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aristee : L'enterrement
 Publié le 07/06/07  -  10 commentaires  -  3972 caractères  -  140 lectures    Autres textes du même auteur

J'ai 14 ans. On enterre ma Maman, et moi, je pense à un tas de choses... Suis-je un monstre ?


L'enterrement


Je marche juste derrière la voiture qui emmène le cercueil de Maman. Nous venons d’entrer dans le cimetière. Ma tante Lise me donne la main. Tout de même, me donner la main ! Je ne suis plus un petit garçon ! J’ai 14 ans. J’ai un peu honte que tante Lise me donne la main. Oui ; j’ai honte ! Mais quand même, ce n’est pas le jour d’avoir honte… J’ai honte d’avoir eu honte. On est en train d’enterrer Maman.


Et voilà ! Je n’ai plus de parents. Mon père est mort quand je n’avais pas 4 ans. Il était représentant. Il faisait beaucoup de route. On dit qu’il a dû s’endormir au volant.


Je ne me souviens plus de mon Papa. Mais on m’a tellement dit qu’il était mort dans un accident de voiture, que j’ai toujours fait un lien entre voiture et accident. J’ai toujours peur de monter en voiture. Alors maintenant que Maman est morte aussi dans un accident automobile, qu’est-ce que ça va être !


Dans 4 ans j’aurai le droit de passer mon permis de conduire. Mais je ne sais pas si je le passerai. J’ai peur en voiture. Alors je ne vais pas en acheter une. Ou peut-être qui sait ? Si c’est moi qui conduis, je n’aurai peut-être plus peur ? Hein ? C'est possible ? Ce qui est sûr, c’est que si j’en achète une, ce sera une grosse voiture allemande. Elles sont plus solides. Et surtout plus sûres. J’aime bien les voitures qui sont bleu foncé. La mienne sera bleu foncé…


Mais enfin, je ne suis pas normal !!! Je suis à l’enterrement de Maman et je pense à l’automobile que j’aurai plus tard. Dans longtemps. Pourtant j’aimais ma Maman. Je l’aimais même beaucoup. Je l’aimais plus que mes copains aiment la leur… Je crois bien que je suis un monstre. Oui, je suis un monstre.


Bien sûr, j’ai pleuré quand on m’a dit que Maman avait eu un accident de voiture. J’ai pleuré, mais il me semble que je n’ai pas pleuré assez. Je suis un monstre. C’est affreux d’être un monstre. Et pour moi c’est encore plus affreux. Un monstre, s’il ne se rend pas compte qu’il est un monstre, c’est pas terrible. Au fond, il s’en fout d’être un monstre. Mais moi, je le sais. Et de plus, je découvre que je suis un monstre le jour de l’enterrement de ma Maman. Personne n’a connu une plus grande honte que moi. Je suis le cercueil de Maman...


Tiens ? On est arrêté. Il y a le curé qui dit des tas de choses. Il est ridicule ce curé avec ses vêtements spéciaux. Il se croit au théâtre ? On n’est pas au théâtre. On enterre ma Maman. Il devrait s’habiller comme tout le monde. Ce serait plus naturel. D’ailleurs, le plus naturel ce serait que tous les gens soient tout nus. J’ai failli éclater de rire en me représentant tout le monde à poil. Je me suis retenu, mais je me demande si je n’ai pas un peu souri. Et si quelqu’un m’a vu à ce moment-là, il doit penser que je suis un monstre. Et il aurait raison.


Je suis un monstre. Je n’ai plus de Papa depuis longtemps et maintenant, je n’ai plus de Maman. Et je souris. Peut-être que je ne suis pas un monstre. Peut-être que je suis seulement fou. Mais ça, je ne l’avouerai jamais. Je ne veux pas être interné avec des fous. Je ne suis quand même pas assez fou.


Tata Lise me tient toujours par la main. Elle pleure. Ce n’est pas un monstre, elle. Elle est normale, elle. Il faudrait bien que je pleure aussi… Ça y est je pleure. Mais c’est affreux. Je ne pleure pas parce que je n’ai plus de Maman. Je pleure parce que je suis un monstre.


Tata Lise me traîne vers l’entrée du cimetière. Pourquoi on s’arrête ? On se met en rang avec toute la famille et tous les gens viennent nous serrer la main. Toutes les femmes m’embrassent et me disent à peu près toutes : "Pauvre enfant ! Courage !"


Oui. Il va m’en falloir du courage. Je vais devoir vivre avec moi, avec un monstre. Ils sont bêtes les gens ! Ils sont gentils avec moi. Ils ne se rendent pas compte que je suis un monstre. Le jour de l’enterrement de Maman, je pense à un tas de trucs. Bon sang, que j’ai honte ! Pourtant, je jure que c’est vrai. Je l’aimais ma Maman.


