jour elle avait vu son amie se métamorphoser physiquement et mentalement. Les derniers jours où elle était allée lui rendre visite à l'hôpital, elle avait constaté avec dépit que ce n'était plus la Solange qu'elle avait toujours connue...


Les autres invités n'ont pas entendu la sonnerie du téléphone, ils n'ont pas remarqué la place inoccupée de Solange, ni le visage ravagé de Louise.

Un moteur de voiture ronronne au dehors. Il semble indiquer que la voiture a ralenti devant la maison de Louise. Celle-ci se lève précipitamment, elle veut en avoir le cœur net. Au moment où elle arrive à la fenêtre, la voiture s'éloigne. Les pneus grincent car la route est mouillée. C'est sans doute ce qui a fait ralentir le conducteur.

Alors, d'un pas las et lent, elle retourne s'installer dans son fauteuil et elle continue d'observer ses invités. À droite de la place à présent inoccupée est assise Jacqueline. Elle est accompagnée de son mari et elle est rayonnante. Ils ont mis longtemps avant de se rencontrer mais à présent ils ne se quittent plus. Parfois Louise est un peu jalouse !

« Je t’envie, tu sais, confiait-elle parfois à son amie, un bonheur pareil est inimaginable ! »

Mais elle avait assisté à leur rencontre et elle était heureuse pour son amie malgré tout !

Voilà cinquante ans qu'elles se connaissent. Elles travaillaient dans la même boutique de confection.

Louise n'avait jamais connu personne aussi gaie, si enjouée, prête à mordre la vie à pleines dents, rien ne lui ayant été pourtant favorable dans son enfance. Elle avait confié à Louise avoir commencé à travailler à seize ans parce que son père buvait et qu’il les battait sa mère et elle.

« Il fallait absolument que je m’éloigne de tout ça, de cet univers malsain et insupportable ! »

Que répondre à cela ? Louise ne pouvait que se contenter d’écouter, avec malheureusement bien souvent les larmes aux yeux…


Elle n'avait pas immédiatement trouvé cette place de vendeuse en confection.

« J’ai traversé des moments de chagrin intense, de solitude absolue et de misère profonde » avait-elle avoué à Louise.

« Pourtant, faisait remarquer Louise, jamais tu ne te départis de ton magnifique sourire. »

Celui qui vous faisait oublier que vous étiez seul et que la pluie ne cessait de tomber depuis des jours. Elles s'étaient tout de suite bien entendues. Elles avaient partagé leur déjeuner, leurs moments de solitude et pour terminer, leur amitié. Une amitié profonde et sincère que peu de gens peuvent se vanter d'avoir connue un jour. Louise pouvait dire que rien n'avait jamais pu les éloigner même quand elles avaient rencontré leurs époux respectifs. Elles avaient continué à partager leurs confidences, et leurs petites peines de cœur. Quand elle y songeait Louise devait reconnaître qu'elle avait eu une grande chance de croiser Jacqueline sur sa route.


Ce soir l'ambiance est au beau fixe. Louise ne peut s'empêcher de remarquer que Jacqueline a posé sa main droite sur le bras de son mari. Elle rit à gorge déployée mais Louise n'a pas fait attention à ce qui a déclenché cet éclat de rire collectif. Elle se contente d'observer le couple en silence mais de manière intense car elle sait bien que c'est la dernière fois qu'elle les voit. Ils mourront tous les deux dans un accident de voiture causé par le verglas sur la route qui les conduisait chez les parents de Jacqueline. À l'enterrement qui eut lieu deux jours plus tard la mère de Jacqueline s'était confiée à l'amie de sa fille. Elle lui avait confié des choses que Louise connaissait déjà et pourtant elle avait fait semblant de les découvrir. Elle avait écouté avec attention la mère de Jacqueline raconter comment les dernières années la mère et la fille étaient devenues plus proches qu'elles ne l'avaient jamais été.

« Je regrette tellement de n’avoir pas su offrir à ma fille l’enfance qu’elle méritait » avait-elle conclu avant d’abandonner Louise seule devant la grille du cimetière…

Le mariage de Jacqueline fut le plus beau mariage auquel Louise n'eut jamais assisté. Elle doit même reconnaître que malgré tous les efforts qu'elle a faits, le sien était loin d'être aussi réussi. Jacqueline avait tellement rêvé ce jour qu'elle l'avait transformé pour tous les invités en un véritable conte de fée.

À présent que restait-il du conte de fée ? Une photo, un souvenir et surtout le chagrin de voir cette belle histoire se terminer trop vite au goût de tout le monde !


