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Réflexions/Dissertations
aristee : Mono-Dialogue
 Publié le 16/06/07  -  3 commentaires  -  12485 caractères  -  52 lectures    Autres textes du même auteur

J'aime bien discuter avec moi. Et puis, je suis plutôt de bon conseil. Enfin... moi, je trouve...


Mono-Dialogue


Voilà. J’arrive sur l’autoroute. On est vendredi, je viens de sortir du bureau et je pars en week-end rejoindre ma femme et mes deux gosses sur la côte. J’ai 120 km à avaler. J’adore conduire, quand je ne suis pas dans un embouteillage. C’est en conduisant que je réfléchis le mieux.


Bon. Alors, faisons le point. Cela fait 12 ans… non... Un peu plus de 13 ans que je suis marié. Que puis-je reprocher à ma femme ? Reprocher vraiment ? Non. Rien. Je ne peux rien lui reprocher de particulier. Elle est gentille, c’est une bonne mère, elle tient bien la maison. Alors pourquoi me poser cette question ? Hein, mon coco ? Pourquoi veux-tu savoir ce que tu peux reprocher à ta femme ? Il doit bien y avoir quelque chose. Allons mon vieux, tâche d’être sincère avec toi-même. Qu’as-tu ?


Il y a que j’en ai marre. Tout est bien, tout est lisse, pourquoi en as-tu marre ? Tu es maso ? Tu voudrais des emmerdes ? Non bien sûr, je ne veux pas d’emmerdes. Mais alors ? C’est quand même curieux de ne pas arriver à se comprendre soi-même. J’adore mes deux gosses. Je ne peux rien reprocher à ma femme. Tiens ? J’ai dit : j’adore mes gosses, mais pour ma femme, j’ai seulement dit que je ne pouvais rien lui reprocher. Ce n’est pas très positif, ça : je ne peux rien lui reprocher !!! Mais est-ce que je l’aime ?


Je l’aime bien. C’est ça. Je l’aime bien. Je crois que c’est là ton problème Coco. Tu l’aimes bien, mais tu voudrais vivre quelque chose de plus piquant, de plus enivrant. Tu es un grand sentimental, vieux nigaud !!! C’est un Grand Amour que tu veux vivre ? Mais pauvre crétin, un Grand Amour, au bout d’un peu de temps, cela revient au niveau où tu te trouves aujourd’hui. On vit un Grand Amour aussi longtemps que l’on ne se connaît pas vraiment. Alors, toute la partie inconnue, mystérieuse, notre imagination la construit selon notre désir. Et puis, quand on se connaît bien, ça retombe dans la routine. C’est Ninon de Lenclos (et elle s’y connaissait) qui a dit : « Il faut choisir de connaître les hommes ou des les aimer. » Pour les femmes, bien sûr, c’est la même chose. Laisse tomber mon vieux !


Là, c’est la Raison qui vient de parler. Mais la Raison, je m’en fous. Je veux connaître autre chose, même si ça ne doit pas durer… D’ailleurs je ne veux pas savoir si ça va durer ou non. Je m’en contrefous ! Quand même, ce n’est pas sérieux. Tu as tout pour être heureux, et ta femme ne mérite pas que tu la trompes. D’ailleurs, avec qui ? Hein ? Espèce de crétin !! Ce Grand Amour, il faudrait bien quelqu’un pour le vivre. Et tu ne connais personne.


Zut !! Je suis déjà là ? Je suis bien dans ma bagnole. Je lève le pied pour que ça dure plus longtemps. Il faut qu’avant d’arriver j’y vois plus clair.


Y voir plus clair ? Pauvre idiot ! Y voir plus clair !!!! Mais il n’y a rien à voir ! Rien. Tu as un coup de déprime, et c’est tout. En arrivant là-bas, ça ira mieux. Elle n’est pas mal cette petite maison que tu as louée. À moins de 500 mètres de la petite plage. Non, vraiment sincèrement, de quoi te plains-tu ? Tu as un bon boulot. Tu n’es pas menacé de chômage. Ta femme est très bien. Si, si, tu l’as reconnu tout à l’heure. Tu n’as absolument rien à lui reprocher. Tu as deux gosses que tu aimes et qui t’aiment. Et tout le monde est en bonne santé. Que demande le peuple ? Tiens je vais me mettre un peu de musique. Une cassette de Louis Armstrong. Bien sûr, ça fait un peu ringard. Mais je m’en fous, j’aime.


