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Réalisme/Historique
Charivari : C'est la lutte finale
 Publié le 13/11/24  -  4 commentaires  -  53531 caractères  -  21 lectures    Autres textes du même auteur

« La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. » Paul Valéry


C'est la lutte finale


À vingt-quatre ans, je suis parti à la guerre et depuis, j’ai cessé de vivre. Certes, mon enveloppe corporelle en est sortie indemne, mais là-bas, sur le front, j’ai perdu à jamais mon élan vital, mon essence, envolée d’un coup comme un petit soldat soufflé par un obus. Aujourd’hui, j’ai cinquante ans, mais j’ai l’impression d’en avoir cent, le temps se déroule, pesant, mécanique, je me demande jour après jour comment j’arriverai à demain. Moi, qui pendant les quatre années de guerre craignais tant de perdre la vie, voilà donc que je ne sais plus quoi en faire. Cruel paradoxe ! J’ai perdu toute illusion, toute croyance en l’humanité, je suis devenu misanthrope. Mais est-ce vraiment ma faute ou bien celle des hommes ?


Pourtant, avant-guerre, j’étais enthousiaste et insouciant. Je croyais aux lendemains qui chantent, au progrès qui mènerait l’humanité entière vers le bonheur. C’était une foi sans faille, pareille à celle des religieux : j’étais socialiste depuis ma plus tendre enfance, j’avais hérité ça de mon père, de même que j’avais hérité de son travail d’ouvrier typographe au journal l’Humanité. J’étais aussi syndiqué à la CGT, assidu à toutes les manifestations. Et puis, entre le travail et la cause, j’avais encore le temps pour boire quelques absinthes sur les hauteurs de Montmartre avec mes camarades, ou j’amenais danser ma fiancée Régine dans les cabarets du quartier : le Chat Noir, le Lapin Agile, le Moulin-Rouge… Que Paris était amusante en ces années dix, que cette « belle époque » était bien nommée !


Je n’ai pas vu venir la guerre. J’avais bien fait mon service militaire, pendant deux ans, comme tous ceux de ma génération, mais j’avais eu la chance d’être affecté dans les bureaux, puis aux rotatives de l’armée, à Paris, pour imprimer des circulaires et de la propagande du ministère. Le régiment, dans mon cas, n’avait pas été très différent de l’internat au lycée, j’avais à peine appris à tirer, et très peu marché au pas. Quant à la guerre, je dissertais sur elle avec mes camarades, mais je l’appréhendais juste sur le plan théorique, elle n’avait pas de corps, pas de couleur, aucune réalité tangible. Comme tous les marxistes, j’étais résolument pacifiste. Je participais aux marches de protestations, en criant les slogans à la mode, comme « guerre à la guerre ! », je répétais à l’envi ce que je lisais dans l’Humanité, des phrases toutes faites comme « à la guerre les prolétaires meurent pour l’intérêt des capitalistes », sans trop me rendre compte que derrière ces mots se cachaient des hommes de chair et d’os. Si j’avais su, je l’aurais crié avec plus de véhémence et surtout, j’aurais agi. Les anarchistes avaient sans doute plus raison que nous dans leur radicalité, en prônant le sabotage et le terrorisme. Cela nous paraissait une folie à l’époque, mais au moins, eux proposaient d’utiliser les mêmes armes que nos ennemis, les ultras nationalistes, ceux qui assassinèrent Jean Jaurès, la veille de la déclaration de guerre. Notre chef de file, le fondateur de l’Humanité, le héraut du pacifisme, tué lâchement, à deux pas de notre journal, dans le Café du Croissant où je déjeunais régulièrement. J’étais dans l’avenue adjacente quand j’ai entendu les deux coups de feu, et j'ai accouru aussitôt sur les lieux. J’ai pu voir le cadavre de Jaurès qu’on emportait dans l’ambulance. C’est ce jour-là que j’ai ressenti pour la première fois de la haine, ce jour-là que pour moi la guerre a commencé.


Après, tout est allé très vite. La déclaration de guerre de l’Allemagne le 3 août, et le 4, mon ordre de mobilisation, prévue pour le surlendemain. Ces jours-là ont été particulièrement confus. Je pensais que nos camarades, poussés au vif par la mort de notre chef, allaient revendiquer la désertion, la grève générale ; il n’en a rien été, au contraire, c’était comme si en tuant Jaurès ils avaient tué le pacifisme. Dans notre journal je lisais que le patriotisme français servait l’internationalisme car il était héritier de la révolution universaliste, que la France attaquée par les empires obscurantistes et barbares avait le devoir de se défendre, c’était l’Union sacrée, tout le monde avait soif de guerre, même la gauche ! Le militarisme s’était même invité chez moi, où mon frère cadet m’enviait de partir sur le front et mon père, syndiqué pourtant depuis la création de la CGT, a sablé le champagne. Le vieux avait connu la Commune de Paris dans son enfance et pour lui, révolution et lutte contre les Boches allaient de pair. Je passai la dernière après-midi avec Régine, ma fiancée, et j’ai essayé de lui communiquer la peur que je gardais enfouie, au plus profond, sans pouvoir la communiquer à personne. Elle a cherché à me rassurer, mais surtout j’ai compris qu’elle minimisait mon effroi, mon incompréhension du monde. Pour elle, j’avais juste le trac, comme un acteur avant la première. La soirée était pathétique : partout les jeunes appelés passaient leurs dernières heures à boire comme des trous, et chantaient à tue-tête les pires refrains, les plus insultants, les plus vulgaires.


Le 5 août au petit matin, je me trouvais à la gare de l’Est. Il régnait là-bas une grande désorganisation. On devait me donner mon barda, mais il n’est arrivé que plusieurs jours plus tard, par un autre train. Jamais on n’avait mobilisé tant d’hommes, c’était la première fois dans l’histoire que des conscrits partaient à la guerre et le peu de militaires de carrière ne savait où donner de la tête. Toutes les fiancées étaient là, sur le quai, et les hommes faisaient les fanfarons pour les impressionner. Moi, je n’avais pas voulu que Régine m’accompagne. Je trouvai finalement dans la cohue mon wagon, et bientôt j’ai découvert mes futurs camarades de régiment. Quelques-uns venaient de Paris mais l’écrasante majorité provenait des départements de l’Ouest, d’Orléans, du Mans ou d’Angers, des péquenots qui parlaient à peine le français et n’avaient pas appris grand-chose à l’école, mis à part à haïr les Boches et réclamer l’Alsace et la Lorraine, même s’ils auraient été bien incapables de les situer sur une carte. Le voyage a duré presque la journée entière et m’a paru étrange, parce que c’était l’été et que c’est difficile d’imaginer la guerre en cette saison, sous un temps aussi splendide et puis aussi, à cause de mes compagnons de route. Ils étaient heureux, eux qui n’avaient jamais quitté leur village, cela leur faisait comme des vacances. J’avais l’impression qu’on ne faisait pas partie de la même race humaine, eux et moi. Seul un garçon est parvenu à m’émouvoir, un jeune fermier préoccupé parce qu’il n’avait trouvé personne pour garder ses vaches. Il m’a semblé le seul être raisonnable parmi toute la troupe.


