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Beckett : Les Indiens à roulettes
 Publié le 17/09/11  -  24 commentaires  -  10678 caractères  -  340 lectures    Autres textes du même auteur

Un repas du midi dans une réserve particulière...


Les Indiens à roulettes


À midi je rejoins le supermarché d’à côté. Je me plante devant le rayon des produits étiquetés « fast », « rapide », ou « sur le pouce ». Les produits calibrés pour le midi spécialement pour les salariés comme moi. Chauffez 2 min. au micro-onde, avalez-en 3. Plats cuisinés, boxes, sandwichs, salades. Une farandole de couleurs, de plastique, de boîtes en carton, contenant ce qui à l’origine devait être des aliments sains. Des portions de cosmonaute prêtes à être expédiées dans l’espace. Crevettes et riz à l’espagnole, pâtes carbonara, poulet cinq parfums et basmati, un choix attrayant de cancers de toutes sortes, estomac, colon, cerveau… Mangez vite et mourez lentement. Je fume alors je ne peux pas me plaindre non plus.


Je peine à choisir mon suicide à emporter et on s’agite autour de moi. D’autres veulent leur dose de sulfate et d’huile de palme, et moi je traîne à choisir mon plat rapide, une vraie honte. Je me décide finalement pour une ration de crudités sous vide avec fourchette en kit. Je passe à la caisse automatique qui me dit « Bienvenue » avec la voix off de La roue de la fortune. Bientôt, elle connaîtra mon prénom en détectant la puce de mon téléphone portable, et elle dira « Bienvenue Georges ». « Bienvenue Laura », « Bienvenue Paul », « Posez vos articles sur le tapis, Georges », « 3 euros, Georges », « À bientôt Georges ». La caissière idéale. Jamais malade, jamais enceinte, bénévole, toujours de bonne humeur. Et puis ils lui colleront une perruque et un badge avec un prénom dessus genre Patricia, Claudia, Natacha, et plus personne ne fera la différence avec une vraie. Sauf quand le logiciel déconnera et qu’elle se mettra à appeler tout le monde José.


Ce midi, il fait beau, je vais gober ma ration de l’espace dans le petit parc près des bungalows des handicapés moteurs. Ça ressemble à un village de vacances en bord de mer sauf que si vous habitez là c’est que vous allez crever. C’est une sorte de réserve pour les personnes atteintes d’une de ces maladies dégénératives qui vous digèrent les muscles des jambes, des bras et tout le reste en quelques années. Un mouroir luxueux pour myopathes en fin de vie et autres malades condamnés en fauteuil roulant. C’est là que vivent mes petits Indiens à roulettes. Le centre de leur résidence abrite un merveilleux petit parc à la japonaise. Les bancs sont confortables. Les cerisiers à fleurs sont majestueux et les allées bien entretenues pour que les fauteuils des résidents puissent rouler. Il y a même un petit pont rouge courbé au-dessus d’un étang artificiel, avec des feuilles de nénuphar dedans, des roseaux et tout. L’Asie plus vraie que nature. La municipalité a fait ça bien, ils ont dépensé sans compter pour le confort de mes petits Peaux-Rouges.


Bien sûr, les bancs dans le parc, les résidents des bungalows ne s’y assoient pas. La plupart peuvent à peine remuer. Alors, ça laisse le champ libre aux salariés des boîtes alentour. Si pour mes petits Indiens cet endroit c’est un entraînement au paradis, une dernière douceur avant le grand saut, pour moi et les initiés qui connaissons l’accès par le petit portillon discret dans la ruelle adjacente, c’est une zone de résistance et d’oubli entre deux photocopies, une pétition pacifique contre maître Kanter et ses brasseries bruyantes où s’entassent nos collègues chaque midi, une utopie hors du temps au milieu des cerisiers, des arbres de Judée, et des jacinthes sauvages. Une vraie pause.


Je m’installe donc sur mon banc favori au centre de la grande place bordée de pivoines et de cerisiers vers laquelle convergent toutes les allées goudronnées de la résidence. C’est le point de ralliement de mes petits Indiens à roulettes. Quand l’infirmière donne le signal, ils sortent de leur réserve et c’est ici qu’ils s’attroupent avant d’aller chercher leurs plateaux-repas dispensés par l’infect restaurant d’entreprise d’à côté. À 12 h 30, tous les jours au centre du parc. Ils ne vont pas tarder. Les baies vitrées de la plupart des bungalows sont grandes ouvertes, leurs longues voilettes flottent comme des drapeaux à l’extérieur. La femme de ménage termine d’astiquer et d’aérer tous les tipis avant l’heure des plateaux-repas. Je la vois qui roule son gros aspirateur industriel gris entre deux bungalows. J’ouvre la belle boîte en plastique de ma « Fast salad », puis la petite ration de sauce vinaigrette en sachet plantée dans mes feuilles de laitues livides. Je verse. J’assemble la fourchette en kit encastrée dans le couvercle. Je mélange, c’est prêt.