Trois places étaient maintenant vides à la table de Louise.

Elle est fatiguée d'avoir pleuré ces disparitions tellement inattendues mais surtout tellement inévitables. Elle essaye de se raccrocher à ceux qui restent encore à table.

Ils ont l'air perdus autour de cette grande table presque vide. Ils sont devenus silencieux, troublés par l'absence inexpliquée de certains des invités…


« Bonjour Louise. » La femme de ménage vient de passer la tête par l'entrebâillement de la porte. Elle n'a même pas jeté un regard sur les couverts disposés sur la table. Elle en a l'habitude. Elle se contente une fois de temps en temps de passer un coup de torchon sur les assiettes et sur les verres pour ôter la poussière qui s'accumule au fil des jours. Elle change aussi régulièrement le bouquet de fleurs qui orne le centre de la table. Elle a bien proposé à Louise d'acheter des fleurs artificielles mais celle-ci s'y est farouchement opposée. Elle ne veut pas d'un bouquet artificiel pour accueillir ses invités...

Mais surtout la femme de ménage fait attention de ne rien déranger. Elle sait très bien que Louise passera derrière elle pour tout remettre en ordre. La vieille dame lui répète toujours que tout doit être parfait lorsque l'on reçoit !


Louise a sursauté, elle n'avait pas entendu arriver la femme de ménage. Il lui semble que ces derniers temps elle entend un peu moins bien. Elle lui répond à peine.

Elle est trop occupée à surveiller Géraldine sa fille. Elle n'a que dix-huit ans mais elle est déjà très jolie, ne peut s'empêcher de constater fièrement sa mère.

« Comme tu m’en as fait voir ! » la taquine-t-elle gentiment tout en lui caressant la joue.

Pour toute réponse Géraldine lui sourit. Elle prend la main de sa mère dans la sienne. Elle connaît par cœur les phrases qui vont suivre.

Il n'était pas facile pour Louise de gérer de front son travail à la boutique et sa vie de femme mais surtout de mère. Combien de fois avait-elle dû courir pour ne pas être en retard au cours de danse ou à la sortie de l'école ? Combien de fois avait-elle tremblé d'inquiétude et d'angoisse parce que Géraldine avait de la fièvre, une mauvaise toux ou parce qu'elle sortait avec des amis un peu trop tard à son goût. Maintenant que Géraldine a grandi, qu'elle est plus mûre, plus responsable, il semble à Louise qu'elle va enfin pouvoir respirer un peu. Les tracas, les ennuis vont prendre fin, elle en est persuadée !

Mais soudain, la porte s'ouvre de nouveau et Louise constate avec un grand étonnement que c'est Géraldine qui l'a poussée. Elle n'y comprend plus rien. Elle était persuadée de l'avoir vue, assise à sa place à côté de son père il y avait à peine une seconde.


Elle a encore grandi, c’est à présent une femme qui vient s'asseoir près d’elle. Elle ouvre la bouche et prononce des paroles qui restent incompréhensibles à sa mère. Elle n’en comprend que l'essentiel. Ce sont des paroles d'au revoir, presque d'adieu. Louise ne répond pas. Elle remarque que les yeux de sa fille sont secs. Malgré la tristesse que semble vouloir afficher son visage, elle ne peut que déceler la lueur d'excitation qui brille dans les yeux de sa fille. Elle est tout à la joie de suivre son futur mari dans ce pays aux mille attraits où il lui semble que la vie sera plus fascinante, plus dorée, plus agréable.

Louise ne peut s'empêcher de la revoir alors qu'elle n'était qu'un bébé. Le jour de sa naissance, le plus beau jour de sa vie, comment aurait-elle pu imaginer que dix-neuf ans plus tard elles seraient séparées par des milliers de kilomètres ?

À présent Géraldine se tait, elle fixe sa mère, guette une réaction. Louise essaye de retenir ses larmes mais elle y parvient à peine. Le coup que vient de lui asséner sa fille est pire que lorsqu'elle avait appris l'accident de Jacqueline, le décès de Solange. C'est la pire des séparations qu'il est possible d'imaginer. Maintenant chaque fois qu'elle regarde cette place vide, son cœur se serre, les larmes lui montent aux yeux. C'est la place qu'elle regarde le plus souvent. Elle attend impatiemment les visites de sa fille. Mais celles-ci se font rares et Louise a pu remarquer que plus le temps passait et plus elles s'espaçaient. Alors, pendant ses grands moments de solitude elle essaye d'imaginer la vie de sa fille là-bas et elle comprend un peu pourquoi sa petite maison décrépie perdue au cœur de la France présente après tout bien peu d'attraits…


