Extrait du journal Le Monde du 9 septembre 2012
Nous ne sommes pas seuls
"Au cours de la nuit du 9 septembre, un gigantesque cube noir d'une dizaine de kilomètres de côté est apparu au sud de la péninsule du Sinaï." Voilà ce qu’a déclaré ce matin le président égyptien Mohammed Hosni Moubarak, lors d'une conférence de presse événement au Caire. "Nous ne savons pas encore s'il s'agit d'un message, ou tout simplement d'un don de Dieu mais nous sommes sûrs d'une chose : ce n'est pas humain", a-t-il précisé.
Cette découverte extraordinaire a depuis été confirmée par de multiples images satellites et survols du site. La communauté internationale en émoi a demandé l'organisation d'une réunion des membres de l'ONU pour statuer la question. "S'il s'agit bien d'un artefact extraterrestre il est impératif d'y apporter une réponse diplomatique globale cohérente" a insisté le porte-parole de l'organisation Karlheinz Schreiber. Le Président égyptien a quant à lui confirmé être prêt à discuter d'un accord pour ouvrir ses frontières. "Cet objet est un don au monde, il est normal qu'il puisse profiter à tous".
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Témoignage de Mahmoud Mouzaffir Dayma, prétendu témoin de l'arrivée du cube, extrait du magazine Gala d'octobre 2012
Je l'ai vu comme je te vois ! C'est descendu du ciel, à travers les nuages, très lentement comme une plume. Il n'y avait pas de lumière, rien et pourtant il se détachait parfaitement dans la nuit. Un cube noir gigantesque, on aurait dit la Ka'ba [nota : la Ka'ba est un cube vide présent dans la grande mosquée à La Mecque. C'est vers lui que les musulmans se tournent pour leurs prières], c'était incroyable, un signe de Dieu !
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Témoignage de Abd Al-Wahid, autre prétendu témoin de l'arrivée du cube, extrait du magazine Paris Match d'octobre 2012
N'écoute pas tous ceux qui s'amusent à dire que le cube est apparu en flottant dans le ciel ou dans un flash lumineux. Ils racontent ça pour faire parler d'eux. Moi j'y étais, pas eux. Ça a surgi de terre ! Comme un énorme ascenseur souterrain. J'ai bien cru que ça n'en finirait jamais de s'élever tellement c'est gigantesque. Et le bruit ! Le bruit, comme le grincement d'une craie sur un tableau noir mais en dix fois plus puissant et pendant dix fois plus longtemps, avant la fin j'ai cru devenir fou.
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Extrait du journal Le Monde du 11 septembre 2012
Mission diplomatique
L'ONU a envoyé ce matin une délégation complète de scientifiques internationaux en Égypte afin d'étudier le cube apparu le 9 septembre au sud de la péninsule du Sinaï. Une zone de 500 km autour de l'objet d'origine inconnue a également été déclarée territoire international et placée sous la protection des casques bleus et des forces armées égyptiennes. La présence de cette armée est la seule exigence officielle du gouvernement égyptien. "Nous ne pouvons concevoir d'accueillir des représentants étrangers et ne pas en assurer la sécurité" a déclaré le représentant de l'Égypte au siège des Nations Unies. Certains y voient un premier signe de tension politique, d'autres une publicité visant à faire oublier les récents attentats du Caire.
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Témoignage anonyme
Ça me fait vraiment marrer que ce machin alien là, ce cube, il se soit pointé au beau milieu d'un pays arabe. Oh putain, j'aurais adoré être à la Maison Blanche quand les Amerloques ont appris la nouvelle. Ils devaient être verts c'est le cas de le dire, eux qui arrêtent pas de voir des OVNI planer dans leur jardin voilà que le premier vrai contact officiel décide d'aller fricoter de l'autre côté de l'Atlantique. Paye ton karma foireux. Enfin, ils l'ont encore jouée bien fine les ricains avec l'ONU, et vas-y que je te sers du "réponse internationale", et vas-y que je te fais du rond de jambe à coup de "l'humanité doit se serrer les coudes". Tss, bande d'hypocrites, si ce machin s'était posé au Texas ces empafés se le seraient gardé bien au chaud pour l'hiver, c'est moi qui vous le dis !
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 10 septembre 2012
Étrange affectation. Si on m'avait dit, il y a trois ans de ça, que je me retrouverais un jour aux abords de la plus gigantesque caillasse de l'univers à jouer les anges gardiens d'un troupeau de scientifiques, j'aurais ri de bon cœur. D'ailleurs, si on m'avait simplement dit que je deviendrais casque bleu un jour j'aurais trouvé ça tout aussi hilarant. Comme quoi les études littéraires ça mène à tout, pour peu qu'on les arrête à temps.
Tout mon régiment est parti en urgence hier de La Rochelle. Affectation immédiate sur demande de l'ONU, nous a dit le grand patron. En temps normal on aurait dû faire un petit stage de cohésion avec notre nouveau régiment de rattachement mais vu l'urgence de la situation ça se fera sur le tas. Je bredouille vaguement deux trois mots d'anglais, ça devrait aller.