Ça y est ! L’infirmière résidente s’avance à l’entrée du parc. Elle regarde sa montre. Un coup de sifflet retentit. Le départ est donné. Les premières portes s’ouvrent sur les façades blanches des bungalows. Les concurrents apparaissent aux embrasures. Ils surgissent tout autour de moi aux commandes de leurs bolides électriques, les bras maigres comme des pattes d’insectes rivés au levier de leurs fauteuils et les lunettes sécu triple-foyer tournées vers l’horizon. Je reconnais quelques-uns d’entre eux. Muriel prend un bon départ. Elle déboule du bungalow 3 et propulse son chariot dans l’allée ouest vers le centre du parc. Muriel est atteinte du syndrome de Stark-Kaeser, une forme particulière d’amyotrophie spinale. Derrière moi, Mickaël de la grande tribu des myopathes, échappé du bungalow numéro 8, prend la deuxième position. Mickaël qui a cessé de marcher à l’âge de 9 ans, et qui sera mort dans 5, peine à piloter son fauteuil entre les massifs de jacinthes de l’allée Nord, désavantagé par une pente légère. Muriel Stark-Kaeser, madame Jambes-en-mousse, est toujours en tête, talonnée par Jean-Claude le myopathe qui roule plein pot derrière elle sur l’allée centrale, la tête inclinée sur l’épaule comme si un terrible vent de travers soufflait sur son fauteuil. J’aperçois Patrick et sa maladie de Charcot à ma gauche, Nathalie de la même tribu, pas loin derrière. Et Ignace qui prend la tangente sous les cerisiers à fleurs avachi sur son beau fauteuil chromé. Tous filent vers moi et mon banc.


Muriel arrive la première sans surprise. Son corps filiforme, recroquevillé sur lui-même semble vouloir retourner à l’état de fœtus. Elle me reconnaît et écrase maladroitement les paupières de son œil gauche pour me dire bonjour à la cool. Clin d’œil que je lui renvoie augmenté d’un sourire. Les autres arrivent à sa suite. Mickaël et ses épis dans les cheveux, Ignace sur son chariot d’argent, Patrick avec sa veste de survêt du Milan AC et son dossier de fauteuil en minerve qui maintient sa tête droite. Peu à peu, ils sont tous là, agglutinés autour de moi. Le ciel saupoudre sur leurs cheveux des flocons de pollen cotonneux et transparent dans les rayons du soleil. Patrick triture le petit pilon noir qui commande son engin avec son bras de momie et roule vers moi. Patrick avec son corps tout en os et sa tête maintenue au garde-à-vous qui lui donne un air si fier, un je ne sais quoi d’impérial. Patrick et son fauteuil décoré d’un gilet jaune fluo d’automobiliste et d’un autocollant « ni pauvre ni soumis » collé sur la batterie. Patrick, mon pote, mon Indien à roulettes qui comme la plupart des résidents ne pourra bientôt plus pousser le manche de son fauteuil pour participer à la course aux plateaux-repas : dégénérescence du système nerveux responsable de la motricité. Atrophie musculaire, altération de la parole et de la déglutition, paralysie totale, arrêt du système respiratoire, décès. La biographie de Patrick.


- Gnalut Gnorges gna va ?

- Hey ! Patrick ! Ça roule ?

- Ooui, gna oule mais pplus très wite

- Faut changer les piles du fauteuil, vieux !


Sa bouche se tord en rictus bizarre. Il se marre.


- Alors tu as fait comme je t’avais dit avec Muriel ?

- Ooui, gnais elle weu pas

- Non ? Elle est dure en affaire.


Patrick veut toucher les seins de Muriel avant que sa main ne fonctionne plus. Je lui ai dit l’autre fois de la faire rire, et de lui demander gentiment après.


- Gnan gnest pas ça, gnais gne peut ppas gnouger gnon bras et gnelle gnon pplus.


Je désigne du menton l’infirmière au sifflet qui a rejoint l’attroupement de chariot au centre du parc, à côté de nous. Et je dis :


- Essaye de peloter l’infirmière.


