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Fantastique/Merveilleux
benadel : La belle et l'horreur
 Publié le 27/05/15  -  6 commentaires  -  12227 caractères  -  112 lectures    Autres textes du même auteur

Lorsque l'inconcevable mène au délire.


La belle et l'horreur


Fatigués de lutter contre les forces d’inertie, nous roulions soudés vers la nuit, subissant l’odeur aigre des corps entremêlés. Le bruit sourd et saccadé de l’acier sur les rails étouffait les soupirs. Nous étions dans un de ces wagons à bestiaux qui transportaient régulièrement depuis quelque temps les boucs émissaires. Ces transports s’étaient élaborés dans l’esprit des têtes brunes. Nombre de gens gémissaient de douleur. Sur la route de la solution finale, la soif, la faim et la fatigue – l’entassement ignominieux d’une foule d’individus dans ce cercueil ambulant tenait les bras de Morphée à distance – leur rappelaient les besoins d’un corps, pour l’instant encore en vie. J’étais malade et la fièvre ne cessait de monter. En cette fin de journée du mois de novembre, j’observais par une petite lucarne le stratus lugubre qui s’enfonçait, lui aussi, dans la nuit éternelle. J’avais le dos appuyé contre la paroi à claire-voie, mais l’épaule frôlait la peau d’un beau brin de fille. À peine maquillée, l’élégance de son visage bien dessiné plagiait le tableau de La Joconde. Talonné par la mort, celle-ci m’offrait la cigarette du condamné. Pourtant le corps malpropre, en sueur, suintait le dégoût, comment la coquine gloriole pouvait-elle donc se marier avec l’homme vomitif ? L’obscénité fétide s’étalait aux yeux et aux nez de tous, certains voyageurs avec un air de bête traquée se cognaient contre la folie ; dans ces conditions, le marivaudage ne s’égarait-il pas dans l’immonde promiscuité ? me demandai-je. Malgré tout, me dis-je, les ténèbres du wagon ne s’éclairent-ils pas à la lueur d’une beauté, parcelle de la divinité. Celle-ci m’aveugla alors à tel point que les délires s’emparant de moi voilèrent l’horreur en me situant à trois âges différents. Ils m’emmenèrent d’abord en enfer, puis au paradis, puis nulle part, avant d’arriver enfin à la Camarde.


J’étais un vieux Rom encore en pleine activité. La mort m’avait déjà approché, je n’avais nullement peur de l’affronter. Depuis mon jeune âge, lorsque je quittais un endroit où j’avais séjourné, j’imaginais que je posais les jalons de mon trépas. Les voyages représentaient pour nous, les Roms, comme pour les autres peuples nomades, les pans d’une vie qui s’évanouissaient dans un paysage fuyant. Partir, c’était déboucher sur la mort, cette énigme, et je l’avais apprivoisée avec les années. Devenant ma bête de compagnie, elle léchait mon angoisse quand je pensais à elle ; mais lorsque je l’oubliais, elle ouvrait la gueule des ténèbres.


Je pleurais à chaudes larmes mais, diable, pour quelles raisons fallait-il que la mort se déguisât en un sinistre train ? me lamentai-je. Les rayons frêles de la lune se faufilèrent à travers l’oculus pour venir me caresser les cheveux. Ne sanglote pas, me dirent-ils, les étoiles ne brillent-elles pas dans la nuit la plus profonde ? Si celle-ci n’avait pas été noire, aurais-tu perçu la lumière de myriades d’astres ? Si tu n’avais pas été dans ce train aurais-tu aperçu l’éclair de cette femme précédant l’orage des passions ? Je me tournai vers elle et lui dis :


– Échangeons de place, afin que les reflets de lune argentent votre gracieuse silhouette. À défaut de vous avoir, je me contenterai de votre éclat sous l’astre blanc. Puisse-t-il faire tomber le masque de la mort jusqu’à l’arrivée du train.


Elle pinça ses lèvres, pour ne pas éclater de rire, pensai-je. Puis ses yeux s’enflammèrent et elle me répondit :


– Je devais d’abord me retenir pour ne pas rire, mais maintenant je dois étouffer ma colère.


