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Policier/Noir/Thriller
CeeM : Accident (s)
 Publié le 08/10/08  -  8 commentaires  -  32192 caractères  -  46 lectures    Autres textes du même auteur

Un enfant se fait renverser par un bus.
Le chauffeur, paniqué, s'enfuit, empêchant les passagers de descendre.
S'ensuit une course poursuite décousue, menée par quelques piliers de comptoir assoiffés d'une rage maladive, rapidement suivis par quelques policiers fatigués.


Accident (s)


Le bus avait freiné trop tard.

Sur la chaussée trempée, le reflet de ses phares semblait fou. Un crissement de pneu déchira l’air pendant de longues secondes et puis il y eut un choc. Un choc sourd. Et alors qu’on avait la sensation de toujours l’entendre, un petit corps vola dans l’air, décrivant une courbe parfaite, et vint s’écraser sur une voiture en stationnement, à vingt mètres du bus. Le pare-brise éclata sous le choc et des éclats lumineux s’envolèrent vers le ciel et se dispersèrent tout autour du petit corps désarticulé. L’alarme de la voiture retentit à travers la nuit.

L’enfant glissa doucement du capot et se tassa sur les pavés humides. Un fin filet rouge coulait de son visage.


Pierre sortit de son bus en titubant, fit quelque pas en avant, le visage livide, décomposé. Il prit appui sur le toit d’une voiture, leva la tête vers le ciel noir, semblant chercher quelque chose. Pris de tremblements convulsifs, il esquissa un pas vers le corps et s’écroula sur le sol. Son hurlement rugit à travers sa gorge serrée et s’éleva dans l’air poisseux.


L’enfant était mort.


*


Il arriva, cinq minutes plus tard, deux voitures de police et une ambulance, toutes sirènes hurlantes.

Le bus, lui, n’était plus là.

Les flics, médusés, écoutaient quelques témoins expliquer comment le chauffeur, après avoir poussé un hurlement atroce, était remonté dans son véhicule, comment il avait empêché la dizaine de passagers de descendre, les menaçant selon certains d’un couteau, selon d’autres d’une batte de base-ball. Et il était parti. Tout simplement.


Les témoignages étaient difficiles à authentifier au vu du lieu de l’accident. Il y avait, dans un périmètre de moins de cent mètres, quatre rades qui dégorgeaient chaque soir à cette heure-ci de poivrots de la pire espèce.


L’enfant, qui ne devait pas avoir plus de sept ans, était encerclé par une masse compacte dans laquelle la police avait des difficultés à se frayer un passage. Les charognards avaient bondi, attirés par l’odeur du sang et du tragique, et observaient en chuchotant l’ange foudroyé. Celui-ci avait terminé sa chute dans une position grotesque et macabre, presque assis, une jambe à l’envers, plongé dans une flaque carmin, et avec une matière noirâtre, visqueuse, suintant de ses beaux cheveux blonds.

Il avait presque l’air vivant.

C’était horrible.


Lorsque le corps, rappelé par la gravité finit par s’effondrer dans un léger froissement de vêtements, un vague bruit spongieux et quelques craquements à peine audibles, on entendit la populace retenir son souffle et certains s’écartèrent. C’était trop.


Bientôt les policiers eurent raison des voyeurs et un semblant de périmètre de sécurité fut établi. Un jeune flic, les yeux humides et cernés, les traits déformés par l’horreur, ne put se contenir d’envoyer son poing meurtrir la chair d’un des vautours qui refusait obstinément de s’écarter et mentait grossièrement en prétendant connaître l’enfant. L’altercation fut vite maîtrisée et on emmena le petit corps brisé, protégé des regards anthropophages et hallucinés par un linceul blanc qui ne tarda pas à virer au rouge.


Le brancard fut placé dans l’ambulance et les infirmiers suivirent, le visage pâle et l’œil éteint. Les gyrophares balayaient l’espace et peignaient les murs à intervalles réguliers, de bleu et rouge.

Quelqu’un, quelque part, pleurait.


L’ambulance se mit en marche dans un sursaut et aussitôt tout le monde se dispersa. Les cannibales étaient repus, et retournaient noyer leurs misères dans un verre de rouge.

Le spectacle était fini.


*


Au comptoir du Bistrot du Coin, les avis convergeaient tous en une seule voix unanime et furibonde : il fallait que le salaud paye ! Le patron, exceptionnellement, lança une happy-hour afin que les poivrots puissent facilement se remettre de l’évènement.

On chercha avidement des informations sur l’accident mais malgré les quatre-vingt-quinze chaînes disponibles dans le bar, rien, aucun journal, aucune dépêche n’y faisait allusion.

C’était trop tôt.

Déçus, les clients ne se laissèrent pas abattre pour autant et entreprirent de raconter pour la dixième fois ce qu’ils avaient vu, chacun essayant de sublimer son récit, y ajoutant moult détails inventés ; du plus mauvais goût.

S’il eût été, à ce moment-là, quelqu’un de censé dans le bar, il aurait certainement mis le feu au bâtiment, après avoir piégé tout le monde à l’intérieur.


*


Pierre suait à grosses gouttes. Son bus dévorait la route et il n’avait pas l’impression d’y être pour quoi que ce soit. Son cerveau carburait encore plus vite, sans pour autant se fixer sur une idée précise ; il voyait parfois un visage adorable, orné de cheveux blonds poisseux de sang qui le regardait droit dans les yeux, parfois les contours indistincts d’une femme en pleine crise de nerfs, sans savoir s’il s’agissait de la mère du petit ou de sa propre femme qui s’apprêtait à sauter par la fenêtre.