Nouvelle grimace. Patrick est hilare. Ça racle un peu dans le fond de ses poumons. L’infirmière un peu hommasse s’approche de nous et attrape les poignées du fauteuil. Elle me jette un regard vert et gentil.


- On va manger, Patrick ? Tu viens. Muriel t’attend.


Clin d'œil entendu de l'infirmière. Au prénom de Muriel, les yeux de Patrick scintillent comme si le solde de ses forces remontait du fond de ses mirettes bleues, on jurerait à cet instant qu’il va se lever et se mettre à courir. Il percute le manche du fauteuil de son mandibule quasi mort et l’engin tourne d’un quart de tour.


- Gnaut gne gny aille Gnorges, Gnuriel gnattend.

- Oui, fonce Patrick, et pense à ce que je t’ai dit.


Clin d’œil de Patrick. Bziiii. Il s'éloigne et rejoint Muriel qui lui sourit de traviole. L’infirmière me regarde en secouant la tête. Je dis :


- Comment va Patrick ?

- Il respire mal.

- Merde…

- Comme vous dites, bientôt on devra le mettre sous appareil.

- Lui qui voulait toucher les seins de Muriel...

- Ah, c’est vous qui lui avez fichu cette idée en tête ?

- Non, c’est son idée mais je l’ai conseillé pour qu’il parvienne à ses fins.


L’infirmière a un sourire maternel, mais fugace.


- Je crois qu’il vous aime bien.


Sans plus de politesse. Elle me tourne le dos et me présente ses larges fesses.


- Allez on y va ! Y a de la purée ce midi, j’espère que vous avez faim ! crie-t-elle.


Et un « Gnoui ! » général retentit au milieu des cerisiers et du pollen tourbillonnant. Le convoi de fauteuil reprend sa route sous le soleil, lentement, comme une caravane fatiguée. Direction l’abominable restaurant dealer de plateaux-repas. Je vois l’infirmière qui s’approche des chariots de Muriel et Patrick accolés comme deux mésanges au printemps. Elle chuchote quelque chose à l’oreille de Muriel. Muriel qui retourne à l’état fœtal mais dont la poitrine encore digne rappelle la femme qu’elle a dû être, une belle femme. Et là, je vois l’infirmière attraper le bras décharné de Patrick pareil aux bras maigres de ces automates qui assemblent les voitures, et l’étendre jusqu’au fauteuil de Muriel vers ce qui, je le suppose, doit être l’endroit où se trouve ses nichons. Pendant une seconde le bras de Patrick fait un pont entre les deux fauteuils. Puis l’infirmière le replace sur l’accoudoir. Patrick rougit. Je souris. Ma salade javellisée est couverte de pollen poilu, mais ce n’est pas grave.


 
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   Anonyme   
30/8/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément
Le ton est parfait, le texte terriblement émouvant à mon avis. Tout commence de manière légère et très juste (j'ai adoré la description de la caisse automatique !), et soudain le texte prend un virage étonnant, il m'a fait plonger dans le tragique rigolard. Grand coup de chapeau, c'est superbe !

"Je peine à choisir mon suicide à emporter" : j'aime beaucoup !

   Pascal31   
30/8/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Du bon et du moins bon dans cette courte nouvelle au cours de laquelle j'ai oscillé entre sourires et grincements de dents.
Je trouve l'idée de "dédramatiser" le handicap par l'humour assez bonne et plutôt originale, ici, même si mon sourire s'est crispé plusieurs fois (notamment lors des dialogues, avec cette retranscription du "parler handicapé" que j'ai trouvé assez maladroite).
Par contre, au niveau de l'écriture, l'auteur a de gros soucis d'orthographe (en particulier lorsqu'il utilise le verbe "avoir" au lieu de la préposition "à") et le style, surtout au début, me paraît un peu faible... Heureusement, cela s'arrange lorsqu'on entre dans le vif du sujet, lors de la course de chariots roulants...
En résumé, c'est un récit qui possède des qualités et se laisse lire facilement, mais qui pêche par une écriture largement perfectible et, peut-être, un humour si grinçant qu'il pourrait provoquer des réactions épidermiques. Un avis plutôt mitigé, donc...

   Anonyme   
31/8/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte surprenant. J'étais persuadé qu'on partait sur un pamphlet contre la bouffe industrielle et nous voilà au beau milieu des handicapés ! C'est futé d'amener le lecteur où l'on souhaite par des voies détournées, la surprise et l'intérêt n'en sont qu'augmentés.