J’avais pensé juste. Puis elle continua sur un ton méprisant :


– L’idée de vous prendre pour un doux dingue issu de l’irréalité de cette situation a traversé en premier mon esprit. Mais ma seconde réflexion m’amène à vous considérer soit comme un désaxé, soit comme un pervers. Faire du gringue à une personne lorsqu’on est tenaillé par la faim, la soif et la fatigue, dépasse l’entendement.

– N’y a-t-il donc pas de salut dans les situations dramatiques ? Lorsque le corps réclame à l’homme son dû à coups de gargouillements, ce dernier ne peut-il pas oublier sa détresse à la vue d’une déesse ? La vénusté ne peut-elle transcender le malheur de l’homme ? Faut-il être dément pour apercevoir un rai de bonheur au sein de l’horreur ? lui demandai-je d’une voix implorante.

– Je n’ai que faire de vos considérations philosophiques, riposta-t-elle d’un ton sec ; oubliez-moi ou je fais de l’esclandre, ajouta-elle.


Elle transforma sa majestueuse attirance en vulgaire répugnance ; ses mirettes acérées me fusillèrent et m’atteignirent en plein cœur. Puis elles traînèrent ma disgrâce jusqu’à l’avanie. Les jambes ne me soutenant plus, je m’affalai sur la jeune femme. Pensant que j’étais mort, elle me cala sur le plancher et s’assit sur moi. Son popotin devint un enfer.


J’étais un jeune homme bien bâti, plein de vie et pas trop vilain à regarder. La jeunesse et la vigueur rendait le présent éternel. Mes doigts avaient un don. En enfilant une mine, une bille, une plume ou un pinceau, ils pouvaient danser n’importe quel ballet composé par l’imagination, éminence grise de l’artiste. J’excellais surtout dans l’exécution de portraits. Je subvenais ainsi aux besoins de ma petite famille. La musique de mon père, si elle nourrissait les esprits des badauds, n’arrivait pas à alimenter toute la maisonnée. Nous étions six enfants ; j’étais le troisième.


… Cela s’était passé le premier jour de l’automne. Je dessinais le visage anguleux d’une quinquagénaire. Ses enfants avaient été abattus devant ses yeux par un demeuré s’en prenant aux Tziganes. Je m’efforçais à reproduire les cernes raffinés qui exprimaient discrètement les meurtrissures de son regard. Un officier allemand passa alors près de notre roulotte, il s’approcha de la fenêtre, mit sa main en visière au-dessus de ses yeux et tomba sur nos peaux basanées. Oh ! le beau délit de faciès, dut-il se dire. Dans ce village montagnard, si accueillant, la pensée ne nous avait jamais effleurée que nous pussions être poursuivis pour notre paraître. Il frappa contre notre porte à grands coups de botte et l’enfonça. Après avoir contrôlé notre identité, il avertit ses collègues. On nous embarqua. Après quelques jours de détention, les sbires de l’imaginaire perfection nettoyèrent tout le contrefort en envoyant les Juifs et les Tziganes en camp de concentration.


Comme le vent balançant les feuilles d’un arbre en automne, prémices de leur toute prochaine déchéance, le secouement du train annonçait la fin prochaine de tous les voyageurs. Je me sentais défaillir ; je n’avais pas mangé depuis trente-six heures. Soudain, je fus pris de frayeur. Je vis la mort broyer mon avenir. Je paniquai à l’idée de ne plus pouvoir perpétuer l’art de la nature à l’aide du dessin. Je m’affolai à la pensée de ne plus être triste après avoir achevé un portrait, de ne plus me consoler en me disant que d’autres créations viendraient prendre le relais de l’œuvre achevée. Mais ce dont j’eus surtout peur, c’était de vivre encastré dans un corps inerte, de me sentir dans un cercueil durant des jours et des nuits. C’est alors que les premières lueurs de l’aube profilèrent la silhouette de la jeune femme. Le jour naissant avait l’air de pointer sur la consolation féminine. Elle somnolait. Je la scrutai en espérant y découvrir les mots qui pourraient seoir aux attentes de celle-ci. Ma pressante espérance sembla la tirer de sa torpeur.


– Ne me regardez-pas comme un chien implorant son maître, vous voulez quoi ? me demanda-t-elle.

– Je fais diversion à mon angoisse en me demandant comment je pourrais vous conquérir, lui répondis-je tout de go.