Il savait qu’il fallait faire demi-tour, mettre fin à cette mascarade, se montrer responsable de ses actes, mais enfin MERDE ! Il roulait normalement lorsque l’enfant avait surgi d’une ruelle, invisible. Il n’avait compris ce qui se passait que lorsqu’il avait vu l’éclat des cheveux blonds dans les phares, le pied déjà en train d’écrabouiller la pédale de frein, tout en essayant de ne pas envoyer le bus dans le décor. Il avait su, et avait vu exactement ce qui s’était produit, comme au ralenti, il avait senti le corps rebondir sur la carrosserie, il avait vu s’envoler l’enfant et savait à ce moment que la mort était venue poindre sa sale gueule dans son monde.

D’énormes larmes lui roulaient sur les joues sans même qu’il ne s’en aperçoive et le bus continuait à avaler l’asphalte comme un dément.


À l’arrière, les gens commençaient à chuchoter entre eux.


*


En sortant du Bistrot, ils s’étaient rapidement répartis dans les véhicules. Ils avaient quatre voitures et une fourgonnette. Ils étaient excités comme des puces, les yeux fous et brillants, la langue pendante et le goût du sang plein la bouche. Ils se sentaient bien, pleins d’une fierté mensongère, convaincus d’être les messagers de la loi, ceux par lesquels la justice serait faite. L’envie de faire du mal, de voir couler le sang était là, et l’excuse ne pouvait être meilleure. Ils s’étaient armés comme ils avaient pu et agitaient en l’air leurs matraques de fortune, en poussant des cris rauques et étonnamment aigus. Comme pour un rodéo.

Ce n’était pas par volonté de justice qu’ils se mettaient en route, c’était leurs misères quotidiennes qui leur creusaient de grands trous dans la tête, qu’ils remplissaient avec toutes les merdes qu’ils voyaient et toutes les bouteilles qui passaient à leur portée, c’était leurs saloperies de vies qui rendaient à chacun ses instincts les plus dégueulasses.

Et cette quinzaine de types ivres morts savaient se mentir mieux que personne et ils partirent en hurlant, convaincus du bien-fondé de leur chasse à l’homme.


*


Ça faisait presque une demi-heure qu’ils s’étaient lancés à sa poursuite et ils ne savaient toujours pas où était ce foutu bus. L’inspecteur Bourgon regardait par la fenêtre, la tête encore pleine de cheveux blonds sanguinolents. Il ne portait aucun jugement moral sur le chauffeur de bus, il ne savait pas qui il était ni l’état dans lequel il était au moment de l’accident ; tout ce qu’il savait c’est que c’était horrible, simplement abominable ; l’enfant avait une mère et celle-ci n’allait pas tarder à voir le corps de son fils, ça lui envoyait des coups dans les tempes et il n’arrivait pas à se concentrer, il devait ramener ce type devant un tribunal, c’était la seule certitude qu’il avait.

Il pensa à sa femme qui voulait désespérément un gamin. Si elle savait…

Lui, franchement, ne savait plus.


*


Franck bouillonnait d’impatience. C’était son heure. Il allait pouvoir goûter à la gloire. Ou tout du moins à un semblant de reconnaissance et un article élogieux dans les faits divers des journaux locaux. Ce fils de pute de chauffeur complètement barge, il allait te le casser en deux, il allait sauver tous ces gens qui tremblaient de peur au fond du véhicule et livrer le criminel aux autorités compétentes. Il lui suffisait de saisir sa chance, de profiter d’un moment opportun pour se rapprocher sans que l’autre ne le voie, et puis quand il serait suffisamment proche, il lui sauterait dessus par surprise et lui ferait une clé de bras, et vite vite, il attraperait le volant et écraserait le frein. C’était la seule partie de son plan qui lui paraissait hasardeuse, mais enfin, il se débrouillerait. Il n’avait pas peur, pas vraiment, mais il ressentait une certaine angoisse, une urgence, il fallait qu’il passe rapidement à l’action parce qu’il y avait ce type au fond du bus qui avait l’air de penser exactement comme lui, mais pas de bol mon gros, pensa-t-il, c’est mon morceau de bravoure, c’est mon moment, alors garde-toi bien de venir faire ton héros, JE vais être dans le journal !

Et l’autre au fond, Didier, pensait effectivement exactement à la même chose en se mordillant les lèvres.


*


Les sirènes de police déchiraient la nuit çà et là, la campagne était pleine d’ombres mouvantes, d’éclats de phares, de hurlements et de policiers fatigués. Ils avaient dressé des barrages sur les quatre carrefours principaux, ils allaient le serrer, ce fils de pute, ils allaient l’arranger façon frustrés.


*


Pierre vit un éclat lumineux dans son rétroviseur et retint sa respiration. Il appuya encore un peu plus sur l’accélérateur et le bus fit un bond en avant, la petite route descendait et il prit rapidement de la vitesse, devant lui ses phares peinaient à trouer l’obscurité et l’air glacé qui rentrait par les fenêtres ouvertes faisait un bordel pas croyable, un rugissement de l’enfer à quatre degrés. Quand il jeta un nouveau coup d’œil dans son rétro, il vit encore l’éclat lumineux loin derrière, mais pas de gyrophare. Ça n’était sûrement rien. Il souffla un peu et ménagea son bus lorsque la route se mit à remonter d’un seul coup. Et puis, sortis de nulle part, les phares vinrent frapper à nouveau sur sa rétine, étrangement proches et menaçants, ils arrivaient à toute vitesse dans la côte et bientôt il s’aperçut qu’il y avait au moins trois ou quatre véhicules collés les uns aux autres, pas de gyrophare certes, mais un convoi qui se rapprochait inexorablement. Il devina immédiatement qu’ils étaient là pour lui, il connaissait la région et ses pauvres bougres imbibés de douleur et de mauvais alcool, et, s’il ne s’étonna pas une seconde de voir ce convoi d’ivrognes lancé à sa poursuite, il sentit la trouille lui remonter le long du dos et ses jambes se mirent à s’agiter toutes seules, si bien qu’il avait du mal à garder son pied sur l’accélérateur.


