Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
aristee :  Fatalité
 Publié le 10/07/07  -  3 commentaires  -  25423 caractères  -  11 lectures    Autres textes du même auteur

Deux amis et deux sœurs se rencontrent. Il y a là tous les ingrédients pour que se déroulent deux belles idylles classiques. Mais... la fatalité se charge d'apporter des complications dramatiques qui viennent brouiller le déroulement prévisible.


Fatalité


C’était l’un de leurs sujets de discussion. Luc et Pierre se connaissaient depuis l’âge de 8 ans. Mais Luc prétendait qu’ils s’étaient connus en arrivant chez les louveteaux, alors que Pierre était formel : leur première rencontre s’était produite dans le Parc Émile Loubet où leurs parents promenaient leurs enfants. Les pères des deux garçons travaillaient dans la même Société, et s’étaient mis à discuter tandis que Pierre et Luc se toisaient mutuellement.


En tout état de cause, et en cela, ils étaient bien d’accord tous les deux, ils se sentaient plus qu’amis, plus que frères… des jumeaux en quelque sorte. Chacun connaissait l’autre par cœur et pouvait savoir les réactions de l’autre devant telle ou telle situation.


Ils venaient d’avoir 21 ans. Depuis l’âge de 8 ans, ils n’étaient jamais restés plus de 15 jours sans se voir. Les vacances ? Ni Luc ni Pierre ne pouvait les concevoir sans l’autre.

Ils avaient fait leurs études dans les mêmes établissements primaires et secondaires. Ils avaient cependant suivi des voies un peu divergentes, Luc étant un « matheux » et Pierre un « littéraire ».


Après leurs baccalauréats obtenus à la même session, ils décidèrent d’aller s’inscrire dans des Facs de Grenoble. Ce choix n’avait pas été fait pour des raisons pédagogiques, mais plus prosaïquement pour se trouver plus proches des stations de ski…


Les amis avaient loué un petit appartement avec deux chambres et une cuisine. Pierre préparait les repas, Luc s’occupait du ménage, du lavage, et tout allait bien.


Certes les deux jeunes gens avaient chacun de leur côté une vie sentimentale, dont l’autre n’ignorait rien. En fait de vie sentimentale, il s’agissait en fait de petites passades qui selon leurs propres propos étaient plus « hygiéniques » que vraiment sentimentales. Et ils s’émerveillaient toujours, d’avoir, au sujet des femmes des goûts différents. Ce qui faisait qu’ils n’étaient jamais en concurrence auprès d’une belle.


Non seulement Pierre et Luc étaient heureux de leur vie, mais ils en avaient profondément conscience. Ce qui est relativement rare. Très souvent, on se rend compte que l’on a été heureux… bien plus tard, et avec une teinte de nostalgie qui enjolive un peu les souvenirs…


Ce week-end là, était le premier de longues vacances. Ils avaient l’un et l’autre terminé leurs études. Luc était ingénieur Pierre avait passé sa maîtrise de Droit. Avec l’accord de leurs parents, les deux amis avaient décidé de prendre quelques mois sabbatiques jusqu’à la fin de l’année.

En commençant début Janvier à s’occuper de trouver une situation, il n’y avait aucun doute dans leur esprit : Ils trouveraient très vite des jobs intéressants. Ce qui leur permettait en attendant, d’avoir l’esprit entièrement libre…


Ils étaient revenus à Valence depuis 2 jours, et se promenaient dans le parc Émile Loubet tout à côté du lycée où ils avaient fait leurs études secondaires.


Du même pas et sans s’être concertés, ils vinrent s’asseoir sur un banc qui bénéficiait d’une ombre dense, et donc, d’un peu plus de fraîcheur.


- Alors, Luc, cette corvée familiale d’hier soir ? Tu ne t’es pas trop cassé les pieds ?

- Non seulement je ne me suis pas embêté, mais j’ai beaucoup regretté la venue de ta tante qui t’a empêché de venir avec moi. Figure-toi, qu’il y avait deux sœurs de 18 et 20 ans, et te connaissant comme je te connais, je suis certain que celle de 18 ans aurait été à ton goût.

- Et toi, bien entendu, tu as particulièrement apprécié celle de 20 ans ?

- Évidemment. Mais attention, Pierre ! Ce n’est pas comme d’habitude.

- Pas comme d’habitude ? Que veux-tu dire ?