Une fois arrivé à Bar-le-Duc, tout près de la frontière avec la Lorraine allemande, un officier est venu me voir pour me proposer de devenir sergent, étant donné que j’étais un des seuls qui possédait le baccalauréat dans mon groupe. J’ai accepté, même si, dans mon for intérieur, je trouvais cela pour le moins paradoxal qu’on promût officier un pacifiste antipatries comme moi. Mais je me suis dit que peut-être ainsi, je pourrais atténuer les ordres les plus sanguinaires ou absurdes auprès de ma brigade. Et puis, pourquoi ne pas le dire, je me sentais supérieur à ces types, et naturellement enclin à les commander. Bien sûr, comme j’étais socialiste je n’osais pas me l’avouer, nous sommes tous égaux, et ma mission était donc d’instruire, d’éclairer mes camarades paysans, cela était beaucoup acceptable pour mon noble esprit… Foutaises ! En réalité, je ne valais pas plus que ces gars, beaucoup moins qu’eux, même, et j’en ai fait la cruelle découverte deux semaines plus tard, lors de la bataille des Ardennes.


Le 23 août 1914 a eu lieu mon baptême du feu. Cette incursion en Belgique a fait 27 000 morts dans notre camp en un seul jour. Jamais jusqu’à lors une bataille n’avait causé autant de pertes. Et moi, ce jour-là, je me suis rabaissé en dessous de l’être humain, au niveau du ver de terre. Je me suis retrouvé aussitôt planqué derrière un talus, le nez dans la poussière, le pantalon maculé par mes propres excréments, sans parvenir à bouger. En tant que sergent, on m’avait, avant l’assaut, donné la consigne de tirer sur les lâches qui refusaient d’aller de l’avant. Heureusement que c’était moi le sous-officier, sinon, je me serais fait descendre par mon sergent, et heureusement que ce jour-là tous les hommes de ma brigade sont morts, sinon, ils m’auraient à coup sûr envoyé au conseil de guerre ! Ce jour-là, j’ai compris qu’avant d’être pacifiste ou socialiste, j’étais juste un épouvantable lâche ! Peu importait le conflit, même pour faire la révolution j’aurais été incapable de monter sur une barricade.


Quand j’ai aperçu l’armée ennemie, je suis sorti de mon trou et j’ai détalé comme un lapin. J’ai réussi à rejoindre miraculeusement notre camp, le soir venu. On m’a promis une médaille pour ma soi-disant bravoure : j’étais en effet un des seuls survivants de tout mon bataillon. Les jours suivants, les Allemands ont continué de nous canarder et nous, de nous enfuir en faisant semblant de combattre. Ce petit jeu a bien duré une semaine et moi, je sentais bien que je n’arriverais pas à tenir le rythme, car je ne fermais pas l’œil de la nuit et tremblais comme une feuille : comment aurais-je pu tirer sur qui que ce soit avec ces tremblements incessants ? J’étais parfaitement inutile. Heureusement, personne ne s’est rendu compte de rien, tout le monde courait et moi aussi, comme les autres, c’était la débâcle la plus absolue. La seule chose vraiment difficile, c’était de porter notre barda de huit kilos en caracolant dans les sentiers, mais j’étais plutôt fort pour ça, la peur me donnait des ailes.


On s’est retirés à Sedan, puis on a dû abandonner Sedan quelques jours plus tard. On a reculé trois cent cinquante kilomètres en quinze jours. On fonçait droit vers Paris. Je me disais que la guerre allait durer très peu longtemps et je commençais à souffler : c’était clair, l’offensive des Ardennes avait sonné la victoire teutonne, le pire était déjà passé… La France allait perdre ? Et alors ? Elle avait bien perdu en 1870, et les années suivantes avaient été les plus prospères de l’Histoire : l’instruction publique, la laïcité, la retraite et la liberté syndicale… Quant aux Alsaciens et aux Lorrains, qui disait qu’ils voulaient être français ? La propagande républicaine ? Peu à peu mon idéologie reprenait le dessus, d’autant plus qu’elle excusait ma lâcheté.


En septembre tout a changé, au cours de la bataille de la Marne. La défaite, à mon grand dam, avait été évitée in extremis, et une grande contre-offensive allait avoir lieu, aux côtés des Anglais. Moi, j’ai participé à la bataille des Deux Morins. Lorsqu’on a lancé l’assaut, au petit matin du 7 septembre, je n’ai pas eu d’autre choix que de sortir de la forêt, fusil en main, comme les autres. Devant nous, il y avait des cavaliers allemands, empêtrés dans les fourrés. J’ai tiré, sans trop viser, droit devant moi. Et pour la première fois j’ai tué un homme. J’ai continué, aguerri, et j’ai tiré une seconde fois. Un nouveau cavalier est tombé de sa monture. Quelque chose d’extraordinaire s’est passé alors en moi : j’avais cessé d’être un pauvre lapin qu’on chasse, je devenais prédateur, et dès lors, je m’enhardissais. Je me suis tenu droit, enfin, l’esprit vif, et j’ai continué de courir tout en m’arrêtant de temps en temps pour tirer. Je ne tremblais plus, malgré les balles qui pleuvaient et les avions qui tournaient dans le ciel comme des oiseaux rapaces. La peur avait changé de camp, je voyais les soldats rivaux qui reculaient, comme nous pendant tout le mois précédent, et je me réjouissais quand j’arrivais à en dégommer un. Vers 16 h 30 hélas notre contre-offensive a été jugulée par un tonnerre de canons qui a emporté la moitié des hommes autour de moi. C’est à ce moment où je me suis rendu compte que j’avais avancé trop vite et m’étais retrouvé presque en première ligne. L’effroi m’est venu de nouveau : comment avais-je pu démontrer tant de témérité ? J’ai entendu au loin les clairons qui sonnaient le repli et j’ai couru vers notre base, bien plus vite qu’à l’aller : je redevenais lapin. Le soir, on ne m’a pas décerné de médaille, cette fois-ci. Tout le monde était heureux d’avoir repris quelques kilomètres aux Boches, sauf moi, car je comprenais que la guerre ne faisait que commencer.


