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Sentimental/Romanesque
Celia1993 : Pastorale
 Publié le 15/02/25  -  8 commentaires  -  4560 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur

Un dimanche à la campagne.


Pastorale


L’odeur du tabac ne me dérange pas, du moins si c’est l’odeur du tabac à pipe. J’aime le voir manipuler sa pipe et son tabac, c’est un moment empreint de magie comme le dimanche lorsque le prêtre prononce des formules incantatoires en préparant le sacrifice auquel nous participons sans bien comprendre ce qui s’y mêle de complexité et de savoir-faire.


Il est bien plus âgé que moi mais cependant cela ne crée pas ce jeu de dominance propre aux hommes qui ont une maîtresse bien plus jeune. Il y a quelques années, j’ai accouché d’un premier enfant de lui ce qu’il ne sait pas. Il a toujours pensé que cet enfant était né d’une rencontre fortuite de ces jours de fêtes de village où les garçons pressent les filles de leur donner du plaisir sans penser aux conséquences parce que les conséquences ne valent que pour elles et ne les concernent jamais.


L’enfant est aussi blond qu’il est brun et ses traits sont aussi les miens, avec ces lignes douces que l’on prête à mon visage lorsque l’on croit me faire un compliment. Je n’aime pas la douceur pour elle-même, j’aime la vérité crue des sentiments et des envies qui naissent entre les êtres. Je n’aime pas que l’on habille de mots mièvres ce qui pousse sous ma peau lorsqu’un homme me regarde. Les aréoles de mes seins bourgeonnent librement sous le tissu de mes corsages pour que les hommes sachent combien j’aime leurs regards aiguisés de désir.


L’odeur du tabac grésillant m’enveloppe lorsqu’il exhale les premières volutes bleues de ses lèvres entrouvertes. Je me love alors contre son flanc – comme le font parfois les animaux domestiques aux heures fraîches – pour me fondre tout entière dans les vapeurs rassurantes de sueur douceâtre et de tabac frais. Les saveurs mêlées de cet homme fumant à côté de moi sont le signal discret qui fait naître les prémices du désir en mon ventre. Cette nuit je serai à lui mais il ne le sait pas encore et je ne fais rien pour qu’il puisse le penser. Qu’il reste dans ses pensées d’homme soucieux de maintenir le foyer de sa pipe allumée tandis que sa main distraite pèse sur mon cou pour offrir à ma joue le refuge de son épaule.


Il vit dans une ferme qu’il exploite seul depuis son veuvage. Il aimerait que je vienne parfois lui tenir compagnie dans son domaine d’arbres fruitiers qui donnent si peu pour tant de travail mais je ne suis jamais allée chez lui. Je ne me donne à lui que dans mon domaine parce qu’ici je suis celle qui donne des ordres et mène le monde à mon gré. Cela il le sait sans me le reprocher jamais car sous ses dehors de paysan que beaucoup jugeraient abrupts son âme est celle d’un gentleman.


Parfois je lui demande de me lire des poèmes de Virgile car il sait les lire comme personne et lorsque sa voix grave fait résonner les vers du poète au milieu de mes champs, je suis transportée et le plaisir m’inonde. Le cytise qui ombre avec parcimonie nos corps alanguis devient lui aussi sans le savoir celui que chantait le poète. Le temps n’existe plus, il est aboli par la grâce de la voix de mon amant et celle du poète encore si présent. Voici créé un moment d’éternité par la magie de ces voix qui se mêlent à travers les siècles. Nous devenons alors pour un instant les démiurges débonnaires de ce lieu de campagne tranquille.


Je ne suis pas croyante à tous crins mais j’aime ces instants où durant la messe dominicale la communauté m’étreint de ses chants adorables et naïfs. Je les chante aussi fort que le permet ma voix dans ces moments de grâce où les voûtes de l’église romane accueillent indifféremment les trémolos haut perchés et les voix prudentes à la justesse incertaine. Lui ne vient jamais se mêler à cette communauté. Je sais qu’il attend la fin de la cérémonie assis sur un banc de pierre du parvis, toujours le même, dans ses vêtements de velours ou de toile selon les saisons et coiffé de sa chevelure blanche indifférente au soleil ou au vent.


