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Policier/Noir/Thriller
Birdy/Artpentie : À bout de course
 Publié le 29/09/07  -  2 commentaires  -  11896 caractères  -  17 lectures    Autres textes du même auteur

une course noire... en tout cas un essai...


À bout de course


Lui qui avait rêvé il n’y a pas si longtemps d’entendre la foule acclamer son nom, de s’enrouler à son tour dans le drapeau de ce pays qui le comprenait si peu… il se disait qu’il ne pouvait pas échouer, qu’il participait à une course contre l’histoire trop vite écrite d’une civilisation anthropophage.


Allongé sur le sol, incapable de parler, il suit du regard les lumières des ambulances, comme si elles lui indiquaient la fin d’une route, la fin d’une course.

Celle-ci aura duré deux ans, course de fond, lui dont la spécialité était le demi-fond.

Le coup de départ avait été donné par la fédération, qui lui avait retiré sa licence pour dopage. Il s’est brièvement posé la question, mais la réponse lui avait sauté au visage, comme une fulgurance. S’il devait le refaire…


Il n’avait pas le choix, ses capacités ne lui offriraient pas son rêve face à des athlètes dont la motivation n’était pas soutenue par le désespoir d’une famille à taille d’ethnie. Il avait cette assurance proche de l’état de grâce qui lui permettait de voir et de comprendre son histoire dans l’histoire.


Il avait accepté la décision plus immuablement qu’un Œdipe en crise.

La lettre était arrivée chez sa mère, mais elle ne lisait pas le français. Il avait donc pu entretenir ses espoirs, sans remords. La vérité, il ne la voyait pas dans cette lettre. Il avait juste dit à sa mère que la fédération le félicitait pour ses résultats. Il était sûr de ne pas faire la une des JT, qui s’intéresse à un jeune de banlieue de vingt ans qui avait tout juste réussi les épreuves d’entrée en équipe nationale, et qui s’en était fait virer au bout de deux mois.

Sa mère pouvait encore croire en lui. Au début, il revenait chaque week-end, mais sa mère s’inquiétant de ne pas le savoir en épreuves, il avait décidé de ne plus revenir qu’un week-end sur deux, puis un par mois, puis…


Il avait trouvé refuge chez une fille d’une autre vie, à Paris. Elle habitait dans la rue des Anges. Elle venait de la même cité que lui. Ils s’étaient rencontrés par hasard dans un centre commercial. Il l’avait reconnu tout de suite. Trop heureux de cette chance, il avait tenu à garder le contact, mais elle semblait gênée, alors elle l’avait affranchi d’entrée :


« Écoute Mohammed, je ne suis plus fréquentable pour quelqu’un comme toi. Il ne faut pas qu’on se revoie. »


Mais lui s’en foutait. Son père était mort quand il avait deux ans, et les principes d’éducation religieux avec lui. Sa mère l’avait élevé seule, avec ses quatre autres enfants, entre ménage dans les bureaux et RER. Ses grands frères avaient eux commencé une formation accélérée sur l’économie souterraine des banlieues. Il était l’espoir d’une famille qui n’en avait plus.

Il avait pris le numéro de téléphone portable de Malia. Et il n’avait pas tardé à la contacter.

Le planning chargé de ces deux-là ne leur permettait pas de se voir souvent, aussi la parole avait vite été échangée contre une intimité gratuite.


Une fois renvoyé, Mohammed avait fini par demander à Malia de le loger dans l’urgence.

Et naturellement il était devenu dealer. Simplement. Par suite logique. Mais il avait un discours incompréhensible. Il vivait l’urgence sur le rythme d’une course. Il avait fait de sa vie entière une course.


Les règles, les lois, tout cela n’avait plus d’importance. Seule la course comptait.


Les lumières, ses paupières ne veulent pas fermer. Les flics empêchent les pompiers d’avancer, Mohammed n’a pas lâché son arme. Le silence.


Il se levait à 5h. Il faisait les afters, en à peine deux mois, il était reconnu dans toutes les boîtes de Paris. On l’appelait « le coureur ». Lui s’en foutait.

Il écrivait sa course à force de pas.

La police. Deux mois de prison. Un maton un jour s’est intéressé à lui.


« Je comprend pas Mohammed. Tu avais une chance…et t’as tout flingué…tout ça pour quoi ? »


Mais le maton n’avait pas compris sa réponse.

Et il est ressorti pour retrouver Malia, le visage tuméfié.


