Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Humour/Détente
aristee : Expliquons-nous
 Publié le 10/06/07  -  2 commentaires  -  54400 caractères  -  17 lectures    Autres textes du même auteur

Pourquoi ce sentiment de tristesse, alors qu'objectivement, elle a tout pour être heureuse ?
Mais, il y a les péripéties de la vie qui vont lui faire comprendre la vraie raison de cette profonde mélancolie.


Expliquons-nous


PERSONNAGES :


JEANNE, 26 ans

ÉTIENNE , 30 ans, son mari, chercheur en biologie

MARIE, 28 ans

PIERRE, 32 ans son mari, diplomate.

Et peut-être d’autres…


Lorsque le rideau se lève, Jeanne et Marie sont en scène. La pièce est un salon. Au sol, tapis haute laine, Les meubles sont « renaissance italienne » c'est-à-dire un peu trop chargés en sculpture, mais ils donnent un aspect cossu.


Deux portes sur la partie latérale gauche, une porte à droite et une autre au fond à droite qui mène au couloir de la porte d’entrée.


Jeanne et Marie, assises dans des fauteuils tricotent en silence, puis au bout de quelques secondes, Marie s’arrête de tricoter, lève les yeux vers le plafond et dit :


MARIE : De quoi avons-nous l’air ? Tu réalises un peu ? Nous tricotons comme nos aïeules… Pourquoi pas de la broderie pendant que nous y sommes !!! Nous sommes ridicules !!!


Elle jette son tricot par terre.


JEANNE : Ho la ! Ho la ! Qu’est-ce qui te prend Marie ? Une crise existentielle ?


Marie reste un moment sans répondre.


MARIE : Pas la peine d’employer des grands mots pour définir ce que je ressens. Je vais te le dire plus simplement. JE M’EMMERDE !!! Là !!! C’est clair ?


JEANNE : Mais c’est nouveau, ça ? En tout cas c’est la première fois que tu me le dis, et je dirais même que tout au contraire tu sembles être une femme heureuse, amoureuse de son mari. Vous n’avez pas de problèmes financiers, ton mari est un homme remarquable, peut-être un futur ambassadeur…


MARIE : Oh, écoute, tu peux faire une équation en ajoutant tous les éléments positifs que tu voudras. X+A+B+C etc., mais tout cela est égal à zéro…


JEANNE : Ça ne marche pas ton truc. Pour que l’addition d’éléments positifs arrive à zéro, c’est qu’il y a obligatoirement, OBLIGATOIREMENT, des éléments négatifs… Peut-être à ton insu d’ailleurs, mais ils existent ! De quoi te plains-tu exactement ?


MARIE : Mais puisque je te dis que malgré l’addition d’éléments reconnus positifs par la raison, le résultat est … Que je m’emmerde.


JEANNE (qui pose son tricot sur une petite table) : Allons, allons. Tâche d’être honnête avec toi-même. Il y a quelque chose qui te tracasse, et tu n’en sortiras pas avant d’avoir pu déterminer ce que c’est. Tu aimes ton mari ?


MARIE : Il n’y a aucune raison pour que je n’aime pas Pierre. D’ailleurs, tu l’as dit toi-même : tout le monde l’aime et l’admire.


JEANNE : Je te demande si tu aimes ton mari, et tu me réponds « il n’y a pas de raison pour que je ne l’aime pas ». Mais la raison n’a rien à voir avec les sentiments. Estimes-tu que tu ne pourrais pas vivre avec un autre ?


MARIE : En tous cas, pas avec un autre que je connais actuellement, si c’est ce que tu veux savoir.


JEANNE : Bon. Tu n’es pas amoureuse d’un autre. C’est déjà quelque chose. Peut-être aimerais-tu travailler ?


MARIE : Mais je travaille !!! Je fais partie de 3 associations caritatives, et je suis présidente de l’une d’elles. Je n’ai pas beaucoup de temps de libre, et tu le sais bien ! Ce n’est d’ailleurs pas pour nous que nous tricotons… Je ne manque pas d’occupations…


JEANNE : Non. Ce que je voulais dire, c’est que tu voudrais peut-être gagner ta vie pour ne pas avoir l’impression d’être à la charge de ton mari.


MARIE : Ça, non. Je n’aimerais pas travailler dans un bureau avec des obligations d’horaires, des supérieurs plus ou moins idiots... Non. Je préfère m’activer « dans le caritatif ».


JEANNE : Ce qui est certain, c’est qu’il y a chez toi une insatisfaction. Cherche-la ! Il faudra bien la trouver pour t’en sortir. Es-tu bien certaine de ne pas avoir une petite idée, même si tu ne veux pas te l’avouer ?


MARIE (pensive) : Non… Rien. Enfin peut-être… mais non, c’est idiot, ce n’est pas ça…


JEANNE : Dis toujours, nous verrons bien.


MARIE : Oh, non. Ce n’est pas ça ! Ce serait trop bête... Hier, j’ai vu une femme, une pauvre femme, miséreuse, et qui venait nous demander du lait pour son enfant. Elle tenait son bébé dans ses bras, il devait avoir 7 ou 8 mois, et elle le regardait… Enfin, je ne peux pas te dire… Ce que je sais, c’est que ce regard, depuis hier ne me quitte pas... La dernière nuit j’ai très peu dormi. D’une part en rêve, et d’autre part quand je me réveillais, je voyais le regard de cette femme sur son enfant


JEANNE : Hé bien voilà, c’est simple. Tu as envie d’avoir un enfant !


MARIE : Oh, ça non !!! Pas du tout !!! Je n’ai pas envie d’avoir un enfant. Je n’ai pas la fibre maternelle.


JEANNE : Mais si ce regard de mère t’obsède, c’est qu’il doit bien y avoir une raison. Il était comment ce regard ?


MARIE : Comment veux-tu que je te définisse un regard ! Elle regardait son bébé, et voilà tout.


JEANNE : Je ne crois pas au « voilà tout » Il y avait automatiquement quelque chose de spécial. Fais un effort, représente-toi ce regard…


MARIE : Oh, je n’ai pas d’effort à faire. Il est là en permanence. Il y avait de l’amour, bien sûr dans ce regard… Mais ça, c’est normal… Il y avait… Je ne sais pas, peut-être de la tristesse.


JEANNE : Tu as senti de la compassion pour la mère ?


MARIE : Je ne crois pas. Je ne la connais pas, ce n’était pas vraiment une pauvresse d’après ses vêtements, (ou en tout cas, pas depuis très longtemps) mais son regard…


JEANNE : Je suis persuadée qu’il faut en premier lieu que tu saches pourquoi ce regard t’a tellement marquée, qu’il t’obsède. Tu me dis que tu n’as pas envie d’avoir toi-même un bébé. Tu me dis que tu ne ressens pas de compassion pour cette mère. Si tu es certaine sur ces deux points, il faut absolument que tu cherches la vraie raison pour laquelle ce regard t’obsède.


MARIE : Je crois… Je crois… Non. C’est idiot. Ce ne peut être ça !


JEANNE : Dis toujours. Il faut tout envisager


MARIE : Tu t’en souviens peut-être. Je crois t’en avoir parlé. J’avais rencontré Xavier sur la plage, durant les vacances que je passais avec mes parents sur la Côte d’Azur. J’avais 19 ans, il en avait 23. Il semblait très épris de moi, mais moi, bien qu’attirée par lui, je ne voulais pas me sentir liée par quelque chose de sérieux. A la fin des vacances, il voulait absolument que nous échangions nos adresses pour nous revoir, et je lui avais dit : « Xavier, nous avons vécu une belle histoire d’amour de vacances. Les vacances sont finies. Ce serait gâcher nos souvenirs que de tenter de nous revoir dans d’autres conditions. » Il m’a alors lancé un regard profond, un regard triste, triste. Pour lui quelque chose venait de mourir. Le regard de cette mère sur son enfant m’avait retourné. Je n’avais pas fait le lien avec ce que je viens de te raconter au sujet de Xavier. Mais j’ai pu échanger quelques mots avec cette femme et j’ai eu l’explication de la tristesse de son regard. Son bébé est né avec une malformation cardiaque. Les médecins ne lui donnent que quelques mois de vie. Je vois maintenant que le regard de Xavier sur moi et celui de la mère sur son enfant étaient identiques, et je n’avais jamais réalisé combien Xavier avait été malheureux devant mon insouciance.