Et puis, à travers le boucan que faisait l’air en s’engouffrant dans le bus, il entendit très nettement les premiers hurlements, une meute de bêtes féroces dégénérées attirées par le sang, jouasses et horribles à l’idée d’un lynchage au clair de lune. Merde. Il préférait encore les flics. Une bonne truffée de plomb avant de s’endormir.


Il appuya tant qu’il put sur l’accélérateur et essaya de réfléchir à la situation, sans succès. Sa tête allait éclater, il commençait à en être persuadé, ou bien sous les coups de manches de pioche des charognards qui lui collaient au train, ou des matraques des flics, ou simplement à force de carburer aussi vite.

Il ne savait pas quoi faire sinon s’accrocher au volant, essayer comme il pouvait de réfréner les tremblements qui agitaient son corps, regarder droit devant et rouler le plus vite possible, jusqu’à ce que quelque chose se passe.


*


À l’arrière du bus, les passagers aussi avaient aperçu le convoi et en parlaient en chuchotant, de peur d’attirer l’attention du chauffeur. Franck commençait à réaliser que sa chance allait lui passer sous le nez. C’était le moment d’agir. Tous les passagers s’étaient retournés et regardaient par la vitre arrière, s’interrogeant sur l’identité du convoi. Certains émettaient l’hypothèse de complices du chauffeur venus lui prêter main-forte. D’autres secouaient la tête, atterrés par de telles divagations, mais non c’était des flics en civil voilà tout, finalement personne n’était rassuré et tout le monde avait raison. Franck ne bougeait pas.


Les cris que poussèrent les poursuivants en arrivant à portée du bus mirent tout le monde d’accord, ce n’étaient pas des flics. Franck roula des yeux en croyant reconnaître le conducteur de la camionnette qui se rapprochait rapidement. C’était un de ces piliers de comptoir du Bistrot du Coin avec qui il se mettait une cuite de temps en temps en rentrant de l’usine. Il se mit à respirer plus fort, décidément ça n’allait pas être facile, tout le monde semblait vouloir arrêter ce foutu bus et bordel de merde, c’était pas ce qu’il avait imaginé, les passagers eux-mêmes ne tenaient pas en place, il fallait qu’il passe à l’action.


Il se leva.


Il se mit à avancer à moitié accroupi, très lentement, essayant d’échapper aux yeux fous qui apparaissaient dans le rétroviseur de temps en temps. Il était encore à une bonne dizaine de mètres du chauffeur quand il sentit une main l’attraper par l’épaule et le tirer en arrière. Il tomba sur le dos et se retrouva nez à nez avec le grand type à lunettes qui se mordillait les doigts tout à l’heure, au fond du bus. Didier. Il tenta de se redresser mais l’autre le tenait plaqué au sol en appuyant de toutes ses forces sur ses épaules. Il lui lança un regard assassin, dans sa tête ça hurlait, bordel de merde, qu’est-ce qu’il faisait là cet abruti, il allait tout lui faire foirer, il FALLAIT qu’il soit le héros de cette histoire. Il en avait besoin, ce n’était pas seulement son ego, c’était les jurés qui l’attendaient la semaine prochaine au palais de justice, c’était eux qui devaient voir en lui un homme admirable, un courageux héros et non pas un soi-disant ivrogne qui battait sa femme.


MERDE ! susurra-t-il entre ses dents serrées.


L’autre lui plaqua une main sur la bouche et lui fit signe de la fermer.


*


Ils allaient se le faire. Ils allaient se payer ce chauffard. La camionnette ouvrait la voie et grappillait tranquillement les derniers mètres qui les séparaient du bus. À l’intérieur c’était la fête, encore mieux que cette fois où ils étaient partis tous ensemble titiller les hippies qui s’étaient installés dans une ferme abandonnée, près du terrain du Georges, et qui passaient leurs journées à jouer du tam-tam et à fumer de la marijuana.


La bouteille de schnaps passait de main en main, ils se donnaient de grandes claques sur les cuisses et tapaient en cadence leurs gourdins sur le toit du véhicule. Un long frisson leur parcourait les bras, ils hochaient la tête en marmonnant, parfois y en avait un ou deux qui hurlait comme des loups et tout le monde rigolait. Ils piaffaient d’impatience, ils avaient retrouvé le bus avant les flics, dans la région c’était comme ça que ça marchait. Ils allaient éclater le crâne de ce chauffeur de bus, ils se sentaient vivants ; ils étaient heureux.


*


Au barrage Nord, c’était l‘effervescence, on avait repéré le bus sur une petite route de campagne qui fonçait droit par ici, y avait pas d’autres chemins, la poursuite allait bientôt prendre fin, ils allaient attraper ce malade.