Le volume de Virgile qu’il n’oublie jamais d’apporter ces jours-là déforme la poche de sa veste. Mon plaisir à cet instant est à son acmé. J’envisage déjà ce que seront les prochaines heures de ce dimanche comme un autre et pourtant si particulier. Ce soir, après une promenade vespérale et après avoir nourri nos corps de ce qu’il aura apporté dans un panier d’osier, je lui ouvrirai ma chambre et là, sans autre forme de cérémonie il sera mon amant et j’ouvrirai mon ventre pour l’accueillir tandis que sa pipe fumante, posée sur la table de marbre blanc, consumera les derniers brins de tabac et que j’embrasserai ses lèvres embaumées que j’adore.


 
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   Cleamolettre   
2/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Cette pastorale m’a évoqué Lady Chatterley même si elle en diffère par les personnages et la situation. Mais c’est une ambiance, un instantané, qui peut y faire penser fugacement.
Sinon, j’ai beaucoup aimé le caractère qui se dessine, en creux, de la narratrice. Sa liberté, ses désirs assumés, ses instincts, son animalité, sa lucidité sur les rapports hommes/femmes, son refus de la douceur qui va très bien à cette force qu’on sent en elle.
Par petites touches, on cerne aussi cet homme, son rapport à la terre, à la pipe et à sa maitresse, son respect pour les envies de cette dernière même si elles ne sont pas les siennes, et sa voix de poète. Portraits touchants de ces amants de campagne unis par bien plus que les corps qui se mêlent.

J’ai été moins emballée par les passages sur l’église, bien écrits aussi mais qui m’ont semblé presque incongrus au milieu du reste.

   papipoete   
15/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Celia
Première parution, dans ce domaine de la Nouvelle, dans lequel je ne suis pas à mon affaire, au moment d'en dire ce que je pense.
Mais ici, je vais de ligne en ligne avec l'assurance d'un marcheur, en route pour Compostelle.
" Mon Homme, il est à moi mais rien que pour le Bon temps, sous mon home. "
Quand d'autres pourraient le voir comme un ours, moi, je lui trouve tant d'attrait ; normal, je l'aime tout simplement.
NB nombre de clins d'oeil me font sourire, comme lorsque cet amant, qui n'a pas la foi, attend sur le parvis de l'église la fin de la messe ( où sa Belle chante à tue-tête, alors qu'elle ne croit pas )
Et ce recueil de Virgile, que ce lecteur sans pareille, déclamera le soir, avant d'aimer celle qui aime " échauffer le regard des hommes, de ses seins bourgeonnant "
Par moment, je retrouve le héros de The Reader, que sa maîtresse supplie de lui lire Zola...
J'ai tout aimé de vos lignes, que le romantisme colore à merveille.

   baldr   
15/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une amoureuse a fait le printemps, et fait lire les Bucoliques de Virgile à son amant âgé... mais pourquoi le prêtre n'est-il pas un pasteur ? En tout cas, le seul mot qui n'est pas à sa place dans ce texte, c'est celui, trop fort, de sacrifice. J'aurais mis eucharistie. Oh, faites à votre gré, Celia1993, car vous savez y faire. Ainsi, l'amant plus âgé aux cheveux blancs (alors qu'elle a peut-être 25+7=32 ans !) ne sait pas qu'il a un fils de la femme avec qui il habite. Il se prend pour un père adoptif. Pourquoi ne le lui dit-elle pas ? On ne sait pas, on passe à l'érotisme et à la vie au foyer. Puis à Virgile, auteur des Bucoliques. Cytise ? SOS Claude, l'IA que j'utilise pour lire. "Le temps n'existe plus" est une expression trop utilisée pour figurer dans votre texte, je trouve, rare faute de goût ici. La fin est passablement crue mais la narratrice nous avait prévenus auparavant !

Tout cela ne mène à rien, ce n'est pas une histoire. Mais un moment qui revient cycliquement dans la vie d'une femme. Dit comme ça, ça ne m'aurait pas plu. Mais l'écriture est si agréable que je me suis laissé bercé. Ce texte me fait songer, lointainement, à Colette.