La porte de la salle à manger claque bruyamment. Elle accuse la femme de ménage d'avoir fait des courants d'air. Elle ne les supporte plus depuis longtemps. Alors celle-ci vient s'excuser et retourne dans la cuisine. Elle secoue la tête car elle a surpris les larmes contenues de Louise et en est triste pour elle. Elle est triste que plus personne ne vienne la voir. Elle connaît Louise depuis tellement d'années. C'était une femme joviale. Il ne se passait pas un dimanche sans qu'elle ne reçoive ou ne soit invitée. Mais à présent, elle n'est plus conviée nulle part et plus personne, excepté elle, n'entre dans la petite maison qui faisait autrefois la fierté de Louise.


La femme de ménage s'interroge parfois. Elle se demande si la vieille dame n'est pas en train de devenir folle. De la cuisine, il lui semble qu'elle parle seule et puis surtout il y a ces couverts sur la table de la salle à manger. Ils sont là depuis des années comme un appel à des personnes qui ne peuvent plus répondre. Petit à petit, le vide s'est fait autour de la vieille dame et la solitude s'est installée.


Louise aperçoit son reflet dans le miroir au-dessus du buffet. Elle a pris soin d'enfiler une jolie robe couleur crème car elle sait bien qu'aujourd'hui elle attend du monde. La robe est cintrée à la taille et elle ne peut s'empêcher de sentir sur elle le regard admiratif de son amie Lise. Elles se sont connues voilà près de trente ans maintenant. Elles faisaient de la gymnastique ensemble et lorsque les premiers complexes de la cinquantaine étaient arrivés elles y avaient fait face ensemble. C'était une période difficile pour toutes les deux mais surtout pour Louise. Elle se sentait seule. Géraldine était loin, son mari Charles semblait moins faire attention à elle et nouvellement retraitée, elle commençait à se sentir inutile. Elle n'avait pas vu passer ces années pendant lesquelles elle avait été bousculée par toutes ses activités au travail ou à la maison. Et soudain, ce fut le vide, l'inactivité qui rend malade, qui vous vole toute envie de vous lever le matin. Elle avait aimé son travail à la boutique de confection, elle avait aimé s'occuper de son mari, de sa fille, mais maintenant il ne lui restait plus rien de tout cela. Une publicité dans la boîte aux lettres, une envie de redevenir belle pour reconquérir son mari, une envie de se faire plaisir tout simplement, elle s'était inscrite au club de gymnastique du quartier.


Elle n'avait pas connu d'amitié aussi intense que celle qu'elle avait partagée avec Solange mais elle avait trouvé en Lise une amie sûre et fidèle. Elles étaient allées au cinéma, au restaurant et Louise devait reconnaître qu'avec elle, elle se sentait rajeunir. Elle n'était plus une vieille femme inutile qui attendait vainement les visites de sa fille et regardait s'éloigner son mari sans réagir, mais elle était une femme mûre qui profitait des nombreuses années qui s'offraient encore à elle. Elle prenait plaisir à faire les boutiques, dépenser de l'argent pour se sentir encore jeune et séduisante. Cependant, les années impitoyables s'étaient tout de même écoulées dévoilant peu à peu la vieillesse des deux femmes.

« Quand viendras-tu donc me voir, ne cesse de l’implorer Louise. Quand sortiras-tu enfin de cette maison de retraite où tes enfants t’ont placée malgré toi ? Quand te lèveras-tu de ce fauteuil que tu ne quittes plus pour te rendre chez ta vieille amie Louise ? »


Louise émit un profond soupir. Elle savait parfaitement ses supplications vaines. Lise ne viendrait plus ! Et puis même à quoi bon ? Son amie était à présent complètement sourde et elle ne voyait quasiment plus. Elle ne comprenait plus ce que les gens essayaient de lui dire et elle n'avait plus aucune communication. Une fois, une seule, Louise lui avait rendu visite. Encore exaltée, dans le taxi qui la conduisait jusqu'à la maison de retraite de son amie, ses petits fours sur les genoux, elle avait imaginé leurs retrouvailles. Elles se feraient des commentaires sur leur taille qui n'était plus celle de guêpe à présent, sur leur poids, et puis elles se serreraient dans leurs bras, elles pleureraient peut-être, mais surtout, elles se promettraient de ne jamais laisser passer autant de temps avant de se revoir.

Quand elle avait découvert ce qu'était devenue son amie, elle avait été très choquée, mais lorsqu'elle s'était heurtée à son indifférence elle n'avait pu faire autrement que de tourner les talons. Elle n'était plus jamais revenue !