Tous les flics vérifiaient leur arme, faisaient cliqueter des machins et enfonçaient des bidules, des sourires apparaissaient sur les visages, c’était de la belle mécanique qu’ils avaient en main ; si la situation le permettait, ils allaient pouvoir tirer, c’était pas tous les jours, et puis pas avec n’importe quoi, certains en avaient même rêvé, ils tenaient entre leurs mains ces énormes fusils à pompe et ces mitraillettes dont ils ne pouvaient que trop rarement se servir !


L’excitation montait de plus en plus. Rares étaient ceux qui voyaient en tout ça un énorme merdier ; seuls quelques gradés et quelques bleus appréhendaient la situation et frémissaient d’angoisse en voyant dans les yeux de leurs collègues, un truc pas net du tout. Ils se contentaient de baisser suffisamment la tête pour que leur visière dérobe la scène à leurs regards.

Chacun se mit en position derrière les voitures et dans les buissons environnants. Le rond-point était couvert de tous les côtés, il n’y avait aucune échappatoire. Ils se jetaient des petits coups d’œil, souriant en guettant la route toute noire qui surgissait des ténèbres juste devant eux. Bientôt le bus allait arriver par là, ils n’en pouvaient déjà plus d’attendre.


*


Pierre entendit du bruit à l’arrière. En lorgnant dans le rétro, il finit par découvrir deux paires de jambes à une dizaine de mètres de là, qui trahissaient leurs propriétaires grossièrement cachés derrière les fauteuils. Il hésita une seconde et finalement se mit à gueuler :


- Je vous ai vus ! Faites pas de conneries, ok ! Je… J’en ai rien à foutre moi ! Faites rien ou sinon, je nous envoie tous dans le décor ! Compris ? Je… Hé !


Les jambes restaient immobiles.


*


Allez ! Yahh ! Vas-y George ! Envoie la gomme !


Et George envoyait. Il allait la dissoudre sa camionnette, il ne se rappelait pas d’avoir jamais été aussi vite. Il remontait tranquillement sur le flanc gauche du bus, il apercevait le chauffeur qui se retournait de temps en temps. L’air vif les frappait de plein fouet et aiguisait leurs sens meurtris par l’alcool. George se mit à klaxonner comme un damné et lorsqu’il croisa le regard terrorisé du chauffeur, il sourit de toutes ses dents, en prenant l’air le plus abominable possible. Le bus fit une embardée sur la droite et revint sur la camionnette dans un crissement à vous déchirer les tympans. L’espace d’un instant, tout le monde se tut et George faillit perdre le contrôle de son véhicule, le choc avait été d’une violence inouïe. Il rétrograda en catastrophe et perdit quelques dizaines de mètres, bordel de merde, ça n’allait pas se passer comme ça, il se percha sur l’accélérateur et hurla à pleins poumons.


*


Franck se redressa en premier. Ils avaient fini par se mettre d’accord. Didier serait lui aussi dans le journal mais l’initiative reviendrait à Franck. Il n’était pas mécontent de cet arrangement, il aurait tous les mérites et l’aide de cet énergumène ne serait pas inutile, loin de là. Et puis, il n’avait pas pu faire autrement. Il passa dans la rangée opposée et s’accroupit. Didier se leva et avança droit vers le chauffeur qui ne tarda pas à se retourner, le visage livide et fatigué, et regardant à nouveau la route se mit à gueuler :


- Oh ! Reste assis toi ! Je t’ai prévenu !


Et il accompagna sa menace d’une ruade sur la droite qui l’obligea à se concentrer sur sa conduite. Franck en profita pour venir se cacher juste derrière le siège du chauffeur et Didier fit semblant de tomber et roula en avant. Lorsqu’il leva la tête, il vit Franck juste devant lui qui lui fit un signe de la main. Le chauffeur se retourna et constatant la chute de Didier, lui montra d’une main l’arrière du bus et lança d’une voix forte :


- Bon, tu vois ! Retourne à l’arrière maintenant !


Didier ne bougea pas.


- Bordel, tu vas retourner à l’arrière, oui ! Allez !


Didier resta immobile.

C’était parfait, Franck était dans un angle mort, le chauffeur ne pouvait le voir, il ne lui restait plus qu’à bondir et étrangler ce fils de pute tandis que Didier écraserait la pédale de frein.

Il respira un bon coup et se prépara à passer à l’action.


*


Le barrage s’étendait sur tout le carrefour, seul îlot de lumière dans la nuit noire. L’inspecteur Bourdon avait donné les consignes et tout était en place. Il marchait de long en large en fumant une cigarette. Il faisait froid et l’air était humide, il pensait à la chaleur de son lit, à sa femme, il essayait de n’avoir en tête que des choses agréables et qui n’avaient rien à voir avec la situation.

Malgré cela, l’inspecteur n’était vraiment pas tranquille, il ne pouvait s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment. Entre ce chauffeur de bus qui semblait avoir perdu les pédales et qui risquait fort de foncer tout droit dans le tas, ces flics surexcités et impatients de tirer avec leurs grosses pétoires ou d’attendrir les chairs avec leurs matraques, et puis ce convoi de traîne-misère dont on lui avait rapporté qu’il suivait le bus de très près, les possibilités de débordements étaient multiples, les risques nombreux, les hypothétiques conséquences terrifiantes. Il secoua la tête pour essayer de chasser les idées noires qui s’infiltraient dans son esprit à mesure que l’attente grandissait. Il allait devoir être attentif et intransigeant. Il appela un des officiers en qui il avait toute confiance, donna les dernières instructions, demanda si on avait fini par savoir le nombre exact de passagers qui étaient retenus dans le bus et serra les dents lorsqu’il reçut un hochement d’épaules désolé pour seule réponse.

