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Sentimental/Romanesque
BigSur : L'intime défaite
 Publié le 15/07/15  -  4 commentaires  -  3939 caractères  -  100 lectures    Autres textes du même auteur

La peur de l'échec va de pair avec celle d'aimer, s'ouvrir à l'autre c'est comme perdre une grande bataille.


L'intime défaite


C'est arrivé très vite selon lui. Les premiers symptômes sont devenus visibles dès les premières semaines, et rien ne pouvait y faire malgré la colère bouillonnante et la désillusion : il était malade. Nous pensons toujours que ce sont les autres qui vont partir en premier, que les pires choses de la vie n'arrivent qu'à nos semblables, mais jamais à nous, nous nous croyons intouchables, comme protégés dans un fort à l'abri du temps et des maux, jusqu'à ce qu'une immense armée vienne abattre nos murs, piller nos cœurs et incendier nos corps. L'hiver est arrivé plus vite que prévu, le voile obscur s'est abattu sur son royaume au fur et à mesure que le jour perdait du terrain. Sans crier gare, sans bruit, son ciel étoilé est devenu terne, et le phare de ses faiblesses nouvelles s'est mis à briller de mille feux, comme pour annoncer que l'heure était venue. Alors elle est arrivée, comme un insecte attiré par la lumière d'une vieille cabane, ou un vautour distrait par les derniers soupirs d'un animal blessé. Elle s'est rendue devant les remparts de son fort et elle les a assiégés avec une férocité sans nom.


Le jeune capitaine s'est lentement approché du bord, contemplant avec résignation l'étendue de sa perte. Du haut de sa tour d'ivoire, il ne pouvait concevoir les raisons d'un tel acharnement, lui, qui avait toujours su surmonter les difficultés de la vie avec adresse, devait pour la première fois faire face à un échec. Le vent lui fouettait le visage, et tout comme le froid intense d'un hiver vigoureux, l'armée adverse progressait d'heure en heure. Les jours et les mois sont passés, et après une sanglante bataille, l'aube rouge s'est levée sur ses ruines, mettant un terme à ce long siège. Le jeune capitaine avait traversé cette nuit, il avait combattu vaillamment, le sang et les larmes avaient coulé mais il était toujours debout au-dessus des ruines de son fort, le drapeau de la ténacité en main et le regard perdu vers un horizon encore vide mais rempli d'espoir. Il fut fait prisonnier par son ennemie intime et retenu en captivité pendant plusieurs semaines. La maladie le gagnait, mais plus elle prenait de place en lui, plus il souriait. Le jeune homme apprit donc à vivre avec cette douce maladie, à l'apprivoiser, à la dompter, à l'aimer. Affaibli par sa proximité avec l'origine même de son affliction, il fut autorisé à partir quelques semaines plus tard.


Sur le quai de la gare, là où les liens se font et se défont, le jeune capitaine attendait son dernier train, son ennemie l'accompagnant, dans la peine comme dans la joie. Le train fut annoncé très vite, et le sifflement de ce dernier se faisait entendre au loin, brisant l'intimité d'un adieu en pleine foule. La porte du wagon s'est ouverte, lui donnant un aperçu de sa nouvelle vie. Il s'est tourné vers son ennemie, le regard plein d'élégance, « merci de m'avoir laissé perdre ». Elle lui glissa un léger baiser sur le coin des lèvres et ses grands yeux lui annoncèrent qu'elle avait encore bien d'autres batailles à mener.


Le capitaine monta dans son train et s'installa à sa place numérotée, un exemplaire du journal reposait sur le siège voisin. Son regard fut attiré par le titre d'une nouvelle en fin de page : « L'amour est un train qui passe, une belle femme à chaque quai de gare ». À peine eut-il le temps de lever les yeux à la fenêtre pour l'observer une dernière fois que le train se mit à prendre de la vitesse. Il sentit les deux grands yeux le pénétrer de toute part, le poignarder dans le dos, les portes du fort se refermaient. La montagne de fer, de charbon et de vapeur se mit à aller de plus en plus vite, le temps passait à toute vitesse, les époques défilaient sous ses yeux, les quais étaient de plus en plus flous, les silhouettes de plus en plus belles. Le train se mit à prendre son envol dans le ciel, à léviter comme un objet céleste, une comète en perdition dans un ciel sans nuage. Il était guéri.


 
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   in-flight   
24/6/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une bien belle métaphore sur la mort, ennemie intime que nous rentrons tôt ou tard.
Plusieurs maladies sont envisageables, vous n'en dites pas trop sur les symptômes et c'est très bien comme ça.