- Je veux dire simplement que Roxane (c’est elle qui a 20 ans) n’est pas le genre de fille avec qui on s’amuse. Elle a une de ces classes !!!! Un regard lumineux, un corps splendide, une culture nettement au-dessus de la moyenne…

- Holà ! holà ! Celle que tu me décris est plus de mon genre que du tien ! Tu m’as toujours dis que tu n’aimais pas les trop jolies femmes qui par une loi égalitaire de la nature ont par ailleurs de gros défauts

- Je maintiens cette règle, et je la confirme… par son exception … que je viens de rencontrer.

- Avez-vous eu l’occasion de parler assez longuement ?

- Pas assez à mon goût, mais pendant près de trois heures quand même. Nous sommes restés ensemble toute la soirée, et nous avons discuté sans arrêt.

- Bon. Donc vous vous connaissez assez bien. Mais je voudrais maintenant que tu me parles de celle que tu me destines. Donc elle a 18 ans, et puis ?

- Oh, sur elle je ne sais pas grand-chose. Son prénom est Béatrice, et elle est jolie.

- Comme sa sœur ?

- Bof !!! Cela n’a rien à voir. J’ai dit que Béatrice était jolie, mais j’ai voulu dire : jolie pour toi.

- Tu veux dire que je me contente de peu ?

- Non. Et tu le sais bien. Mais nous n’avons pas les mêmes goûts. D’ailleurs, peut-être que Roxane ne te plairait pas… Quoique, je ne pense pas que l’on puisse être indifférent devant Roxane !

- Tu commences à me faire peur. Je ne t’ai jamais vu aussi emballé !


Après avoir regardé sa montre, Luc dit à Pierre


- Il est 16 heures 10. À 17 heures nous avons rendez-vous avec les deux sœurs à l’entrée du parc, côté parking.

- Bigre. Tu vas vite ! Bon Je détournerai l’attention de Béatrice pour que Roxane et toi puissiez continuer à faire connaissance. Mais à 18 ans, Béatrice est un bébé, j’espère qu’elle sera venue avec une poupée, pour faire joujou. Si j’avais su, j’aurais amené les contes de la comtesse de Ségur.

- Ne dis pas des idioties. D’après ce que j’ai pu voir, Béatrice est aussi une vraie jeune fille qui doit être intéressante.

- Nous verrons bien !


Pendant la demi-heure qui suivit, Pierre essaya de changer de sujet de conversation. Luc semblait suivre et participer à la discussion, mais très rapidement, il profitait de la moindre occasion pour dire : Tiens à propos, Roxane me disait…


Lorsqu’ils furent à 5 minutes de l’heure du rendez-vous, les deux amis se levèrent pour se diriger vers la sortie, lieu du rendez-vous.

Ils virent à une trentaine de mètres les deux jeunes filles venir vers eux, lorsque d’une allée sur la gauche, surgit un homme qui courait comme un dératé. Il était suivi d’assez près par un policier en uniforme, et un second policier qui suivait, lui-même, à une vingtaine de mètres.


L’homme poursuivi voulut se retourner pour juger de son avance, et ce faisant, perdit l’équilibre. Dès qu’il tomba sur le sol, une énorme explosion retentit. Pierre sentit une douleur à l’avant bras gauche, pendant que Luc recevait de son coté un éclat dans la jambe droite.

Après s’être rapidement assuré que Pierre n’était que légèrement touché, Luc, en clopinant se précipita vers les deux jeunes femmes couchées par terre. Il sauta par-dessus le corps mutilé du fuyard et constata, en arrivant près des jeunes filles, que Béatrice était blessée à l’épaule droite, mais consciente, alors que Roxane, sans doute plus grièvement atteinte gémissait, les yeux fermés.


Luc fut rapidement rejoint par Pierre, qui, enlevant sa veste, la roula en boule pour la mettre sous la tête de Roxane.

Le premier policier semblait légèrement touché et le second téléphonait déjà pour demander des secours.

Roxane n’avait pas perdu complètement connaissance et semblait avoir été atteinte par deux éclats, l’un dans la cuisse droite, l’autre dans l’abdomen. Elle saignait assez peu ce qui pouvait indiquer qu’aucune artère n’avait été atteinte.

Les secours arrivèrent rapidement. Les quatre jeunes gens furent évacués sur l’hôpital, Roxane sur une civière, les trois autres pouvant marcher jusqu’à l’ambulance.

Les premiers soins furent immédiatement donnés à Roxane qui semblait beaucoup souffrir, et gémissait sans arrêt.


À l’hôpital, Luc et Pierre, après avoir été pansés, eurent l’autorisation de rentrer chez eux, quant aux deux sœurs, elles devaient rester en observation. Les deux amis purent seulement savoir que Béatrice, assez légèrement atteinte, ne resterait à l’hôpital qu’un ou deux jours. En revanche, pour Roxane, la seule précision qu’ils purent obtenir, c’est que sa vie n’était pas en jeu.