Les jours suivants, on a consolidé notre avancée en creusant une lézarde dans la terre. De l’autre côté, ça ne tirait plus, et pourtant, les ennemis étaient tout proche. On les voyait au loin faire pareil que nous et de temps à autre on leur envoyait un petit obus, pour les saluer. Bientôt, tout le champ de bataille était balafré par des tranchées, de plus en plus élaborées, et devant on avait disposé une grande quantité de fils barbelés et d’obstacles en tout genre : en à peine quelques semaines, le décor était planté pour les trois années suivantes, la cour de récréation pour que les deux états-majors s’en donnent à cœur joie était fin prête.


Curieusement, pendant ces deux ans dans les tranchées je n’ai pas autant souffert que le reste de mes camarades, alors que le début de la guerre avait été indicible pour moi. Je ne veux évidemment pas dire non plus que c’était une partie de plaisir, au contraire c’était l’horreur absolue : les rations faméliques pourries, pleines de vers, le froid extrême, jusqu’aux engelures et à l’amputation, les rats qui te grignotaient le nez pendant la nuit, les poux qui te faisaient t’arracher le cuir chevelu et puis, cette odeur incessante de charogne, qui nous venait du champ de bataille… Et bien entendu, ces assauts, lancés n’importe quand, sans raison apparente. Un coup de sifflet et il fallait monter les quelques marches de l’échelle qui te menait au-delà de la tranchée, dans l’enfer du no man’s land. Un mélange de fer, de boue, de fumée, on se faisait aussitôt arroser par les obus, les coups de canon et de mitrailleuses, impossible d’y faire plus de cent pas sans se coucher et attendre qu’on sonne le repli. Je ne comprends toujours pas pourquoi on menait ces assauts, que je sache jamais personne n’a réussi à prendre la moindre tranchée ennemie, ni nous ni les Allemands, nulle part, de la mer du Nord à la Lorraine. On mourait en masse, pour rien, absolument pour rien.


Et moi, c’est peut-être justement à cause de cette absurdité que je tenais mieux le coup que mes camarades : moi, depuis le début, je n’avais pas cru à la guerre, et je n’en attendais strictement rien. Il ne me restait plus qu’à mépriser la vie, la mienne et celle des autres, pour arriver à supporter. Bref, j’ai appris à m’en foutre, pour survivre. Mes compagnons d’infortune, quand ils se retrouvaient au fond de la tranchée, parlaient de leurs villages, de leurs familles, et de tout ce qu’ils feraient une fois de retour. Ils espéraient en sortir vivants, et automatiquement, ils avaient une peur bleue de mourir. Moi, non, j’avais chassé le sale espoir de mes pensées et je m’efforçais d’envisager que la mort m’attendait inexorablement avant la fin de la guerre, et que de toute façon tout le monde s’en ficherait. Mon père pleurerait un peu, bien sûr, mais il se sentirait fier d’avoir un fils mort au champ d’honneur, ça compenserait sa peine. Ma mère était morte depuis longtemps, la première année du vingtième siècle, quant à Régine, j’ai bien écrit quelques lettres au début, puis peu à peu, j’y ai renoncé. Il n’y avait plus rien ni personne qui me retenait à la vie, j’avais perdu toute relation avec mes camarades du syndicat et de toute façon, ils m’avaient bien trop déçu dans les jours d’avant la guerre.


J’étais donc désabusé et j’arpentais la tranchée de long en large, seul, sans chercher à me faire aucun ami. À quoi bon, s’il pouvait clamecer le lendemain ? De toute façon, le contact des soldats me mettait mal à l’aise : quand ils râlaient contre les conditions de vie infrahumaines ou quand ils évoquaient l’horreur des assauts, ça me renvoyait en pleine gueule toutes les émotions que j’essayais de toutes mes forces de chasser de mon esprit. Ils essayaient de plaisanter, mais je n’étais pas dupe, ils ne faisaient que masquer leurs angoisses et n’avaient que la peur en tête, qui tournait en boucle dans leur caboche et les obsédait. Au fond ils me ressemblaient trop et ça m’en était insupportable. Et à la fois, ils étaient si différents… Certes, ils avaient changé d’attitude par rapport au début de la guerre, maintenant plus personne ne rêvait du champ d’honneur, de fleur au fusil, de médailles ou d’autres prouesses héroïques. Ces pauvres gamins à la dérive ne rêvaient plus que d’une chose : rentrer chez eux. Mais personne n’avait tiré les leçons qui s’imposaient. Ils espéraient encore que la France gagne la guerre, que nos généraux nous mènent à la victoire. Ils avaient bien conscience, de bataille en bataille, de n’être que des moutons qu’on mène à l’abattoir, mais leur aliénation les empêchait encore de se méfier des bouchers qui organisaient le massacre. Ils dessinaient le drapeau tricolore sur leurs casques, et chantaient La Marseillaise à tout-va. Ils détestaient le Boche avec plus de frénésie encore, c’était devenu un monstre, une bête féroce à anéantir, sans se rendre compte qu’en face, il n’y avait que des gamins apeurés comme eux qui vivaient exactement la même réalité atroce. Mais au lieu de confraterniser, tous allaient vers la guerre totale, vers la barbarie sans nom. La haine était telle qu’il y avait toujours un soldat pour tirer sur les brancardiers allemands après les assauts, et du coup les Allemands faisaient pareil, et au bout du compte les blessés des deux camps restaient là, à pourrir sur place. Voilà ce qu’il arrive quand on ne réfléchit pas. Les poilus avaient beau se plaindre, ils jouaient au même jeu idiot que le général Joffre ou le Kaiser. Je n’en pouvais plus de tant de stupidité.