Elle avait compris pourquoi Lise ne lui avait jamais répondu et elle avait cessé de lui écrire ces longues lettres dans lesquelles elle lui racontait combien elle se sentait parfois seule.

Louise n'avait pas vraiment pleuré la disparition de cette amie. Ce n'était pas la mort qui l'avait emportée, c'était simplement la vieillesse, le temps qui passe. C'était sûrement plus triste quand elle y songeait, mais tellement moins soudain qu'elle avait fait son deuil avec plus de douceur et moins de violence.


Elle constata que la pluie venait de s'arrêter. Elle en fut heureuse. Elle n'aimait pas recevoir ses amis sous la pluie. Si le soleil se décidait à apparaître, ils pourraient prendre le café dans le jardin. Elle quitta son fauteuil pour aller admirer l'arc-en-ciel qui venait de se former au bout de la grande route. Elle constata avec un sourire que ses invités devraient passer dessous pour se rendre jusqu'à chez elle. Soudain, sa pantoufle heurta le tapis qui formait un mauvais pli. Elle tenta de se rattraper à la table puis à la chaise mais n'y parvint pas...

Charles s'est précipité vers elle. Elle le rassure :

« Ce n'est pas grave, ce n'est pas la première fois que je tombe. »

Ces derniers temps cela lui est même arrivé très souvent. Elle reconnaît pourtant que c'est la première fois qu'elle n'arrive pas à se relever seule.

Elle examine attentivement son mari. Elle constate qu'il a l'air inquiet. Ils ont eu des hauts et des bas mais elle remarque quand même qu'il lui est très attaché. Ils ont partagé cinquante années ensemble et elle pense que peu de couples peuvent en dire autant. Ses rides et ses cheveux blancs lui apportent un charme supplémentaire. Elle le prend par le cou et l’attire vers elle pour lui confier tel un secret :

« Tu es encore beau, tu sais ! Tu as sûrement eu de nombreuses occasions d’aller voir ailleurs, peut-être même de trouver mieux, et pourtant je sais que tu ne l’as jamais fait… J’ai toujours eu confiance ! »

Elle s’interrompt un instant comme pour reprendre son souffle…


« Tu te souviens ? Tu es entré dans la boutique la veille de Noël. Tu cherchais un foulard en soie rouge pour ta mère. Je me suis avancée derrière le comptoir, je n'avais que vingt ans. Nos regards se sont croisés et trois mois plus tard tu me demandais en mariage auprès de mon père.

Nous n’avons jamais eu beaucoup d'argent, mais petit à petit, à force d'économies, nous avons pu nous offrir cette petite maison, la maison de nos rêves. »

« Nous avons fait beaucoup de choses ensemble mais je peux dire sans hésiter et sans aucun doute que notre plus belle réussite a été notre petite Géraldine. » souligne-t-elle avec fierté ! Comme si son mari avait pu en douter un seul instant.


Durant les cinquante années qu'ils avaient passées ensemble ils s'étaient parfois éloignés puis rapprochés.

« Tu te rappelles, plaisante-t-elle , quand nous nous sommes retrouvés tous les deux à la retraite, comme les premiers mois ont été difficiles ! Nous avions perdu l'habitude de vivre en permanence face à face, de se retrouver seuls comme nous ne l’avions plus été depuis de très nombreuses années ! Et puis, les jours passant, nous avons appris à nous redécouvrir, à aimer vivre ensemble, à partager des moments de joie. »

Louise s’arrête ! Elle ne veut pas se souvenir de la suite, de la douleur et de la solitude qui s’étaient emparées d’elle quand Charles avait eu cet infarctus qui l’avait emporté aussi brutalement que la foudre s’abat sur un arbre !


Elle parvient à se retourner vers la table. Elle ne fait pas attention à la femme de ménage qui s'agite dans la pièce et qui ayant tenté vainement de la relever seule s'est à présent dirigée vers le téléphone. La table de salle à manger ne compte plus aucun invité. Les places se sont vidées les unes après les autres et à présent la table est désespérément vide. Louise réalise avec douleur que tout au long de sa vie elle a pu voir disparaître ses invités un à un. Maintenant, elle réfléchit, s'interroge : que reste-t-il de ces repas dominicaux ensoleillés ou non mais qui respiraient l'amitié, la convivialité et surtout la joie d'être ensemble, réunis autour d'une table ? Ses invités lui manquent mais que peut-elle y faire ? Comment peut-elle retrouver autrement que dans ses souvenirs la discrétion de Solange, le sourire de Jacqueline, la beauté de Lise, le visage de Géraldine et l'amour de Charles.