Les deux amis, en sortant de l’hôpital se rendirent au Commissariat de Police comme ils s’y étaient engagés, afin de faire leur déposition.

Ils apprirent que l’homme poursuivi était déjà connu des services de police, pour appartenir à un groupe d’islamistes. Ce jeune garçon, âgé de 17 ans, portait sur lui trois ceintures bourrées d’explosifs. Il avait été interpellé par deux agents de police pour vérification d’identité, il avait pris peur, s’était enfui et sa chute avait provoquée l’explosion. Ce jeune garçon semblait n’être qu’un « livreur » des ceintures d’explosifs. L’enquête était ouverte pour savoir où il se rendait.


Le lendemain matin Pierre et Luc se retrouvèrent pour aller à l’hôpital où leurs pansements devait être refaits. Ils eurent l’autorisation de rendre visite aux deux sœurs qui étaient dans la même chambre.

Elles ignoraient encore tout, des circonstances qui avaient amené leurs blessures, et Luc leur répéta ce qu’ils avaient appris au Commissariat.

Assez curieusement, Béatrice semblait surtout touchée par la mort du jeune terroriste, et Roxane la reprit avec une véhémence surprenante :


- Ne dis pas n’importe quoi ! Il aurait pu nous tuer !


Tout aussi curieusement, Béatrice rougit, et parut extrêmement gênée…


Lorsque Pierre et Luc sortirent de l’hôpital, ils marchèrent côte à côte, absolument silencieux. Ce fut Luc qui le premier demanda :


- N’as-tu pas trouvé que leur réaction a été curieuse quand elles ont su ce qui s’était passé ?

- Bien sûr que si. Non seulement elles ne condamnèrent pas le terroriste, mais Béatrice se mit à le plaindre et sa sœur l’a rappelée à l’ordre. Bizarre…

- Bizarre, oui, Mais elles viennent de subir un choc et peut être…

- Non, Luc. Je suis persuadé, (et toi aussi) que le choc n’y est pour rien.


Ils continuèrent à marcher en silence un bon moment puis Luc dit :


- Il faut que je te dise…L’autre jour, nous avons longuement parlé avec Roxane. Au cours de la conversation, je ne me souviens plus dans quelle circonstance, nous en sommes venus à parler du problème de l’Iran et de la bombe atomique…

- Oh, mais dis donc, lorsque tu fais la cour à une jeune fille, tu abordes des questions sérieuses. C’est une nouvelle technique de drague ?

- Ne te fous pas de moi, et écoute un peu. Roxane, sur un ton assez véhément me disait qu’elle ne comprenait pas que des nations nucléaires qui ne parlaient pas, eux, de détruire leur arsenal nucléaire, interdisaient à d’autres nations d’avoir les mêmes armes. Elle me disait que c’était absolument inadmissible. Alors, en rapprochant cette position avec leurs réactions tout à l’heure, j’avoue…

- Tu avoues que tu te poses des questions ? Et tu as bien raison. Entre parenthèses, elles sont vraiment très très jolies ces curieuses jeunes filles. Mais il me parait incontestable qu’elles sont assez… compréhensives, en ce qui concerne les islamistes. Et cette compréhension est assez… incompréhensible, car elles n’ont pas le look habituel des sympathisants de cette cause.

- Ça, c’est bien vrai. Elles ne portent pas de barbes !!

- Tu as raison. Mieux vaut prendre les choses en plaisantant.


Pourtant, Luc malgré sa réflexion, ne semblait pas trouver la chose très drôle, et Pierre, qui s’en rendit compte, changea le sujet de conversation.


Béatrice sortit de l’hôpital après 48 heures, alors que le séjour de Roxane dura un peu plus de trois semaines.

Chaque jour, Luc allait passer l’après-midi à l’hôpital, avec Béatrice, dans la chambre de Roxane.

Pierre de son côté passait deux fois par semaine au commissariat de Police. Le jeune commissaire et lui-même s’appréciaient mutuellement et devenaient amis. C’est ainsi que Pierre put suivre pas à pas les progrès de l’enquête.


Le porteur de bombe, qui avait été tué lors de l’explosion, faisait partie d’un groupuscule d’une dizaine d’hommes d’origines diverses. Ils étaient déjà connus de la police qui n’avait jamais pu réunir les preuves nécessaires à leur arrestation. C’est la première fois qu’il y avait quelque chose de tangible, et le jeune commissaire Jacques Bardin, espérait bien pouvoir enfin agir.