J'espère toutefois avoir bien compris la fin: pour moi le "il était guéri" signifie qu'il vient de mourir.

Merci.

   AlexC   
16/7/2015
 a aimé ce texte 
Un peu
Hello BigSur,

Le résumé de votre nouvelle fonctionne. Le thème n’a rien d’original, mais la tournure sonne bien et le traitement métaphorique annoncé m’a donné envie d’en savoir plus.

Vous partez du postulat que l’amour est une maladie à laquelle l’on livre bataille. Nos forts individuels étant pris d’assaut par des armées de passions. Avec le temps, les assiégés abandonnent toute résistance et se laissent envahir. Prisonniers de leurs sentiments, ils finissent par s’en accommoder, voir même s’attacher (Syndrome de Stockholm quand tu nous tiens !). Mais affaiblis par plusieurs semaines de dure captivité, la maladie les libèrent, les laissent s’envoler vers d’autres cieux.

Bon, ça c’est ce que j’en ai tiré après un dur travail de décryptage. Et je suis probablement loin de ce que vous souhaitiez décrire. Ce que je note ici, c’est que votre texte manque de clarté à mes yeux. Il m’a fallu du temps pour en saisir la substance et la fin reste encore une énigme. Ce qui n’est pas forcément un mal de manière générale, mais là je suis resté perplexe.

Vous laissez la porte ouverte au moins à deux interprétations : est-ce que l’on ne sort de l’amour qu’en franchissant le pas de l’autre Monde comme l’indique les époques qui défilent sous les yeux du héros et le dernier train qui prend son envol dans le ciel ou est-ce que l’on guérit de l’amour lorsque l’on met la maladie derrière soit et que l’on atteint une autre gare, une autre étape sur le chemin de la vie ?

Bref, cette fin m’a laissé un peu frustré par son manque d’uniformité.

Quelques remarques :
“L’hiver est arrivé…” Je serai aller à la ligne ici pour plus de clarté.
“Alors elle est arrivée, (…)” Vous parlez de l’armée j’imagine, ce n’est pas très clair.
“Le jeune capitaine s’est lentement approché du bord, contemplant avec résignation l’étendue de sa perte.” Tout d’un coup, je me suis cru sur un navire ! Capitaine de quoi ? Le mot prête à confusion si vous ne préciser rien, de même pour le bord… bord de quoi ?
“l’armée adverse progressait d’heure en heure. Les jours et les mois sont passés…” c’est un tantinet contradictoire. L’armée progresse tous les heures mais a mis plusieurs mois pour enfin gagner la bataille ?
“Sur le quai de la gare…” Dommage que cette métaphore se marie mal avec forts et sièges qui sont plutôt orientés époque médiévale. Peut-être qu’une métaphore militaire centrée sur les tranchées de la Première Guerre Mondiale aurait mieux convenu ?

Je tique :
“le voile obscure s’est abattu sur son royaume"
“un vautour distrait par les derniers soupirs d’un animal blessé”
“elle s’est rendue devant les remparts de son fort”
“horizon encore vide mais rempli d’espoir"

Je jubile :
“piller nos cœurs et incendier nos corps”

Avec plusieurs lectures transversales, j’ai finalement saisi toute la portée de votre propos. Avec un thème aussi triste, j’aurais aimé qu’il me frappe de plein fouet à la première lecture…

Alex

   Marite   
19/7/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dès les premières phrases j'ai été captivée par ce combat intime livré par le "capitaine". Aucune ambiguïté pour moi, il s'agit bien d'un combat contre une maladie pernicieuse qui dévore les forces vitales jusqu'à n'en laisser qu'une seule, inattaquable, qu'il ne soupçonnait pas mais qu'il a trouvé au moment où, enfin, il a accepté la situation : " La porte du wagon s'est ouverte, lui donnant un aperçu de sa nouvelle vie. Il s'est tourné vers son ennemie, le regard plein d'élégance, « merci de m'avoir laissé perdre ».
La conclusion nous apporte un soulagement : "Le train se mit à prendre son envol dans le ciel, à léviter comme un objet céleste, une comète en perdition dans un ciel sans nuage. Il était guéri."
Cette image du train ... elle peut revenir dans les rêves parfois et sa signification est très forte pour qui veut bien s'y arrêter.

   carbona   
5/8/2015
J'ai de suite été captivée par votre récit. La maladie. Un thème qui m'a beaucoup touchée. Votre métaphore est bien menée mais j'aurais préféré que le personnage gagne le combat.

Je déteste qu'il prenne ce train.



A vous relire !


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