Il se figea quand il entendit les klaxons hurler dans l’obscurité.

Le bus arrivait.


*


Pierre s’efforçait de regarder droit devant, de ne pas céder à la panique que lui inspiraient ses poursuivants.

Il n’y arrivait pas.


La route s’était élargie et une des voitures le doublait par la droite tandis que la camionnette le serrait à gauche. Dans les deux véhicules des hommes hirsutes aux yeux fous hurlaient comme des sauvages en agitant toutes sortes d’objets contondants.

L’espace d’un instant, il fut presque tenté de lâcher le volant et de voir ce qu’il adviendrait. Il avait le sentiment que plus rien ne pouvait réellement lui arriver désormais.


Et alors même qu’il se laissait aller, la brume qui obscurcissait son esprit se dissipa lentement, s’effilocha jusqu’à ce qu’il puisse enfin appréhender pleinement, rationnellement la situation ; tout ça avait été beaucoup trop loin. Il avait les vies d’une dizaine de personnes entre les mains, celle de l’enfant était déjà impossible à supporter, ça lui creusait un grand trou dans la tête et des fils barbelés lui lacéraient la gorge, il fallait qu’il s’arrête et laisse descendre les passagers avant qu’un de ces abrutis qui lui donnaient la chasse ne l’envoie dans le décor ; il fallait que tout ça prenne fin.

Il allait se rendre.


Tout à coup une fenêtre éclata juste derrière lui et quelqu’un laissa échapper un cri. Il fit un écart, manqua de perdre le contrôle de son bus et se mit à hurler : MERDE, MERDE, MERDE ! Il se pencha autant qu’il put sur son volant, croyant qu’on lui tirait dessus , mais à la réflexion, il n’avait pas entendu de détonation, c’était autre chose. Il se redressa le plus lentement possible et jeta un coup d’œil à sa gauche, vit une grosse pierre lui arriver droit dessus et eut à peine le temps de se baisser que sa fenêtre se répandit sur lui. La pierre rebondit contre son appuie-tête et vint se loger près de ses pieds. Il serra les dents. Putain, ces tarés allaient tous les tuer ! Si la pierre l’avait touché, bordel, quelle bande de malades ! Il ne pouvait pas s’arrêter tant que ces types lui collaient au train.

Sans trop y croire il se pencha à sa vitre et hurla :


- Je vais me rendre, putain ! Arrêtez vos conneries !


Pour toute réponse, la camionnette se colla contre le bus, juste à sa hauteur et un type, blanc comme un mort, lui hurla toute une volée de menaces et d’injures en essayant de lui donner des coups avec une batte de base-ball.


Il donna un grand coup de volant qui envoya la camionnette tâter du bas-côté et un crissement de pneu fendit l’air.

Il jeta un œil plein d’espoir dans son rétro mais déjà les phares de la camionnette remontaient son sillage, bien en place sur la route, et les hurlements reprirent, plus décidés que jamais.


Loin devant lui, la nuit était baignée d’étranges lueurs qui semblaient émaner des nuages eux-mêmes et révélaient la topographie de la route. Il y avait un virage très serré à cent mètres environ. C’était sa chance. En le négociant bien, il pourrait envoyer un de ses poursuivants dans le décor et obliger les autres à sérieusement ralentir.

Il accéléra tant qu’il put.


*


Franck s’était tassé sur lui-même quand la première fenêtre avait éclaté. Il ne voyait plus Didier et n’osait pas bouger. Il se répétait inlassablement des encouragements, mais rien à faire, il restait cloué sur place.

Pourtant, il FALLAIT qu’il agisse.


Le bus freina brusquement. Il se cogna la tête contre l’armature métallique d’un siège. Un énorme choc ébranla le flanc du véhicule et il entendit un fracas de tôle froissée sur sa gauche tandis qu’une odeur de caoutchouc brûlé emplissait l’air. Le chauffeur éclata d’un rire mauvais et les pneus hurlèrent quand le bus sortit du virage.


Et soudainement, comme pour encourager Franck, semblant sortir de nulle part, une forte lumière blanche parsemée de traînées rouges et bleues éclata à l’avant du bus. C’était le moment. Il se releva et fut aveuglé par la lumière mais il réussit à coincer son bras sous le cou du chauffeur et hurla :


- Didier ! Didier ! Je l’ai ! Magne ! Didier ! en jetant des coups d’œil nerveux derrière lui.


Le chauffeur se débattait et sa main battait frénétiquement l’air. Franck serrait le plus fort possible. Ses yeux commençaient à se remettre doucement et il crut distinguer des phares, droit devant eux.


- DIDIER !


*


Didier ne bougeait pas. Il était toujours couché dans l’allée, immobile, le souffle court. Autour de sa tête, s’épanouissait une corolle foncée. Il ne pouvait pas bouger et la seule chose qu’il voyait était cette grosse pierre ensanglantée qui l’avait frappé derrière la nuque un peu plus tôt. La moquette était gorgée de sang. Il ferma les yeux. Il était salement sonné. Il ne savait pas s’il était en train de s’évanouir à nouveau ou de mourir tout à fait. Il sourit.