Ah, voilà. J’arrive à Sausset les Pins. Qu’est-ce que je fais ? Je vais à la maison ? Non. Ils doivent être sur la plage. J’y vais. Bon sang, pour trouver une place, ici, ça vaut Paris. Ah… une bonne femme qui a le bon goût de partir. Chouette mon créneau, hein ? Allons-y. J’avais raison. Ils sont sur la plage. Les gosses viennent de me voir. Ils se précipitent vers moi en courant et en criant pour se jeter dans mes bras. Caroline aussi m’a vu. Elle me fait un gentil geste de la main. Un gentil geste, mais elle ne se lève pas pour se précipiter sur moi. Je crois qu’elle m’aime bien elle aussi. C’est ça. Elle m’aime bien. Je l’embrasse sur le front et m’assieds sur une serviette.


- Si tu veux te baigner, Luc, je t’ai apporté ton maillot.

- Merci. Tu penses toujours à tout. Tu es gentille. Mais non. Je ne vais pas me baigner. Je vais rester un peu au soleil.


Mes deux gosses, Alain et Denis s’amusent avec un joli ballon rouge qui arrive jusqu’à moi.


- Dis donc Alain, il est joli ton ballon. Vous l’avez acheté ici ?

- Non, Papa. C’est Jacques qui nous l’a donné à Denis et à moi.

- Ah ? Qui c’est Jacques ?

- C’est un copain de Maman

- Un copain de maman ? Qui est ce Jacques, Caroline ?

- Ah, j’allais t’en parler. Figure-toi, que le lendemain de notre arrivée, en arrivant sur la plage, je suis tombée nez à nez avec Jacques. C’était un copain. Nous avons passé le Bac ensemble à Valence. Marrant hein de se rencontrer comme ça ?

- Bien sûr. Le monde est petit a-t-on coutume de dire. Il n’y a donc rien d’extraordinaire. Il est toujours ici, ce Jacques ?

- Il n’est pas là aujourd’hui, mais il est en vacances ici pour encore quinze jours. Ses parents habitent Marseille et il est allé les voir pour toute la journée.


Hé bien mon Coco. C’est curieux, elle ne t’a jamais parlé de ce Jacques. Pourtant, ils se sont rencontrés le lendemain de leur arrivée, et nous nous sommes téléphoné tous les jours, Caroline et moi. Pourquoi ne m’en a-t-elle jamais parlé, hein ? Holà !! Tu ne vas pas te montrer jaloux mon vieux. Tu sais très bien que Caroline ne te trompera jamais. Bon. Je vais aller jouer un peu au ballon avec les gosses. Ouille !! Je suis un peu rouillé. Il faudrait bien que je refasse un peu de sport. Pourquoi dis-tu « que je refasse ? » Tu sais bien que tu n’as jamais été sportif. Tiens, je vais demander au gosse.


- Dis donc, Denis, vous le voyez souvent ce Monsieur Jacques ?

- Oh, oui. Tous les jours.

- Vous vous voyez sur la plage ?

- Sur la plage, oui, et souvent, on mange ensemble.

- Ah ? Vous mangez ensemble ? À midi ?

- À midi et souvent le soir. Il est très gentil Monsieur Jacques. Et qu'est-ce qu’il nage bien !!!


Merde !! Qu’est ce que je fais moi ? Une enquête ? Ce n’est pas digne de toi, mon Coco. Laisse tomber. C’est un ancien camarade de lycée et puis c’est tout. Il n’y a pas de quoi en faire un fromage.


- Il doit être là demain, ce Monsieur Jacques ?

- Je crois, oui. Il sait tout faire. Il danse très bien.

- Tu l’as vu danser ?

- Non. C’est Maman qui m’a dit qu’il dansait bien.