Débarqués au Caire, on a été amenés sur zone par hélicoptère, impossible de poser le moindre avion dans le secteur pour le moment, du moins tant qu'une équipe du génie n'aura pas un peu balisé le terrain. J'ai été surprise de voir que les forces armées égyptiennes n'ont pas chômé depuis la découverte du cube. Ils ont délimité toute la zone sécurisée au moyen de barbelés et monté un camp de fortune à l'aplomb de la face nord de l'artefact. Mon régiment n'aura rien à faire, c'est les pieds sous la table comme chez papa maman. Plus étonnant encore, plein de curieux se sont déjà amassés dans des abris de fortune ou des tentes, le tout jeté pêle-mêle dans les dunes. Comme ça, au beau milieu du désert avec un équipement visiblement plus habitué à supporter la pluie que les tempêtes de sable. Ces gens sont inconscients, avec un peu de chance ils n'ont rien prévu pour manger ou boire, on va encore devoir jouer les baby-sitters... Enfin je ne vais pas me plaindre, comme disait mon sergent en formation, si j'ai signé, c'est pour en chier.
Demain matin, briefing. Je saurai enfin à quelle sauce je vais être mangée.
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 11 septembre 2012
Je n'en reviens toujours pas de la chance que j'ai ! Être un des témoins privilégiés du premier contact avec une entité extraterrestre, cela dépasse mes rêves les plus fous. J'entends encore le téléphone sonner dans mon bureau de l'université de Copenhague et une voix à l'anglais légèrement chevrotant demander "Vous êtes bien Mr Karl Homssen, l'exobiologiste auteur du rapport Homssen-Vogart et du protocole RR3 [ndr : Rencontre Rapprochée du 3e type] ?". J'ai à peine eu le temps d'acquiescer que j'étais déjà dans un avion en direction du désert égyptien. Vu l'urgence, je n'ai pas pu rassembler beaucoup d'affaires mais on m'a assuré que je bénéficierais d'un soutien logistique sans faille pour étudier l'artefact, ou plutôt, si j'en crois mon instinct, le vaisseau.
Nous sommes arrivés sur le site en pleine nuit. Le cube était là, planté immobile au centre de l'agitation grouillante des camps de fortune. Une cinquantaine de projecteurs placés sur chacun de ses côtés peinaient à l'éclairer totalement et son sommet se perdait dans l'obscurité. Les images passées en boucle à la télévision depuis sa découverte sont loin de rendre hommage à son gigantisme. Du sol, sa simple présence est écrasante, presque étouffante. À ma descente d'hélicoptère j'en suis resté bouche bée quelques minutes avant qu'un des casques bleus chargés d'assurer la protection du site ne m'indique la tente spartiate réservée aux équipes scientifiques.
Je meurs d'impatience d'étudier l'artefact de près, mais je dois attendre le reste de la délégation qui devrait arriver dans la matinée pour y avoir accès.
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 17 septembre 2012
Ces derniers jours ont été très chargés, c'est le moins qu'on puisse dire. J'oscille entre l'épuisement total et l'excitation la plus frénétique et ce ne sont pas les trois heures de sommeil que je m'accorde de mauvaise grâce chaque soir qui vont changer la donne. Si ça ne tenait qu'à moi je ne dormirais même pas mais je ne suis plus tout jeune et mon estomac supporte de plus en plus mal les régimes 100 % caféine.
Pour ne rien arranger, j'ai été propulsé "responsable phase 1" du protocole de recherche. Me voilà donc à la tête d'une équipe de 25 personnes chargée de tenter d'entrer en communication avec l'artefact. L'accès au cube nous est entièrement réservé "jusqu'à ce que tous les canaux de communication connus aient été testés", dixit Morgan Canister le responsable en charge de la planification des recherches. Si mes tentatives échouent, la phase 2 sera enclenchée et le reste de l'équipe scientifique aura toute latitude pour forer, prélever et extraire tout ce qu'ils veulent de l'artefact afin de l'analyser. Cela fait de moi la dernière frontière entre 220 scientifiques et l'objet de tous leurs fantasmes intellectuels, ce qui n'est pas une position très enviable. Leur animosité croissante à mon égard et les pressions permanentes pour "accélérer le processus" ne m'aident guère et nombreux sont ceux qui ne cachent pas leur envie de me voir échouer pour s'adonner tranquillement à ce que je qualifierais de charcutage.
J'espère sincèrement pouvoir déchiffrer un quelconque message sur cet artefact. Un tel objet est forcément un moyen de communication envoyé par delà les étoiles pour toucher notre civilisation, il s'en dégage quelque chose de bien trop fort.