Le style simple, sans fioriture, est parfait pour décrire une situation délicate: la rencontre avec le malade, le difforme, celui qui renvoie la mort et la souffrance au bien-portant comme une accusation. Je sais de quoi je parle étant moi-même un soignant.

Tu as pris beaucoup de risque en traduisant littéralement leur langage, on aurait pu t'accuser de les ridiculiser, de t'amuser d'eux pour faire sourire le lecteur. Cependant je confirme que tu es au plus près des pauvres sons qui sortent de leurs bouches torturées, qui expriment parfois une profondeur d'âme insoupçonnée.
Assurément tu as déjà côtoyé des malades psychomoteurs.

Beaucoup de sensibilité dans cette nouvelle originale mêlant humour et fatalité. Il est néanmoins dommage que tu finisses par en faire un peu trop avec l'infirmière complice. En vérité, cette fin est impossible ou alors exceptionnelle. Je peux t'assurer qu'il y a trop de blocages à ce niveau là.

   jaimme   
17/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai particulièrement apprécié les expressions qui décrivent l'état de ces enfants (bras de momie, etc.). C'est juste, c'est dur, ce n'est pas larmoyant. L'envie de vivre, d'avoir vécu (toucher les seins) est au cœur de cette aventure. Là encore c'est particulièrement juste.
Mon regret: c'est trop court. Ou bien c'est la fin qui n'est pas assez marquante dans l'esprit du lecteur (le mien, évidemment). D'accord, il a "réussi" à toucher les seins, mais cet aboutissement, ce sommet, aurait pu être mis en valeur, dans un écrin d'une ou deux phrases fortes, ce qui aurait ponctué l'ensemble. En fait il y a, à mon avis, un problème de rythme général: le début, jusqu'à l'arrivée des handicapés, est sur un rythme lent qui suppose une nouvelle nettement plus longue, puis le dialogue donne un rythme déjà plus rapide et la fin est abrupte.
Sinon c'est une nouvelle que j'ai beaucoup aimé, que j'ai eu envie de commenter car l'écriture est sur un ton qui s'accorde parfaitement à la situation. Le début montre une société qui se déshumanise (et la France a le record mondial de la recherche de non-emploi, si, si, des études le montrent), puis tord un peu ce constat (le joli jardin, même si cela peut être pris pour de la déculpabilisation sociale) et nous place ensuite dans dans la douleur. La partie que j'ai le moins aimée est cette "course" des voiturettes. Gênant, même si j'ai souvent charrié moi-même mes gamins handicapés à ce sujet. Enfin, pas dans le ton général je trouve.
Voila, quelques impressions pour un texte qui ne laisse pas indifférent mais qui mérite, ô combien, quelques améliorations.
Merci!

   widjet   
17/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Voilà une éternité qu’un texte ne m’avait pas touché de la sorte. Alors, non, il n’est pas parfait, quelques répétitions ça et là (pensez à utiliser les adjectifs dans ces cas là), je pense que des phrases mériteraient d’être un poil retravaillées (on ne dit pas « pâtes à la carbonara » ?) pour gagner en percussion, mais il y a là tout ce qui fait une nouvelle réussie : une émotion entretenue, digne et pudique, une vraie et belle sensibilité planquée derrière un humour ravageur et acide (critique de la société de consommation certes pas nouvelle, mais efficacement assenée – le « Sauf quand le logiciel déconnera et qu’elle se mettra à appeler tout le monde José » m’a beaucoup plu !), paravent nécessaire contre la douleur et formidable acte de résistance pour ne pas sombrer. En rire, oui. Pour ne pas en pleurer. Le traitement du sujet tourné en dérision est même plutôt "couillu".

Et l'audace, ça fait plaisir à lire.

L’auteur a également eu la bonne idée de faire court (également dans les dialogues brefs, exercice ô combien périlleux surtout compte tenu de ceux qui les disent, le rendu n'est jamais ridicule), pas le temps de se lasser ou de tomber dans un misérabilisme pitoyable. Bref, il y a déjà une maîtrise certaine et un dosage bien étudié des ingrédients. S’ajoutent des trouvailles stylistiques, un sens de la repartie, bref une écriture qui coule toute seule. Dommage que l'auteur ne soit pas plus rigoureux car il y a de quoi accoucher d'un excellent texte.

Mais, c'est déjà plutôt bon. Allez, je n’en jette plus. Mais j’applaudis. Fort.

La suite, vite.