La précarité de notre situation ne se prêtait guère aux circonlocutions.


– À quoi bon me conquérir si demain nous devons mourir ? me questionna-t-elle tristement.

– Justement, dans les bras voluptueux d’une femme, je désirerais rendre l’âme.


Avais-je trouvé la parole adéquate ?


– Allez, viens, beau gosse, blottis-toi contre moi. Mon cœur n’a plus la force de battre tout seul.


Je m’endormis du sommeil éternel. La Vénus me berçait lascivement.


J’étais dans la force de l’âge. J’avais épousé ma cousine à l’âge de vingt-deux ans. Je la connaissais depuis enfant. Son père et le mien formaient un duo de violon. Ils jouaient de la musique tzigane. Lorsque nous nous déplacions, ils attelaient leurs caravanes à la même voiture. Fille unique, ma cousine cherchait notre compagnie ; nous l’avions adoptée. Elle mangeait et dormait chez nous surtout lorsque nous voyagions. Et quand nous stationnions dans un lieu, nous formions tous les sept une charmante bande. Nous nous amusions comme des fous ; notre insouciance s’accordait bien avec la vie de bohème que nous menions. Les relations de franche camaraderie que j’avais eues avec ma cousine débouchèrent vers l’adolescence sur la tendresse, sans pour autant mener vers l’amour. Nous nous mariâmes pourtant, car nous devions suivre la ligne que nos parents nous avaient depuis longtemps tracée. Nous eûmes un fils unique. Il fugua à l’âge de dix-sept ans, notre vie errante ne lui convenant pas. Malgré toutes les recherches, nous étions sans nouvelles de lui. Mon épouse ne survécu pas au chagrin ; elle mourut après cinq ans de tourments. Elle était devenue neurasthénique et ne s’alimentait plus. Je noyais ma double peine en projetant mon esprit sur le monde qui m’entourait. En plus du dessin, mon gagne-pain, je m’adonnais à mes heures creuses à la peinture. J’avais peint un tableau représentant ma femme en pleurs, à côté d’elle se tenait mon fils qui pointait son index sur l’azur. Au-dessus de mon épouse, le ciel était noir, mais au-dessus de mon fils, le ciel était bleu. Un bon nombre de personnes souhaitèrent acheter l’ouvrage. Mais je ne désirais pas m’en séparer. Je le considérais comme un fétiche. Lorsqu’on nous avait embarqués, l’officier m’avait défendu de le prendre avec moi.


… Le train sifflait. Pourquoi se manifeste-il ? Veut-il ameuter la gent couarde pour stopper la marche effrénée d’un convoi qui fonçait comme un taureau sur le poignard fumant ? Sifflait-il le croisement d’une route menant vers d’autres destins ? me demandai-je. Il faisait nuit noire. Le train freina brusquement. La tempe de ma belle voisine heurta violemment la face latérale de mon crâne. Nous étions les deux assommés. Je me remis assez vite, mais la belle, qui s’était affalée sur moi en s’évanouissant, ne reprit pas vie. Je la secouai longuement pour qu’elle revienne à elle. Mais à mon grand dam, son cœur avait cessé de battre. Une adjuration poétique que mon père récitait souvent me revint alors en mémoire :


« Que Notre Seigneur prenne soin de nous

Sur Terre notre drame se dénoue

Nous les Tziganes sommes la risée

Des hommes qui aimeraient nous briser

Que la Sainte Vierge consolatrice

Transforme leurs meurtres en sacrifices

Dieu Toi qui sondes les cœurs et les reins

Déloge le malin qui les étreint. »


Devant cette morte, la passion accumulée depuis de nombreuses heures, renversant la digue de la froide réalité – elle aurait pu être ma fille –, saisit ma langue. Mon esprit transforma cette supplication en un poème de circonstances. Je déclamai devant la foule :


« Du ciel ma tanagra regarde-nous

Sur Terre notre drame se dénoue

D’autres tragédies suivront les brisées

Ordurières du crime organisé

Allonge ta poitrine consolatrice

Elle deviendra notre bienfaitrice

Les futurs gazés choirons sur tes reins

Après avoir quitté l’ignoble train. »


La foule répondit en chœur : amen.