Près d’un mois après « l’accident », le commissaire, en recevant Pierre, avait l’air grave et embêté.


- Assieds-toi, mon vieux. J’ai de mauvaises nouvelles. Je sais que ton copain Luc et toi, vous êtes assez liés avec les jeunes filles qui se trouvaient avec vous lors de l’explosion. Or, il est à peu près établi aujourd’hui, qu’elles sont en rapport avec le groupuscule de terroristes.

- Mais tu es fou !! Si tu les connaissais ! Ce sont des jeunes filles très BCBG, pas du tout le genre de révolutionnaires en jupon. Là, tu fais erreur.

- Je comprends ta réaction, mais je ne fais pas d’erreur. Roxane et Béatrice, malgré leurs prénoms et leur type, sont des berbères, dont le père combat actuellement en Afghanistan, aux côtés des Talibans

- Quoi ? Pas possible !!

- C’est certain. Nous avons arrêté hier, le « chimiste » de la bande qui a commencé à parler. Il nous a révélé que deux jeunes filles les approvisionnaient en finances, et ces jeunes filles… ce sont vos amies.

- Maintenant que tu me dis cela, je me souviens qu’avec Luc, nous avions été un peu surpris. Béatrice regrettait énormément que le porteur de bombe soit mort, et sa sœur, était intervenue avec une certaine violence pour la faire taire !! On avait l’impression que Roxane voulait mettre en garde sa sœur qui risquait de trop parler.

- Je suis désolé, Pierre, mais il est certain que ces demoiselles sont mouillées. Je fais une enquête sur leurs comptes bancaires. Malheureusement je sais déjà que cette enquête va donner des résultats positifs… pour moi.


Une heure plus tard, Pierre mettait Luc au courant de sa discussion avec le commissaire, ce qui eu pour effet, un énorme éclat de rire.

- Roxane, une terroriste !!!Je n’ai jamais rien entendu de plus ridicule ! Nous nous voyons tous les jours ! Tu parles si je la connais bien. Au contraire, elle est contre les islamistes, et ces « fous de Dieu ». Crois-moi, ton copain le commissaire devrait songer à une reconversion.

- Souviens-toi, Luc, qu’au lendemain de l’explosion, Béatrice regrettait le décès du porteur de bombe et qu’aussitôt Roxane était intervenue pour la faire taire

- Mais tout cela est normal. La petite avait vu un jeune mourir devant elle, ça l’avait secouée. Et Roxane lui a fait remarquer très justement que ce jeune homme avait failli les tuer.

- Tu sais, Luc, ce commissaire est loin d’être un idiot irresponsable. S’il m’a fait ces confidences, c’est qu’il savait ce qu’il disait.

- Bon. Il est peut être intelligent ton commissaire, mais tout le monde peut se tromper, et il ne connaît pas Roxane comme moi, je la connais !

- Je crois mon vieux qu’il y a une solution toute simple, pour savoir ce qu’il en est.

- Ah ? Et laquelle ?

- Tu attaques bille en tête. Tu dis à Roxane nos soupçons à son sujet, et tu verras bien sa réaction.

- Je ne la soupçonne pas, moi !!! Je suis certain qu’elle n’a rien à voir avec cette histoire de terroristes.

- Bon. Alors, il y a une autre solution. C’est moi qui vais attaquer bille en tête Béatrice. Cette solution est d’ailleurs la meilleure. Béatrice est certainement plus influençable, moins sûre d’elle-même. Je saurai vite ce qu’il en est !!

- Toi, tu fais ce que tu veux. Mais si tu passes pour un crétin, pour avoir douté de ces jeunes filles, rappelle-toi que je t’avais mis en garde.

- Tu peux être tranquille. Si je fais une erreur, je n’irai pas pleurer dans ton giron. Je te dirai bien mieux : Je serais très heureux de m’être trompé !


Le soir même, Pierre téléphonait à Béatrice, et après avoir discuté de choses et d’autres durant plus d’un quart d’heure, il avait été entendu qu’ils se rencontreraient le lendemain à 14 heures, à l’entrée du parc, la plus proche du portail du Lycée, pour poursuivre leur conversation.


Lorsqu’ils se rencontrèrent, Pierre constata que Béatrice avait une bien petite mine.


- Vous semblez un peu fatiguée, Béatrice. Pas de problème particulier ?


Béatrice laissa s’écouler un bon moment avant de répondre :


- Ce n’est pas très grave, mais je viens d’avoir une discussion avec ma sœur.


Par discrétion, Pierre ne lui demanda pas le sujet de leur discussion, et ils bavardèrent de choses et d’autres jusqu’à ce que Béatrice demande :


- Savez-vous si l’enquête au sujet du jeune terroriste a avancé ?