W

   Palimpseste   
17/9/2011
On ne va pas trop chipoter sur les coups de rabots à passer ça et là, parce que le texte est surtout une somme peu habituelle de risques:

- le début sur la malbouffe, où l'on se croit dans une nouvelle écolo-bobo amusante écrite pour les désabusés du métro-boulot-dodo. C'est un peu risqué de démarrer sur ce terrain convenu, mais bien vu.

- le milieu, car le sujet est risqué entre ceux qui ne connaissent pas le handicap et vont se gausser, et ceux qui le côtoye et vont s'offusquer. Le sujet est miné et des cohortes de bienpensants sont toujours prêts à tirer à vue sur tous les textes "différents sur la différence".

- la fin, car les sujets du désir et de la séduction dans le handicap sont particulièrement sensibles. Il suffit de pas grand chose pour aboutir à un texte glauque et nauséeux.

Le texte est une réussite sur ces trois points-là et ça, c'est vraiment important... Alors la fin qui pourrait être plus longue (oui), les erreurs de verbes (ok), les rythmes parfois inégaux (d'accord)...

Surtout bravo et merci pour l'émotion provoquée. Si vous n'avez jamais été au milieu d'une telle cohorte, en tout cas vous avez su en capter des ondes habituellement cachées et restituer une vérité de joie, de négociation, de désir et de désespoir trop souvent aseptisée.

   brabant   
18/9/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Beckett,


Il n'y a rien à dire, on a l'impression que les mots seraient de trop devant ce texte, cette aventure à l'écriture impeccable et dont le fond est superbement maîtrisé.


Peut-être les paragraphes sont-ils trop régulièrement massifs dans les deux premiers tiers mais la dérision bon enfant fait passer tout cela.


Et tous ces êtres en sursis compté qui font la course aux repas empoisonnés montrent qu'ils veulent vivre un peu comme des enfants - l'être humain est formidable en ses tréfonds d'espoir - qui peuvent suspendre le temps, le temps d'une récréation... dont l'amour n'est pas absent.


Gare à cet ultime moment à l'excès de sentimentalité mais vous n'y avez pas cédé car vous laissez le rêve se poursuivre sans plus insister, et nous retirons nous-aussi, stupéfaits et ravis.



Chapeau !

   Anonyme   
19/9/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément
Voilà un texte que j'ai lu plusieurs fois. Il est exactement ce qu'on attend d'une nouvelle : concise, elle plante le décor et le personnage en quelques lignes, elle occupe un espace-temps confiné, le point d'histoire est anecdotique mais elle établit le suspens, il y a un scénario et une intrigue. Le sens de la formule chez l'auteur est une évidence. Les formules à tout bout de l'histoire donnent un relief, une saveur. Enfin, l'émotion, oui, l'émotion.

Je ne serais pas très étonnée que la ligne, la toile, ne soit pas votre unique lieu de publication, que ce soit un lieu... anecdotique.

Que dire ? Vous les nouvelles, vous savez les écrire.

   alvinabec   
20/9/2011
Le traitement de l'idée est juste, le rythme fluide. Votre texte prend de belles libertés avec la syntaxe sans que le lecteur en soit trop gêné.
Il n'est pt-être pas nécessaire de citer autant de syndrômes dégénératifs, comme dans un contexte professionnel.
Le style mériterait un petit coup de polissage supplémentaire qui viendra au prochain texte, certainement.
A vous lire...

   Charivari   
21/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut.

J'ai adoré la première partie. Un ton hilarant pour une réflexion finalement assez profonde. Après... Difficile à dire.

Disons que j'ai eu l'impression de lire deux textes, reliés entre eux de manière un peu artificielle. Et il n'y a pas vraiment de fin. Du coup, je ne peux pas dire si le fait de parler pour chaque individu de son pronostic médical est un bonne idée ou pas, par exemple, ou d'autres éléments dans le style. Ce que je peux dire, par contre, c'est que je trouve le ton parfait, entre humour et réalisme cru. Ça frise le cynisme à un moment donné, surtout avec la retranscription des dialogues des handicapés moteur, et puis finalement non, c'est très humain et "ça fait très vrai".

Voilà, donc un texte qui m'a emballé au niveau style et au niveau réflexion, mais que je ne trouve pas vraiment cohérent tel quel. J'ai lu sur le forum que c'est un bout de roman, et je comprends mieux, mais n'empêche...