Dis donc Coco ! Tu ne crois pas que ça commence à faire beaucoup. Ils se voient tous les jours, ils déjeunent et dînent ensemble, ils vont danser… Remarque, ils ne se cachent pas. Et s’ils ne se cachent pas, c’est qu’ils n’ont rien à cacher. Mais tu es ridicule de penser à tout ça. Ça n’a pas d’importance. Aucune importance. Un copain de lycée et c’est tout.


Samedi matin. J’ai drôlement bien dormi. Vraiment très agréable cette petite maison. Caroline est déjà levée et j’entends les enfants qui piaillent dans le jardinet. Je suis bien. Très bien. Tout à l’heure, je vais faire la connaissance du fameux Jacques. Au fond, c’est amusant. Je vais exercer mes talents de psychologue pour savoir s’ils sont amant et maîtresse.


Il est 10 heures. Il n’y a pas grand monde sur la petite plage. Les gosses sont déjà dans l’eau. Caroline se badigeonne de crème solaire. Moi, je n’aime pas ça. Je préfère me mettre sous le parasol. Tiens ? Voilà un grand dégingandé qui vient vers nous. C’est ça Jacques ? Il n’est pas jojo. Oh, tu sais mon vieux, cela ne veut rien dire. Les femmes sont bizarres. Elles voient du charme où nous ne voyons que du banal. C’est bien lui. Il embrasse Caroline sur les joues. Elle me le présente. Je décide de ne pas me lever. Après tout, je suis peut-être le cocu. Je ne vais pas lui faire des salamalecs. Il faut avouer qu’il est assez bien bâti. Mais il a une drôle de voix, et ses gestes…il est un peu efféminé, non ? Mon Coco, tu n’es peut-être pas très objectif. Je reconnais qu’il a l’air intelligent et cultivé. Il parle littérature, avec Caroline. Je ne participe pas à la conversation. Non ! Je ne boude pas, mais je l’observe. C’est ça. Je l’observe. Et je ne lui vois rien de particulier, sauf cet air efféminé. Il dit qu’il doit aller faire le plein de sa voiture. Il s’en va et monte dans une Mercédès. Mazette, elle n’est pas mal sa bagnole. Pas le dernier modèle, mais pas mal. Après un moment de silence, Caroline me questionne :


- Comment le trouves-tu, Jacques ?

- Ma foi, difficile de juger en si peu de temps. Il semble sympathique. Mais… Il n’est pas un peu efféminé ?

- Tu es très observateur mon chéri. Jacques est homosexuel.

- Ah ? Je m’en doutais un peu.


Alors mon vieux, voilà. Tu es renseigné. Ils ne sont pas maîtresse et amant. Qu’est-ce que ça te fait Coco ?? Tu es déçu ou soulagé ? Déçu ? Faut pas pousser. Je ne peux pas être déçu de ne pas être cocu. Je ne suis pas maso. Mais, soulagé ? Au moins, es-tu soulagé ? Je n’en sais rien. Si tu n’en sais rien, c’est qu’au fond, tu t’en fous !! Faut être honnête, oui, tu t’en fous ! Ça, c’est une donnée nouvelle. D’être cocu ou non, je m’en fous. C’est grave, docteur ? C’est selon, c’est selon…


Je suis sur le retour. J’ai bien fait de ne pas partir hier soir. Le dimanche, il y a un monde fou. Là, la circulation est fluide comme disent les spécialistes. Et puis, il fait bon. Je n’ai pas mis la clim. Je conduis, la vitre baissée, le bras sur la portière. Je suis bien. C’est chouette. Tiens ? Je vais lever le pied pour faire durer. Après tout, je suis mon patron. Je ne suis pas à quelques minutes près. Et Roxane ouvrira le bureau à 9 heures. Ça, j’en suis sûr. J’ai confiance en elle. Je ne vais pas passer par la maison. Je vais aller directement au bureau.


Quand j’arrive au bureau, je vois Roxane de dos. Elle est penchée vers un classeur du bas. Elle a une belle croupe Roxane. Je ne m’en étais jamais aperçu. Une secrétaire, c’est un peu un meuble. C’est fonctionnel. Et comme secrétaire, elle fonctionne bien.


- Bonjour, Roxane, pouvez-vous venir dans mon bureau avec le dossier Valayer ?

- Tout de suite Monsieur.