*


Pierre étouffait. Il se débattait tant qu’il pouvait mais l’autre resserrait sa prise de plus en plus, il avait des éclairs qui éclataient dans les yeux, il n’y voyait plus rien, les deux voitures restantes tamponnaient son bus, et il n’avait conscience que de son pied qui écrasait l’accélérateur. Et puis, tout à coup, l’autre le lâcha en hurlant : FREINE ! FREINE NOM DE DIEU ! Pierre ouvrit grands les yeux et comprit subitement d’où provenait toute cette lumière qui l’avait aveuglé à la sortie du virage. Y avait là un barrage de flic, dressé à quelques dizaines de mètres seulement, son bus était lancé à toute blinde, et, lorsqu’il essaya de freiner, quelque chose bloqua, ça ne marchait pas.

Une grosse pierre était coincée sous la pédale.

C’est au moment où il se pencha pour la dégager que claqua le premier coup de feu.


*


Lorsqu’il fut évident que le bus et les deux voitures qui l’encadraient ne freineraient pas, la jeune recrue Villot paniqua complètement et se mit à ouvrir le feu. Aussitôt, la plupart des autres flics firent fi des consignes élémentaires en cas de présence de civils. Ils se mirent eux aussi à arroser le convoi tandis que l’inspecteur s’époumonait à leur gueuler de se sauver au plus vite. Personne ne l’entendit hurler le cessez-le-feu. Ils étaient bien trop pris par ce qu’ils faisaient. En quelques secondes les trois véhicules furent troués de toute part, les pare-brise éclatèrent et une des voitures sortit subitement de la route et vint s’encastrer dans un énorme chêne.


*


Dans le bus, c’était le chaos, des morceaux de débris volaient partout, des trous apparaissaient régulièrement dans la carrosserie, les appuie-tête éclataient en morceaux, et tout au fond, les passagers, couchés par terre, hurlaient à se rendre dingues.


Franck s’était laissé tomber sur un siège et regardait avec distance son ventre charrier un flot continu de sang. Il comptait trois trous, tous dans l’estomac. Curieusement, il n’avait pas vraiment mal, ce n’était pas ça, il avait froid surtout. Il était immobile, une main posée sur son ventre, et regardait les voitures de flics se rapprocher à une vitesse grandissante.


*


George avait pris une balle en pleine tête et sa camionnette fonça droit sur le barrage.

Au même moment, Pierre donna un grand coup de volant et son bus se coucha dans un grincement sinistre avant de s’abattre, lui aussi, sur les forces de l’ordre ; et bientôt la scène ne fut plus qu’un enchevêtrement de métal tordu et de corps brisés, de flammes et de râles, de fumée, de mort.


*


Quand l’inspecteur se releva, il ne comprit pas tout de suite ce qu’il venait de se produire. Ça avait été si vite.

Tout autour de lui des gens hurlaient, des flammes dansaient et une fumée noire et piquante tournoyait et dérobait à son regard la vue du carnage.

En face de lui, Pierre gisait dans une flaque de sang et essayait de se relever. L’inspecteur lui tendit la main, l’arracha au bitume, et l’aida à sortir de la fournaise.


*


L’aube était baignée d’une lueur surnaturelle, comme si un deuxième soleil éclatait sur le carrefour à mesure que l’incendie amplifiait et que les cris s’étouffaient.

Les survivants se comptaient sur les doigts d’une main.


*


Dans la morgue, le drap qui couvrait l’enfant glissa par terre sans un bruit. La pièce était figée dans un silence à peine troublé par le ronronnement des appareils frigorifiques. Tout était blanc et métallique, froid, mort.


Un spasme agita la jambe de l’enfant, ses paupières frémirent, son petit bedon se gonfla et ses yeux s’ouvrirent très grands. Il se redressa, s’assit, les jambes tendues, la tête toute dégoulinante de sang et porta la main à son crâne. Il se gratta la tête un moment avec une drôle de grimace et passa longtemps à observer ses doigts couverts de sang. Il trembla lorsqu’il posa ses pieds sur le carrelage glacial et ramassa le drap pour se couvrir.


Il marcha droit vers la porte du dépôt, l’ouvrit en grand et s’enfonça dans un couloir obscur, éclairé par intermittence par un néon crasseux. On pouvait entendre le grésillement d’une radio derrière une des portes qui se présentaient à lui. Il la poussa suffisamment pour entendre distinctement le bulletin d’information qui relatait l’énorme carambolage qui venait d’avoir lieu à quelques kilomètres de la ville, et sur son doux visage enfantin apparut un sourire timide qui s’épanouit lentement, jusqu’à laisser l’éclat de ses dents trouer l’obscurité.


Il resta immobile un instant, l’air satisfait et son sourire devenu immense lui tordait le visage.


Il revint dans le dépôt, s’approcha du mur, et écrivit du bout de ses doigts ensanglantés, d’un beau rouge carmin, éclatant à l’œil de tous, une phrase plus longue qu’aucun enfant de son âge n’ait jamais écrite.

Et puis il sortit de la morgue comme si de rien n’était, recouvert de son seul drap, et disparut au coin de la rue.

Dans le ciel, le vent finissait de balayer l’épaisse colonne de fumée noire qui tournoyait à quelques centaines de mètres, et masquait le soleil naissant.


*


Lorsque le médecin légiste réussit enfin à joindre l’inspecteur Bourdon, il eut du mal à lui expliquer la situation et fut bien incapable de lui lire le message qui crevait le mur blanc de sa morgue, d’un rouge impitoyable, et qu’il ne cessait de lire et relire :


Vous croirez toujours à un hasard dégueulasse, un coup du sort funeste, un accident malheureux, un fait divers macabre ; vous saurez toujours mettre des mots bien à vous pour tenter d’expliquer, d’amoindrir, de lier, d’excuser, ces accidents, catastrophes et phénomènes ; mais rendez-vous à l’évidence, il est, en cet endroit qu’on nomme le monde, des forces plus grandes et mystérieuses que celle que vous adorez stupidement, et tout doucement, l’air de rien, sans même que vous ne vous en rendiez compte, nous finirons par débarrasser le monde de tous ces fils de pute.