Malgré la pression, ma petite équipe progresse avec efficacité et professionnalisme dans ses études du cube. Celui-ci est unique à tous points de vue, à commencer par sa surface entièrement lisse et opaque qui semble absorber la lumière Ses dimensions sont tout bonnement prodigieuses. Nos mesures au laser indiquent qu'il s'agit d'un cube parfait de 16,18 km de côté. Retrouver le nombre d'or [ndlr : le nombre d'or ou divine proportion vaut 1.618], une symbolique humaine, dans un tel objet me conforte dans l'idée qu'il y a bien une volonté d'entrer en contact avec nous derrière tout ceci. Nos tests aux rayons X ont également montré l'extrême densité de la matière qui compose la surface de l'artefact, nous n'avons donc pas pu obtenir la moindre image de ce qui pourrait se trouver à l'intérieur, si tant est qu'il y ait quelque chose.
Les premiers essais de communication se sont pour l'instant révélés infructueux. Nous avons commencé par envoyer des messages de bienvenue en morse dans toutes les langues terrestres connues ainsi que des extraits des sonates de Beethoven, plus pour mon plaisir personnel que dans un réel but scientifique, je l'admets volontiers. Sans résultat. Nous avons ensuite visé plus large et moins anthropocentrique en balayant systématiquement l'ensemble du spectre électromagnétique, des rayons gamma aux ondes radio haute fréquence. L'acheminement du matériel nécessaire à une telle exhaustivité a été titanesque, surtout en plein désert. "Soutien logistique sans faille" n'était donc pas un vain mot pour les responsables des recherches ! Malheureusement, là encore nous n'avons perçu aucun changement de comportement chez l'artefact. Je ne désespère pas, nous nous sommes contentés de diriger nos efforts sur les parois accessibles du sol, mais rien n'empêche de supposer que les "capteurs" de l'artefact se trouvent à son sommet, voire dans la partie ensablée. Je touche cependant du bois pour que ce ne soit pas le cas, cela complexifierait d'autant nos tentatives.
Le dernier test que nous avons commencé à mettre en place hier et qui devrait occuper mon équipe durant les semaines à venir est un test olfactif. Deux chercheurs travaillant sur l'étude comportementale des abeilles ont accepté de nous prêter la machine phéromonique qu'ils ont mise au point. Au vu des dimensions de l'artefact je crains que les phéromones produites par ce petit appareil ne suffisent pas à "attirer l'attention", mais cela vaut la peine d'essayer.
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 19 septembre 2012
Comme je le pressentais, notre principal problème est loin d'être la protection du cube lui-même. Malgré sa superficie (260 km et des poussières selon les quelques scientifiques qui ne me prenaient pas pour une GE du club Med et avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter), les barbelés et la surveillance aérienne suffisent à dissuader les curieux de trop s'approcher. En même temps, ils ne loupent pas grand-chose, de loin ou le nez collé dessus ça reste un cube désespérément noir et inerte. Si ça ne tenait qu'à moi je m'en éloignerais autant que possible, je n'aime pas trop l'idée qu'il puisse nous péter à la tronche ou s'ouvrir et déverser une armée d'Aliens sanguinaires.
Non, le vrai problème c'est l'afflux massif de "touristes" qui s'agglutinent aux limites de la zone comme des mouches devant un réverbère. Avec mon escadron on a bien commencé à installer des chiottes chimiques et à distribuer flotte et nourriture dans les différents camps de fortune mais cela devient de plus en plus difficile avec nos ressources limitées. Aux dernières estimations il n'y aurait pas loin de 20 000 "réfugiés de l'artefact" et il en arrive de nouveau tous les jours. Des petits malins ont même commencé à profiter de l'aubaine en installant des tentes-hôtels qu'ils font payer à prix d'or, et le marché noir bat son plein. Bref, c'est la grosse zone.
L'idéal serait d'interdire purement et simplement l'accès aux abords de l'artefact aux civils, malheureusement, selon le lieutenant Lebath, des ordres venus de très haut stipulent que c'est hors de question et que nous devons assurer l'accueil des immigrants au mieux de nos capacités. Quelle décision à la con, je ne sais pas à quoi ils carburent à l'ONU mais si leur truc c'est de jouer la transparence et la démagogie on va finir avec des drames sur les bras si on ne reçoit pas vite fait des renforts et du matériel. Cet endroit n'est pas adapté à l'accueil de réfugiés, on n'a même pas d'hôpital de fortune pour gérer les cas d'insolation et l'hygiène du camp est déplorable. J'imagine déjà la carte postale "Égypte, le choléra vous tend les bras".
D'ailleurs cette politique de transparence et d'accueil a apparemment ses limites puisque notre régiment a également reçu l'ordre d'empêcher l'accès à l'artefact à tous les journalistes n'ayant pas reçu l'accord du service "média et information" de l'ONU. J'aime la cohérence du tableau. Désolé les gars, les petits hommes verts c'est seulement pour les militaires !
J'espère sincèrement me tromper mais quand on mélange des décisions politiques déconnectées de la réalité avec un brin de foule fanatique et un soupçon d'hommes en armes, on obtient très souvent une belle quiche aux drames !