Il lui semble qu'un moteur se rapproche. Elle tend l’oreille, essaye de se lever pour regarder par la fenêtre mais une violente douleur la cloue au sol. Pourtant, elle est persuadée que cette fois-ci, enfin, le moteur s'est arrêté devant sa petite maison. Son cœur s'emballe, elle est toute excitée de découvrir quel est le premier de ses invités. Elle jette un coup d'œil sur la table pour vérifier que tout est bien en ordre. Par chance la femme de ménage avait changé le bouquet ce matin. Elle apprécie les roses rouges et les lys qui le composent. L'odeur qu'il dégage est agréable et Louise est persuadée que tous sauront l'apprécier.

Les voix se rapprochent et Louise est de plus en plus impatiente !


Par la vitre, elle regarde sa petite maison décrépie s'éloigner. Elle ne sait pas si elle la reverra. Elle pense à la table de la salle à manger où le couvert est mis et au bouquet qui sera fané dans quelques jours. Les volets sont fermés et la pièce doit être plongée dans l'obscurité. L'ambulance remonte rapidement la rue qu'elle avait observée si souvent depuis sa fenêtre. Elle regarde attentivement les voitures qu'ils croisent. Elle est heureuse ! Elle constate avec ravissement qu'ils sont tous là. Dans la première voiture, elle l'a tout de suite reconnue :

« C’est Solange ! » s’exclame-t-elle.

Celle-ci lui fait un petit signe de la main. Louise est contente. Cela fait tellement longtemps qu'elle ne l'a pas vue. Elle a l'air en pleine forme et Louise est heureuse de voir que la maladie n'a pas encore réussi à la changer.

« Tiens ! À présent Jacqueline et son mari ! »

Louise est un peu déçue. Ils étaient tellement occupés à se contempler qu'ils n'ont pas fait attention à elle. Ce n'est pas grave, elle sait qu'ils tiennent à elle.

Derrière suit de près une voiture américaine.

« C'est Géraldine qui conduit ! » jubile Louise. Tous ces kilomètres parce qu'ils ont appris qu'elle a fait une mauvaise chute. Elle est très flattée. Elle est même plutôt émue. On dirait qu'ils ont un passager. C'est Lise. Louise a failli ne pas la reconnaître tant elle paraît jeune. Après tout c'est normal elle n'a que cinquante ans !

Enfin, Louise détourne son regard de la route ! Près d'elle se tient Charles. Il lui tient la main.

« Et toi, mon Charles… » parvient-elle à articuler.

Il met son index devant sa bouche pour lui faire signe de se taire. Il la rassure ; il va aller accueillir les invités…


 
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   Anonyme   
2/5/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je trouve la fin très touchante, voire poignante. L'idée me paraît bonne de mêler les souvenirs de Louise et ses retours sporadiques à la réalité ; même les mélanges de temps sont bienvenus de ce point de vue, ils expriment la confusion mentale du personnage.
Cela dit, je pense que les présentations des différents invités sont souvent trop longues : dans la mesure où le schéma est toujours le même (une place à table, description des liens attachant Louise à l'occupant, retour au jour présent), il y a risque de lassitude à mon avis. Peut-être serait-il bon d'essayer de varier davantage les présentations et surtout de les resserrer.
Par ailleurs, l'écriture m'a rendu le texte assez désagréable à la lecture car je l'ai trouvée maladroite, notamment dans sa pléthore de verbes "être" parfois très concentrés sur quelques lignes (exemples ci-dessous) ; j'ai eu l'impression dans l'ensemble d'un texte écrit comme on parle, dans le mauvais sens du terme : sans faire attention à varier les tournures, éviter la monotonie. Je passe sur le pathos trop appuyé à mon goût, le sujet y porte.
Au total, une belle idée qui selon moi est mal servie à cause d'une écriture pas assez attentive à la diférence entre l'oral et l'écrit.