JEANNE : Bon. Tu vois que les choses sont plus claires. Si le regard de cette femme sur son bébé t’a fait souvenir du regard de Xavier sur son Amour perdu, et surtout si ce regard t’obsède, c’est que tu subis toujours une attirance pour Xavier. Sais-tu ce qu’il est devenu ?


MARIE : Absolument pas. Je te l’ai dit, c’était une simple rencontre de vacances.


JEANNE : Une simple rencontre de vacances, qui t’a drôlement marquée puisqu’elle ressort après de nombreuses années et hante ton esprit. Il faudrait savoir ce qu’il est devenu.


MARIE : Et comment veux-tu savoir ce qu’il est devenu ? Je ne sais même pas où il habitait quand je l’ai rencontré.


JEANNE : Tu te souviens de son nom de famille ?

MARIE : Non. Ah, si… Attends... Un nom curieux… Charvelet. Non, Charvelex, oui, c’est ça Charvelex.


JEANNE : Hé bien nous allons chercher sur le Web, viens !


Les deux jeunes femmes s’installent devant un ordinateur, et Jeanne se met à tapoter sur le clavier.


JEANNE : Que son nom soit un peu curieux peut être une chance. Nous parviendrons plus facilement à le trouver. Il ne doit pas y avoir beaucoup d’homonymes… Tiens voilà. Je crois que je le tiens. Je paye, et nous allons savoir. (Quelques secondes s’écoulent) Voilà Charvelex Xavier. Ah ça alors… Il n’est pas bien loin. Nous sommes à Valence et il est à Lyon. Veux-tu lui téléphoner ?


MARIE : Mais tu es folle ? Que veux-tu que je lui dise ? Que j’ai vu une bonne femme avec un bébé et que cela m’a fait penser à lui ?


JEANNE : Mais tu n’as pas besoin de lui raconter quoi que ce soit. Son souvenir t’a traversé la mémoire, par curiosité tu as cherché sur ton ordinateur, et c’est tout…


MARIE : Et si je tombe sur sa femme ?


JEANNE : Hé bien tu sauras qu’il est marié… Comme toi d’ailleurs.


MARIE : Oui. Comme moi. Tu vois bien que lui téléphoner serait une bêtise, puisque moi, je ne suis pas libre et lui ne l’est peut être pas.


JEANNE (faussement grondeuse) : Allons, allons, Marie !!! À quoi penses-tu ? Il n’est pas question d’envisager quoi que ce soit de sérieux avec ce Xavier. Il s’agit simplement de faire cesser l’emprise que son esprit conserve sur toi. Dans ton souvenir, il est paré de toutes les qualités, certainement, et il est à peu près certain qu’une seule rencontre avec lui, et la réalité te sauterait aux yeux. C’est sans doute un bonhomme banal, peut-être chauve et bedonnant, et ton désenchantement te guérira de ton fantasme.


MARIE : Fantasme !!! Il ne faut tout de même pas exagérer !


JEANNE : Oh, ne jouons pas sur les mots ! Tu es obsédée par un regard qui te fait penser à un homme. Il faut mettre fin à cette obsession. Alors ? Tu téléphones ? Ou veux-tu que je le fasse pour toi ?


MARIE : Pourquoi téléphonerais-tu à Xavier ? Par curiosité ?


JEANNE : Pour te rendre service. Et puis aussi, c’est vrai, j’aimerais bien entendre la voix de celui qui est resté tapi de nombreuses années dans ton subconscient et qui vient d’apparaître à la suite d’un regard de femme sur son bébé. Ce n’est pas banal.


MARIE (après une légère hésitation) : Bon. Téléphone. Et puis si… Non… Nous verrons bien. Vas-y ! Téléphone !


Jeanne se dirige vers le téléphone et reproduis le numéro qu’elle avait relevé sur internet. Le micro d’ambiance est mis. On entend 4 ou 5 sonneries, puis une voix masculine, bien timbrée, s’annonce.


LA VOIX : Allo ! Xavier Charvelex. J’écoute.


JEANNE : Bonjour Monsieur. Je m’appelle Jeanne, mais nous ne nous connaissons pas.

Vous souvenez-vous avoir rencontré il y a quelques années... (Marie fait signe à Jeanne qui avec ses doigts, indique 9) quelques années, cela doit faire 9 ans sauf erreur, durant des vacances sur la Côte d’azur, une jeune fille prénommée Marie ? Vous en souvenez-vous ?


XAVIER (après quelques secondes de silence) : Êtes-vous Marie ?


JEANNE : Non. Je vous l’ai dit, nous ne nous connaissons pas. Mais votre question semble prouver que vous vous souvenez d’elle. C’est une de mes amies.


XAVIER : Ah ? En effet. Je me souviens de Marie. Qu’est-elle devenue ?


JEANNE (elle fait signe à Marie pour lui proposer l’appareil, et Marie hoche la tête affirmativement) : Ecoutez Monsieur, le plus simple est que je vous la passe. Au revoir.

MARIE (prend l’appareil) : Allo ! Bonjour Xavier. Je parlais de… vous, à mon amie Jeanne, et c’est elle qui a eu l’idée de chercher votre adresse par internet.


XAVIER : Elle a eu une bonne idée, et je suis heureux de… t’entendre (je crois que nous nous tutoyions) après tant d’années. Qu’es-tu devenue ? Mariée je suppose ?


MARIE : Mariée. Sans enfant. Et… toi ?


XAVIER : Marié, divorcé depuis deux ans. Pas d’enfant. Où habites-tu ?


MARIE : Je suis à Valence. Et toi, à Lyon, je crois ?


XAVIER : Exact. Puis-je savoir pourquoi, tu refais surface subitement, alors qu’il y a 9 ans, tu m’avais… donné mon congé ?


MARIE : Oh, il n’y a pas de raison spéciale. Nous parlions, mon amie Jeanne et moi de notre jeunesse, et tout naturellement, j’ai pensé à toi.


XAVIER : Tout naturellement ? La nature a beaucoup tardé pour se manifester. Il y a bien dû avoir un facteur déclenchant ?


MARIE : Non… C’est en parlant, comme ça. Et puis j’ai eu la curiosité de savoir ce que tu étais devenu.


XAVIER : Tu étais curieuse… Mais c’est ton amie qui m’appelé. Pourquoi ?


MARIE : Oh, je n’en sais rien… Ne va pas chercher la petite bête.


XAVIER : Je ne cherche pas la petite bête. Je cherche à comprendre. À comprendre pourquoi 9 ans après avoir rompu brutalement avec moi, tu reprends contact. J’ai le droit de trouver ça singulier.


MARIE : Je devine à ton ton, que tu m’en veux toujours.


XAVIER : Tu ne peux savoir combien j’ai souffert… Et très longtemps.


MARIE : Pourtant tu t’es marié assez vite je pense, puisque tu es déjà divorcé depuis 2 ans


XAVIER : Je ne suis resté marié que 18 mois. Fais le calcul. Et je puis te le dire : tu es la cause de mon mariage… Et de mon divorce.


MARIE : Sais-tu que c’est affreux ce que tu me dis là ?


XAVIER : Affreux ? Ou bien, cela flatte ton amour propre ?


MARIE : Tu as un bien mauvais souvenir de moi, malgré ce que tu essaies de me dire.


XAVIER : Oh, tu sais les sentiments se foutent éperdument de tous les raisonnements.

Tu vois, tu es mariée, tu es certainement heureuse, et malgré cela moi, bêtement je continue à t’aimer.


MARIE : Tu m’as aimée, mais tu ignores complètement ce que je suis devenue. Tu as aimé une Femme que je ne suis plus, alors comment savoir si tu m’aimerais encore. Mais je dis des bêtises. Comme tu le dis, je suis mariée, et je n’ai pas à parler sentiments surtout avec quelqu’un que je n’ai pas vu depuis 9 ans. J’étais curieuse de savoir ce que tu étais devenu. Ma curiosité est satisfaite, nous devons en rester là.