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Extrait émission, "L’artefact du Sinaï, Alien ou Arnaque". TF1 - 19 septembre 2012
Henri Lantri : Toute cette histoire de cube spatial n’est qu’une gigantesque arnaque pour détourner l’attention du public de problèmes plus graves ! Vous ne trouvez pas étrange, vous, l’interdiction formelle à tout journaliste de pouvoir approcher le cube de près alors qu’ils laissent des milliers de civils l’observer de loin ? Ce n’est pas logique ! De quoi ont-ils peur ? Que l’on finisse par s’apercevoir qu’il ne s’agit que d’une construction humaine composée de vulgaires bâches tendues entre des poteaux ?
Laurent Carnauba : Des poteaux ? Allons allons, ne soyez pas ridicule, des tissus de 16 km de long tendus au milieu du désert, ce n’est pas humainement possible et puis vous admettrez que si le but était de feindre une arrivée d’Alien il y aurait quand même des moyens moins onéreux.
Henri Lantri : Mais qui vous dit que cette chose fait 16 km ? C’est ce que la presse contrôlée nous dit. Les images fournies depuis le sol par les réfugiés installés dans les camps ne donnent pas l’impression que ce cube soit si grand. Des spécialistes de l’optique m’ont confirmé qu’il est très simple de faire croire à de fausses perspectives pour augmenter le gigantisme d’un objet.
Laurent Carnauba : Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Vous avez tellement peur d’y croire que vous êtes prêt à inventer n’importe quelle affabulation.
Henri Lantri : Mais je n’affabule pas, je me contente de douter et de poser des questions ! Si cela dérange pourquoi ne pas autoriser les gens à approcher ?
[intervention ponctuée par les applaudissements du public]
Laurent Carnauba : Peut-être parce qu’une armée de journalistes et de réfugiés agglutinés à un cube risque de gêner les recherches des experts !
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 20 septembre 2012
Comme si on n'avait pas déjà assez à faire avec les inconscients de base, voilà que les sectes pullulent dans le camp des réfugiés, pire que des poux dans une cour de récréation. Il faut croire que l'aura mystique du gros caillou offre un terreau très fertile pour y planter les pires conneries.
Si je me remémore correctement le briefing auquel on a eu droit sur ces troupeaux de lobotomisés, il y en a deux trois à garder à l'œil :
- "Le mouvement des élus". Ceux-là sont persuadés que le cube est un passage vers un état de conscience supérieur, accessible uniquement à quelques élus : eux. Mes chefs craignent qu'ils tentent de franchir le périmètre de sécurité pour tripoter l'artefact et vérifier leur théorie en live.
- Les "agneaux de dieux". Les rois du nom hypocrite vu leurs motivations très peu innocentes. Ils pensent que les seuls autorisés à approcher du "don divin" sont les vrais croyants et que les impurs doivent être éloignés de gré ou de force. Par précautions on a eu ordre d'en dégager une partie hors du camp mais ils sont malins et profitent de nos effectifs réduits pour revenir aussi sec.
- Les "rescapés de l'Abduction". Pas vraiment une secte au sens strict puisque la plupart de ses "membres" ne se regroupent pas. Là-dedans on a collé tous les gens qui ont perdu un membre de leur famille et qui sont persuadés que l'artefact alien est un vaisseau venu les leur ramener. L'espoir c'est pathétique.
- Le "culte de la nourriture céleste". Mes préférés, de vrais barges qui pensent que le cube est un médicament géant qui guérit toutes les maladies si on en mange un bout. J'espère pour eux qu'il guérit la connerie.
On a également droit à tout un lot de "prêcheurs de l'apocalypse" mais comme ils se contentent de chouiner dans un coin en attendant de crever ils ne nous causent pas de soucis. Pourvu que tout ce petit monde ne nous joue pas un remake des croisades...
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Extrait de l'Apocalypse - Livre de la Révélation à Jean - Révélation 20 - Vision du règne de mille ans
20.1 - Puis je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande chaîne dans sa main.
20.2 - Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il le lia pour mille ans.
[...]
20.7 - Quand les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa prison.
20.8 - Et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ; leur nombre est comme le sable de la mer.
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 28 septembre 2012
L'ambiance dans le camp se dégrade à vue d'œil. 400 soldats seulement pour protéger et gérer près de 50 000 personnes réparties sur plusieurs kilomètres est loin d'être suffisant. Pour s'en sortir on est obligé d'allonger la durée de nos patrouilles et de réduire les roulements des équipes ce qui épuise tout le monde. La chaleur, le manque de nourriture et d'hygiène n'arrangent rien et je ne compte plus mes accrochages avec les réfugiés de l'artefact, souvent pour des broutilles.
Si encore tout ce petit monde nous montrait un tant soit peu de reconnaissance ça passerait, mais entre les scientifiques qui nous prennent pour des bonniches et les "touristes" qui nous voient comme une entrave à leur curiosité, l'ambiance n'est pas franchement enthousiasmante. Si je suis devenue militaire ce n'est pas pour endosser le rôle d'agent de sécurité pour caillasse, j'ai des espoirs plus romantiques de protection des faibles et des opprimés. Tu parles d'une belle naïve !