Exemples de moments où ma lecture s'est arrêtée :
"Il n'était que dix heures du matin et pourtant la journée lui paraissait déjà bien longue. La table était mise. Chose curieuse à cette heure-ci ! Plusieurs couverts étaient disposés" : Trois fois "était" ou "étaient" en quelques phrases
"elle n'était pas sûre de vouloir se reconnaître. Ses cheveux étaient gris depuis de nombreuses années déjà. Il lui sembla qu’ils étaient plus fins, plus clairsemés. Alors, ne supportant plus cette prise du temps sur elle, elle détourna lâchement son regard. Elle se prenait parfois à rêver qu'elle n'était encore qu'une jeune fille" : quatre fois
"En rentrant, elles n'étaient pas fières. Elles savaient bien à quoi s'attendre. À l'époque la ville n'était pas si grande et tout se savait vite. Il était évident que l'institutrice était déjà passée chez chacune des deux fillettes" : quatre fois
"Solange était arrivée la première et Louise constata qu'il n'était rien de plus normal, Solange avait toujours été première partout. À l'école, elle n'avait jamais vraiment eu de concurrentes mais elle ne s'en était jamais vantée. Elle était toujours restée discrète. Même ce soir à ce repas, elle est assise presque silencieuse" : quatre "était", un "avait été", un "est". Vous voyez l'idée, j'arrête là.
"jamais tu ne te départis de ton magnifique sourire." : je trouve cette expression artificielle dans un dialogue
"une femme mûre qui profitait des nombreuses années qui s'offraient encore à elle" : je trouve maladroites les deux relatives imbriquées introduites par "qui"

   Anonyme   
2/5/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'idée de noyer les souvenirs dans l'instant présent, de faire apparaître et disparaitre les êtres est intéressante et fonctionne assez bien, puisque l'on comprend vite qu'il ne s'agit que de souvenirs. Le lecteur peut à sa convenance décider qu'il s'agit de la folie qui gagne Louise, ou bien que celle-ci se fait un film auquel elle essaye de croire, ou bien encore qu'il s'agit d'une technique narrative pour évoquer les souvenirs de manière symbolique, et c'est très bien.

Le cas de Lise apporte un peu de diversité dans la panoplie des personnages. En effet, elle a disparu dans la vieillesse, mais pas encore dans la mort. D'ailleurs, ceci donne matière à trois phrases je j'ai bien appréciées :
"Louise n'avait pas vraiment pleuré la disparition de cette amie. Ce n'était pas la mort qui l'avait emportée, c'était simplement la vieillesse, le temps qui passe. C'était sûrement plus triste quand elle y songeait, mais tellement moins soudain qu'elle avait fait son deuil avec plus de douceur et moins de violence."

Je ne suis pas ressorti sans émotion de ce texte. On ressent de la tristesse, de la mélancolie. Une certaine sérénité, aussi, malgré tout.
Toutefois, j'ai trouvé la lecture fort longue, car monotone. Ceci est dû, je pense, au contenu presque exclusivement descriptif. On balaye la vie de Louise, au travers des personnages qu'elle a connus, sans grande passion, avec même (pardonnez-moi !) un ennui certain. Le passage le plus représentatif à cet égard, et à mon avis très maladroit d'un point de vue narratif, est le monologue de Louise à son défunt mari. J'ai la très désagréable impression que l'auteur a choisi cette façon de faire pour apporter un peu de variété dans le style de la narration. Mais, pour moi, l'effet est catastrophique. Je ne crois pas un instant à cette Louise racontant leur vie commune à son mari, puisqu'il doit la connaître. C'est en tous cas beaucoup trop long pour ça. Quelques phrases, quelques éléments, auraient pu passer, mais c'est beaucoup trop long. C'est artificiel. Je sens uniquement l'auteur racontant une histoire au lecteur, en se cachant derrière Louise et en imaginant qu'on ne l'a pas vu.

La chute (sans mauvais jeu de mots) est beaucoup plus convaincante. Le lecteur vit réellement les événements. Évidemment, la conjugaison au présent participe à cet effet, mais la coexistence des deux points de vue, celui de Louise, prise dans son délire, et celui de la femme de ménage, dans la réalité la plus crue, le renforce indéniablement.

Donc, j'ai bien aimé la fin, mais j'ai trouvé le reste fort monotone.
C'est dommage, j'ai presque l'impression que la majorité du texte n'a été écrit que pour mener à cette chute.
Quoi qu'il en soit, la fin du texte augure de belles prestations à venir.

   toc-art   
2/5/2011
Bonjour Appolline,

je vais écrire une chose qui n'est pas plaisante. Je le sais d'autant plus que j'ai aussi eu à lire la même chose sur mon écriture, mais voilà, je me suis ennuyé, vraiment, à vous lire. J'ai trouvé l'écriture terriblement terne, sage et sans charme, avec des changements de temps qui m'ont paru parfois très aléatoires.

J'aime assez le thème de votre récit mais outre l'écriture, je n'ai pas du tout été convaincu par la structure, répétitive et monotone.

Je pense que vous devriez opter pour un style plus vif, moins descriptif.

bonne continuation

   littlej   
4/5/2011
 a aimé ce texte 
Pas
Le sujet m'a beaucoup intéressé, le traitement m'a moins plu.