Une maîtresse d’école s’était inquiétée quand il était petit de son manque de réaction face aux punitions. Il avait toujours l’air si indifférent.

Il avait frappé un de ses camarades dans la cour d’école. Pour toute réponse aux demandes d’explications, il avait dit que son camarade l’avait insulté. Mais c’est le calme d’un enfant de huit ans qui les avait laissés perplexes. Il semblait n’avoir peur de rien. C’est le mélange entre un ton d’adulte et des paroles d’enfant qu’ils n’avaient pas compris.

Vite catalogué comme associable, ils avaient pensé que le sport…

Et ça semblait marcher.

Alors le problème fut considéré comme résolu.


À quinze ans, gagnant par moment et perdant à d’autres, certains saluaient l’apparente détermination à s’en sortir de ce jeune de banlieue qui avait mal commencé dans la vie. Mais une gêne persistait. Le regard était toujours le même.

Il commençait à faire peur.

Son entraîneur lui avait proposé une solution pour augmenter ses performances. Il n’avait pas fallu argumenter longtemps. Et d’un coup, les chercheurs d’or s’intéressèrent à lui. Il lui avait promis un avenir magnifique pour peu qu’il travaille fort, et surtout qu’il n’abandonne pas ses études.


Son entraîneur misait beaucoup sur lui. Mohammed semblait assumer la situation.

Les regards entre eux auraient dû être complices, mais son premier dealer n’arrivait pas à avoir d’ascendance assurée sur lui. Il misait sur lui tout en ayant un reste de conscience vite étouffé par un fantasme de réussite. Quelque chose dans son regard…


Les flics ont délimité une zone tout autour de la scène du carnage. On dirait plus qu’ils attendent que le rideau tombe qu’ils n’essayent d’intervenir. Spectateurs d’une situation qui leur échappent complètement. Mais le simple fait d’être là semble suffire à rassurer toute une ville. Tout est sous contrôle, ou presque…


Il n’avait rien dit en montant dans la voiture. Malia essayait de le faire parler. Mais rien.

Ils étaient rentrés, après avoir fait des courses, des boîtes de lentilles, du soda, du whisky et deux grammes.

Après avoir mangé, Mohammed est sorti. Il est allé voir la mac de Malia. Il l’a tuée.

Puis il a attendu. Au pied de l’immeuble en face. Il savait que les premiers prévenus ne seraient pas les flics. Deux types sont arrivés. Ils sont montés dans l’appartement, et en redescendant, ils lui ont fait signe.

Il les a suivis sans rien dire. Une demi heure plus tard, ils arrivaient devant un bar à pute quelconque.

Mohammed est entré et a attendu. Les types sont allés au fond dans une salle privée. Ils en sont revenus cinq minutes plus tard.

Ils l’y ont emmené. Là, un haïtien entouré de deux fausses blondes en string.


« Allez les filles…faites plaisir à papa…. »


Il était là debout. Les filles ont fini ce qu’elles avaient commencé.


« Allez, cassez-vous maintenant. »


Elles sont sorties.


« Tu t’appelles Mohammed. On t’appelle « le coureur ». Et tu viens de buter une de mes plus fidèles employées. On va voir si t’es vraiment con. »


L’un des types restés derrière Mohammed lui a flanqué un grand coup de crosse dans le dos. Il s’étale à terre. Le deuxième a empoigné ses cheveux. Pas un mot. Il n’a rien dit.


« Chargé comme tu l’es, tu dois pas sentir grand-chose…ça servirait donc pas à grand-chose de te foutre une branlée… »


Il a entendu le premier type armer son calibre. Il a senti le canon derrière son crâne. Mais il ne disait toujours rien.


Il lui reste deux balles. Son regard se pose sur ce qu’il reste de Malia. Un corps inerte. Baignant dans son propre sang.


« Ok. On va voir si tu joues ou si t’as vraiment des couilles de taureau… tu viens de me faire perdre de l’argent. Tu me dois cet argent. C’est les bases du commerce. Tu vas donc dealer pour moi. Et je vais te donner envie d’être loyal. Mais sache une chose. Au moment même où t’auras envie d’utiliser ton inconscience à m’entuber, t’es mort. Aussi sûrement que je vais t’arracher les couilles. »


Un autre mec est arrivé. Pendant que les deux premiers l’ont tenu debout, ils lui ont baissé son jean. Il a hurlé, mais pas de douleur, ou pas seulement.