- Ma foi, personnellement je ne suis pas tenu au courant. Je crois qu’il est à peu près établi que la victime faisait partie d’un mouvement intégriste dont le noyau se trouve à Porte les Valence.


À ce moment là, Béatrice éclata en sanglots, et très gêné, Pierre ne savait comment la calmer. Finalement, un peu au hasard, il lui demanda :


- Vous avez été très touchée par le décès de ce jeune homme. Peut-être le connaissiez-vous ?


Les sanglots de la jeune fille redoublèrent, et elle finit par faire « oui » de la tête.


- Je comprends mieux que vous ayez été si touchée par son décès. Vous le connaissiez vraiment bien ?


Béatrice craqua complètement :


- Je n’en peux plus ! Je me sens seule, seule…..et je me suis disputée avec ma sœur tout à l’heure. Je peux avoir confiance en vous ?

- Bien sûr, Béatrice, je suis votre ami. Si je peux faire quelque chose pour vous, dites-le !

- Ma sœur et moi, nous sommes Berbères. Cela ne se voit pas à notre physionomie, mais nous sommes Berbères, et nous avons été élevées dans la religion musulmane. Mon père est profondément religieux et militant ardent… Il se bat actuellement en Afghanistan...

- Tout cela, je le savais, dit Pierre. Mais vous n’êtes pas responsable des idées et des actes de votre père… À moins que vous ne partagiez ses opinions…

- Oh, moi, non. Je ne partage pas et je désapprouve même tous ces extrémistes qui sèment la mort un peu partout. Mais par la force des choses, nous avons été en contact avec un groupe de ces illuminés, et c’est là que j’ai fait la connaissance de Ali Idir, ce jeune qui s’est tué devant nous. Lui non plus n’était des leurs que par contrainte. Nous en discutions très souvent, mais vous savez, lorsque l’on est dans cette mouvance, il est pratiquement impossible d’en sortir. Moi, je vous l’ai dit, je n’aime pas ce mouvement. En revanche, ma sœur Roxane épouse entièrement la Cause que défend mon père.

Je viens de vous dire des choses très graves, Pierre. J’espère que je peux vraiment avoir confiance en vous pour que vous n’en parliez à personne.

- Vous savez que je suis très lié avec Luc. Nous n’avons pas de secret l’un pour l’autre. Pourtant, je vous le promets, même à Luc, je ne parlerai pas de ce que vous venez de me dire. Quoiqu’il sache déjà pas mal de choses.

- Comme je vous l’ai dit, j’ai eu une sérieuse dispute avec ma sœur. Il avait été décidé que nous irions toutes les deux en Afghanistan. Après la mort d’Ali, j’ai décidé de ne pas donner suite à ce projet, auquel je n’avais adhéré que parce que ma sœur le voulait. Voilà. Elle part la semaine prochaine, mais, moi, je resterai ici, et je ne veux plus rien à voir avec les islamistes. Je ne vous cache pas que nous sommes intervenues plusieurs fois. Les fonds transitaient par nous, mais pour moi, c’est fini, et c’est ce que j’ai dit à Roxane. C’est ma sœur, je l’aime, mais je ne peux plus la suivre. Oh, Pierre, je suis très malheureuse. Ce que je vous demande, c’est de ne pas intervenir. Ma sœur doit suivre son destin. Je vous le demande à nouveau : ne parlez à personne de tout cela.

- Je vous ai fait une promesse, Béatrice, et je m’y tiendrai .Mais je vous le demande : voyez vous-même Luc. Parlez-lui comme vous l’avez fait avec moi. Je suis certain qu’il n’en parlera à personne. Mais je crois qu’il est très attaché à Roxane, et si quelqu’un peut la faire changer d’avis, ce ne peut être que lui.


Béatrice promit de réfléchir à la question, et les jeunes gens se séparèrent, après avoir pris rendez-vous au même endroit, pour le surlendemain.


Il fut difficile pour Pierre, de ne pas parler à Luc de la conversation qu’il avait eue, et de lui cacher que la jeune fille, à laquelle il était attaché, allait partir jouer au petit soldat en Afghanistan


Lorsque Pierre et Béatrice se revirent, cette dernière dit qu’elle avait pris la décision de ne pas revoir Luc. Elle ne voulait pas que sa sœur parte en sachant qu’elle s’était confiée à un tiers. Elle préférait laisser les choses suivre leur cours. Ce fatalisme était difficile à comprendre pour Pierre, mais fidèle à sa promesse, il continua à ne rien dire à son ami.