   Pat   
22/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ça fait plusieurs fois que je tente de mettre un commentaire, mais je suis toujours prise par autre chose. Désolée, je vais faire dans le succinct (j'ai trop envie de lire le forum...).
J'ai beaucoup aimé ce texte (que j'ai lu en détail puisque je l'ai aussi corrigé) que je trouve plutôt réaliste (il se trouve que je travaille avec des jeunes atteints de ces pathologies). Le regard porté là me plaît, car il ne fait pas dans le pathos. La relation qui est décrite ressemble à celle qu'on peut avoir avec ces jeunes quand on les côtoie de près. On rit beaucoup, on parle de beaucoup de choses (sans occulter l'amour, le sexe, comme ici), sans occulter leur handicap, mais sans s'y attarder outre mesure. Bref, j'ai bien aimé l'échange entre le narrateur et Patrick, avec ce qui caractérise parfois ces jeunes, mais pas systématiquement : les troubles du langage.
Le texte est court, mais l'arrière-plan est riche. Le début du texte me paraît un peu trop long, par contre, même si ça donne de l'épaisseur au narrateur. L'humour est vraiment agréable, ainsi que l'écriture. Cette approche d'un monde que peu de gens connaissent finalement est une bonne idée. Pour moi, ça peut participer à faire sauter quelques a priori. Mais, ma lecture n'est pas neutre, donc, je suis curieuse de voir comment le texte a pu être perçu. Merci, pour cette lecture.

   wancyrs   
23/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Rien à dire, c'est tout simplement époustouflant... le style est terre à terre, va droit au but, raconte sans fioritures, c'est sans doute cela qui fait le charme de cette écriture.

Et l'histoire... raconter sans pathos l’éphémère, le condamné qui sait sa mort proche mais qui se réjouit de l'instant présent... une course de patin rapportée telle qu'on aurait fait d'un grand prix de Formule 1.. mais qui sait ? pour ces handicapés, n'est-ce pas l'équivalent ?

   Miguel   
26/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Depuis un an que je pratique Oniris, je m'en étais tenu à la poésie classique ; aujourd'hui, mû par je ne sais quelle envie de sortir de mon enclos, je me suis aventuré à lire cette nouvelle. Quel choc ! Je ne regrette rien. J'ai trouvé un texte d'une grande force, plein d'expessions coups de poing, qui ont fait mouche dans mon affect. Ce style dans la distanciation à l'égard des tares de notre modernité, ce rapport entre la malbouffe à laquelle nous nous soumettons par démission et celle à laquelle sont condamnés les infirmes, tout cela révèle une cruauté du monde accentuée par la légèreté du ton. La transcription des difficultés d'expression du personnage ne m'a pas heurté ; elle est d'un réalisme émouvant, complément à l'évocation de la déchéance physique des malades, laquelle fait d'ailleurs ressortir leur dignité. Et le dénouement, cette bouffée de vie prise au seuil de la mort, apparaît comme une revanche, presque une consolation. Bravo à l'auteur.

   aldenor   
28/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Les petits indiens ! Quel traitement original, léger, du thème de la vieillesse et de la maladie.
L’écriture est vive et percutante et le ton bien trouvé, ni larmoyant, ni irrespectueux ; un plaisir de lecture. Encore que les phrases presque exclusivement courtes coupent un peu le souffle à la longue.
Le thème parallèle du supermarché et de ses produits, en soi bien traité et amusant, aurait pu faire l’objet d’une autre nouvelle ; ici, je trouve qu’il s’intègre mal au propos. Du moins, je ne vois pas le rapport.
« … son mandibule », mandibule est féminin.
« L’Asie plus vraie que nature. » : un peu embrouillant, quand on parle d’indiens peaux-rouges.

   Anonyme   
28/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà un texte piqué au coin d'une émouvante tendresse pour ces "Indiens à roulettes", ces condamnés de la vie que Beckett peint avec une forme d'humour affecteux, fraternel même j'ai l'impression.
Georges a fait, de ces pauvres gosses, ses amis. C'est d'un grand humanisme. Et c'est très beau.
Et puis il y a l'autre facette, celle qui traite de notre mode de vie "moderne", avec ses conserves, ses plats cuisinés en barquette, et tous ce qu'ils contiennent pour perdurer dans les magasions avant leur consommation.
C'est écrit avec une délicieuse ironie acide.
Et l'auteur dit : "Mangez vite et mourez lentement". Là, il ne croit pas si bien dire puisque l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, que nos gosses commencent à former une génération de géants et que nos "vieux" de plus de 75 ans font du tourisme à travers la planète.
Cherchez l'erreur !

   toc-art   
30/9/2011
Bonjour,

je vais être très franc, je trouve ça terriblement convenu. Désolé mais franchement, le côté un peu paternaliste tout de même, marqué par ce possessif "mes" indiens à roulettes, "mon" patrick, ça m'a un peu agacé. Même si je me doute bien que ça n'est pas l'intention de l'auteur.

alors oui, d'accord pour voir les handicapés d'une manière qui se veut plus vraie mais dans ces cas-là, à mon avis, il faut aller jusqu'au bout et nous éviter ce regard que je trouve pour ma part un peu trop dégoulinant de sympathie compatissante. Peut-être l'intention était-elle que le lecteur ne puisse pas penser que l'auteur tournait ses personnages en ridicule, mais du coup, on retombe dans les travers sentimentaux habituels (selon moi bien sûr) on n'est pas loin de la soirée téléthon...