Cette atmosphère électrique semble donner des ailes aux différentes sectes. Les barbelés seuls ne parviennent plus à les dissuader de tenter des intrusions et on a retrouvé plusieurs groupes juste au pied du cube. Les mieux équipés ont pu couper les barbelés mais la majorité s'est contentée de passer en force. Certains étaient si amochés qu'on a dû les évacuer en hélicoptère.
On a même chopé un des dingues du "culte des nourritures célestes" en train de lécher la surface de l'artefact, comme si c'était une putain de glace ! Il avait les yeux révulsés et de la bave aux lèvres, un vrai possédé.
S'il n'y avait que ça, la situation serait plus pathétique qu'effrayante, malheureusement des rumeurs inquiétantes commencent également à circuler. Certains membres de mon escadron ont repéré plusieurs réfugiés armés de mitrailleuses AK-47 sans jamais parvenir à mettre la main dessus. Ce campement est un vrai merdier et nos chefs sont persuadés qu'on invente cela dans l'unique but d'obtenir les renforts réclamés depuis notre arrivée sur le site. Les crétins, toujours doués pour voir des terroristes partout sauf quand ils s'agitent juste sous leur nez !
Bref, la situation empire et la hiérarchie ne veut rien entendre. Merde !
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 2 octobre 2012
Trois semaines ! Trois misérables semaines ! C'est tout ce à quoi mon équipe a eu droit ! On a à peine eu le temps de nous familiariser avec la machine phéromonique et de lancer des tests visuels en hélicoptère que la décision est tombée : "On passe en phase 2, la phase 1 est clairement un échec". Quand Morgan Canister, le responsable en charge de la planification des recherches, m'a annoncé ça j'ai éclaté "Comment osez-vous affirmer que nous avons échoué ! Vous croyez sincèrement qu'un vaisseau ou un message alien va se décoder en quelques jours !? Pour autant qu'on le sache il fonctionne peut-être dans une dimension parallèle ! Il ne communique peut-être que par télépathie ! Rien, absolument rien ne nous prouve que nous avons tout essayé". Mais c'était trop tard, la sale petite fouine avait déjà pris sa décision. "Allons mon cher, vous divaguez ! Je ne peux pas mettre en pause des recherches sérieuses sur la simple base de vos fantasmes et élucubrations. Et puis, puisqu'on est dans les si, pourquoi ne pas imaginer que l'artefact est un vaisseau alien accidenté et que son équipage attend que l'on vienne le sauver ? Ah ils doivent bien rire à écouter du Beethoven avec de la lumière dans les yeux."
Je frissonne encore en me remémorant la moquerie mêlée de mépris dans sa voix. Comme si mes études n'étaient pas "sérieuses". Bon sang, je suis vraiment qu'un vieux naïf, personne n'a jamais vraiment considéré les tentatives de communication de mon protocole RR3 comme une piste sérieuse. J'ai simplement servi de caution scientifique pour qu'ils puissent affirmer, sans ciller, avoir tout tenté avant de commettre leur massacre. Tout ce qu'ils veulent depuis le départ c'est ouvrir le coffre au trésor alien, le pomper jusqu'à la moelle et le recracher en autant de technologies militaires ou commercialisables possibles. Faire la causette avec les hommes verts c'est bon pour les rêveurs...
Quel gâchis, c'est comme si on s'amusait à donner un téléphone à un indigène et qu'il le cassait pour se servir des morceaux de plastique comme d'une arme.
Les opérations de forage doivent commencer dans trois jours, je ne sais pas si j'aurais le courage d'y assister.
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 3 octobre 2012
Mon dieu, qu'avons-nous fait ? Qu'ai-JE fait ? Je le savais que ça arriverait, je le sentais, pourquoi est-ce que j'ai réagi comme ça !?
Ça s'est passé ce matin. On était cinq, cinq membres de mon escadron à patrouiller le long des barbelés sur la face sud de l'artefact quand on a remarqué un attroupement étrange. Encore des tarés qui veulent tripoter de l'Alien, je me suis dit. De loin on a commencé à leur gueuler de dégager vite fait s'ils ne voulaient pas qu'on leur imprime la marque de nos rangers sur le cul. Au lieu de se carapater ils ont commencé eux aussi à nous gueuler dessus en arabe ou je ne sais pas trop quelle langue incompréhensible. Jusqu'ici rien de dramatique, là où les choses se sont gâtées c'est quand on a continué à approcher, bien décidé à mettre nos menaces à exécution. Là, un des réfugiés a glissé une main sous sa djellaba et un des gars de notre patrouille a flippé "Bordel de merde, il va sortir une arme !". On avait tous en tête la rumeur d'hommes en armes dans le camp et nos peurs instinctives de terroristes islamistes dont nous abreuve la télé ont pris le dessus. On a réagi instinctivement en s'accroupissant tous au sol et en pointant nos flingues sur le groupe qui continuait de beugler. La scène était surréaliste, nous vautrés dans le sable arme au poing, eux toujours debout près des barbelés le tout accompagné d'une cacophonie de menaces.
