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Fantastique/Merveilleux
belladona : L’heure 0
 Publié le 02/12/10  -  8 commentaires  -  6711 caractères  -  78 lectures    Autres textes du même auteur

L’attente et la minute que dure l’heure 0. Temps hors du temps.
Un voyage intérieur où l'extérieur a des répercussions fondamentales...


L’heure 0


23 heures 54 minutes.

6 minutes avant l’heure 0.

La sensation de chute se fait plus perceptible. Comme un frémissement de l'espace, un soupir un peu étouffé.

Je ferme les yeux, un temps, je les rouvre : 23 h 55.

Le temps s’accélère, il semble pris dans une pente vertigineuse. L’appréhension est de plus en plus forte, la peur de l’inconnu peut-être. Les préparatifs pour le voyage sont simples, je me cale au fond de mon lit et… 23 h 56.

Déjà je sens l’atmosphère de ce vide, le souffle de ce trou.

Un vent froid me balance, à gauche, à droite, à gauche, à droite.

Il joue avec moi, cet espace hors lieu, et, bien sûr, je ne vois rien ; juste, en filigrane, les mains tendues de mes proches.

Ils m’encouragent.

Merci l’armoire, merci le miroir, merci le tableau et elle aussi, la peluche, merci du courage que vous me donnez.

Je suis prêt.

Un peu lourd peut-être.

Un autre univers se profile à mon horizon. Je ne lui donne aucun visage, je me laisse prendre, vierge.

Je refuse que le temps me dépasse, la cime de cet instant s’allonge, 23 h 57.

Je suis de plus en plus seul pour ce voyage, léger, lourd, anxieux, sans alphabet, je ne pense plus.

Qu’est-ce que j’ai fait aujourd’hui ?

Ah oui, ce matin au réveil, un léger mal de tête, comme une sorte de torpeur mal venue.

C’était pas vraiment douloureux, plutôt gênant.

A-t-on idée de se lever avec un sentiment de fatigue qui vient vous encombrer la tête. C’est une journée à éviter qui s’annonce.

Une douche. Tiède toujours, puis chaude, presque trop et enfin la sensation de froid dans une salle de bain pas assez chauffée pour une matinée de janvier dans l’est de la France.

La fatigue douloureuse du réveil a disparu. C’est un jour nouveau qui s’est offert à moi et c’est ainsi tous les matins. Enfin j’essaie.

Et la suite de ma journée ?

Ensuite…, ensuite beaucoup de courses.

23 h 58.

Je redoute la crevasse. Je m'accroche à des idées factuelles.

Le moment présent me rattrape. C'est si rare. C'est peut-être le seul moment de la journée où le présent est présent... en creux.

Et si l’heure 0 n’arrivait pas, ou trop vite et que je rate cet instant et que je trébuche et que je perde ma nuit à l’attendre, ma vie à me prolonger dans cette vaine attente.

Non.

Je regarde la chambre autour de moi, comme un astronaute jette un dernier regard sur la terre avant de partir pour la lune et qui sait que jamais, plus jamais son regard sur son réel ne sera le même.

Comme avec des lunettes déformantes sur le nez j’observe, perplexe, mon univers se dilater.

Ma soirée fut douce, sans l’appréhension du voyage, presque innocente.

En fait, je me suis même un peu ennuyé.

Je m’ennuie rarement pourtant mais là, comme en attente d’un grand rien, je n’arrivais à fixer mon attention nulle part.

J’étais déjà dans mon périple, certainement.

Il n’y avait rien à la télévision, rien pour alléger un peu l’angoisse sourde qui commençait –pour une obscure raison – à pointer en moi.

J’ai mis la musique – elle est amusante cette expression ! –, sans doute les « Pink Dots », je mets souvent les « points roses » de façon machinale, comme une impulsion, puis je me suis assis sur le fauteuil du salon dans l’espoir de faire taire ma déraison.

Depuis mon lit, maintenant que je suis couché, les ombres aux alentours me semblent des alliées.

Je ne doute plus à présent de notre alliance.

Oui, je suis le voyageur qui, du regard, dit un dernier au revoir à son entourage.

23 h 59, la dernière minute ici avant ma minute de voyage ailleurs.