 
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   Menvussa   
8/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quelle imagination! A moins que tu ne sois un charmant petit ange à tête blonde.
Le texte est long et la mise en page trop clairsemée m'a un peu gêné dans ma lecture. Plus le bus accélérait et plus j'avais l'impression que le narrateur voulait freiner l'action.
Bon! Çà c'est pour le côté négatif, faut bien trouver quelque chose à dire.
Le récit est palpitant, des images d'horreurs m'assaillent, des visages révulsés par la haine, une meute en furie. c'est pour le moins très visuel et le film se déroule sous mes yeux. Sûr ça pourrait faire un téléfilm. La fin nous fait basculer du thriller au fantastique et pour le coup le lecteur reste sur sa faim.
La phrase écrite par l'ange blond, ange de la mort manque de classe. C'est une phrase humaine qui manque singulièrement de grandiloquence rapport au personnage que l'on ne peut s'empêcher de nommer Belzébuth ou autres qualificatifs diaboliques.
" hasard dégueulasse", " fils de putes" c'est un peu faible pour le grand cornu.
Bon c'est mon point de vue, c'est pas un copain à moi.

Bref un vrai thriller en concentré avec quelques petites faiblesses qu'on voudrait effacer pour que ce soit parfait.

   Anonyme   
8/10/2008
Brrr ...
Pas mal, pas mal du tout, cette histoire !

La description de l'enflure grandissante de tous ces pseudo-justiciers croyant échapper, pour un instant, à leur médiocrité, c'est vachement bien croqué, oui.

Peut-être un chouia outré à mon goût, On a l'impression de s'essouffler à certains moments. On a l'impression que tous ces gens sont "trop" pour que ce soit crédible. Mais au fond pourquoi pas, c'est un parti pris intéressant aussi, c'est un style.

J'ai juste été un peu déconcertée par les dernières phrases, le "message" laissé à la morgue. Trop long me semble-t-il, trop "explicatif". Peut-être la toute dernière phrase aurait-elle suffi et aurait-elle été ainsi plus percutante.
Je ne sais pas, c'est mon impression ...

Mais bravo quand même, j'ai aimé. Une histoire en forme de caricature grinçante d'une certaine noirceur collective.

   Bidis   
8/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Début percutant. (Je suis jalouse : dans une de mes nouvelles, j’aurais bien voulu être capable d’un tel passage…). Et je comprends que cette nouvelle plaise. Elle est palpitante, pas du tout mal écrite, très visuelle…
Mais pour moi, cette histoire est plus qu’exagérée.
On poursuit un coupable pour le lyncher (déjà cela se passe rarement, du moins dans nos pays occidentaux), mais risquer pour cela de faire tuer plusieurs personnes dont peut-être des enfants, cela passe difficilement.
Mais alors, la mitraillade par la police est encore plus invraisemblable. On dirait presque une histoire de guerre. Un soldat peut perdre la tête parce qu’il est dans un contexte qui le dépasse complètement même s’il a été entraîné. Un policier qui craint pour sa vie ou son intégrité physique, aussi. Mais quand un véhicule fonce sur un barrage, les policiers ont le temps de s’écarter et si c’est un bus plein d’innocents, dont sans doute des enfants, il faudrait être un malade mental pour tirer.
Dans l’écriture aussi, l’exagération m’a choquée et même, entre autres, par moments, il me paraît qu'elle alourdit le texte.
Il y a de l’idée, indéniablement. Et la est chute est excellente. Dommage…
Ci-après, tout ce que je me suis permise de relever :
- « un hurlement atroce » : je trouve qu’ « atroce », au lieu de renforcer le hurlement, l’étouffe.
- « Les charognards avaient bondi » : bien sûr, la curiosité des gens est souvent morbide, mais « charognards » est quand même un mot trop fort. Il faudrait un mot intermédiaire entre « curieux » et ce mot-là. Et « avaient bondi » renforce l’exagération. On accourt voir un accident, ce n’est déjà pas bien joli, mais « bondir », non.
- « une flaque carmin » : par contre « carmin », c’est trop joli. Une flaque sanglante serait peut-être plus appropriée.
- « Lorsque le corps, rappelé par la gravité finit par s’effondrer dans un léger froissement de vêtements, un vague bruit spongieux et quelques craquements à peine audibles » : J’ai dû relire pour comprendre que « gravité » s’appliquait à la pesanteur, tant dans mon esprit le mot « grave » s’appliquait à l’accident. « Un léger froissement » : je trouve que les adjectifs alourdissent ce texte, ici, « froissement » suffisait tout comme « à peine audibles » affaiblissent les craquements dont la faible amplitude est déjà dans l’esprit avec « quelques ».
-« les phares vinrent frapper à nouveau sur sa rétine » : il me semble plus correct d’écrire « frapper sa rétine »
- « Il avait les vies d’une dizaine de personnes entre les mains, celle de l’enfant était déjà impossible à supporter » : ce n’est pas la vie de l’enfant qui est impossible à supporter, c’est sa mort…
- « Un jeune flic, les yeux humides et cernés, les traits déformés par l’horreur » jusqu’à « virer au rouge. » : je trouve que tout ce passage est exagéré, donc sonne faux.
- « le visage pâle » : ici je trouve que l’adjectif seul suffisait (« pâles, l’œil éteint »…)
- « Les cannibales étaient repus » : même remarque que plus haut. Je trouve qu’un texte est d’autant plus fort que les mots employés sont simples, adaptés à la situation et surtout sans emphase. « Le spectacle était fini. » : le mot « spectacle » suffit dans l’esprit du lecteur pour montrer combien est affreuse la curiosité devant un petit enfant mort.
- « S’il eût été, à ce moment-là » : j’aurais trouvé mieux d’écrire : « s’il se fût trouvé, à ce moment-là,…
- « S’il eût été, à ce moment-là, quelqu’un de censé dans le bar, il aurait certainement mis le feu au bâtiment, après avoir piégé tout le monde à l’intérieur. » : le sens de cette phrase m’échappe complètement. L’auteur voudrait-il dire qu’il est censé de mettre le feu à un bâtiment plein de gens sous prétexte qu’ils sont sadiques !!!
- « Pierre suait à grosses gouttes » : transpirait m’eût semblé plus élégant !
- « la tête encore pleine de cheveux blonds sanguinolents » : l’image que cette phrase provoque est étrange. J’aurais mieux compris : « la tête encore pleine de l’image des cheveux blonds… »
- « avec qui il se mettait une cuite » : se mettre une cuite n’est pas très joli, j’aurais nettement préféré « avec qui il prenait une cuite »
- « faisaient cliqueter des machins et enfonçaient des bidules » : je trouve que « machin » et « bidule » se conçoivent très bien dans la bouche d’un personnage, mais assez mal dans celle du narrateur. Or ici, ce ne peut être dans la bouche des personnages car ce sont des policiers, qui, aussi stupides soient-ils, appellent tout de même les éléments de leurs armes par leurs noms !
- « Faites rien ou sinon je nous envoie tous dans le décor ! » : ou sinon est une expression pléonasmique : « ou » ou « bien » sinon, pas les deux
- « et un type blanc comme un mort » : la rage froide rend peut-être blanc, mais avec la colère en action, c’est plutôt au rouge que l’on pense
- « Il donna un grand coup de volant » : Le dernier sujet dont on vient de parler est le type, à quoi normalement devrait se rapporter « Il ».
- « l’énorme carambolage » : l’auteur vient de nous faire vivre une scène de guerre et il taxe cela ensuite de « carambolage »
Entre très bien plus et moyen, je dirais bien +