Les choses se seraient sûrement calmées d'elles-mêmes si on était parvenu à se comprendre mutuellement, mais comme personne ne parlait la langue de personne on a commencé à paniquer. Et s'ils sont en train de menacer de nous tuer ? Et si le mec à la djellaba a vraiment une arme ? Et si c'est un groupe de terroristes ou des "agneaux de dieu" décidés à passer à l'action ? Tout ça tournait en boucle dans ma tête et le soleil écrasant n'arrangeait rien. La peur était devenue tellement oppressante que lorsque le réfugié à la djellaba a à nouveau fait mine de sortir quelque chose de sous ses vêtements, toute la patrouille a réagi comme un seul homme et a ouvert le feu ! L'homme s'est effondré, atteint de plusieurs balles à la tête et le torse déchiqueté. Je me demande encore par quel miracle on a réussi à ne pas abattre le petit groupe au complet dans la manœuvre.
Quand notre victime a touché le sol, il y a eu un grand silence de quelques secondes qui contrastait avec la frénésie des dernières minutes, puis le reste des réfugiés s'est enfui en hurlant. Personne n'a rien fait pour les retenir, nous étions trop tétanisés, agrippés à nos armes comme à des bouées de sauvetage.
Le pire dans tout ça c'est que l'homme qu'on a abattu n'était même pas armé ! Il gardait juste une sacoche contenant toutes ses maigres possessions sous ses habits.
Depuis, je me repasse la scène en boucle et j'essaie de changer le cours des événements, mais tout finit systématiquement avec une tache de sang sur le sable... Nous n'avons aucune excuse ! JE n'ai aucune excuse, on aurait dû calmer le jeu dès le départ. Les casques bleus sont là pour assurer la sécurité et le maintien de la paix, si on ouvre le feu sur des civils c'est que notre mission est un échec. C'est nous qui avons envenimé le conflit en commençant par menacer le groupe avant même de savoir ce qu'ils faisaient là.
Les membres de mon escadron et même mes supérieurs hiérarchiques nous cherchent des excuses "vous vous êtes sentis menacés", "c'est la pression, la fatigue et puis l'artefact tape sur les nerfs de tout le monde", "ne vous inquiétez pas, on fera juste une enquête de routine, on sait très bien comment c'est avec ces crétins de fanatiques". Ils se trompent, tous ! Ils n'y étaient pas, comment peuvent-ils dire que ce n'est pas notre faute, nous sommes les seuls responsables de nos actes et de leurs conséquences !
Ce qui me fait le plus mal ce n'est pas d'avoir merdé et causé la mort d'un homme. Non, ce qui me fait mal c'est cette fraction de seconde de satisfaction que j'ai ressentie lorsqu’il s'est écroulé. De la satisfaction bordel ! Pourquoi ?
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Extrait du journal Le Monde du 4 octobre 2012
Bavure
Des casques bleus chargés de sécuriser l’accès à l’artefact du Sinaï ont ouvert le feu sur un groupe de réfugiés. Un homme a été tué au cours de l'altercation. L’ONU a aussitôt réagi par la voix de son porte-parole Karlheinz Schreiber "il s’agit d’un cas isolé. Nous enquêtons pour connaître toutes les circonstances qui ont mené à ce drame et les responsables seront sévèrement punis".
Ce drame relance la polémique sur le manque de moyens mis en œuvre pour gérer l’afflux de curieux aux abords de l’artefact. "L’ONU semble plus préoccupé par la sécurité du cube que par celle des réfugiés. Comment peuvent-ils laisser péricliter les indignes campements de fortune alors que dans le même temps ils déploient des moyens titanesques pour acheminer du matériel scientifique ? S’ils ne sont pas capables d’assurer la gestion de ce territoire autant en interdire l’accès", s’indigne Arnaud Meunier, eurodéputé.
Interrogé sur ce point, M. Karlheinz Schreiber a précisé "les réfugiés s’installent autour du site de leur plein gré. Toute la logistique nécessaire à leur accueil a été mise en place et le drame d’aujourd’hui n’a rien à voir avec un quelconque manque d’hommes ou de matériel. Fermer l’accès du site aux civils est hors de question, cela ne ferait qu’envenimer la situation en poussant les plus « curieux » à se mettre en danger et à risquer inutilement la vie de nos casques bleus."
Cet incident n’a eu aucune répercussion sur le programme de recherche. Les opérations de forage du cube devraient commencer dans l’après-midi.
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 5 octobre 2012
Finalement, la curiosité l'a emporté sur la raison et je suis allé assister aux opérations de forage, non sans un léger arrière-goût de gâchis dans la bouche.