Presque chaque jour, Luc et Roxane se voyaient. « en amis », mais il est évident que Luc était de plus en plus attaché. Aussi, lorsqu’il apprit par Roxane, qu’elle était partie en Afghanistan, ce fut un effondrement.


Pierre, qui savait la date du départ, vint trouver son ami juste après.

Lorsqu’il sut que Pierre était au courant et ne lui avait rien dit, Luc entra dans une rage folle, et le traita de tous les noms d’oiseaux qui lui venaient à l’esprit.

Ce jour-là, et pour la première fois de leurs vies, ils se quittèrent fâchés.


L’enquête du commissaire Jacques Bardin se poursuivait, et 15 jours après le départ de Roxane, 12 arrestations eurent lieu dont celle d’un Iman, qui était le chef du groupuscule. Des explosifs, des armes, et des bonbonnes de gaz avaient été découverts dans une vieille maison de Porte les Valence où se déroulaient leurs réunions. Roxane a été mise en cause, mais comme elle était en fuite, cela n’eut pour elle aucune conséquence pratique.


C’est par le compte personnel de Roxane que les fonds de l’organisation transitaient, aussi, on ne put rien reprocher à Béatrice, qui fut entendue plusieurs fois, mais mise hors de cause.


Trois semaines après le départ de Roxane, deux lettres arrivèrent d’Afghanistan. L’une à destination de Béatrice, l’autre à Luc.


La lettre adressée à Luc était assez courte. Roxane s’excusait de n’avoir pas prévenu Luc de son départ, mais il devait avoir actuellement suffisamment d’éléments en mains, pour comprendre qu’elle ne pouvait agir autrement. Elle lui disait la profonde amitié qu’elle ressentait pour lui, mais lui demandait de comprendre qu’elle n’avait pu se soustraire à ses ardentes obligations. Elle annonçait d’autres lettres, si Luc voulait bien lui pardonner.


La lettre adressée à Roxane était beaucoup plus longue. Elle expliquait avec quelle joie, elle avait revu son père durant près de 24 heures. Elle décrivait l’ambiance extraordinaire qui existait entre les combattants, et leur volonté farouche de « bouter les étrangers » hors du pays.


Une ou deux fois par mois, des lettres arrivaient. Assez curieusement on sentait peu à peu l’enthousiasme du début, s’émousser, faire place à une certaine lassitude, un découragement de plus en plus profond. Très vite, elle dit à sa sœur qu’elle avait bien fait de ne pas venir, et l’on sentait entre les lignes, tout ce qu’elle ne pouvait pas dire, sans doute à cause de la censure.


Un mois après le départ de Roxane, Pierre et Luc étaient toujours fâchés. Ils ne s’étaient plus revus. C’est Béatrice qui prit l’initiative de rapprocher les deux anciens amis. Elle alla voir Luc, et lui raconta comment, après s’être déchargée de tous ses secrets auprès de Pierre, elle avait exigé de ce dernier, le silence le plus absolu. La liberté de Roxane étant en jeu, Pierre, ne pouvait que se taire, et rester fidèle à sa parole.


Luc était terriblement malheureux. L’absence de Roxane, les risques qu’elle courait d’une part, et sa solide amitié avec Pierre étant cassée, d’autre part il restait des jours entiers sans mettre le nez dehors. Il lisait, faisait des mots croisés et ruminait à longueur de journée.

La visite de Béatrice lui fit beaucoup de bien, et il accepta assez facilement un déjeuner à trois, dans un petit restaurant au bord du Rhône.


Après ce triste épisode, l’amitié put renaître très rapidement entre Pierre et Luc, ce qui allégea considérablement les tourments de Luc.


Roxane était partie depuis prés de huit mois lorsque la terrible nouvelle parvint à Béatrice.

Sa sœur Roxane et son père avaient été tués le même jour, au cours d’un accrochage entre les Talibans et les forces gouvernementales.

Instinctivement, les trois amis resserrèrent encore leurs liens d’amitié. Les parents de Luc étant absents, c’est chez ce dernier que Béatrice et Pierre vinrent habiter. Ils faisaient des efforts pour trouver des sujets de conversation de la vie courante, mais toujours, toujours, la mort de Roxane revenait dans leurs propos, et leur seule consolation était de savoir que chacun comprenait la peine des autres.


Les évènements que je viens de relater avaient débuté en Juin 2004. En ce mois de Juin 2007 les choses ont un peu évolué. Pierre et Béatrice qui n’ont jamais cessé de se voir et de s’apprécier, se sont mariés au début de ce mois.