J’abominais donc les bidasses, mais je détestais encore plus les sous-officiers comme moi. C’étaient tous des bellicistes convaincus, plus royalistes que le roi, comme le sont les contremaîtres dans les usines, des lèche-culs aux ordres du maître, disposés à tout pour une petite médaille. Non, il n’y avait personne digne d’intérêt dans toutes ces tranchées. À une exception près : un jour est apparu un groupe d’une dizaine de soldats de l’armée coloniale. C’étaient des tirailleurs sénégalais. Ils étaient mis à l’écart par les autres soldats, peut-être parce qu’ils parlaient à peine le français, peut-être, surtout, par racisme. Les soldats de mon régiment étaient déjà racistes avec les Méridionaux, imaginez avec les Noirs ! Je me sentais aussitôt identifié avec eux : absolument étrangers et perdus, lancés dans ce continent inconnu où il faisait si froid, dans une guerre dont ils ignoraient tout. Ils étaient bien trop perdus pour ressentir de la haine, ils ne savaient même pas vraiment contre qui ils luttaient. Je suis venu plusieurs fois les voir, j’échangeais avec eux comme je pouvais et je leur ai enseigné quelques mots de français. C’est, je crois, la seule vraie relation humaine que j’aie pu tisser lors de mon séjour dans les tranchées de Champagne, les seuls êtres humains qui ont réussi à attirer mon empathie. Hélas, au bout de quelques semaines ils ont disparu comme ils étaient arrivés, on les avait destinés à une autre affectation. Un endroit plus dangereux sans doute : c’est plus facile de sacrifier des Noirs, personne ne les réclame quand ils meurent.


Au bout de plusieurs mois, on m’a promu sergent-chef : au cours des assauts, c’est moi qui étais muni du sifflet. Cela avait un avantage : lors des offensives, je sortais le dernier de la tranchée, une poignée de secondes après mes hommes, pas plus, mais des fois à la guerre ce genre de détail peut faire la différence. C’est à cette époque que j'ai commencé à abuser de l'alcool, pendant l'hiver de la première année, alors qu’il faisait si froid. Non seulement je buvais la ration de vin qu'on nous servait quotidiennement, mais je parvenais aussi à me fournir en whisky que j’achetais aux Anglais avec ma solde et l'argent que mon père m'envoyait. Il était souvent frelaté et coupé à l'éther, mais je le buvais quand même. Ça me permettait d'anesthésier mon esprit et parfois même, de m’évader. Je m’endormais alors à poings fermés et je faisais de beaux rêves, celui d’un monde d’après la révolution marxiste, où les classes seraient abolies, où les Français et les Teutons confraterniseraient et se mettraient à danser l’Internationale dans les cabarets de Montmartre.


J’ai reçu ma première permission en mars 1915, huit mois après mon départ pour la guerre. À Paris, c’était déjà le printemps mais moi, j’étais encore transi par le terrible hiver que je venais de passer et j’ai eu froid pendant les quinze jours qu’a duré mon congé. J’ai retrouvé mon père, et après une courte accolade, je n’ai pas trouvé grand-chose à lui dire. Mon petit frère m’a expliqué qu’il lui restait encore un an avant sa mobilisation. Il n’avait plus hâte de partir comme autrefois, il connaissait le nombre effroyable de morts par les journaux, et il m’a demandé comment se passait la vie au front. Pour ne pas lui faire peur, je lui ai dressé le tableau le plus positif possible, et j’ai réussi à retenir mes larmes, qui menaçaient de perler à mes yeux. Je me suis rendu au journal pour saluer mes camarades, mais tous les jeunes étaient au front, il n’y avait plus que les vieillards. J’ai aussi retrouvé Régine. Nous avons cherché nos cabarets préférés à Montmartre, mais ils étaient tous fermés. Alors nous nous sommes rabattus sur un petit café vieillot aux murs crasseux. La soirée était affligeante. Mais pas à cause de Régine, à cause de moi, qui n’avais rien à raconter, ni sur mes huit mois passés au front, ni encore moins sur la politique ou sur l’avenir qui nous attendrait, après la guerre. Régine, elle, parlait beaucoup et était très enthousiaste. Pendant ce temps, elle avait appris à conduire un tramway et elle était très fière de faire un travail d’homme. Les femmes, alors que les hommes étaient sur le front, nous avaient remplacés dans pratiquement tous les postes de travail. Elles étaient facteurs, contremaîtres, ouvrières du bâtiment, taxis, on les voyait circuler à vélo ou en voiture dans les avenues de Paris, sans chapeaux ni voilettes et parfois habillées en pantalon, c’était assez incongru. Moi, d’un côté, je trouvais ça bien que les femmes s’émancipent, j’avais toujours été pour l’égalité des sexes et même pour le vote féminin, mais je ne parvenais pas à réprimer un terrible sentiment d’inutilité : apparemment, les femmes s’en tiraient très bien sans nous, on pouvait bien tous mourir, on ne servait pas à grand-chose au fond. C’est l’impression que m’ont donnée mes retrouvailles avec Régine. Au bout de quelques heures je lui ai demandé « mais toi, tu m’aimes ? » et elle m’a répondu « oui, j’imagine que oui ». Je lui ai répondu que l’amour, c’est autre chose et je lui ai parlé de séparation. Elle a fait semblant de pleurer mais au fond, j’ai bien remarqué qu’elle était soulagée.


Pour les permissions suivantes, j’ai décidé de ne pas retourner à Paris et de rester à Reims, juste à quelques kilomètres derrière la ligne de front. La ville, bombardée par les Allemands au début de la guerre, était à moitié en ruines, avec sa cathédrale éventrée au beau milieu et les maisons du vieux quartier complètement démolies. L’ambiance y était particulièrement glauque, entre les tripots pour bidasses avinés, les bordels et les hôpitaux militaires, mais cette atmosphère m’était curieusement familière, je ne m’y sentais pas aussi étranger qu’à Paris et surtout, je n’avais pas à y faire semblant.


J’ai survécu ainsi, à base d’abnégation, d’alcool et surtout grâce à une veine de cocu, jusqu’à avril 1916, quand on m’a envoyé à Verdun. La « mère des batailles », qui a duré dix mois, et fait 700 000 morts, la moitié chez les Boches et la moitié chez nous. Le rôle du poilu y était simple, il s’agissait de crapahuter sur un terrain de juste quelques kilomètres carrés sous un déluge de projectiles, tout cela pour un résultat nul. C’était le paroxysme de la guerre industrielle, l’aberration ultime, la boucherie absolue. Heureusement, j’ai eu de la chance et dès le premier jour, j’ai été atteint par un éclat d’obus qui a déchiqueté mon avant-bras. Je suis parvenu à rentrer à la base en rampant et on m’a amené à l’hôpital. C’était la première fois que j’étais blessé et c’était vraiment au bon moment et au bon endroit parce que j’étais suffisamment touché pour être hors de combat pendant de longues semaines et pas assez pour en garder des séquelles.