« Au revoir à tous mes amis ! » Une envie irrépressible d’agiter le bras droit jusqu’à présent bien au chaud sous les couvertures me prend.

J’agite donc mon bras en lançant un « au revoir mes amis, à bientôt » à l’adresse de tous mes meubles et autres occupants de ma chambre visiblement émus par cet élan d’attention à leur endroit.

Le compte à rebours silencieux me martèle le crâne, mes tempes battent plus fort, ma pression sanguine est sur le point de faire éclater mes veines et exploser mon cœur. Je tente de le calmer par des exercices de respiration (il faut respirer avec le ventre et par 3 fois !), je soulage mon angoisse, remets mon bras sous la couverture que je rabats méticuleusement sur moi.

C’est important la fermeture du cockpit si l’on ne veut pas craindre une dépressurisation.

Je me cale confortablement dans mon lit-vaisseau car déjà il vibre.

Prêt au décollage !


00 h 00.


Je ferme les yeux.

C’est une musique que je perçois tout d’abord.

Des voix, oui des voix portées par le vent. Comme des chants grégoriens.

Il s’agit probablement des flux subtils de cet espace.

J’ai une minute terrestre pour les explorer.

Ici je suis hors du temps.

Mon lit se rétrécit, j’ai du mal à garder le contrôle de ma barque de sentiments, certains sont trop lourds. Mon vaisseau tangue.

Il faut s’alléger, il faut que je m’allège.

J’envisage le voile qui, limite de ce monde, me cache l’autre.

L’heure 0, c’est un passage vers cet inconnu, une minute pour scruter les abîmes.

Je jette un coup d’œil à mes cadrans de contrôle : 00 h 00.

Il est encore temps.

Je dois m’alléger.

Comment parler de temps, il n’existe plus mais sa présence quasi palpable est un frein.

Rien à balancer par-dessus bord, pas même un sentiment usité, rongé, qui me leste et nuit délibérément à mon aller vers.

Il y a un sentiment clandestin, je le sais, je le sens et il va nous empêcher d’atteindre le champ de l’heure 0.

Je suis le capitaine ; que l’on me trouve ce salaud qui va tous nous perdre ! « Égoïste. »

Soudain, petit à petit, mon vaisseau est secoué de toute part.

Mon univers me rappelle à lui.

Je n’ai rien vu, je veux rester, je veux voir, je veux savoir.

Sur terre les secondes s’égrènent vers 00 h 01.

Je me sens happé vers ce retour forcé.

Peut-être que je pourrai rester un peu plus, oui peut-être, juste un peu, une heure 0 + ½ ? Mais non ! Trop de lest pour fixer cet espace (temps hors de tout espace et de tout temps).

Le hors-la-loi n’a pas été trouvé, il nous a trop alourdi et déjà nous sommes sur le chemin du retour, je n’ai en moi que le souvenir vague d’un espace sauvage à peine entrevu, d’une minute sans saveur.

Les flux subtils me sont restés inaccessibles.

L’heure 0 n’est-elle que cette vaine espérance ?

00 h 01.


Je rouvre les yeux et je rabats légèrement mon cockpit-couverture. Je titube quelque peu dans ma tête avec dans ma bouche le goût pâteux de l'inachevé.

La mine radieuse des objets m’environnant m’accueille, comme pour me dire : « C’est pas grave, bienvenu sur terre, l’essentiel est ici ! Le réel est là, sous tes yeux.»

Un peu déçu, je leur souris.

Oui c’est pas grave, certainement, mais qui est le clandestin ?


 
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   doianM   
20/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Très intéressant sujet.
L'évolution du temps. Le narrateur a voulu le prendre sur le fait.
D'habitude il consomme notre vie discrètement.
Ici on observe les minutes qui s'égrènent et leur poids qui nous écrase.

Petite remarque: "idées factuelles" me semble dans le contexte un peu prétentieux, surprenant.

Et une autre observation de nature plus subjective:je crois inutile de faire appel, ici, à une fusée pour s'évader de la vie et du temps.
Ce moyen technique rabaisse le problème existentiel. On quitte le monde avec les moyens de ce monde...