ça, c'est pour le fond. pour la forme, plusieur points :

je pense que le texte souffre d'une construction un peu bancale avec cette entame de la malbouffe, trop longue et qui n'a que peu à voir avec le coeur de la nouvelle, même si le thème est repris à la fin pour boucler la nouvelle.
ensuite, la course en fauteuils me semble mal rendue, devrait pouvoir être plus vivante.
pas convaincu par l'énumération des pathologies. la succession de phrases-portrait commençant par Patrick me parait un peu trop insistante et lourde de pathos, avec en rajout ce possessif qui m'agace vraiment : "mon" patrick.
un petit détail technique. si les fauteuils s'éloignent de lui, je ne vois pas comment le narrateur peut voir patrick rougir.

sinon, j'ai bien aimé la description des différents personnages ainsi que les dialogues et les réactions des intervenants qui m'ont paru très réalistes et comme prises sur le vif.

bonne continuation.

   Anonyme   
6/10/2011
Bonjour
Un très beau texte, qui m'a cueillie dès la première lecture. J'aime le ton, l'ironie, l'humour désabusé, la tendresse et surtout le regard rempli d'humanité porté sur l'ensemble.
Dès la fin de la lecture lorsque cette nouvelle est parue je me suis dit que la meilleure note devait coiffer la tête de cet indien que l'audace poussait à mettre par écrit ce que j'ai dans la tête quand je croise ces gens mais que je ne saurais pas exprimer, faute de recul, d'aisance et de pratique.

J'imagine qu'à les côtoyer, à se croire autorisé à entrer dans leur univers, et finir par s'y sentir le bienvenu permet à ce que je viens de lire de devenir possible ?

Qu'est-ce qui peut exister de pire que le sursis quand en plus il ressemble à un compte à rebours où à chaque étape on perd un petit morceau supplémentaire de soi-même ?

Le narrateur, à mon sens, n'est pas aussi innocent qu'il voudrait me le faire croire. Je le soupçonne de les fréquenter de près et depuis longtemps ces indiens. Je le vois très bien avec une blouse, et parfois, sans doute, s'assied-il lui-même dans un fauteuil afin de disputer la course.

Le défaut majeur de ce texte - majeur parce qu'il use le plaisir des relectures une fois détecté :

mon suicide à emporter
s'agite autour de moi
et moi je traîne
mon téléphone portable
ma ration de l'espace
mes petits indiens à roulette - x4 -
mes petits peaux rouges
pour moi et les initiés
mon banc favori
ma fast salade
tout autour de moi
vers moi et mon banc

"Mickaël et SES épis dans les cheveux, Ignace sur SON chariot d’argent, Patrick avec SA veste de survêt du Milan AC et SON dossier de fauteuil en minerve qui maintient SA tête droite."

Une relecture à voix haute et une surveillance accrue devrait reléguer ce léger travers aux oubliettes. (je ne les ais pas tous relevés, il y en a encore)

Question :
un convoi de fauteuil avec un "s" ?
Répétitions :
Ca racle un peu dans le fond de ses poumons/l'infirmière un peu hommasse
(plus un pronom perso pour faire bon poids)

Mes félicitations, des textes comme ça, j'en redemande.

   victhis0   
18/10/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
exercice périlleux où la sensiblerie guette à chaque phrase sans que le texte y tombe jamais : bravo.
Un traitement original, un humour "naturel" qui ne force pas ni ne souligne la tristesse du regard avec balourdise. Jamais je ne serai capable d'écrire un texte comme ça, je salue donc la prouesse.
Même le traitement des dialogues des enfants ne donne pas dans la caricature facile. Trop fort...