Mon séjour à l’hôpital a été l’occasion d’un véritable chamboulement dans ma façon de ressentir les choses. Moi qui après ces deux premières années de guerre avais fini par devenir imperméable à tout sentiment, voilà que mes émotions enfouies ont jailli d’un coup, toutes à la fois. Peut-être était-ce à cause de l’alcool qui me faisait défaut, ou bien à cause de tous ces gamins grièvement blessés alités autour de moi, ces gueules cassées, ces grands brûlés, ces hommes-troncs dont les gémissements bouleversants ne pouvaient rendre personne indifférent ; mais surtout, l’événement déclenchant a été la lettre de mon père m’annonçant que mon petit frère était mort pendant la bataille de la Somme, à peine un mois après sa mobilisation. Là, j’ai ressenti une douleur si vive que je n’ai pas pu réprimer mes larmes, et j’ai pleuré pendant des heures tout ce que je n’avais pas pleuré pendant deux ans. Des sanglots rédempteurs, qui signifiaient mon retour à la vie. Les jours suivants, je parlais autour de moi, je communiquais enfin avec mes semblables, et me suis rendu compte à quel point tout le monde était gentil dans cet hôpital, autant les médecins et les infirmières, au dévouement et à la compassion infinie, que les blessés, qui se consolaient et se soutenaient entre eux en toutes occasions. Mais en m’ouvrant aux autres j’ai aussi réalisé à quel point les idées avaient évolué depuis 1914 : la bataille de la Somme et celle de Verdun, qui étaient en train de se dérouler étaient si inhumaines que les soldats n’hésitaient plus à pester contre les chefs militaires et contre le président Poincaré, contre le patriotisme et contre l’armée. Il y avait tant de détresse dans cet hôpital que la souffrance occupait toute la place, et il n’y en avait même plus pour haïr les Allemands.


Je suis sorti de cet hôpital avec une foi rénovée en la condition humaine, et j’ai fini ma convalescence à Paris, où j’ai retrouvé mon père. Cette fois-ci, notre accolade a été longue et émouvante. Nous avons parlé de mon petit frère Henri, de ma mère, morte trop tôt, et mon père m’a demandé pardon pour son attitude au début de la guerre. Il avait compris, en voyant tant de familles en deuil et tant de mutilés rentrer à Paris, que ce conflit était une chose effroyable, le sacrifice pur et simple de toute une génération, pour une raison qui, finalement, ne revêtait pas tant d’importance. À Paris, j’en ai profité pour retourner à l’Humanité et me mettre à jour sur l’actualité de la lutte. J’avais décidé en effet, à mon retour au front, de retrouver le plus grand nombre de camarades et, pourquoi pas, si l’occasion se présentait, d’organiser un début de syndicat auprès des soldats. En observant la liste des abonnés du journal et celle des affiliés à la CGT, je me suis alors rendu compte qu’il y avait deux hommes appartenant au même régiment que moi, dans des brigades différentes, mais qui étaient stationnés dans une tranchée proche et que je pourrais éventuellement contacter. J’avais aussi le nom d’un camarade, ancien élu SFIO, membre de la Ve armée comme moi, qui essayait de coordonner les luttes sur le front. Je savais bien que sans doute cela ne servait à rien, mais au moins, pendant ce mois passé à Paris, je n’ai pas bu la moindre goutte et j’ai retrouvé quelques bribes d’humanité. Et quand je suis retourné sur le front, je n’étais pas si désespéré, car je m’étais donné une mission, offert une lueur d’espoir, qui fait vivre, d’après ce qu’on dit. Ça avait peut-être son importance dans une guerre.


Une fois de retour dans ma tranchée, j’ai donc essayé de trouver mes camarades éparpillés dans les différentes brigades. C’est ainsi que j’ai connu Jacques, trente-sept ans et sergent-chef, comme moi. Un type extraordinaire. Dans le civil, il était instituteur à Clichy, et possédait une vocation indéfectible, parce qu’il profitait de tous les temps morts pour instruire les gosses qu’il avait sous ses ordres. Il en préparait certains au certificat d’études et les aidait à rédiger leurs lettres. Il s’était même débrouillé pour se faire fournir des romans de Jules Verne qu’il faisait lire aux recrues. Et bien sûr, il en profitait pour, ni vu ni connu, leur parler de Karl Marx et de l’Internationale. Ses hommes lui vouaient un profond respect et auraient été capables de le suivre jusqu’aux enfers. Malheureusement, un jour, après un assaut particulièrement sanglant, tout son peloton a disparu sous les balles ennemies. J’en ai profité pour parler avec mon caporal afin de le capter dans notre brigade, puisqu’en parallèle nous avions perdu plusieurs sous-officiers, et j’ai réussi à obtenir sa mutation. À présent, nous étions deux socialistes, tous deux sous-officiers, avec une cinquantaine de gars sous nos ordres. Trop peu pour déclencher la moindre insurrection bien sûr, mais assez pour commencer à monter une antenne clandestine de la CGT, d’autant que j’ai très vite reçu des nouvelles d’Hubert Morin, le coordinateur de la SFIO, et de l’autre gars affilié au syndicat, un maçon de Rouen, qui se disait prêt pour la moindre action.


Jacques était pour moi un vrai modèle et j’essayais de l’imiter. Cependant j’ai vite compris que je n’avais pas assez pris soin de mes hommes jusqu’à lors, et que ce serait très difficile d’obtenir d’eux la confiance et le respect. Jacques était patient, courtois, en plus son âge, presque le double que celui des recrues les plus jeunes, lui conférait un statut de protecteur, presque de père. Moi, je n’étais qu’un jeune homme malingre et neurasthénique, c’était impossible de rivaliser avec lui. Aussi j’ai décidé de jouer une autre carte : celle de l’outrance et de l’insubordination. Un jour, au sujet d’un plat de haricots particulièrement infect, j’ai décidé d’apostropher mon caporal devant mes hommes, en lui reprochant vertement sa manière de diriger. J’en suis même venu à l’insulter et il a voulu m’envoyer au conseil de guerre. Je n’ai jamais été jugé, il n’y avait guère le temps pour s’occuper de ce genre de peccadille à l’époque, mais j’ai fait du cachot pendant une semaine et j’ai failli être dégradé. Quand je suis revenu à ma tranchée, mes hommes m’ont acclamé, j’avais osé dire tout haut ce que tous pensaient tout bas, j’étais devenu leur héros. Jacques n’approuvait pas vraiment ma manière de faire, mais moi, au moins, j’avais réussi à approcher les soldats à la rébellion beaucoup plus tôt que lui, avec ses leçons d’arithmétique et d’orthographe. En seulement quelques semaines, les langues se sont déliées : mes hommes parlaient à voix haute de tout ce qu’ils détestaient dans les tranchées, des ordres absurdes des hauts gradés qui n’avaient jamais mis un pied sur un champ de bataille, et de leur envie de déserter ou bien de s’automutiler pour éviter les combats. Moi, j’écoutais, réjoui, et j’abondais dans leur sens. Je leur donnais même des conseils pour simuler la dysenterie ou pour enrayer leur fusil, ce qui les empêchait de partir à l’assaut jusqu’à ce qu’on leur en trouve un autre. Et j’étais pour le moins laxiste avec la discipline, je les laissais faire ce qu’ils voulaient pratiquement tout le temps, s’ils voulaient dormir pendant leurs tours de garde, libre à eux, de toute façon, les assauts étaient toujours annoncés par une salve d’obus qui réveillait tout le monde.