XAVIER : Si tu es absolument sûre de la force de tes sentiments pour ton mari, ton amour pour lui ne risque absolument rien si nous nous revoyons.


MARIE : Nous revoir pourquoi ?


XAVIER : Eh bien… Ne serait-ce que pour prouver à toi-même, que tes sentiments actuels n’ont rien à craindre de vieux sentiments qui sont bien morts en toi.


MARIE : Hum !!! Tu n’es pas idiot ! Tu plaides bien ta cause.


XAVIER : J’exprime des idées de bon sens. C’est tout. Alors ? Quand nous revoyons-nous ? À moins que tu ne sois pas sûre de toi, bien sûr.


MARIE : Je ne vois pas l’intérêt de nous revoir. Mais pour te prouver que je ne crains pas le passé, si tu viens à Valence fais-moi signe.


XAVIER : Je viens à Valence lundi dans la matinée. Nous déjeunons ensemble ?


MARIE (après un instant de réflexion) : Bon. Donnons-nous rendez-vous à la gare à midi.


XAVIER : C’est parfait. À lundi. J’ai perdu quelques cheveux, mais je pense que tu me reconnaîtras sans difficulté, et moi, en tout cas, je suis certain de te reconnaître.


MARIE : D’accord, à lundi. (Elle raccroche, et reste un moment songeuse)


JEANNE : Alors ? Tu vas le revoir ? Quel effet ça te fait ?


MARIE (un peu nerveusement) : Quel effet veux-tu que ça me fasse ? On reparlera du bon vieux temps…


JEANNE (ironique) : C’est ça !!! Vous parlerez du bon vieux temps !


MARIE : Arrête de te fiche de moi ! De quoi veux-tu que nous parlions ?


JEANNE : C’est vrai, il y a le passé... Mais il y a le présent… Et puis aussi l’avenir…


MARIE : Tes insinuations sont ridicules. Je te rappelle que je suis mariée… Et bien mariée, tu l’as dit toi-même.


JEANNE : Bon, bon, ne te fâche pas ! Mais tu ne peux nier que son souvenir hante tes pensées.


MARIE : Hante mes pensées ? Tu n’exagères pas un peu ? Il y a des années que je n’ai pas pensé à Xavier, et un regard de femme me l’a remis en mémoire, c’est très simple, ne complique pas les choses, tu vas chercher midi à 14 heures.


JEANNE : Bon, bon. Je n’insiste pas, (elle regarde sa montre) zut 16 heures 20 déjà ! Je me sauve ! À bientôt Marie. (Elles s’embrassent et Jeanne sort)


MARIE (seule en scène se dirige vers un miroir) : Il va me trouver vieillie. (Elle passe un index sur une fine ride) Après tout, lui aussi, il a dû vieillir.


À ce moment-là, on entend la porte d’entrée qui s’ouvre, et avant d’apparaître dans la pièce une voix d’homme crie à la cantonade : « Tu es là Marie ? »


MARIE : Oui. Je suis dans la salle de séjour !


Entre Pierre. C’est un homme jeune, élégant, sympathique. On sent une forte personnalité.


PIERRE : Bonjour, chérie. Rien de neuf ?


MARIE : Non, rien de neuf. Jeanne sort d’ici. Tu as dû la rencontrer ?


PIERRE : Non. Je suis monté par l’ascenseur direct des garages. Elle est venue papoter ou il y a quelque chose de neuf ?


MARIE : Non rien de spécial ? Et toi ? Avec cet ambassadeur du Sénégal ça s’est bien passé ?


PIERRE : Oh oui. La routine. Toujours le problème des aides financières et celui de la balance des échanges commerciaux… Comme d’habitude, quoi !!! Ah, à propos, nous sommes invités à déjeuner lundi à midi chez lui, à l’ambassade du Sénégal.


MARIE : Lundi à midi ? Oh zut !!! Ca tombe mal !


PIERRE : Tu avais quelque chose de prévu ?


MARIE : Oui, oui. Enfin… Il me semble. Il faudra que je vois mon carnet, mais je crois bien que j’ai quelque chose lundi.


PIERRE : Je suis désolé, mais il faudra que tu remettes. Je ne peux refuser l’invitation de l’ambassadeur.


MARIE : Je comprends bien que tu ne puisses pas y échapper, mais moi, je ne suis pas dans la diplomatie. Tu iras tout seul.


PIERRE : Mais il n’en est pas question. La femme de l’ambassadeur t’attend, et par la force des choses, tu es ma femme donc tu as un rôle à jouer dans la diplomatie.


MARIE : Je regrette, mais je n’irai pas.


PIERRE : Mais enfin, pourquoi ? Tu ne te souviens même plus de ce que tu devais faire lundi, et soudain cela devient une chose extrêmement importante. Que se passe-t-il ?


MARIE : Je n’ai pas envie d’aller faire des ronds de jambe dans une réception artificielle. C’est tout.


PIERRE (un moment silencieux, la regarde longuement) : Non. Ce n’est pas tout. Je te pose à nouveau la question : Que se passe-t-il ?


MARIE : Il se passe que j’en ai par-dessus la tête des obligations mondaines, et que ces obligations ne sont pas les miennes. C’est donc très simple.


PIERRE : Tu m’inquiètes. Par la force des choses la femme d’un diplomate a des obligations mondaines. Tu l’as toujours su. Tu les as acceptées jusqu’à ce jour. Ce n’est pas nouveau. Alors, quelle est la chose nouvelle qui te fait changer ?


MARIE : Oh ! Ne vas pas chercher très loin. J’arrive au point de saturation, c’est tout.


PIERRE : Je ne te crois pas. Jamais tu n’as manifesté de mauvaise humeur lorsque nous étions invités quelque part. Jamais. Alors, dis-moi franchement. Que t’arrive-t-il ?


MARIE : Zut et zut !!! Tu ne veux pas comprendre. Ces repas sont empoisonnants, sans intérêt, et j’en ai marre de faire des choses idiotes. C’est tout. Maintenant, (elle regarde sa montre) je dois aller chez mon coiffeur qui doit me donner un coup de peigne. (Elle sort)


PIERRE (resté seul, il marche de long en large dans la pièce, en murmurant) : Je n’y comprends rien. Mais il y a quelque chose. Je suis sûr qu’il y a quelque chose.


Le rideau tombe.


Le rideau se lève sur le même décor. Marie, seule en scène. Assise sur un canapé, un livre sur les genoux, la tête levée, les yeux fixes, elle est absorbée par ses pensées.


On frappe à la porte d’entrée. Marie revient sur terre et se lève pour aller ouvrir. Elle sort de la pièce et revient avec un homme.


MARIE : Quel bon vent t’amène Philippe ?


PHILIPPE : Je ne sais pas si c’est un bon vent, mais je voudrais bien vous aider, Pierre et toi.


MARIE : Nous aider ? Mais pourquoi ? Avons-nous besoin d’être aidés ?


PHILIPPE : Oui, je le crois. Ecoute, je vais te parler très franchement. Pierre m’a dit que pour la première fois, tu refuses de l’aider dans son travail en l’accompagnant à un déjeuner très important. Il sent qu’il y a quelque chose de grave entre vous. Par ailleurs (pardonne-la) Jeanne m’a expliqué ta reprise de contact avec une ancienne connaissance, un certain Xavier…


MARIE : N’oublie pas de remercier Jeanne de ma part pour t’avoir révélé ce qui à mes yeux devait rester un secret entre nous.


PHILIPPE : Si Jeanne m’a parlé, c’est qu’en premier lieu, je lui avais dit les craintes de Pierre. Elle a pensé que peut-être, je pourrais essayer d’arranger les choses.


MARIE : Mais enfin, d’une part, je ne crois pas que notre couple soit en danger et d’autre part, lorsqu’un couple est vraiment en danger, je ne crois pas qu’une personne extérieure puisse arranger les choses.


PHILIPPE : Pierre est très inquiet. Tu ne t’en doutais pas. Tu me dis qu’il n’a pas raison d’être inquiet. Je vais donc pouvoir le rassurer. Mon rôle n’aura pas été inutile si je parviens à éclaircir un malentendu.