   victhis0   
8/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Quel beau style...C'es enlevé, nerveux, méchant, misanthrope, avec une larme d'humour noir.
J'ai trouvé le début excellent, vraiment, la description de l'accident du gamin est saisissante. Le tout ferait un court métrage (cher mais) très chouette, avec une fin tout à fait inattendue.
je partage l'avis sur la relative trivialité de la plaidoirie finale, dont quelques lourdeurs (fils de pute) semblent bien inutiles en encombrantes. C'est un peu besogneux, un peu poussif, trop didactique. j'aurais aimé plus de mystère, que l'auteur pousse mon imagination dans quelques non dits. Mais celà reste un texte où je ne me suis pas ennuyé une minute malgré sa relaitve longueur.

   widjet   
9/10/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est un exercice particulièrement périlleux et difficile de jongler avec plusieurs personnages et de les faire vivre un évènement commun dans des lieux différents. L'auteur - qui a abattu un certain travail il faut le reconnaître - n'évite pas toujours une certaine confusion par moment, mais s'en sort honorablement au final. C'est rythmé, assez nerveux même en dépit de baisse de régime guère préjudiciables. L'écritute est correct dans son ensemble, mais comme le dit Bidis il y a des lourdeurs.

Le retournement final (et cette phrase, trop lourde, trop écrite), en revanche, me laisse perplexe et achève le texte sur une note étrange.
Il existe trop peu de textes du genre "policier" pour qu'on se prive de ce rare plaisir.

Widjet

   Jedediah   
19/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une nouvelle noire, très noire... Qui fait bien ressortir le côté "sombre", inavouable, qui se cache en chacun de nous.
La multiplicité des personnages est bien traitée, mais empêche d'en dresser des portraits plus terrifiants encore.
La fin est bien trouvée, et le tout m'a un peu fait penser à un scénario à la Stephen King.
Il manque cependant un petit quelque chose qui aurait pu m'enthousiasmer davantage encore...
Mais bravo pour cette histoire !

   Flupke   
14/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour CeeM,
Le s entre parenthèse du titre suggère une apocalypse démesurée au fur et à mesure du développement de la spirale pulpfictionnelle. Surtout avec la description minutieuses des forces en présence. Mais finalement avec ou sans diable le resultat est le même. L'enfer c'est les autres :-)
C'est très bien écrit et le rythme endiablé est impressionnant. Unputdownable page turner.
J'ai trébuché sur il arriva, cinq minutes plus tard... la formulation étrange, passive ma fait revenir en arrière.
La fin est chouette et surprenante.
Bravo !
Amicalement, Flupke

   CitizenErased   
16/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ça a déjà été dit, mais cette nouvelle me semble très visuelle, cinématographique.
Une histoire qu'on peut juger exagérée mais ça ne m'a nullement dérangé. Les portraits sont terrifiants de réalisme, c'est peut être l'accumulation des minables qui les rend un peu moins crédible, il n'y a pas un type pour racheter le lot, ni même pour essayer.
Je pense donc que certains seront gênés par le côté portrait à charge, mais moi j'ai adoré.
Merci et bravo.


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