Je me prénommais Brishen. Je mourus lorsque le train eut franchi la douane polonaise. Les autres, après dix-sept heures de voyage, arrivèrent en gare de Birkenau. Ils rendirent l’âme sous les crépitements d’un Dieu en flammes.


J’ai soufflé mon histoire à un écrivain, car du ciel, je m’aperçois que Dieu brûle encore. Le brasier, s’il est moindre, est toujours aussi tenace, car la bête immonde souffle toujours sur lui.


 
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   Asrya   
21/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Un récit tragique très bien écrit.
Parfois un peu pompeux ; les mots que vous choisissez me paraissent (de temps en temps) un peu surfaits mais bon... ça passe.

J'ai trouvé l'histoire très bien racontée, bien conduite (on se doute de la fin dès le début mais ce n'est pas gênant) ; seuls les dialogues me sont un peu restés en travers de la gorge.
Je ne les trouve vraiment pas adaptés à la situation, du moins, le niveau de langage que vous utilisez ne me paraît absolument pas en accord avec celle-ci. La "romance" ne me dérange pas (encore que, comme votre personnage féminin, j'ai du mal à me l'imaginer ; passons), seule sa mise en pratique me trouble.

Oui, aussi, les "adjurations poétiques" de la fin ne m'ont pas spécialement emballé. Je ne remets pas en cause leur qualité, seulement leur efficacité ; minime.
(Remarque : le choix de "gazés" dans votre second poème me paraît inapproprié qui plus est ; étaient-ils réellement au courant de leur sort ?
et "Allonge ta poitrine consolatrice" --> je compte 11 pieds, tous les autres en comptent 10, maladresse ou volontaire ?)

Dans l'ensemble j'ai apprécié et passé un bon moment, j'aime assez la petite morale à la fin de votre texte ; j'ai trouvé l'expression "Dieu en flammes" très intéressante.

Merci beaucoup pour ce partage,
Au plaisir de vous lire à nouveau,
Asrya.

   Neojamin   
30/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Je me suis bien laissé prendre par l'histoire, un style original et charismatique. J'aime bien. Un poil trop de réflexions personnelles mais ça reste digeste.
Là où ça a coince, c'est avec le dialogue. J'ai moi aussi souvent des problèmes avec cette partie-là ! Je n'ai pas compris le ton soutenu employé, je suis complètement sorti du récit à me demander presque si ce dialogue n'appartenait pas à une autre histoire, à une autre époque. Un Rom parlerait-il vraiment de la sorte ?
Ensuite, le deuxième dialogue, le style est carrément moins soutenu («Allez, viens, beau gosse») mais tout aussi peu crédible pour moi. Ça m'a paru très irréel alors que l'auteur vient de décrire la déchéance de la situation...

La suite de l'histoire est assez décousue je trouve, les allers-retours présent-passé sont maladroits. Dans l'ensemble, je n'y ai pas trop cru. Le début est très bon, mais la suite manque de cohérence avec l'histoire, dommage car la plume est belle et le style très original.
J'espère vous lire de nouveau !

J'ai bien aimé:
- «nous roulions soudés vers la nuit»
- «parTalonné par la mort, celle-ci m'offrait la cigarette du condamné»
J'ai tiqué:
- «Oh ! le beau délit de faciès», un agent ne se dirait pas ça je pense.

   Anonyme   
28/5/2015
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Benadel,

vous avez pris pour thème de votre nouvelle un sujet très difficile.

Quant à l'écriture, il me semble que vous êtes resté un peu en dessous de ce que devrait être un tel récit.
Les réflexions du personnage principal par rapport à sa situation dramatique, et même par rapport à son origine, par exemple la référence à la Joconde pour un Rom à l’époque, cela me semble étonnant, bien sûr possible, mais ce sont surtout ses réactions qui me semblent déconnectées ou trop décalées.

Même le vocabulaire qu’il emploie, bon, passé au filtre de l’écrivain qui est le narrateur, ou le scribe, mais quand même, ça dénote, par exemple :
'La précarité de notre situation ne se prêtait guère aux circonlocutions’
et il y a pas mal de passages qui me font cet effet.

Après, je n’ai jamais vécu ce genre de situation et il est possible que les choses se passent ainsi parfois, car il y a beaucoup de légèreté en l’homme, ou de ressources étonnantes qui se révèlent dans des situations exceptionnelles.