Quant à Luc, devenu taciturne et morose depuis la tragédie en Afghanistan, il vient d’intégrer l’école des officiers de gendarmerie, à Melun, et compte bien faire une spécialisation de la lutte contre le terrorisme….et la Fatalité.



 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Lariviere   
15/7/2007
Bon, je vois qu'il n'y a eu aucun commentaire sur cette nouvelle et je m'y colle.
C’est important je pense pour l’auteur.
La nouvelle est bien écrite d'un point de vue grammatical et la rhétorique même dépourvu d'excentricité, permet de lire de façon fluide le récit.
Sur le fond, le récit est pour moi trop superficiel.
La première partie se lit bien et on comprend assez bien les liens d'amitié entre les deux personnages masculins. Ca se complique quand intervient le rebondissement avec le terrorisme.
En aparté, je trouve bien d'aborder ce type de sujet dans notre société. Il ne faut pas que le sujet devienne tabou par fausse bonne conscience (ex : ne pas accabler les musulmans...), c'est même un sujet très intéressant.
Lié le terrorisme à l'amour est encore plus intéressant. Le sujet est tellement audacieux, que la barre est très haute.
Et c'est là que je trouve que le déroulement est trop simpliste, pas assez en profondeur. Quelques pistes de réflexions pour affiner des passages qui me semblent un peu trop une simple condensation d'idées reçus :
Comment devient t'on vraiment un terroriste ?
Question essentielle à creuser à mon avis. Si embrigadement il y a, est t'il aussi simpliste que celui qui est décrit ?
Même si c'est le cas, où est la densité psychologique des terroristes, je pense qu'il faut que tu nous montre leur révolte de la société occidentale, ou leur déchirements presque schizophrénique entre valeur occidentale de liberté, d'amour choisi et leur tradition familiale, culturelle. Ce déchirement doit être a mon avis très présent pour Béatrice. Je pense qu'il serait intéressant, mais à la fois complexe dans une nouvelle, de mettre en dualité, en enchevêtrement, terroriste (comme "valeur") et liberté (des filles).
C'est ce que tu fais et c’est bien. C’est à mon avis une très bonne approche parce que je pense que c’est l’angle le plus percutant comme matière artistique. Mais la balance penche toujours maladroitement du même coté. Exemple, si dans l’absolu je comprends la liberté et l'amour, parce que pour faire bref, c'est essentiel et c'est merveilleux, c’est bien. Mais au risque de choquer, il faut aussi que je comprenne le terrorisme, parce que c'est un fait, même horrible, qui à ses cheminements plus profond et plus « humain » que ce qui est montré ici. Roxanne paradoxalement à un coté plus authentique, plus humain au sens littéral (ce n’est qu’un point de vue) par son coté radical, tranché. Et je pense que ceci est aussi dû au fait qu'elle s'exprime peu.
C'est là où je voulais en venir maintenant.
Même si le tout pourra paraitre contradictoire : les personnages parlent à la fois pas assez (comme je viens de te le dire) sur leurs motivations profondes mais par contre, parlent trop de façon superficielle. Quand Béatrice exprime son dégout de la cause terroriste et qu'en réalité elle agit sous la contrainte, j'ai cru à un moment qu'elle faisait cela pour attendrir le type de façon à le manipuler par amour et qu'il puisse sauver la mise aux deux sœurs. Je pense d'ailleurs que ceci aurait mis un peu de piquant a l'intrigue, de la psychologie au personnage et enlevé un peu de manichéisme a l'histoire, mais ça, c'est un point de vue perso; ce ne sont pas mes personnages et ça me gêne même de te dire ça, parce que j’ai l’impression de mettre le pied (mais juste un) dans un sanctuaire sacré que toi seule pourra franchir… Juste pour t'expliquer que comme à mon goût, tout reste un peu succinct dans les motivations et les enchainements, on reste un peu frustré du déroulement banal de l'intrigue. Idem pour Luc et Pierre où tu mets entre eux des dialogues crédibles, qui sonnent justes au sens « mélodie », mais qui souvent parle trop, ce qui nuit au suspens (passage où ils se mettent à douter des deux filles après les avoir vu a l’hôpital, leurs questionnements dialogués est trop long et trop concentrés sur le sujet. Ils donnent trop d’indications qui tuent le mystère nécessaire à la vie du récit. Comme conseil, j’enlèverais deux, trois phrases trop explicatives sur les doutes des deux mecs, et je les ferais parler un peu de la pluie et du beau temps. Hop on embrouille un peu le lecteur, juste ce qu’il faut… On l’appâte mais on lui laisse quand même un peu de ligne…)
Dernière question qui me semble d’un point de vue crédibilité psychologique à étoffer :
Comment peut-on tomber amoureux de filles qui sont des terroristes ? A mon avis, on peut, mais c’est sacrement compliqué à expliquer… donc c’est effectivement intéressant à faire…
Allez petit chipotage pour la route : Les deux filles sont berbères…
Est-ce que le peuple berbère n’est pas le symbole même de la résistance à l’arabisation et l’islamisation de l’Afrique du nord ? Devenir des fanatiques sanguinaires dans ce cas, me parait difficile…
En gros, ne sois pas trop fâchée par ce que je dis, c’est juste ma vision des choses et elle ne vaut pas grand-chose. Elle est insignifiante par rapport à ta légitimité à écrire.
D’ailleurs je vais résumer cette légitimité en revenant à ce que je dis au début : sur la forme c’est bon et c’est l’essentiel pour la suite. Tu sais écrire. Tu le fais bien. Tu y prends plaisir, tu t’appliques et ça se voit. Ensuite le sujet est très, très, très difficile à traiter parce qu’il implique une densité que l’on sent déjà étouffante, et d’ailleurs si je fais mon malin, à te parler psychologie des personnages et enchevêtrement, coté concret je ne sais pas si j’aurais réussi à aborder la thématique… Le format court et minimaliste de la nouvelle en général, ne facilite pas la tâche.
Si tu veux envoie-moi un message en pm pour me dire si mon commentaire t’as aidée ou pas.
Au plaisir de te lire.