   Dameer   
16/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Hello Celia,

Seul point négatif, ce texte me rappelle trop les romans « paysans » publiés à une époque par France Loisirs.

L’histoire se passe selon toute vraisemblance à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle. Il trace le portrait d’une femme que l’on appellerait aujourd’hui « libérée » qui a certainement hérité de son père d’un domaine agricole : "Je ne me donne à lui que dans mon domaine parce qu’ici je suis celle qui donne des ordres et mène le monde à mon gré". L’homme qu’elle fréquente est plus âgé qu’elle, également propriétaire : "Il vit dans une ferme qu’il exploite seul depuis son veuvage."

Preuve de son indépendance, et qu’elle peut subvenir à ses propres moyens, elle n’a jamais révélé à cet homme que l’enfant qu’elle a eu est de lui : "Il y a quelques années, j’ai accouché d’un premier enfant de lui ce qu’il ne sait pas."

Cette pastorale raconte un dimanche, comme sans doute beaucoup d’autres dimanches, dans la vie de cette jeune femme : journée de repos dans la semaine, mais aussi de communion, avec ses différents rituels établis, qui s’entrelacent les uns aux autres au cours de la journée : le rituel de la pipe, le rituel de la messe et surtout de ses chants, le rituel de la poésie, le rituel du plaisir charnel le soir avec son amant. (L’histoire ne dit pas ce qu’elle fait de son enfant ce jour-là …)

La pipe, manipulée avec soin, devient un objet de culte, sa fumée une offrande rassurante, comparable aux gestes sacrés du prêtre lors de la messe. Le désir charnel est décrit avec une intensité presque mystique, transcendant le temps et l’espace, tandis que les chants à l’église représentent une communion collective, une étreinte spirituelle.

Ce texte célèbre la beauté des expériences sensuelles et spirituelles tout en questionnant les dynamiques de pouvoir et d’autonomie, invitant à réfléchir sur la manière dont nous investissons de sens les actes les plus simples de la vie.

   ALDO   
16/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Je quitte mon domaine pour découvrir le vôtre.


Un domaine matériel, physique, mais plein des fumées du spirituel,

qui dévoile "librement" mais protège le Secret,

qui, indépendant, pourtant se donne...


Qui très vif, dort à l'ombre du Cytise.

Humain sous le soleil de "tant de travail" il est animal aux heures fraîches...


Les odeurs d'encens, de tabac, de poésie et de sueurs se mêlent,
composent un bouquet très structuré .

   Jemabi   
16/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Ça pourrait être le début d'un roman. On aimerait en tous cas en lire davantage, ce qui est bon signe. L'image de la narratrice, lovée entre les bras de son amant, ressemble à la scène d'exposition d'une histoire à venir. Le texte, concis, sans fioritures, donne suffisamment suffisamment d'informations sur les personnages pour ouvrir la voie à un développement approfondi. Il y a de la matière, dans ce portrait d'une femme libre amoureuse de la vie autant que de son amant.

   Celia1993   
18/2/2025

   Francois   
19/2/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Je trouve malheureusement que ce texte est peu original.
L'écriture est loin d'être transcendante et je ne me sens pas transporté par cette histoire.

Beaucoup de lieux communs, de banalités :
"L’odeur du tabac ne me dérange pas, du moins si c’est l’odeur du tabac à pipe. "
On est heureux de l'apprendre...
"pour me fondre tout entière dans les vapeurs rassurantes de sueur douceâtre et de tabac frais."
La sueur rassurante ? Surtout si elle est douceâtre ?
"Le cytise qui ombre avec parcimonie nos corps alanguis devient lui aussi sans le savoir celui que chantait le poète."
Quelle phrase lourde et sans grâce !
"sans autre forme de cérémonie il sera mon amant et j’ouvrirai mon ventre pour l’accueillir "
Le "j'ouvrirai mon ventre pour l'accueillir " a été écrit au moins 10.000 fois, dans des romans "sentimentaux" (ou non) !


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