Mais le style de votre écriture par rapport au sujet ne m’emporte pas.
J’ai l’impression que vous survolez la situation, pas assez de pathos, ou pas assez de folie, ou pas assez de cruauté…ou de simplicité, à mon goût, et compte tenu du thème.

Je n’ai pas de conseil à vous donner, mais je pense que vous devriez creuser pour déterrer plus de vérité cachée de la situation de ces personnes. Je concède que ce doit être très difficile.

J'ai quand même apprécié votre initiative, car elle dénote un intérêt pour ce drame humain, ceci me touche.

Cordialement

C.

   hersen   
28/5/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Ce qui a dominé pendant ma lecture de votre nouvelle est un décalage quasi constant entre la situation et le vocabulaire utilisé.
Pour illustrer mon propos, en voici un seul exemple : le mot " marivaudage ". Il est pour moi aux antipodes de ce que l'on peut vivre dans des moments si difficiles, tragiques. Il donne une connotation gaie, légère et à aucun moment je ne peux m'imaginer cette légèreté dans votre histoire. Ceci n'exclut en rien une attirance amoureuse, sexuelle lorsqu'on est au bout de tout, au contraire, cela souligne l'humain toujours en nous, jusqu'à la fin. Mais il aurait fallu une densité, une gravité qui alors m'aurait fait entrer dans votre récit.
Je le regrette d'autant plus que je sens que vous avez mis beaucoup dans votre récit mais que ça n'atteint pas la cible.
A vous lire une prochaine fois.

   bigornette   
29/5/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour Benadel.

Une lumière brille temporairement au sein des plus noires ténèbres. En théorie, très belle histoire. En pratique, La belle et l'horreur manque son but. Il faut dire que le pari était risqué. Je vous tire mon chapeau d'avoir essayé, mais, de mon point de vue, c'est à recommencer.

Le problème est que ce sujet tellement grave ne donne pas droit à l'erreur. La moindre imperfection peut avoir des conséquences fâcheuses.

Exemple : l'entremêlement de champs lexicaux totalement opposés, comme "les bras de Morphée" et "l'entassement ignominieux". "La coquine gloriole" et "l'homme vomitif". "Marivaudage" et "immonde promiscuité". Cette "promiscuité" des expressions suscite un certain malaise.

Un beau brin de fille dans ce wagon mortifère ? A peine maquillée ? Est-on bien toujours dans le registre de l'amour ? Ou dans celui du fantasme ? La jeune fille n'a pas forcément besoin d'être maquillée pour paraître belle dans cet horrible wagon.

Mais le comble du mauvais goût est atteint avec "Son popotin devint un Enfer". Là on a envie de rire. Puis on se souvient de l'endroit dans lequel ils sont.

Moins grave, le paragraphe où le narrateur raconte son passé est en trop. On s'en fiche, si je peux me permettre. "J'étais un vieux Rom encore plein d'activité" suffisait amplement.

La prière est touchante, neutralisé aussitôt par un poème qui lui enlève toute sa force. Sans parler de la foule qui dit "amen"... On n'y croit pas une seule seconde.

Vous avez des moments fulgurants, comme cette expression : "les sbires de l'imaginaire" (génial !) et les dernières phrases, qui sont superbes.

"J’ai soufflé mon histoire à un écrivain, car du ciel, je m’aperçois que Dieu brûle encore. Le brasier, s’il est moindre, est toujours aussi tenace, car la bête immonde souffle toujours sur lui." Belle pirouette finale.

En un mot, la bagatelle et l'extermination ne font pas bon ménage. Une histoire d'amour, ou une histoire de tendresse auraient été infiniment plus intéressantes qu'un vieux Rom en train de draguer une minette dans un train en route pour Birkenau.

J'espère ne pas avoir été trop dur. Continuez. Merci.

   MissNeko   
22/7/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ouah.... Que ce récit est dur et émouvant. J ai pris une claque.
J ai beaucoup aimé les réflexions de BRishen et le sursaut amoureux malgré les circonstances affreuses.
Seul bémol : les dialogues sont peut être un poil trop pompeux pour être vrais. A part cela j ai adoré.


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