MARIE : Mais enfin de quoi te mêles-tu ? Est-ce que je vais te raconter ce que Jeanne me confie ? Non, n’est-ce pas ?


PHILIPPE : Jeanne te fait des confidences à notre sujet ?


MARIE : Je ne suis pas comme Jeanne. Je ne te dirai rien !!!


PHILIPPE : Mais c’est encore pire !!! Tu suggères, tu laisses penser que… Mais tu ne dis rien. Je préfère la franchise de Jeanne.


MARIE : Ça tombe bien !!! C’est avec elle que tu es marié !


PHILIPPE : Tu en as trop dit. Il fallait ne rien dire, et maintenant que tu as commencé, tu dois me dire ce qu’elle t’a raconté à notre sujet.


MARIE : Fiche-moi la paix. Mais puisque tu es venu pour parler de mes prétendus problèmes avec Pierre, je vais te répondre. J’en ai plein le dos de ces réceptions obligatoires auxquelles doit assister Pierre. C’est lui qui est diplomate, pas moi. Ça c’est une chose. Par ailleurs, il est exact que (d’ailleurs poussée par Jeanne) j’ai repris contact avec une vieille connaissance, c’est une chose très simple et il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Tout est donc très simple, et l’intervention d’un « Monsieur bons offices » ne s’impose pas.


PHILIPPE : Bon. Je n’insiste pas. (Après un petit silence) Mais dis-moi, est-ce que ce que Jeanne t’a confié est très grave ?


MARIE : Tu ne le sauras pas. Ce sera ta punition pour t’être mêlé de choses qui ne te regardent pas.


PHILIPPE : Si. Cela me regarde. Le bonheur de mes amis me concerne.


MARIE : Des mots tout ça !!! Seule la curiosité te guide.


PHILIPPE : Si tu penses ce que tu dis, j’en suis bien triste. Allons, au revoir Marie, j’ai un rendez-vous important, et pourtant tu le vois, j’avais tenu à venir te voir auparavant.


MARIE : Au revoir Philippe, et excuse-moi, mais dans tout cela, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.


Philippe sort.


MARIE (seule en scène, elle marche de long en large, semble réfléchir puis se dirige vers le téléphone. Elle regarde un papier et fait un numéro. Le micro d’ambiance est mis, on entend les 2 interlocuteurs.) : Allo ? C’est Xavier ? C’est Marie. J’ai beaucoup réfléchi. Nous devions nous revoir lundi, mais je me demande si c’est bien raisonnable…


XAVIER : Bien sûr, je ne peux parler au nom de nous deux. Mais en ce qui me concerne, la décision de nous rencontrer est je pense, la plus raisonnable prise dans ma vie. Vois-tu, depuis que tu as mis fin à nos relations, je n’ai cessé de penser à toi. Je me suis fait une image de toi, tellement merveilleuse que nulle autre femme n’a pu trouver grâce à mes yeux. Je vais te parler franchement : tu es certainement une femme formidable, mais peut-être, en te revoyant vais-je me rendre compte que j’ai enjolivé encore la réalité. Ce que j’attends de notre rencontre ? C’est d’avoir une idée plus juste de ce que tu es réellement…


MARIE : En somme tu voudrais être déçu en me revoyant ?


XAVIER : Comprends-moi ! J’ai tellement souffert de notre rupture, et cette souffrance perdure, alors, très égoïstement peut-être, je me dis que si je pouvais me détacher de toi, je pourrais enfin me mettre à vivre normalement. Pardonne-moi si je te parle sans détour.


MARIE : Je n’ai pas à te pardonner… Je crois que je te comprends parfaitement. Notre rencontre serait pour toi, en quelque sorte, une psychothérapie… De mon côté, tu le sais, je suis mariée… Et j’ai la peur inverse de la tienne. Pourquoi ai-je repris contact avec toi ? N’y a-t-il pas un risque que je m’attache à toi ?


XAVIER : Il y a une chose certaine, c’est que nous parlons avec une franchise absolue… Ce que j’aime énormément… Mais va à l’encontre de ce que je recherche. Ce trait de caractère que j’apprécie ne contribue pas à me détacher de toi.


MARIE : Réflexion faite, je crois finalement, qu’il faut que nous nous rencontrions. La connaissance que nous avons l’un de l’autre remonte à 9 ans. Par ailleurs, il est probable que nous avons enjolivé nos souvenirs. Il est donc indispensable que nous nous revoyions. Si tu es d’accord, nous en reviendrons à ce que nous avions décidé : Revoyons-nous lundi, mais au lieu de nous voir à la gare, tu peux venir ici, vers midi, mon mari a un repas professionnel. Il ne sera pas là.


XAVIER : Je suis très heureux que tu sois revenue sur ta décision de ne plus nous voir. Ne fuyons pas, regardons les choses en face, et… Nous verrons bien. À lundi.


MARIE : À lundi.


Elle raccroche. Visiblement préoccupée, elle marche de long en large pendant que le rideau tombe.


Le rideau se lève sur le même décor. Marie est seule en scène et arrange des fleurs dans un vase. Quelques jeux de scène font passer quelques secondes, puis la sonnette de la porte d’entrée retentit. Marie passe devant une glace pour vérifier sa coiffure et va ouvrir.


Elle rentre suivie par un homme d’une trentaine d’années, élégant, sympathique.


XAVIER : Ces neuf années sont passées sur toi sans laisser aucune marque. Je te retrouve telle que tu étais.


MARIE : Flatteur !!! En tout cas, toi, tu es un menteur. Tu m’avais laissé croire que tu étais devenu chauve.


XAVIER : Je ne t’avais jamais dit que j’étais chauve. Simplement que j’avais perdu quelques cheveux. Tiens là, regarde. (Il lui fait voir le haut de son front)


MARIE : Ce n’est pas évident… Et tu le sais très bien.


XAVIER : Ce que je sais, c’est que je suis venu ici en tremblant que tu me trouves très vieilli.


MARIE : Rassure-toi ! Tu n’as pas changé, tu es toujours aussi élégant et… agréable à regarder.


XAVIER : OUF !!! Merci !


À ce moment, on entend que quelqu’un ouvre la porte d’entrée, et Pierre entre. En voyant Xavier, il s’écrie :


PIERRE : Ah, ça par exemple, Xavier !!! D’où sors-tu ?


XAVIER (très surpris lui aussi) : Ah Pierre… Mais que fais-tu… Heu… Comme je suis content de te voir !


PIERRE : Moi aussi ! Mais dis donc, tu as l’air aussi surpris que moi. Comment as-tu eu mon adresse ?


XAVIER : Comment j’ai eu… ? Mais c’est très simple… Sur internet.


PIERRE : Tu as eu mon numéro de téléphone par Internet ?


XAVIER : Oui, c’est ça.


PIERRE : Et tu as téléphoné avant de venir ?


XAVIER : Oui. C’est exactement ça !


PIERRE : Pourtant, Marie a dû te dire que je n’étais pas là. Théoriquement je devais déjeuner chez l’ambassadeur du Sénégal, et j’ai appris il y a une heure qu’il a fait une chute dans son escalier, il est hospitalisé et c’est pourquoi le dîner a été annulé et que je suis ici. Tu es venu en sachant que je n’étais pas là ? Curieux, non ?


MARIE (venant au secours de Xavier) : J’ai en effet reçu un coup de téléphone d’un Monsieur qui m’a demandé s’il était bien chez Pierre Blanc. Il m’a demandé notre adresse parce qu’il devait te voir rapidement. Je lui ai donné l’adresse, il a raccroché, et il vient d’arriver il y a quelques minutes.


PIERRE (soupçonneux) : Bien sûr, c’est plausible… Mais… C’est curieux que tu sois venu sans t’assurer que j’étais là.


XAVIER : En fait, je savais qu’en venant chez toi, puisque quelqu’un m’avait répondu, je n’aurais aucun mal à te contacter.


PIERRE (pas très convaincu par ces explications) : Ouais !!! Tout cela me parait bien embrouillé, mais bon… Alors que deviens-tu ?


XAVIER : Je suis inspecteur général dans un groupe d’assurances, et je suis venu inspecter l’une de nos agences.