Il a été décidé de percer un trou d'un mètre de diamètre directement au niveau du sol sur la face nord. Pour parvenir à pénétrer la matière extrêmement dense qui compose la surface du cube, l'équipe phase 2 a sorti les gros moyens avec rien de moins qu'une foreuse équipée d'un tricône en diamants. Le transport de l'appareil jusqu'au site a dû coûter une petite fortune vu ses dimensions. L'ironie de la chose, c'est que cette foreuse est habituellement utilisée pour creuser des puits de pétrole...
Lorsque le tricône a commencé à attaquer la surface du cube, les frottements ont produit un bruit strident qui s'est réverbéré dans toute la vallée. On a dû l'entendre du Caire ! L'intensité du bruit était telle que j'ai bien cru pendant un court instant que la foreuse ne parviendrait pas à attaquer la matière noire. Je me suis pris à espérer naïvement qu'aucune technologie humaine ne pourrait pénétrer cet objet. Comme pour se moquer de mes vœux, la foreuse s'est alors enfoncée lentement dans le cube, rejetant des fragments étonnamment lisses de matière noire.
Après quelques minutes de "trépanation", la foreuse s'est mise à éjecter des copeaux d'une matière totalement différente, une sorte de mousse verdâtre semi-liquide. On a alors fait reculer l'appareil et cette étrange matière s'est écoulée lentement de la balafre parfaitement circulaire taillée dans le cube. J'ai senti un vent de panique parcourir l'assistance. Tous ces petits malins bardés de plus de diplômes que je n'en aurai jamais avaient tout prévu, sauf que l'artefact pourrait contenir un "liquide". Sans bouchon géant, c'est 4 235 km3 qui ne demandent qu'à se déverser sur nous. J'aurais pu rire de la situation si je n'étais pas moi aussi paralysé par la peur.
Heureusement, après quelques minutes, l'écoulement a cessé, la matière a semblé se solidifier au contact de notre atmosphère. J'ai observé les visages alentour et y ai lu une immense déception. Tout ça pour ça, semblaient-ils tous dire. Comme s'ils s'attendaient après avoir percé l'artefact à être ensevelis sous des tonnes de technologie alien en libre-service.
Décision a été prise de forer à deux autres endroits dès demain. Des échantillons de la surface ainsi que du contenu du cube sont déjà en court d'analyse.
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 6 octobre 2012
Les deux, puis trois, puis quatre forages supplémentaires ont tous abouti au même résultat : la couche intérieure du cube n'est apparemment composée que de matière verte.
Les analyses des deux matières ont donné plus de résultats. La matière noire semble être un vague cousin du Rhodium mais les anomalies dans sa structure chimique confirment qu'il ne s'agit pas d'une matière connue sur terre. La substance verte laisse très perplexe, elle semble à mi-chemin entre l'organique et le métallique, comme une sorte de mousse. Des échantillons sont envoyés dans divers labos pour compléter les analyses, nul doute qu'il faudra des années avant de réellement comprendre ce que l'on a entre les mains.
L'équipe Phase 2, malgré les forages "infructueux" (ce sont leurs propres termes, je ne considère personnellement pas des matériaux inconnus comme des choses infructueuses), ne perd pas espoir. Ils ont décidé d'excaver un maximum de matière verte dans l'espoir de trouver d'autres choses dans ce cube gigantesque. Ils ont l'air de croire qu'il s'agit d'une sorte de polystyrène alien chargé de protéger un colis fragile.
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Extrait du journal de Claire Chastain - Entrée datée du 20 octobre 2012
Autant pour la punition exemplaire promise par l'ONU histoire de faire plaisir aux médias. Avec ma patrouille on a tous été renvoyés à notre base de La Rochelle sans passer par la case prison. On a juste écopé d'une petite tape sur la main, de trois mois de repos forcé et de visites régulières chez les psys.
La hiérarchie ne nous a pas épargnés uniquement pour nos bonnes têtes, la décision est purement politique. S'ils nous avaient mis au pilori cela serait revenu à admettre que l'armée a méchamment merdé et ils auraient prêté le flanc aux critiques virulentes concernant la gestion désastreuse des "réfugiés de l'artefact". Pour sauver la face, ils ont préféré conclure à une tentative d'attentat désamorcée avec brio et un minimum de sang versé. Dommage que celui-ci ait atterri sur mes mains...
Malgré le recul, je n'arrive toujours pas à accepter ni comprendre mon geste. Les psys ont bien tenté de mettre des mots sur mes problèmes pour m'aider à piger, sans grand succès. Qu'est-ce que cela peut bien me foutre de savoir que j'ai souffert du "syndrome de stress amplifié" quand au fond de moi je suis convaincue de n'avoir subi que le syndrome du "t'as méchamment merdée ma pauvre fille" ! Pourtant d'après eux c'est un phénomène relativement fréquent. En tant que soldat nous sommes entraînés à tuer des adversaires bien définis, du coup, quand on se retrouve dans une situation stressante et sans ennemi apparent, on vire paranoïaque et notre cerveau nous en crée des "sur mesure". Cela expliquerait ma pointe de satisfaction morbide, le fait d'avoir "identifié et éliminé" un adversaire bien réel ayant un côté rassurant.