   horizons   
4/11/2011
Difficile de mettre une appréciation. Ce texte me fait hésiter entre la compassion et la révolte. Compassion envers ses handicapés et leurs préoccupations bien rendues aussi bouleversantes que dérisoires (mettre la main sur un sein), révolte à cause du côté paternaliste et ironique (la sortie des fauteuils qui ressemble une course hippique est insuportable à mon sens). La réalité des handicapés n'a rien à voir avec des histoires de "petits indiens" (pardon pour la morale mais le sujet me tient à coeur). Mais, bon, on n'est pas là pour un débat d'idées et, comme toujours, on ne fait pas de la bonne littérature avec des bons sentiments.
Rien à dire sur la forme qui est impeccable avec de jolies trouvailles ici et là (je peine à choisir mon suicide, caissière idéale...), ni sur la construction qui est sans faute.
Bref, c'est le traitement du sujet qui me paraît manquer d'humanité et me laisse, du coup, mal à l'aise.

   Anonyme   
9/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un beau moment de vie bien raconté. Le sujet était casse-gueule mais finalement ça passe (pour moi). Quelques répétitions quand même et légères étourderies notées par les précédents commentateurs mais ce n'est qu'un détail. L'essentiel est là : le lecteur lit le texte d'une traite, preuve que c'est réussi et qu'il ne s'ennuie pas.

   Anonyme   
26/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le texte quasiment parfait de mon moment quasiment parfait. 7h du mat avec un thé dans mon canapé, le texte projeté sur l'écran de la télé.
Je m'aperçois de ses imperfections après-coup, et parce que j'ai fait l'erreur de débutant de survoler les autres commentaires, mais mon impression prime sur le reste et j'aurais tort de distordre la vérité pour revenir dans les clous. C'est ça aussi, la magie de la lecture.

Le réalisme dans les détails me fait suspecter que le texte n"est pas une oeuvre de totale composition, et si c'est pourtant le cas, alors le mérite en est plus grand. (j'aimerais savoir, au passage)

Deux ou trois choses cependant :

- avec des handicapés en fauteuils, on s'attend à la dérision qui consiste à présenter une compétition automobile. Et même si c'est fait légèrement, sa prévisibilité est un petit regret.

- les dialogues et la considération générale envers les malades tombe aussi un peu dans le convenu : cette sorte de condescendance affectueuse, bienveillante, complice. C'est le comportement le plus répandu envers ce type de personnes, et c'est compréhensible, mais je crois qu'il vaudrait mieux s'abstenir.

- la fin est romanesque, presque cinématographique : la grande relativisation de la vie et de ses enjeux. Un classique plutôt mielleux qui sent évidemment le déjà-vu.

Tout cela est à mon sens exact et réel, mais je veux terminer en rappelant mon impression initiale : c'était mon texte du moment.

   caillouq   
10/11/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai eu très peur au début, qu'il s'agisse d'une chronique un peu nombriliste des désagréments laminants de la vie quotidienne, et puis ... La baffe ! Une nouvelle terrible d'humanité et d'empathie, sans mièvreverie, et très bien dosée (rythme, niveau du dialogue), à part la petite longueur du début. Et qui sent terriblement le vécu, ce qui dans tous les cas montre le savoir-faire de l'auteur. La magie des détails: le "pollen cotonneux et transparents dans le soleil" sur les cheveux des "petits indiens", je l'ai vu. C'était une très belle image.

   Anonyme   
28/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
joli texte finement écrit.. L'auteur a pris le parti d'un style rapide, fluide. Qui se veut entrainant. C'est bien, cela se lit très facilement. Le début est très sympa, drôle et assez vrai...

J'ai peut être un peu de mal avec ce genre de style mais ce n'est vraiment que personnel. Car d'après moi, bien que cela permet de transmettre un certain nombre de sentiments, d'émotions communicatives... Et qu'il n'y ait pas le moindre frein dans la lecture. J'ai l'impression que l'on se retrouve vite prisonnier de ce même style qui se veut charmeur.. mais qui peine à être rigoureusement explicatif ou descriptif...

Sur une nouvelle c'est très réussi, sur un roman je ne sais pas si j'aimerais... Probablement que je me lasserais. Car d'après moi la forme - volontairement choisie par l'auteur - restreint un peu les possibilités du fond...

Ce n'est qu'un avis.

   ANIMAL   
19/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte à l'humour particulièrement grinçant qui ne s'embarrasse pas de politiquement correct. C'est dur, cruel et réaliste, que ce soit dans la description de la nourriture, des caissières, des malades et infirmes... Un monde déshumanisé qui s'installe sous le regard lucide du narrateur.

La petite touche de tendresse à la fin adoucit la cruauté du fonds. Quant à la forme, rien à dire, le texte se lit d'une traite.


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