PIERRE : Marié ?


XAVIER : Marié, et divorcé.


PIERRE : Ah ? Je suis désolé.


XAVIER : Tu n’as pas à l’être. Tu aurais pu être désolé pour moi quand j’étais marié, mais maintenant je suis divorcé. Tout va bien.


PIERRE : Où habites-tu ?


XAVIER : Je réside à Lyon. Je couvre la région Rhône Alpes, depuis quelques mois, et c’est pourquoi, je suis amené à venir à Valence de temps en temps.


MARIE : Vous vous connaissez depuis longtemps ?


XAVIER : Pierre et moi étions au lycée ensemble et nous nous sommes retrouvés comme aspirants au 11ème Bataillon de chasseurs alpins à Barcelonnette, un bataillon aujourd’hui dissout. À propos, Pierre, j’ai rencontré Moulin le mois dernier (s’adressant à Marie :) nous avons fait notre service militaire ensemble tous les trois. Il habite à Grenoble où il travaille à E.D.F. Il est marié et a deux enfants.


PIERRE : C’était un chic type. Tu me laisseras ses coordonnées. Mais il faut que je retourne au bureau. La prochaine fois que tu viendras à Valence, préviens-moi un peu à l’avance, et nous casserons la croûte ensemble.


XAVIER : D’accord Pierre. Je reviendrai sans doute le mois prochain et je te téléphonerai… (En souriant) Et m’assurerai que tu es bien là. Maintenant, je dois aussi aller travailler, je pars avec toi. Madame, j’ai été heureux de faire votre connaissance.


MARIE : Je suppose que Pierre me parlera de vous, et lors de votre prochaine visite, je vous connaîtrai mieux.


XAVIER : J’espère que Pierre sera objectif, et vous parlera de toutes mes énormes qualités…


(Ils rient tous les trois. Xavier et Pierre sortent)


Marie seule en scène, se frotte le front du revers de main.


MARIE : Ouf ! J’ai eu chaud. Mais je crains bien que Pierre n’ait la puce à l’oreille. C’est vrai que Xavier venant sans s’assurer que Pierre est bien là n’est pas très plausible. En tout cas, me voila maintenant esclave de ce mensonge… Nous verrons bien… Je suis heureuse d’avoir revu Xavier. (S’adressant au public :) Il a du charme hein ? Oui évidemment, vous n’avez pas les mêmes souvenirs que moi. Vivement le mois prochain !


Le rideau tombe.


*

* *


Le rideau se lève.


Marie, assise dans un fauteuil les coudes sur les genoux, la tête reposant sur les deux mains ouvertes, elle semble perdue dans ses souvenirs. Quelques instants s’écoulent. La sonnette d’entrée retentit. Marie se lève lentement, et va ouvrir. Elle rentre accompagnée de Xavier.


XAVIER : J’ai préféré partir avec lui pour ne pas lui mettre la puce à l’oreille, et je reviens pour que nous nous expliquions.


MARIE : Tu as bien fait de partir avec Pierre. Tu as eu tort de revenir. Ton histoire lui a semblé vaseuse, cette histoire alambiquée, n’a pas tout à fait trompé Pierre. Et moi, pour rendre ton histoire possible, je suis entrée dans ton jeu…


XAVIER : Hé bien tu vois, nous partageons une connivence. Ce n’est déjà pas si mal !


MARIE : Arrête de plaisanter ! Pourquoi es-tu revenu ?


XAVIER : Franchement ? Hé bien je voulais surtout être certain que tu ne m’en voulais pas pour mon mensonge, et puis… Aussi pour m’assurer que rien n’était changé pour notre projet de rencontre.


MARIE : Quelle rencontre ?


XAVIER : Hé bien, notre rencontre du mois prochain.


MARIE : C’est un problème décidé entre deux copains. Je ne suis pas concernée.


XAVIER : Oh, écoute, tu veux, tu ne veux pas, tu re-veux… Arrête de tergiverser. Tu le sais parfaitement, il est indispensable que nous puissions discuter longuement ensemble. C’est notre intérêt à tous deux. C’est bien ton avis ? Non ?


MARIE : Je ne sais pas. À vrai dire, pour le moment j’ai surtout besoin de réfléchir.


XAVIER : Réfléchir, c’est bien. Mais encore faut-il avoir des éléments pour mener une réflexion. Je ne voudrais pas discuter ici, car Pierre pourrait revenir. Veux-tu que nous allions dîner ensemble ? Ma voiture est tout près et pour plus de sécurité, je t’emmène déjeuner à 15 ou 20 km de Valence, où nous serons certains de ne pas rencontrer ton mari


MARIE : Je suis peut-être idiote, mais le fait de nous cacher de Pierre me gêne. (Elle réfléchit un moment) Non. Décidément je préfère que nous attendions ta prochaine visite. Ne m’en veux pas, mais d’avoir menti à Pierre me gêne énormément. Il faut que je réfléchisse.


XAVIER : Bon, bon, réfléchis, réfléchis. Pour moi, c’est déjà fait. Je veux te revoir, et j’ai comme un pressentiment… Je viens de le décider : il va falloir que je revienne inspecter mon agence de Valence, bien plus tôt que prévu, dans 15 jours au maximum. À bientôt donc, Marie.


MARIE : À bientôt Xavier. (Elle le raccompagne vers la sortie)


Marie revient dans la pièce, en chantonnant. Elle va une nouvelle fois devant la glace, s’examine longuement, arrange une mèche de cheveu. Quelques instants plus tard, la sonnette d’entrée retentit. Tout haut, Marie s’exclame : « Ce n’est tout de même pas Xavier qui revient ? » Elle sort pour aller ouvrir.


Elle entre suivie de Jeanne.


JEANNE : Ma parole tu chantonnes ? Tu sembles bien joyeuse ! Je suis sûre que Xavier est venu. Alors ? Raconte !!!


MARIE : Je ne sais pas si Xavier est venu, mais si c’était le cas, je ne t’en parlerai pas ! Pour que tu ailles en parler à Étienne qui en parlera à Philippe… Non, merci !!!


JEANNE : Mais enfin Marie, si j’ai parlé à Étienne de Xavier, c’est que Pierre avait dit à Philippe son inquiétude à ton sujet. J’ai pensé que mon mari pouvait essayer d’arranger les choses.


MARIE : Mais arranger quoi ? Il n’y a rien de cassé à ma connaissance. Alors occupe-toi de tes affaires et fiche-moi la paix Tu ne sais pas garder un secret. Je ne te dirai plus rien !


JEANNE (en souriant) : Marie, ma petite Marie, tu sais bien qu’un secret, c’est une chose qui ne se dit qu’à une personne à la fois…


MARIE : Dans ce domaine, je trouve ton humour déplacé. Tu as mis en danger mon couple. Heureusement que Xavier se trouve être un ami de jeunesse de Pierre.


JEANNE : Que me dis-tu ? Xavier est un ami de jeunesse de Pierre ?


MARIE : Zut, zut et zut !!! Je ne voulais plus rien te dire. Cette fois, je t’en supplie, n’en parle à personne, à personne, même pas ton mari. Tu me le jures ?


JEANNE : Je n’en parlerai à personne. Alors Xavier et Pierre se connaissent ?


MARIE : Oui. Xavier venait d’arriver ici lorsque que Pierre, dont le déjeuner avec l’ambassadeur a été annulé, est passé à la maison. Comme ils se sont reconnus tout de suite, Pierre a pensé que c’était lui que Xavier était venu voir… Enfin j’espère qu’il le croit.


JEANNE : Mais c’est extraordinaire !!! Ton mari et ton ancien amant étaient des copains ?


MARIE : Je n’aime pas que tu présentes les choses de cette façon.


JEANNE : Mais, c’est la vérité, non ? Alors ? Que vas-tu faire ?


MARIE : Mais que veux-tu que je fasse ? Rien, bien sûr. Je suis mariée avec Pierre. Point.


JEANNE : Point, peut-être, mais pas point final. Point à la ligne, tout au plus. Pierre va vouloir revoir son copain, et tu seras appelée à revoir Xavier !