Merci et bonne continuation

   Anonyme   
24/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Comme dire l'indicible ? L'horizon sans fin qui va nous happer... Variations sur le temps réussies, avec un lot de sensations bien senties. La chute m'a laissé sur ma faim même s'il faut respecter les intentions de l'auteur.

   costic   
24/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai trouvé l'idée de ce temps 0 intérressante.J'aime beaucoup le passage del'attente mais le "voyage" reste un peu décevant.
Je trouve étrange la présence de la peluche dans la chambre. S'agit-il d'un enfant? Les phrases sont courtes et assez percutantes. On aimerait mieux comprendre l''attirance pour cet espace "non temps". La chute me parait un peu énigmatique. Le narrateur pense-t-il être arrivé dans un autre monde?

   Perle-Hingaud   
26/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
J’aime beaucoup l’idée. Ce texte a un rythme, une poésie plaisante à lire.
Je regrette quelques expressions : « idées factuelles », « alliés/alliances », la peluche (casse l’ambiance), la suite entre « les mains tendues » et « merci l’armoire » : on dirait que c’est l’armoire qui tend la main…
« je ne pense plus », suivi par le souvenir de sa journée : contradictoire, non ? Des problèmes de concordance de temps dans sa journée.
J’aime beaucoup certaines phrases, comme par exemple : « Il faut s’alléger, il faut que je m’allège. » Le sentiment clandestin : très chouette.
Au final, une vraie jolie idée, certaines phrases qui font mouches, d’autres pas. Je suis donc mitigée sur ce texte. Bonne continuation à l’auteur.

   Anonyme   
3/12/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'Instant Présent... le fameux concept !
"Vivre l'Instant Présent", qu'on dit, voilà ce qu'il faut.

Michel Leeb disait, dans l'un de ses vieux sketches : "Il faisait zéro degré, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de température".

L'heure 0 (zéro; avant lecture, j'ai d'abord cru à la lettre "O"... pour Oniris, peut-être) est ici une approche similaire : l'heure 0, il n'y a plus de temps, seulement l'instant présent.
Ou alors, peut-être, l'instant initial, le Big Bang, le premier jour du reste de la vie.
Bref, de jolis concepts à greffer sur cette heure zéro.

L'idée est intéressante. Je suis cependant déçu par le traitement. Il n'est pas mauvais, mais je le trouve un peu plat, sans grand relief pour exploiter l'idée.
Toutefois, une bonne base à reprendre...

   alifanfaron   
5/12/2010
Je ne crois pas avoir saisi toute l'envergure de ce texte. L'attente d'un instant t est bien rendue, la montée assez bien menée (encore qu'elle aurait pu être plus poussée me semble-t-il avec des bouts de phrases seulement sur la fin, comme un halètement) mais la chute me laisse perplexe.

Soit, j'ai été surpris. L'attente d'un instant qui n'a de rien de particulier sinon son attente en elle-même est surprenante. Mais décevante aussi. La première pensée qui m'est venue a été "tout ça pour ça?".

L'emploi répété des expressions cockpit-couverture m'a mis le doute: s'agit-il vraiment d'un vaisseau (alors que le reste du texte ne va pas du tout dans ce sens)?

Il ne me semble pas que ce soit la quête pure et simple d'un carpe diem. Minuit en soit doit bien cacher quelque chose... Bref, je serais très curieux d'avoir plus d'explications de l'auteur.


Une attente vaine

   emi   
5/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Belladonna réussit à créer un sentiment d'attente, à faire sentir l'étirement du temps.
Ce texte me fait penser à des moments oniriques où on attend un événement, une révélation.
La déception du narrateur explique (dans mon cas) la déception du lecteur.

   Anonyme   
22/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai vraiment apprécié cette courte nouvelle et avant tout j'en ai apprécié l'écriture. Une écriture percutante, son rythme est rapide et ne faiblit pas. Attendre l'heure 0 est une chose. Savoir rendre cela en mots, en est une autre. Le pari me semble fort bien réussi.

"Ils m’encouragent.

Merci l’armoire, merci le miroir, merci le tableau et elle aussi, la peluche, merci du courage que vous me donnez.

Je suis prêt.

Un peu lourd peut-être.

Un autre univers se profile à mon horizon. Je ne lui donne aucun visage, je me laisse prendre, vierge."

Sympa ce passage.


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