Je la vois de face. Elle est vraiment jolie Roxane .Et bien foutue. Dire que je ne m’en étais jamais aperçu. Tu es un crétin mon Coco !


- Cela fait combien de temps que vous travaillez avec moi, Roxane ?

- Cela fait trois ans Monsieur !

- Trois ans ? Ah ? Je pensais moins. Vous ne trouvez pas que c’est curieux. Nous sommes ensemble 5 jours par semaine, depuis 3 ans, et nous ne savons rien l’un de l’autre

- Oh, moi Monsieur je vous connais un peu.

- Ah oui ? Que savez-vous ?

- Vous êtes marié. Votre femme s’appelle Caroline, et vous avez deux enfants : Alain et Denis

- Mais c’est formidable ça ! Et que savez-vous encore à mon sujet ?

-Je sais que vous n’aimez pas beaucoup le sport, et…


Elle s’arrête subitement et rougit délicieusement. Mais alors mon vieux, elle est amoureuse de toi ! Crétin !! Tu n’avais rien vu.


- Et quoi ?

- Rien Monsieur, c’est tout ce que je sais sur vous.

- Mais moi je ne vous connais pas. Il faut rétablir l’équilibre. Vous êtes mariée ?

- Lorsque je suis entrée chez vous, je venais de divorcer

- Ah oui, c’est vrai. Maintenant, je m’en souviens. Et… vous n’avez pas refait votre vie ?

- Non Monsieur.

- Jolie comme vous l’êtes, je pense que c’est un choix de votre part ? Vous préférez être seule et indépendante ?

- Non, Monsieur, je n’aime pas la solitude.

- Ah bon ! Vous n’aimez pas la solitude ? Moi non plus. Le jour, on travaille, ça va. La nuit, on dort, ça va aussi. Mais les soirées !!! Les soirées, seul, c’est insupportable. Tiens ? Et si nous dînions ensemble ce soir ?

- Dîner ensemble ce soir ?

- Oui. Cela vous pose un problème ?

- Oh non, monsieur, aucun problème.

- Bien. Vous me noterez votre adresse sur un morceau de papier et je viendrai vous prendre chez vous vers 19 heures 30. C’est d’accord ?

- Oui. C’est d’accord, Monsieur.


Et voilà. L’affaire est dans le sac mon Coco. Merci, merci Jacques. C’est toi qui m’as ouvert les yeux. C’est marrant, non ? C’est grâce à un homosexuel que je vais pouvoir tromper ma femme. J’aime bien les homosexuels. Moi, je n’ai pas de remords. Après tout, s’il n’y avait pas eu Jacques, je serais resté fidèle à Caroline. Elle va sur la plage, déjeune, dîne avec lui, va danser avec lui... C’est bien de la faute de Caroline. Moi, je n’y suis pour rien. Je me sens bien.


 
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   Cyberalx   
16/6/2007
Brrr ! Cette nouvelle fait froid dans le dos : C'est un peu un mode d'emploi sur "ce qu'il ne faut pas être", il est macho, simpliste et probablement un peu homophobe, le "héros".

Bravo pour votre empathie pour ce sinistre personnage, ça dénote un bon sens de l'observation de votre part.

   Maëlle   
11/8/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Autoportrait - fictif- d'un... disons lâche, saolpard serait dans ce cas, un peu trop fort. Et c'est bien fait. Le passage dans la voiture, notament, la ratiocination que provoque ce genre de trajet, je le trouve trés juste.

   Anonyme   
24/9/2007
Franchement j'ai adoré...et je ne suis pas d'accord avec le côté "sinistre" du personnage....il se parle à lui-même, donc il n'a pas besoin d'enrober les faits, de prendre des gants...il est franc du collier, il sait juste ou il en est, et ce constat, implacable, c'est vrai, froid, aussi, le fait "passer à l'acte"...combien sommes-nous au juste, à nous cacher perpétuellement la vérité ?, en amour et dans d'autres domaines sans doute....
La seule petite chose qui m'a génée c'est l'utilisation de "mon coco" à tout bout de champs, mais sinon c'est plutôt traité d'une manière drôle et légère pour un sujet peut-être un peu grave..quoi que


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