MARIE : Oui, bien sûr, mais je suis bien décidée… Oh et puis zut, je ne veux plus que nous parlions de ça. Fiche-moi la paix !!!


JEANNE : Mais ne t’énerve pas ! Toute cette histoire te tarabuste, et si je peux t’aider, je suis là. Mais si tu ne veux plus en parler, nous n’en parlerons plus. (Un temps) Bien sûr, tu vas te trouver dans une position difficile… Obligée de mentir à Pierre… À moins que tu n’envisages de lui dire la vérité ?


MARIE : Je t’ai dit que je ne voulais plus en parler .Tu es sourde ?


JEANNE : Non… Bon d’accord, d’accord… Mais ça te travaille…


MARIE : C’est mon problème. Fiche-moi la paix !


JEANNE : Bon, bon, je n’insiste pas… Je te laisse. Mais avoue que ton mari et ton ancien amant se trouvant être de vieux amis… C’est marrant.


Elle sort et le rideau tombe.


Lorsque le rideau se lève, sur la même pièce, Pierre et Jeanne sont en scène. Pierre semble très agité, il marche de long en large. Jeanne, dans un fauteuil, fumant une cigarette est beaucoup plus calme.


PIERRE : Écoute, il faut que je te parle très franchement.


JEANNE : Aïe, aïe, aïe !!! Que je n’aime pas ces entrées en matière !


PIERRE : Arrête de plaisanter. C’est sérieux !!!


JEANNE : Mais je ne plaisantais pas. Je t’écoute.


PIERRE : Voilà. Je regrette notre… aventure… Il faut que nous y mettions fin. Je ne peux pas faire « ça » à Marie.


JEANNE : Tout d’abord, je n’aime pas ce mot « aventure ». Tu m’as dit que depuis des mois, tu étais attiré par moi, et je t’ai dit que c’était réciproque. Il ne s’agit donc pas d’un « coup de sang », d’une « aventure ». D’autre part, tes scrupules t’honorent certainement, mais ils sont un peu tardifs, non ??? Si tu les avais eu il y a 8 jours, rien ne se serait passé…


PIERRE : Je plaide coupable bien sûr. Tant vis-à-vis de toi que de Marie. Mais une attirance réciproque ne signifie pas qu’il y a quelque chose de sérieux, de pérenne. Nous avons fait une erreur, il faut y mettre fin.


JEANNE : C’est un peu simple !


PIERRE : Qu’est-ce qui est un peu simple ?


JEANNE : De jouer à la grande âme, et de croire qu’en disant, la main sur le cœur : « je plaide coupable » cela suffit pour être acquitté.


PIERRE : Mais où as-tu vu que je voulais être acquitté ? J’assume ma responsabilité, mais je veux mettre fin à ma faute. Marie, si droite et si pure…


JEANNE : OUAIS !!!


PIERRE : Ça veut dire quoi : « OUAIS » ?


JEANNE : Tu as dit : « Marie, si droite et si pure » alors je dis « OUAIS ».


PIERRE : Que veux-tu insinuer ? Parce que tu es vexée que je mette fin à … nos relations, tu veux salir Marie ?


JEANNE : Marie est mon amie. Et je la vois et l’aime telle qu’elle est.


PIERRE : Alors qu’as-tu voulu dire avec ton « ouais » ? Parle !!!


JEANNE : J’ai simplement voulu dire que Marie, si droite et si pure, ne te dit peut-être pas tout !


PIERRE : Il est évident que chacun a son petit jardin secret.


JEANNE : Oui. C’est normal. Mais il ne faut pas que ce soit un parc.


PIERRE : Arrête tes insinuations. Si tu as quelque chose à dire dis-le !!!


JEANNE : Bon. Xavier.


PIERRE : Quoi Xavier ?


JEANNE : Marie et Xavier se connaissent-ils depuis longtemps ?


PIERRE : Non. Tu le sais bien. Xavier est un vieux camarade que je n’avais plus revu depuis… Bien avant mon mariage, et je les ai présentés l’un à l’autre il y a 15 jours.


JEANNE : Tu les as présentés ? Mais lorsque tu es arrivé, ils étaient déjà ensemble.


PIERRE : Mais enfin, où veux-tu donc en venir ?


JEANNE : Marie et Xavier se connaissent depuis longtemps. C’est Marie, que Xavier était venu voir, et non pas toi. Il ne savait pas que vous étiez mariés.


PIERRE : Que me dis-tu ? Marie et Xavier étaient aussi des camarades de jeunesse ?


JEANNE : Camarade, camarade…Toi qui aime les mots justes, ce n’est pas celui qui convient.


PIERRE : Je n’y comprends rien. Que veux-tu dire à la fin !!!


JEANNE : Tu ne VEUX pas comprendre. Marie et Xavier ont été amants, là. C’est clair ? Avant votre mariage évidemment.


PIERRE : Mais ce n’est pas possible… Marie ne m’a rien dit…


JEANNE : C’est parce que son jardin privé est un peu grand… C’est tout. Seulement, Marie « droite et pure », laisse-moi rire.


PIERRE : Je ne peux te croire. C’est encore une de tes inventions pour discréditer Marie dont tu es jalouse.


JEANNE : Tu es de mauvaise foi. Ce n’est pas « ENCORE » l’une de mes inventions (d’ailleurs peux-tu en citer une autre), ensuite je ne peux être jalouse de Marie, puisque je lui ai pris son mari, enfin, tu ne veux pas voir l’évidence : Xavier et Marie ont couché ensemble, avant ton mariage c’est vrai, mais ils ont fini par te tromper quand même en te laissant croire que Xavier venait te voir, toi, alors qu’il venait la voir, elle. Au fait où est-elle, Marie ?


PIERRE (complètement déphasé par ce qu’il vient d’apprendre, répond machinalement) : Elle est chez sa mère.


JEANNE : Tu en es sûr ?


PIERRE : Comment si j’en suis sûr ? C’est évident : elle me l’a dit !!!


JEANNE : Mais tu le sais, elle ne te dit pas tout. Quand devait-il venir te voir Xavier ?


PIERRE : Il vient… Demain… Oh le salaud ! Il est peut-être déjà à Valence.


JEANNE (riant méchamment) : Il est peut-être allé accompagner Marie chez sa mère…


PIERRE (regardant longuement Jeanne) : Tu es vraiment une sale fille. Comment ai-je pu, avec toi…


JEANNE : Oh mais dis donc, le moralisateur : j’ai trompé mon mari avec toi, c’est vrai, mais tu as trompé ta femme avec moi, alors, tes leçons de morale… Tu permets…


PIERRE : Arrêtons. C’est vrai que toi et moi avons commis des fautes, et peut-être, même Marie… Oh, je t’en prie, laisse-moi maintenant, j’ai besoin de réfléchir.


JEANNE : Je m’en vais. Réfléchis. Mais il faut que tu saches que je t’aime vraiment.


Jeanne sort. Assis dans un fauteuil, Pierre semble en effet réfléchir quelques secondes. Puis il se lève, cherche le carnet d’adresses, le feuillette, repère un numéro, et le forme au téléphone. On entend les sonneries. Personne ne décroche. Pierre raccroche, redécroche, refait le numéro et murmure : « Je me suis peut être trompé de numéro ». À la cinquième sonnerie, il raccroche. On entend à ce moment-là que quelqu’un ouvre la porte d’entrée, et Marie rentre dans la pièce.


MARIE : Ah ? Tu es là ?


PIERRE : Oui. Cela se voit. Où étais-tu ? Chez ta mère ?


MARIE : Non. Je n’étais pas chez ma mère.


PIERRE : C’est pourtant ce que tu m’avais dit.


MARIE : C’est ce que je t’avais dit. Mais je ne suis pas allé chez ma mère.


PIERRE : Serait-il indiscret de te demander…


MARIE : Non seulement ce n’est pas indiscret, mais je veux t’en parler .J’avais un rendez-vous avec Xavier.


PIERRE : C’était donc vrai !!!


MARIE : Quoi ? Tu le savais ?


PIERRE : Jeanne vient de me le dire.


MARIE : De quoi se mêle-t-elle celle-là ?


PIERRE : Ainsi donc tu l’avoues : tu es la maîtresse de Xavier ?