   Anonyme   
28/6/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
j'ai bien aimé le style, explicatif mais pas trop, surtout dans le début (amitié entre les jeunes hommes)...

J'ai apprécié aussi le revirement (trop brusque à mon avis), et je pense qu'il pourrait être approfondi un peu (explications sur le jeune homme, plus de détails, plus de tension)

Ensuite, je suis un peu en reste sur l"enquête, l'amitié qui lie le policier et Pierre, enfin je pense que tu as survollé tout ça pour des raisons de longueur de texte, ça pourrait être un poil plus long, ça ne nuirait pas au récit!

Celà dit, j'ai bien aimé.

Curieuse de voir le reste de tes écrits.

A bientôt.

   monlokiana   
15/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Quelle histoire alors ! J’ai bien aimé. J’aime quand l’écriture est fluide, maitrisée, le rythme soutenu, la plume légère, le vocabulaire simple.
Le début nous présente ses deux amis de tous les jours (des amis d’enfance). Très belle présentation, très beau personnage. Sincèrement, je ne m’attendais pas à une histoire de terrorisme mais plutôt à une histoire de dispute entre deux amis qui aiment la même fille. Le passage où Luc parle de Roxane à Pierre m’a fait penser à cela. Donc l’histoire des terroristes est la grande surprise du texte.
Bien aimé les personnages de Roxane et de Béatrice.
J’ai juste quelques remarques :

Les répétitions : il y a pas mal de répétitions dans ce texte comme par exemple quand Pierre va voir le commissaire et que celui–ci lui explique que les deux sœurs sont des terroristes Ensuite, il retourne voir son ami et raconte répète exactement ce que lui a dit le commissaire, notamment quand Roxane a fait taire sa sœur en lui disant que le jeune homme de la bombe aurait pu les tué. Je pense que dans ce passage, il y a une répétition mal même que ce dialogue est inutile.

Les situations rapides : « Instinctivement les trois amis resserrèrent leurs liens d’amitié. » Les trois amis ? Quels trois amis ? Béatrice, Luc et Pierre ? Je ne pense pas qu’ils se sont connus assez longtemps pour tisser un véritable lien d’amitié à un point de la resserrer. J’aurais préféré « les deux amis » à savoir Luc et Pierre. Ils se sont connus plus longtemps qu’ils n’ont connu Béatrice.

Béatrice acquittée ? Si elle était mineure d’accord. Mais c’est pas très crédible son procès.

« Les quatre jeunes gens furent évacués sur l’hôpital. » « À l’hôpital » je crois, on dit.

« En fait, de vie sentimentale, il s’agissait en fait de petites passades. » « En fait » maladroitement répétés.

La fin, je la trouve un peu « conte de fée ». Leur devenir n’apporte rien au déroulement des autres faits. Donc pour moi, cette fin féérique n’apporte rien à la nouvelle.

A part ça, c’était une histoire fluide, sympa. Il y avait du suspens et tout. J’ai bien aimé mais j’aimerai plus si l’auteur revoyait un peu plus son texte.

Contente de vous avoir lu.

Monlo


Oniris Copyright © 2007-2023