Normalement, à la fin de ma lecture, j'aurais du avoir la gorge nouée et les yeux embués. Mais ce n'est pas du tout le cas, je suis resté complétement en dehors de cette histoire, je n'ai pas partagé un seul instant la douleur de cette vieille femme.

Pourquoi ?

Parce que le texte en fait trop. C'est beaucoup trop appuyé par moment. On sent que vous hésitez tout le long du texte entre deux options : suggérer ou montrer. Par moment vous essayez de suggérer, et ensuite vous rajoutez clairement une couche d'émotion, et c'est tellement mal fait, qu'on en est presque dégoûté.

Et puis, le texte est trop long. Le style malheureusement ne parvient pas à maintenir l'intérêt à lui seul (car il n'y a aucun rebondissement, c'est une nouvelle qui traite de l'attente et de la solitude).

La chute, enfin, qui arrive comme un cheveu sur la soupe.

Et, de manière plus personnelle, je n'ai pas cru un seul instant à cette histoire. Ce n'est pas du tout vraisemblable. Peut-être que le chagrin de cette femme vous parle personnellement, quelqu'un de votre famille ou de votre entourage connaît peut-être le même problème, et je pense que vous avez cru bon d'exacerber sa douleur pour faire pleurer dans les chaumières, que vous vous êtes trop impliqué, et que vous n'avez pas garder la distance nécessaire entre vous et ce sujet. Mais si je me trompe, alors ne tenez pas compte de ces remarques, évidemment.

A la prochaine.
j

   Togna   
6/5/2011
Vous avez fait passer beaucoup de sensibilité et de compassion mais, pour que ces sentiments et cette imagination dont vous êtes capable soient bien perçus par le lecteur, vous devrez vous perfectionner dans l’exercice d’écriture. Ce texte est un bon début et il mérite d’être repris.
Personnellement, je m’appuie sur six points fondamentaux et je ne divulgue jamais un texte avant d’être certain de les avoir respectés. Avec plus ou moins d’objectivité, probablement, mais quand même !

1) LA CLARTÉ : un début, un développement et une fin.
Vous l’avez fait.

2) LA CONCISION : minimum de mots pour exprimer le maximum.
À revoir. Exemples :
Votre texte : « Il lui sembla percevoir son reflet dans la vitre mais elle n’était pas sûre de vouloir se reconnaître. Ses cheveux étaient gris depuis de nombreuses années déjà. Il lui sembla qu’ils étaient plus fins, plus clairsemés. »
Vous auriez pu écrire par exemple :
« Ce reflet, dans la vitre, elle n’était pas sûre de vouloir l’accepter… ses cheveux, gris depuis de nombreuses années déjà, étaient plus fins, plus clairsemés. »
Dans votre texte vous avez utilisé 36 mots en 3 phrases avec une répétition gênante : « Il lui sembla ».
Dans mon exemple, 24 mots seulement en une seule phrase, longue, il est vrai, mais avec une respiration (les points de suspensions). La longueur d’une phrase peut être volontaire, parfois, pour casser le rythme d’un paragraphe monotone, mais il ne faut pas en abuser.
Faites attention aux répétitions. Il y en a de nombreuses, exemple : trois fois « voiture » en trois lignes. Plus loin dans le même paragraphe, deux fois « à présent », etc.

3) LA CORRECTION : grammaticale, orthographique, syntaxique.
Il ya des confusions dans les temps utilisés, notamment entre le présent et le passé. C’est une bonne idée d’utiliser le présent dans les scènes où Louise voit ses invités absents, mais il fallait ne le faire que dans ce cas et avec beaucoup de précision.

4) L’HARMONIE : rythme et sonorités.
Le rythme est monotone, et c’est là, je crois, que vous devrez beaucoup travailler. Variez les longueurs de phrases, les formes (interrogatives, exclamatives, affirmatives), les syntaxes, etc.
Si je reprends ma phrase du 2) :
« Ce reflet, dans la vitre… l’acceptait-elle ? Ah, non ! Ces cheveux gris, trop fins et clairsemés, non, elle ne voulait pas les voir. »
Les sonorités d’un texte sont souvent dans le bon choix des mots, mais pas seulement. Et je reviens aux répétitions. Dans un paragraphe (commençant par : « elle constata que la pluie ») vous utilisez 9 fois « elle » en 7 lignes. Cela est lassant pour le lecteur.