MARIE : Absolument pas. J’ai connu Xavier il y a 9 ans, donc bien avant de faire ta connaissance. Lorsque tu es venu l’autre jour, c’est la première fois que je le revoyais. J’ignorais bien entendu que vous étiez des camarades de jeunesse. De passage à Valence, il a voulu que nous nous rencontrions de nouveau. Nous venons d’avoir une entrevue. Il avait semble-t-il des idées derrière la tête. Je lui ai dit que j’étais mariée, et… très attachée à mon mari. Voilà, tu sais tout. Cela me pesait beaucoup de te cacher que nous nous étions connus. Je suis soulagée de t’en avoir parlé. Peux-tu me pardonner ?


Pierre, soucieux, ne répond pas…


MARIE : Tu ne veux vraiment pas me pardonner ?


PIERRE : Quoi ? (Comme revenant à la réalité) Si, si je te pardonne bien sûr… Mais vois-tu, de mon coté... (A ce moment-là, la sonnette d’entrée retentit)


MARIE : De ton coté ?


PIERRE : On a sonné. Je vais ouvrir. (Il sort et revient précédé d’ Étienne)


ÉTIENNE : Jeanne n’est pas là ? C’est curieux, elle m’a dit qu’elle venait ici.


PIERRE : Elle est venue en effet, mais elle n’a fait que passer.


MARIE : C’est en effet curieux, qu’elle soit venue ici. Elle m’a dit qu’elle passait la journée chez sa sœur. Que voulait-elle ?


PIERRE (très gêné) : Oh, rien de spécial. Elle passait c’est tout…


MARIE : Vous devriez Étienne aller chez la sœur de Jeanne. Elle s’y trouve certainement.


ÉTIENNE : Vous avez raison. Je vais y faire un saut. À bientôt.


Il sort. Quelques secondes passent.


MARIE : Bon. Alors Pierre, qu’allais-tu me dire lorsqu’Étienne est arrivé ? Et que voulait exactement Jeanne ? Il me semble qu’il doit y avoir un lien entre mes deux questions ? Non ?


PIERRE : Si. Si, il y a un lien… Voilà. J’ai eu une aventure avec Jeanne, et je lui ai demandé de passer ce matin pour lui dire que j’entendais y mettre fin, car je suis bourrelé de remords vis-à-vis de toi.


MARIE : Bourrelé de remords, hein ? Bourrelé de remords… Mais tu m’as joyeusement trompée…


PIERRE : Non, non, pas joyeusement.


MARIE : Oh, je t’en prie ! Ne jouons pas sur les mots. Quand je pense que je me faisais du mauvais sang pour un simple petit mensonge par omission, et toi tu me trompes.


PIERRE : Écoute, Marie, je crois que nous n’avons aucun intérêt à remâcher le passé. Retenons les choses importantes de cette discussion. Je t’ai dit que je t’aimais et que je regrettais mon erreur à laquelle j’ai mis fin avant que nous en parlions. De ton côté, tu m’as dit avoir refusé les avances de ce salaud de Xavier, parce que tu m’aimes. Nous nous aimons, c’est ça l’important.


MARIE : Je n’aime pas trop les solutions simples. On efface tout, et voilà… Mais en réalité, les choses ne s’effacent pas. Tu m’as trompée avec Jeanne, et ça, je ne l’oublie pas.


PIERRE : Mais alors ? Que proposes-tu ?


MARIE : Je ne sais pas. 8 jours de réflexion pour que toutes les choses se remettent en place, et puis, nous aurons une autre conversation. Es-tu d’accord ? Durant ces 8 jours, nous continuerons à vivre sous le même toit, mais je vais m’installer dans la chambre d’amis.


PIERRE (après un long moment de réflexion) : Je me rallie à ta proposition. Dans 8 jours à la même heure, retrouvons-nous et parlons. Mais n’oublie pas durant tes réflexions que je t’aime, toi et toi seule.


MARIE : Je t’aime aussi, mais il serait ridicule de nier l’existence des problèmes qui se posent à notre amour.


Le rideau tombe.


Lorsque le rideau se lève, toujours sur le même décor, Pierre, Marie, Jeanne, et Étienne sont en scène. Ils sont tous assis sur le canapé et deux fauteuils.


PIERRE : Je vous ai demandé de venir pour parler de problèmes qui nous concernent tous. J’ai demandé à Xavier de venir également, je pense qu’il ne va pas tarder.


ÉTIENNE : Je n’ai jamais vu ce Xavier. Qu’est-ce qu’il vient faire ici ? Et pourquoi tous ces mystères ? Je suis venu, mais je ne vois pas pourquoi !


PIERRE : Je te comprends Étienne, mais je te demande seulement un petit peu de patience, et dès que Xavier… (A ce moment là, la sonnette d’entrée retentit) Je vais ouvrir. (Pierre sort et revient avec Xavier. Aucune effusion entre les deux copains qui sont l’un et l’autre froids et gênés.)


PIERRE : Comme je le disais avant l’arrivée de Xavier, je vous ai réunis pour parler de problèmes qui nous concernent tous. J’ai beaucoup réfléchi, et je ne vous le cache pas, j’ai beaucoup hésité avant de décider cette réunion. Bien entendu, nous aurions pu nous expliquer deux par deux. Mais ce n’était pas une solution satisfaisante car il y a toujours plusieurs personnes concernées et nous serions arrivés à des solutions boiteuses. J’ai donc pensé préférable de nous réunir tous, et chacun dira franchement ce qu’il pense et ce qu’il désire. Les choses seront ainsi plus claires. Comme c’est moi qui ai pris l’initiative de cette réunion, je vais m’exprimer en premier. Vous savez les liens qui m’unissent à Marie. Pourtant j’ai eu une aventure avec Jeanne. (Se tournant vers Étienne) Je ne sais Étienne si tu pourras me pardonner, mais je te jure que cette liaison, courte est terminée à jamais. (Étienne ne semble pas touché outre mesure) J’aime Marie, et si elle veut encore de moi, c’est avec elle que je désirerais rester. Voilà. À toi Xavier ?


XAVIER : Bon. Puisque c’est l’heure de Vérité, allons-y. Lorsque j’ai revu Marie, tout le passé s’est mis à revivre en moi, et… j’ai eu envie de faire renaître ce passé. Vis-à-vis d’un vieux copain comme toi, je reconnais que c’était assez dégueulasse. Mais après ce que tu viens de nous dire, je suis persuadé que tu comprendras que personne n’est à l’abri d’une faiblesse. Maintenant, en ce qui concerne l’avenir, je m’en remets à la décision de Marie.


XAVIER : À toi, Jeanne.


JEANNE : Non ! Parle en premier Étienne !


ÉTIENNE : Soit. Puisque, vous l’avez dit, c’est l’heure de Vérité, je vais vous faire des révélations. D’ailleurs, j’en avais assez de toutes ces cachotteries et j’étais bien décidé à m’assumer. Les événements n’ont fait qu’avancer cette confession. Je ne suis pas le mari de Jeanne. Je suis son frère. Je suis homosexuel et Jeanne, a accepté, de jouer le rôle de ma femme pour cacher mes mœurs particulières. Mais comme je vous l’ai dit je vais désormais m’assumer et j’irai vivre chez mon ami André comme il me le demande depuis longtemps. Voilà. J’ai bien déblayé le terrain, c’est à toi Jeanne.


JEANNE : Ce secret ne m’appartenait pas et je préférais que tu en parles toi-même. Je t’approuve entièrement de l’avoir fait. En ce qui me concerne, j’ai été mariée. Lorsque je me suis aperçue de ce qu’était mon mari, j’ai eu l’impression de tomber dans un gouffre sans fond. Ce fut effroyable, et ma haine pour mon mari s’est étendue à tous les hommes. Et puis peu à peu, il m’a semblé que Pierre n’était… Pas si horrible que cela. J’ai voulu savoir si ma haine des hommes en général était bien passée… C’était une sorte de test. Pardon Marie, mais je me sens redevenue… Normale. Mon… disons traitement, est terminé, et je vous souhaite, Pierre et Marie tout le bonheur possible…


PIERRE : C’est à toi Marie de terminer ce « tour de table ».