« Ils vont t’emmener dans notre clinique personnelle. Dans une semaine je veux te voir ici. Cassez-vous. »


Il s’est évanoui. En se réveillant, il a sondé du regard la pièce dans laquelle il s’est retrouvé. Il a vite compris qu’il était dans un hôtel miteux de banlieue. La douleur était insupportable. Un gars est rentré, une larve, il lui prépare une dose.

« On est mardi. Je sais pas ce que t’as fait à l’haïtien, et je veux pas le savoir. Mais si t’es assez taré pour croire qu’il va s’arrêter là, laisse-moi te donner un seul conseil. Tire toi une balle dans le crâne tout de suite, ça t’épargnera le reste. Il te reste cinq jours. »


Dans ses yeux, aucune larme n’a jamais coulé. Dans son esprit aucune règle n’a jamais pénétré. En tout cas aucune règle à exception.

Il regarde les deux types allongés, morts, d’un côté, l’autre mec allongé, mort, de l’autre côté.


Il est retourné voir l’haïtien cinq jours plus tard.

Il lui a refilé l’équivalent de 5000 euros de came. Il lui a laissé la soirée pour lui en ramener le double. À sept heures le lendemain matin, il lui ramenait l’argent.


Le temps passe. Les sirènes des pompiers s’arrêtent.


Petit à petit l’haïtien lui donne de plus en plus.

Jusqu’à ce qu’il en ait pour 25 000 euros. Il a réussi à tout vendre en un week-end.

Mais le lendemain matin, c’est chez Malia qu’il est allé. Il lui a dit de faire sa valise, il lui a laissé deux minutes.

Malia s’est exécutée.

Et ils sont partis. Ils n’étaient pas sortis de l’immeuble que les deux types étaient déjà sur leur dos. Le soleil ne s’était pas encore levé.

Ils les ont embarqués. Et ils se sont dirigés vers une zone industrielle abandonnée.

Arrivés sur place, les deux types ont agenouillé Mohammed, et ils se sont amusés avec Malia.

Elle hurlait. On a beau être une pute, c’est dans les yeux des autres qu’on n’a pas de souffrance.


Ça y est. C’est presque fini. Il relève son bras jusqu’à ciel et tire. Une balle pour dieu.


Une autre voiture est arrivée. Les deux types se sont arrêtés. Un moment de répit pour Malia, un dernier regard pour Mohammed. La voiture s’est arrêtée.

L’haïtien en est descendu.

Les deux types étaient à dix mètres de Mohammed. Ils étaient statiques, arme au poing et braguette ouverte. L’haïtien a fait signe au gars resté dans la voiture. Ils sont quatre debout autour de lui.


Et l’haïtien s’est rapproché de lui.

Il voit sa course. Comme s’il l’avait préparée depuis le début.

Au moment où l’haïtien s’est penché vers lui, il ne lui a pas laissé le temps de parler, il l’a empoigné par le col de la chemise, en faisant un bouclier humain, il a couru en direction du premier type, l’haïtien s’est pris trois balles le temps qu’il y arrive, les deux autres ont arrêté de tirer le temps de comprendre, Mohammed arrache l’arme de sa main, et tire instantanément sur le premier type et tue les deux d’un coup. Les balles qui ont tué l’haïtien ont fini leurs courses dans son corps. L’autre mec pris de panique essaye de s’enfuir dans la première voiture, mais Mohammed lui tire dans le dos. Il se retourne le temps de voir le corps de Malia, elle avait essayé de s’enfuir et avait pris une balle perdue. Il ouvre sa chemise et arrache le micro que lui avaient mis les flics, il entend enfin les sirènes au loin. Il s’effondre.


Les flics ne lui laisseront pas l’occasion d’utiliser sa dernière balle.

Il est mort. Sa course est finie.

Sa mère vient pour la troisième fois dans cet hôpital, pour reconnaître son troisième fils.


S’il avait pu être là, il aurait peut être enfin réagi face à ce relais de la mort.

S’il avait pu être là, il aurait peut-être eu son premier regret. Celui de n’avoir pas compris que sa mère courait après lui.


 
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   Bidis   
29/9/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai quelquefois perdu le fil et pas tout à fait compris la dernière phrase. Il n'empêche. C'est haletant et bien écrit.

   Anonyme   
14/12/2007
 a aimé ce texte 
Bien
C'est un peu compliqué à suivre a cause des flashs back mais le récit garde son intérêt


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