5) LA PRÉCISION : de la pensée, du vocabulaire.
Il semble que votre pensée soit précise, par contre le vocabulaire est, quelquefois, mal adapté.
Un exemple encore.
Votre texte : « Un moteur de voiture ronronne au dehors. Il semble indiquer que la voiture a ralenti devant la maison de Louise. Celle-ci se lève précipitamment, elle veut en voir le cœur net. Au moment où elle arrive à la fenêtre, la voiture s’éloigne. Les pneus grincent car la route est mouillée. C’est sans doute ce qui a fait ralentir le conducteur. »
(Hormis la répétition déjà vue « voiture », vous utilisez deux fois le verbe ralentir.)
Peut-on dire qu’un moteur ronronne quand il ralentit la voiture ? Des pneus grincent-ils ? Qui plus est, sur une route mouillée ?
Je proposerais plutôt ceci : « Un bruit de moteur éveille l’attention de Louise. La voiture ralentit devant la maison… de qui s’agit-il ? Elle se précipite vers la fenêtre. Quand elle y parvient, le conducteur accélère brutalement, les pneus crissent sur l’asphalte. »

De plus, la précision du vocabulaire amène souvent à sa concision. Ici, pour dire sensiblement la même chose que vous, j’ai utilisé presque moitié moins de mots.

6) LA VARIÉTÉ : des mots, des structures syntaxiques, des types de phrases.
Ce point est très important. Le manque de variété est ce qui rend votre texte monotone. Variez, variez, variez encore et toujours. Voyez mes deux exemples : j’y ai mis interrogation, exclamation, attente…
Je pense aussi que vous auriez pu faire parler Louise de temps à autre par quelques monologues intérieurs qui auraient modifié le rythme.

Alors ? Alors il est toujours plus facile de critiquer un texte que de l’écrire ! L’important est d’avoir quelque chose à dire, de posséder le pouvoir de réflexion qui amène à créer une bonne intrigue, à mettre en place des personnages. Et cela, je pense que vous le possédez. J’espère que les commentaires ne vous décourageront pas, ils nous sont précieux à double titre. D’abord, si nous sommes commentés, c’est que nous sommes lus, et c’est une grande chance ! Ensuite, ils nous permettent d’avancer dans l’art difficile de l’écriture, et c’est le plus précieux.
Votre nouvelle mérite d’être réécrite. Si vous le décidez, vous trouverez ici : http://www.oniris.be/forum/chronique-destinee-aux-auteurs-s-estimant-debutants-t5578s0.html une série de chroniques qui pourraient vous aidez.

À bientôt

   GrainBlanc   
7/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Même si je trouve aussi que les souvenirs semblent se répéter, conduisant à une certaine monotonie (en milieu de texte surtout), j’ai apprécié ce voyage dans le passé, le temps d’un dîner fantôme, intéressant.

La nostalgie de ce personnage est touchante.

Bonne continuation,

GrainBlanc

   Anonyme   
10/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Félicitations, Appolline, pour cette merveilleuse nouvelle pleine de sensibilité et de délicatesse.
Le récit, malgré certaines imperfections rédactionnelles est émouvant, prenant et sait maintenir l'intérêt jusqu'à son terme par l'intensité des sentiments exprimés chez les différents personnages.
L'état mental de Louise qui s'est dégradé au fil du temps est, d'autre part, parfaitement rendu par le passage incessant et surtout brutal, sans transition, du rêve à la réalité, les idées et les perceptions se bousculant en désordre dans sa tête.
L'épisode de la chute à la fin du récit me semble être une transcription très exacte de la réalité de la vie: l'accident se produit brutalement, brisant sans crier gare le fil logique du déroulement de l'existence.
Cette belle histoire, enfin, me paraît traduire chez vous Appolline, une grande richesse affective qui, à mon sens, est un indéniable atout pour vous ouvrir de belles perspectives de réussite en littérature.
Bravo encore à vous Appolline.Perséverez dans la voie que vous vous êtes tracée, améliorez vous encore. Cela en vaut la peine. Bonne chance et peut-être à bientôt pour une nouvelle histoire.

   Anonyme   
29/5/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Quoique le sujet - souvenirs et regrets - soit sans intérêt pour moi, je dois confesser que j'ai lu avec plaisir et sans ennui cette nouvelle douce-amère.
J'aime bien votre style, vos changements de temps, ces variations naturelles qui font penser à un petit vent frais dans un jardin ensoleillé ou, au contraire, à,un chaud rayon de soleil dans un lieu devenu trop froid. Nous ne sommes plus à l'école où la maîtresse exigeait la concordance des temps. Nous sommes dans la vie, passée, présente et à venir.
Je vous dis donc bravo et merci pour cette lecture de qualité, même si originalité et action ne sont pas précisément au rendez-vous :-)
Cordialement,
micdec


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