Pendant plusieurs mois, j’ai essayé de mettre en place la section syndicale avec Jacques. Dans la clandestinité la plus complète, car la politique était strictement interdite dans le cadre militaire. Tandis que les prêtres se promenaient à leur guise dans les tranchées, et prodiguaient leurs messes et leurs extrêmes-onctions partout, même à qui ne voulait pas les entendre, au mépris le plus élémentaire des lois sur la laïcité. Les gradés, les militaires de carrière, penchaient très évidemment à droite, voire à l’extrême droite, aussi valait-il mieux taire son appartenance au mouvement socialiste, même si la SFIO faisait partie de l’Union sacrée et officiellement soutenait la guerre. De toute façon, Jacques et moi, nous nous situions à la gauche du parti, et avec nous notre coordinateur Hubert Morin. Je crois que tous les affiliés qui se trouvaient sur le front étaient redevenus révolutionnaires, comme aux origines, et peinaient à comprendre la direction du mouvement. La seconde Internationale agonisait, menacée d’être scindée en deux, entre réformistes et subversifs. Les propositions de revendications proposées par la CGT, comme la revalorisation des soldes militaires et l’ampliation de la durée des permissions nous paraissaient bien faibles. Nous étions en train de crever sur place, il y avait bien plus urgent que de réclamer quelques francs de plus par mois !


J’ai reçu, début 1917, une lettre d’Hubert Morin qui me transmettait le manifeste de la conférence de Kiental, une réunion de socialistes de toute l’Europe contre la guerre qui s'était tenue en Suisse. Il y avait là des Français, des Allemands, des Italiens, des Russes, toutes les nationalités, y compris celles a priori ennemies, s’étaient retrouvées pour une cause commune : la paix. Ni la SFIO ni le SPD allemand n’avaient été conviés, à cause de leur appui à leur gouvernement et à l’effort de guerre. Le manifeste déclarait dès les premières lignes : « Cette guerre, peuples travailleurs, n'est pas la vôtre, mais vous en êtes les victimes », pour finir ainsi : « À bas la guerre ! Vive la paix ! La paix immédiate et sans annexions ! Vive le socialisme international ! »


J’ai relu plusieurs fois le document, en proie à une émotion extrême. Les socialistes, en marge des partis officiels, avaient enfin retrouvé l’esprit de l’Internationale, en ces temps où il y en avait tant besoin. L’espoir était là ! J’ai osé, à cette occasion, faire lire le texte à mes hommes, un par un, au fur et à mesure, avant de détruire le manuscrit. Tous adhéraient au message, sans forcément savoir d’où il provenait ni qui l’avait écrit. Mais il s’agissait de telles évidences, exprimées de façon si simple, que n’importe quel soldat aurait applaudi. Grâce à ce manifeste, j’ai donc pu convaincre la majorité de mes hommes des vertus du socialisme et du pacifisme. Après trois ans de guerre, ils étaient enfin mûrs pour la révolution !


Je sentais que le moment du grand soulèvement arrivait, inexorablement. Tout me portait à le croire. Hubert Morin m’a envoyé fin mars des nouvelles exceptionnelles : en Russie, la révolution avait triomphé. Le pays s’était levé en masse contre la tyrannie aux cris de « À bas la guerre ! », « À bas l’autocratie ! », et les soldats, refusant l’ordre de tirer contre les manifestants, s’étaient joints à eux. Le tsar Nicolas II venait d’être renversé ; à Petrograd, les ouvriers et les soldats élisaient leurs propres représentants pour se gouverner eux-mêmes en autogestion. Le socialisme avait gagné là-bas, et bientôt, très certainement, il toucherait l’Allemagne, l’Autriche et la France.


En attendant, sur le front, nous connaissions un court répit. La bataille de Verdun s’était achevée en décembre 1916, sur une victoire française à ce qu’on disait, mais ce n’était guère évident parce que nous n’avions pas repris le moindre kilomètre aux Allemands. Depuis, il n’y avait pas eu de grandes offensives en trois mois, le temps de compter les morts dans chaque camp. Hélas, en avril, les hostilités ont repris, avec la grande offensive du Chemin des Dames.


Au début avril, nous avons reçu sur le front la visite du généralissime des armées, fraîchement nommé, Charles Nivelle. Il est venu serrer la main de plusieurs officiers, et poser pour des photos aux côtés de quelques soldats. Mes officiers ont salué son courage de s’être présenté ainsi sur la ligne de front, pourtant il n’a pénétré que dans la tranchée de l’arrière, celle qui était sûre et ce jour-là, comme par hasard, il n’y a eu aucun tir de l’artillerie allemande. J’étais là, avec mes hommes, quand Nivelle a déclaré aux soldats qu’une offensive aurait lieu bientôt, entre Reims, Soissons et Laon, sur le Chemin des Dames. Il s’agirait, selon lui, de l’attaque ultime qui nous mènerait droit à la victoire ; mais surtout, Nivelle nous a promis que l’assaut ne durerait pas plus de quarante-huit heures, sinon, il serait annulé. Mes hommes ont acclamé le général, car ils venaient d’entendre de sa bouche que la guerre allait bientôt finir et que les combats seraient brefs, mais moi j’ai refusé d’applaudir, car cet homme était l’un des responsables des pires crimes de guerre, à Verdun et sur la Marne, et aussi, parce que je me méfiais de ce genre de promesses. La suite m’a prouvé que j’avais bien raison.