Lorsque je leur ai demandé en quoi le fait d'être paranoïaque excuse d'un meurtre, ils n'ont pas su me répondre...
Ma bavure aura au moins eu une conséquence positive. Les hauts responsables à l'ONU ont pris conscience de la poudrière qu'ils avaient sur les bras et ils ont envoyé des renforts. Depuis, la situation semble s'être calmée. Comme quoi apporter la paix en menaçant d'une arme ça marche parfois.
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Extrait du journal de Karl Homssen - Entrée datée du 20 décembre 2012
Après presque trois mois à déblayer l'intérieur du cube il faut bien se rendre à l'évidence : il ne contient que cette matière verte. Il aura fallu près de deux cents camions, l'aménagement de plusieurs hangars pour déposer la matière extraterrestre et des milliers d'heures de travail pour parvenir à cette conclusion. Quel immense gâchis.
Enfin, ce n'en est pas un pour tout le monde : l'Égypte a une nouvelle merveille du monde à présenter dans ses guides de voyage et des petits malins aux dents longues ont déjà trouvé un moyen d'exploiter la substance verte. Apparemment c'est un excellent isolant thermique qui, une fois chauffé, peut se mouler en bloc et remplacer très efficacement la laine de verre. Tant pis si on ne connaît rien de ses effets à long terme sur l'organisme humain. Une usine près de Dhahab tourne déjà à plein régime pour en fournir, tout le monde veut posséder son "bout d'Alien" à la maison. Deux projets de fabriques, installées directement au pied du cube pour un maximum de rendement, sont également à l'étude.
Tout ça pour ça. Si seulement on m'avait laissé plus de temps ! Si seulement on avait pris le temps, je suis certain que l'on aurait trouvé bien mieux qu'un peu de chaleur pour nos maisons. J'aurais dû me battre, j'ai été lâche, je n'ai pas suivi mes convictions.
Avant j'avais des espoirs, maintenant je n'ai plus que des regrets.
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Extrait du livre, L’Imposture du Sinaï de Hester Hodge.
[…] Les divers gouvernements en charge de l’étude du cube ont si bien noyauté leurs opérations (1 000 soldats pour protéger seulement 200 scientifiques, excusez du peu) qu’ils sont parvenus à faire croire au monde entier que celui-ci ne contenait que de la substance verte. Or, je peux affirmer aujourd’hui que l’artefact du Sinaï contenait bien plus que ces simples reliquats de matière. Si on observe les différentes photographies satellites du site (documents annexes A21 et A22) et que l’on calcule la superficie des hangars d’entreposage on s’aperçoit bien vite qu’ils ne suffisent pas à remplir le cube au complet. Si on y ajoute toute la matière transférée aux usines de fabrications d’isolant ainsi qu’aux divers sites de recherche le compte n’y est toujours pas. Et pour cause ! La matière verte ne couvre que le pourtour du cube.
Selon mes calculs, l’ensemble de la substance prélevée à l’heure actuelle ne représente que la moitié du volume total du cube ! Où est donc passée l’autre moitié ? Que contenait-elle de si secret pour que les autorités continuent d’affirmer que l’artefact ne contenait rien d’autre ?
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Témoignage anonyme
Toute cette histoire de cube alien ça aura quand même été une grosse poilade du début à la fin. Je sais pas si vous imaginez la tétrachiée de moyens qu’il a fallu mettre en place pour rameuter, loger et protéger la fine fleur des têtes pensantes de la planète, mais c’est tout bonnement colossal. Si on avait filé même pas 1% du pognon brassé là-dedans au tiers monde je suis sûr que les Somaliens seraient en train de se gaver de foie gras à l’heure qu’il est. Et tout ça pour quoi ? Pour que les Jean-Jean de la planète puissent profiter d’une belle isolation vert pomme dans leurs maisons pourries. Génial, vraiment ! Enfin, je suppose que tout ce beau monde a une excuse : ils pouvaient pas savoir que le colis de l’espace était périmé avant de l’avoir ouvert !
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Transmission Thétâ de l'essaim Krrtan au Commandeur
Le test pilote de la planète 385A dépasse largement nos objectifs, Commandeur. Comme nous le pensions, les micro-organismes qui dévorent lentement cet astre se sont également attaqués à notre Détricube. En moins de cinq mois ils ont percé son enveloppe et en ont extrait la quasi-totalité de son contenu. Selon nos estimations il leur faudrait encore quatre mois pour finir de le consommer totalement. Le plus incroyable est que nous avions choisi une zone de très faible concentration en micro-organismes pour ce test préliminaire, imaginez ce que cela pourrait donner si nous placions un Détricube non loin de leurs habitats de prédilection. Malgré son faible rendement, cette solution devrait faire illusion devant le consortium "préservation".
Autorisation demandée pour lancement de l'opération test à plus grande échelle Commandeur.
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Transmission Thétâ du Commandeur à l'essaim Krrtan
Autorisation accordée. Dans un premier temps téléportez 100 000 Détricubes.
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