MARIE : J’aurais de beaucoup préféré que tu choisisses un autre que Pierre pour faire ton « test ». Je n’ai pas assez de grandeur d’âme pour vous dire que je vous pardonne à tous les deux et que j’ai tout oublié. Non. Cela je ne le peux pas. Mais j’aime Pierre, et j’espère ardemment qu’avec les années, cet épisode va peu à peu s’estomper.


PIERRE : Je t’aimerai tant et tant, Marie, que la cicatrisation sera très rapide, et que nous serons profondément heureux. En définitive, j’avais tout de même quelques craintes en prenant l’initiative de cette rencontre, mais cette entrevue que nous pourrions appeler « Expliquons-nous » nous a permis d’éclaircir de nombreux points, et j’espère que cela marquera pour chacun de nous, un nouveau départ sur des données saines.


ÉTIENNE : Pour ma part, je suis heureux, libéré, en quelque sorte, et avec votre permission je vais tout de suite annoncer la nouvelle à André. Au revoir mes amis.


TOUS : Au revoir et meilleurs vœux, Étienne.


Étienne sort.


XAVIER : Il me semble, Jeanne, que nous avons parcouru des itinéraires assez semblables. Peut-être aurions nous intérêt à en parler, à comparer nos expériences. Nous pourrions dîner ensemble ?


JEANNE : Je ne suis pas hostile à votre proposition.


XAVIER : Oh ! Une litote ! À mon goût, c’est la plus élégante forme de rhétorique… Je ne déteste pas.


JEANNE : Je ne déteste pas ? Une litote partout…


PIERRE : Je pense que durant le dîner, vous aurez au moins la possibilité de parler littérature.


XAVIER : Entre autres, entre autres… Pierre, tu avais des doutes sur l’opportunité de ton initiative. Je suis persuadé que de ta réunion des conséquences bénéfiques sortiront. Je suppose que Marie et toi avez des choses à vous dire. Nous partons Jeanne ?


PIERRE (riant) : Tu es un vrai faux cul, Xavier. Ce n’est pas pour nous laisser en tête à tête avec Marie que tu veux partir. C’est pour… Comparer vos itinéraires, Jeanne et toi.


XAVIER : C’est un jour où la conciliation doit prévaloir. Alors disons que c’est pour les deux. Vous venez Jeanne ? À bientôt vous deux . (Ils sortent)


MARIE : Tu as un sacré culot de traiter de « faux cul » ton ami Xavier !!!


PIERRE : Mais pourquoi ?


MARIE : Tu as provoqué cette réunion pour que chacun dise la vérité. Mais toi, tu ne l’as pas dite !


PIERRE : Mais… Je n’ai pas menti…


MARIE : Tu as menti par omission. Tu as laissé croire. Je me souviens de ta formule. Tu as dit : « Vous savez les liens qui m’unissent à Marie » ; et tout le monde pense que nous sommes mariés.


PIERRE : Ce n’était pas un mensonge…mais une simple anticipation. Marie, acceptes-tu que nous nous mariions ? (Un assez long silence) Quoi ? Tu ne veux pas te marier avec moi ?


MARIE : Je n’ai pas dit ça. Mais j’ai deux conditions à poser.


PIERRE : 2 conditions ? Hou là là, je tremble !


MARIE : Tout d’abord, je ne veux plus que tu m’obliges systématiquement à assister à tes gueuletons professionnels.


PIERRE : Ouf !!! Cette condition n’est pas trop méchante. C’est entendu. Tu décideras toi-même, si en fonction de l’importance de la réception, tu dois ou non y assister. Quant à la seconde condition, je crois la connaître et je te réponds immédiatement. Non, Marie, jamais je ne te tromperai, je te serai toujours fidèle. Satisfaite ?


MARIE : Tu as mis à coté de la plaque. Oh je sais qu’en ce moment tu es de bonne foi quand tu me dis que tu me seras toujours fidèle. Mais les promesses… Ce ne sont que des mots… Non. Ma condition est beaucoup plus concrète : acceptes-tu d’avoir un enfant avec moi ?


PIERRE : Oh, Ma chérie, un enfant, deux enfants, 5, 10, tant que tu voudras…


MARIE : Doucement, doucement. Un pour commencer et nous verrons bien après. Depuis des mois, je n’étais pas heureuse. Sans en trouver la cause. Il y a quelques semaines j’ai rencontré une femme qui regardait son bébé dans ses bras. Ce regard m’avait tellement frappé, que je le revoyais sans cesse, le jour et la nuit. Ce regard m’obsédait. J’ai cru avoir trouvé la raison de cette obsession… Je suis allée bien loin pour trouver cette explication alors qu’elle était très simple. Je veux un bébé.


PIERRE : Oh ma Marie, comme je suis heureux. Tu as dis que tu en voulais un pour commencer. Nous avons perdu beaucoup de temps. Il faut le commencer tout de suite, viens.


Pierre prend Marie par la main. Ils se dirigent vers une porte que l’on suppose être celle de la chambre, et le rideau tombe.


FIN



 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Gatolopez   
10/6/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Encore une fois, j'ai franchement aimé cette petite pièce de théâtre. Les relations humaines entre tous les personnages sont efficaces, et on ne s'attends pas au divers rebondissement, comme à l'accoutumée. par contre, je ne sais pas si c'est voulu, mais on fait facilement la confusion entre Philippe, le mari de Jeanne, et Etienne, le mari de jeanne aussi? Pour être franc, je n'ai rien compris concernant ces deux personnages...

Si vous voulez bien m'envoyer un message privé pour m'expliquer cette confusion, j'en serai ravi

   monlokiana   
5/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ah je me suis bien marrée ! Bravo, j’ai aimé cette pièce de théâtre. J’ai vraiment ri toute seule devant mon ordinateur. On me prendrait pour une folle.
Les personnages sont peu être nombreux mais il suffit juste prendre un petit crayon et un bout de papier pour les marquer et s’en souvenir. Donc pas de problèmes. Toutefois, coté crédibilité, ça m’étonne que Jeanne et Marie aient trouvé le numéro de téléphone de Xavier sur le net. Si c’est le cas, Xavier n’est pas très prudent. Peu de personnes mettent leurs coordonnées personnelles sur le net au vu et au su de tout le monde.
C’est aussi très paradoxal que Pierre se pose autant de questions suspectes quand il surprend son vieux camarade et sa femme. Pourquoi en pose autant ? Se doutait- il qu’ils pouvaient être amants ? Donc, sur ce passage, je trouve qu’il en fait trop pour quelqu’un qui vient de retrouver son ami, qui se dit être content de le revoir et de le mettre mal à l’aise avec ses questions accusatrices.
D’un autre coté, j’ai bien aimé les secrets de chaque personnage même si je n’aime pas la coucherie qu’il y a entre eux : Jeanne avec Pierre. Elle essaie à tout prix de rattacher Marie à Xavier pour que Pierre soit libre et qu’elle puisse le prendre sans difficulté. Etienne le frère de Jeanne ? Ça je n’y crois pas. Le personnage d’Etienne est présenté au début comme étant le mari de Jeanne. D’accord, ça aurait gâché tout le suspens.
Je n’ai pas trop aimé la scène de la réunion. Je la trouve un peu ridicule, où tout le monde est sensé se dire la vérité. Mais c’est trop calme. Une amie trompe son amie avec son mari et c’est calme : pas d’emportements, pas de colère, pas de bagarres.
Donc de coté, c’est un peu raté.
Sur la forme j’ai bien aimé les dialogues. Un texte marrant oui, avec seulement quelques maladresses qu’il faudra redresser tout simplement.
Aussi, je trouve que c’est long mais c’est fluide, c’est rythmé, ce n’est ennuyant, j’aime bien ce style d’écriture.
De toute cette histoire (et surtout à la réunion), je pense que Marie a été la plus honnête en disant franchement et sincèrement à son amie qu’elle ne pouvait pas lui pardonner aussi rapidement. Qu’il lui faudrait du temps pour avoir à nouveau confiance en elle. Voilà un discours qui est très réaliste.
Merci Aristee pour ce moment de détente.
Monlo


Oniris Copyright © 2007-2023