La bataille, bien entendu, n’a pas duré quarante-huit heures et s’est éternisée, comme les autres. Les Allemands étaient perchés tout en haut d’une colline, bien à l’abri dans leurs bunkers, et nous, nous devions monter presque tous les jours, pour nous faire repousser chaque fois. Une hécatombe quotidienne. La guerre décidément n’était pas près de se terminer. Elle s’achèverait sans doute lorsqu’il ne resterait plus un seul soldat vivant dans aucun camp. Trois millions d’hommes étaient déjà morts sur le front français, il ne devait pas en rester beaucoup plus encore valides. Tout manquait, les vivres, les couvertures, l’eau potable. Comme l’assaut n’avait été prévu que pour deux jours, rien n’était suffisant : les blessés mouraient devant les hôpitaux de fortune, en attendant d’être opérés, et les chirurgiens ne disposaient pas d’assez de morphine pour tous. Par contre, il y avait des armes à foison. Des millions de balles qu’on gaspillait à chaque attaque et plus de cinq mille canons qui tiraient en moyenne cinq cents obus par minute. La colline était défoncée de partout, avec des cratères d’au moins dix mètres qui nous empêchaient de progresser. Le champ de bataille rutilait de toute la ferraille qu’on y avait balancée. La terre était tapissée d’une couche épaisse de chair et de métal. Nous, on avait chacun au moins six grenades dans les poches avant chaque assaut, en plus de nos fusils, et des magasins entiers de munitions, avec ordre de tout utiliser chaque fois. Sans compter les nouvelles armes, qui au fur et à mesure de la guerre étaient apparues, maintenant il y avait des tanks, des lance-flammes et des gaz toxiques qu’on s’envoyait les uns et les autres à la gueule. Avec nos masques à gaz, on ne voyait pratiquement rien, les jours de pluie la vitre s’embuait et on fonçait à l’aveuglette.


La colère grondait dans notre campement et tous les soldats à l’unanimité se sentaient trahis par le général Nivelle. Dès le début de l’offensive du Chemin des Dames, je me suis rendu compte que toute la Ve armée, au grand complet, était concentrée sur un tout petit rayon. Il était par conséquent facile de rencontrer enfin Hubert Morin en chair et en os, et d’autres camarades que j’avais contactés pendant toute l’année précédente. L’ancien élu de la SFIO avait quarante ans, il lui restait donc très peu de temps sous les drapeaux, mais il était absolument déterminé à déclencher une mutinerie avant de partir, même s’il savait qu’elle risquait d’être sévèrement réprimée et lui, fusillé. Cependant il acceptait le sacrifice sans sourciller. Il m’a fait une sensation bizarre, il était pareil aux militaires, avec les mêmes valeurs de discipline, de courage et d’abnégation qu’eux, mais au service de l’antimilitarisme. Il m’a expliqué que l’insurrection était prévue dans trois jours, et qu’au moins cinquante bataillons suivraient le mouvement. Quand je suis retourné à notre campement, j’en ai parlé à Jacques, qui en a parlé à son tour à nos hommes. Mis à part deux ou trois gars, tout le monde était d’accord. Ils étaient tellement désespérés et indignés qu’ils se moquaient de la répression, ils n’avaient plus rien à perdre.

Au petit matin, le clairon a sonné l’assaut mais nous, nous nous sommes assis dans notre tranchée, sans bouger. Les trois gars de notre brigade qui n’avaient pas voté en faveur de la grève ont couru chercher le caporal, de peur d’être associés à la mutinerie. Celui-ci apparut bientôt, accompagné d’une vingtaine de soldats. Il était hors de lui et criait ses ordres à tue-tête. Jacques a voulu lire le manifeste qu’il avait écrit la veille, mais c’était impossible, parce que nos canons n’avaient pas encore fini de bombarder le champ de bataille et le vacarme était assourdissant. Le caporal a très vite compris qu’il n’avait pas assez d’hommes pour faire face à presque cinquante types armés et nous sommes sortis par l’arrière de la tranchée, arrogants et superbes. On a entendu peu après le clairon qui sonnait la retraite. Notre acte de rébellion, semblait-il, avait fait capoter l’assaut. Les soldats ne manqueraient pas de nous en remercier, ai-je alors pensé, tandis que nous traversions les tranchées jusqu’à l’arrière du front. En passant, nous lancions quelques slogans aux poilus : « Refusez d’attaquer ! », « Marre d’être de la chair à canon ! », « Rejoignez-nous ! » Les hommes nous regardaient, stupéfaits, et certains osaient même nous saluer, mais personne ne nous a suivis.


Le plan était de se retrouver près des hôpitaux avec les autres brigades insurgées. Hélas, il y avait bien là Hubert Morin et environ deux cents hommes, mais on était bien loin des cinquante bataillons envisagés. On s’est assis en rond sur la petite prairie qui bordait l’hôpital, en serrant bien nos armes contre nous, car on savait que tôt ou tard viendrait la répression. On a attendu au moins deux heures, mais rien ne se passait. On s’est demandé, avec les camarades sous-officiers, ce qu’il fallait faire à présent : ici, à côté de l’hôpital, on ne pouvait mobiliser personne, il fallait retourner vers les tranchées pour attirer les soldats vers nous. C’est alors qu’est apparu tout autour de nous un régiment d’au moins mille soldats, qui nous a encerclés en deux temps trois mouvements. En face, c’étaient des hommes de la Xe armée, aux ordres d’un vieux colonel qui était monté sur un canasson, pour se donner de l’importance.


Jacques a lu son manifeste, et nous l’avons applaudi de façon unanime. Puis j’ai voulu faire chanter l’Internationale à nos gars, mais je me suis arrêté au « genre humain » à la fin du premier couplet, parce que personne à part moi et les quatre autres affiliés à la CGT ne connaissaient les paroles. Juste après, le colonel nous a exigé de déposer les armes, ce que, bien entendu, nous avons refusé de faire. Après cette sommation, il a crié « en joue ! » à ses hommes, alors nous avons braqué nos fusils nous aussi, mais Hubert Morin nous a fait baisser les armes et a déclaré : « Tirez si vous osez ! Nous sommes des soldats, comme vous, nous sommes des frères ! On nous avait promis que cette bataille ne durerait que quarante-huit heures, mais ça fait deux semaines qu’on part tous les jours à l’assaut. Camarades soldats, rejoignez-nous ! »

Pratiquement tout le monde, dans le régiment d’en face, baissa son fusil et le colonel, s’en rendant compte, donna l’ordre à ses hommes de rester là sans bouger. Les soldats n’avaient pas voulu nous tirer dessus, certes, mais aucun n’avait changé de camp non plus. Nous qui comptions sur l’effet contagion, c’était raté. On était coincés sur le terre-plein à côté de l’hôpital et en plus, on gênait le travail des médecins.