 
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   Ama   
7/6/2007
Ne pas pleurer ou ne pas se morfondre à l'enterrement d'un proche, voilà ce que j'aime dans ce texte. Ne pas être complètement abattu et s'en vouloir, s'en vouloir énormément pour un sentiment complètement humain, continuer à vivre, continuer à sourire. L'affection pour le proche n'est pas méprisée parce qu'on ne pleure pas, d'ailleurs ça fait déjà quelques jours, qu'il est mort, le proche... enfin bref, j'aime bien le fait de se penser fou, de se penser monstre, parce qu'on ne suit pas très bien la morale de la société, qu'on a l'impression de transgresser des tabous.

Mais je me demande si dans la nouvelle, l'auteur voulait qu'il soit vraiment fou et pas seulement qu'il en ait le sentiment?

   Cyberalx   
9/6/2007
Un texte émouvant et tellement vrai (les pensées "indésirables"qui nous traversent l'esprit pendant un enterrement et qui ont une fâcheuse tendance à persister lorsqu'on veut les chasser), encore une facette de votre écriture que je découvre avec plaisir.

   Pat   
10/6/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je connais bien la plupart de vos textes (j'en ai corrigé quelques uns) et ce qui me frappe c'est leurs différences. Les avez-vous tous écrit à la même période ? Celui-ci me semble (comme un autre qui va bientôt paraître) plus intéressant, car plus juste sur les sentiments d'une personne. Le questionnement, l'ambivalence, voilà qui est moins idéalisé que d'habitude et ô combien plus agréable à lire. J'aime bien le rythme rapide, les répétitions, l'alternance des ressentis dans ses monologues, le style enfantin qui va bien au personnage.

   Anonyme   
4/7/2007
Dans ce texte on se sent trés bien à la plaçe du personnage, on le comprend même je trouve. On se pose même la question :
" Ce récit est-il autopbiographique?"

   Maëlle   
6/7/2007
14 ans? Je dirait sept.

   strega   
15/12/2007
Qui n'a jamais ressenti cela un jour? Qui aurait été capable de le décrire aussi justement? Certainement pas moi. Merci, pour toutes les fois où j'ai ressenti ça sans jamais oser le dire...

   Anonyme   
15/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
terrible et magnifique à la fois.

   jaimme   
27/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ce qui choque c'est "mon" Papa, "ma" Maman. Un garçon de 14 ans ne parle pas ainsi. Sauf... que tous les enfants ne parlent pas de la même manière, et qu'il aurait suffit d'une phrase "on dit que je suis très bébé" pour expliquer bien des choses.
Sinon le thème est excellent. On attend quoi d'un gamin à un enterrement? Des phrases philosophiques? Non, mais plutôt "Qui va me faire ces frites que..." au milieu de larmes.
Oui il est un monstre... car il est différent: il est orphelin.
"il me semble que je n'ai pas pleuré assez": oui.
L'idée est bouleversante. Le traitement est beaucoup trop court. Ne fait qu'effleurer ce qu'on aurait pu en attendre. Dommage.

   monlokiana   
17/8/2011
 a aimé ce texte 
Pas ↓
Texte émouvant, fluide, qui se laisse lire facilement et rapidement. J’ai bien apprécié.
Sauf que moi, je rejoins un peu la critique de Jaimme : je ne suis pas convaincue par le ton de cette nouvelle ; ça ne fait pas trop « garçon de 14ans ». Il y a trop de « je suis un monstre ». Je sais, c’est ce que pense le narrateur mais moi je ne suis pas très friand des répétitions inutiles.
Ce texte a mon avis, a un problème de ton. J’aurai préféré que ce ne soit pas un enfant qui raconte. (Une personne mûre, mature par exemple.) Ca aurait été une nouvelle plus touchante.
Aussi, je trouve que certains points auraient pu apparaître dans la nouvelle, par exemple, montrer à quel point le garçon été attaché à sa mère à évoquant un souvenir, leur rattachements, les émotions, les sentiments…) Je trouve que ça manque un peu de prises de risques, et que c’est trop simple.
Bonne continuation à l’auteur

   cherbiacuespe   
12/4/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
Un texte qui n'appelle pas beaucoup de commentaires en vérité. Tout est concis, clair, imperturbable. Une confession au centre d'un enterrement, pas banal ! Ce qui me gêne, c'est l'âge du gamin, 14 ans. A lire ses mots, rien ne correspond à cet âge et ça gâche tout, forcément. Ces paroles sont celles qu'un gosse de 5, 6 ans pourrait tenir, pas 14. De plus, à mon avis, l'histoire pourrait être un peu plus développée. Je ne sais pas quoi, mais quelque chose manque. Peut-être un regard extérieur qui devinerait, par exemple. Alors ? Eh bien du coup, la cible est manquée et le texte, s'il n'est pas manqué, est incohérent. Dommage.


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