Au crépuscule, on a réalisé, en mangeant nos dernières provisions, que nous ne pourrions pas supporter bien longtemps le siège. Hubert et Jacques ont passé la nuit à crier des slogans contre la guerre pour inciter les soldats d’en face à déserter. Moi, je suis resté silencieux, j'étais complètement désespéré, je savais pertinemment que nous avions perdu et qu'il n'y avait plus rien à faire. Ou peut-être avancer vers le colonel et lui tirer dessus. J'y ai réfléchi pendant des heures, il me suffisait de marcher une cinquantaine de mètres en cachant un pistolet, et une fois que je l’aurais dans ma ligne de mire, lui loger une balle entre les deux yeux. Et après, attendre de voir comment réagiraient les hommes du 10e régiment. Auraient-ils le courage de me tuer sans que personne ne leur ordonne ? Mais finalement j'ai laissé tomber l’idée, en plus, à minuit le colonel est allé dormir dans une tente, à l’arrière de son détachement. La nuit m’a paru éternelle, bien plus longue que les tours de garde dans les tranchées en première ligne. Les gars de ma troupe étaient exaspérés. Ils parlaient beaucoup entre eux, et en écoutant leurs chuchotements, je remarquais bien qu'ils me reprochaient ce qui était en train de se passer. Quand je leur ai demandé directement ce qu’ils voulaient me dire, l’un d’entre eux m’a lancé : « Et qu’est-ce qu’on va faire maintenant, chef ? » J'ai répondu qu'il n'y avait plus de chefs ici, que chacun pouvait faire ce qu'il voulait, que c'était ça, la liberté. Ils se sont aussitôt tus et ne m'ont plus rien demandé. J'ai quitté le groupe et je me suis assis un peu plus loin. Comme c’était la nuit noire, personne ne m'a vu pleurer. À l’aube, nous avons voté pour la reddition et avons rendu nos armes peu après.


Hubert, Jacques et moi avons été identifiés comme les meneurs du mouvement, et condamnés à mort par un tribunal d’exception qui nous a jugés en à peine une heure. Nous avons été enfermés tous les trois ensemble, dans l’attente de notre exécution, sans savoir quand elle aurait lieu. Hubert et Jacques continuaient de parler entre eux, de lire et d’écrire à leurs familles, comme si de rien n’était, mais moi je ne pouvais pas, j’étais de nouveau plongé dans le mutisme le plus complet, et cherchais à retrouver cette indifférence de mes deux premières années sur le front. Peine perdue, j’étais terrorisé et tremblais de tout mon corps. Nous avons attendu au moins une semaine dans l’antichambre de la mort. Un de nos gardiens nous a bientôt expliqué que Nivelle avait été démis de ses fonctions, que le nouveau généralissime, c’était Philippe Pétain, un des héros de Verdun, et qu’il allait sans doute nous gracier. Il avait l’air heureux pour nous, le gardien, visiblement cela ne lui faisait pas du tout plaisir de nous voir fusiller.


Effectivement, sur les trois prisonniers, deux d’entre nous ont eu la vie sauve. Jacques n’a pas eu cette chance et il est mort fusillé. Hubert s’en est sorti, peut-être à cause des répercussions politiques qu’aurait représentées sa mort, et on l’a envoyé au bagne en Algérie. Quant à moi, on m’a enrôlé de force dans les corps francs, qu’on appelait aussi « les nettoyeurs », des unités spécialisées dans l'assaut des tranchées ennemies. On se battait aux avant-postes, au cours de missions extrêmement dangereuses, quasi suicidaires. Pendant les assauts, on partait avant tout le monde, alors que notre artillerie bombardait encore l’ennemi, pour aller sauter dans les tranchées rivales et tuer un maximum d’Allemands, ou alors on s’avançait discrètement jusqu’à leurs bunkers pour balancer des grenades dans les fentes. La nuit, on rampait jusqu’aux positions rivales pour aller égorger les francs-tireurs teutons à l’arme blanche. La plupart de mes compagnons étaient des taulards, des assassins, ou des soldats passés par le conseil de guerre, comme moi. Les effectifs changeaient constamment, car il y avait beaucoup de pertes, bien plus que dans les régiments classiques.


Ces missions des corps francs étaient bien différentes de tout ce que j’avais connu. La mort n’était plus, comme avant, quelque chose de froid et lointain, cette fois, on se battait au corps à corps, on sentait l’autre perdre peu à peu la vie pendant l’étreinte, on sentait son haleine, on l’écoutait gémir. C’était insupportable, mais je n’avais pas le choix, je n’étais plus un petit soldat qui marche à l’aveuglette en espérant qu’une bombe ne vienne pas le dégommer, à présent, je devais me concentrer à l’extrême et mettre toute la conviction pour trucider mes semblables, sinon je ne sortais pas vivant des missions. C’était peut-être ça, la peine la plus cruelle pour un pacifiste, l’obliger à devenir un boucher, un assassin en série.


Après mes premières missions, je me sentais sale, honteux, mais peu à peu, je me suis habitué. Comme au début de la guerre, j’ai perdu tout espoir, toute volonté de chercher un sens au monde, je me suis de nouveau insensibilisé. J’ai repris la boisson et j’ai arrêté de parler avec mes compagnons, si différents. Pendant ce temps, les soldats de mon bataillon étaient rentrés dans le rang, Après la nomination de Pétain, il y a eu d’autres mutineries, mais le nouveau général en chef a décidé d’employer une autre méthode pour juguler cette vague subversive. Il a augmenté les paies et allongé les permissions, tandis qu’il s’est arrangé avec les Allemands pour que les combats soient moins mortels pendant tout le reste de l’année 1917, le temps d’apaiser le moral des troupes. Visiblement les Allemands et les Français possédaient un grand ennemi commun au-delà de leurs querelles : le socialisme. En Russie, au mois de novembre les bolcheviks de Lénine et Trotsky avaient fini par triompher des socio-réformistes et ils avaient signé l’armistice. Là-bas, le pacifisme avait réussi à s’imposer, mais ici, on en était loin. Au contraire, les petits changements proposés par Pétain ont suffi par satisfaire tout le monde, et les soldats de mon ancienne brigade, qui s’étaient autrefois rebellés avec moi, acclamaient le nouveau grand chef des armées, qui pourtant, comme Nivelle, avait été responsable du massacre de Verdun et de la bataille de la Somme. Les soldats étaient aussi naïfs qu’autrefois, ils confondaient la trêve avec la paix, sans imaginer que dès que les mouvements de rébellion seraient passés, la guerre reprendrait de plus belle.


Je suis devenu de nouveau indifférent au monde et m’en suis voulu d’avoir cru, un temps, à la possibilité d’une révolution. Je ne comprenais toujours pas comment, en mars 1917, alors que les troupes réclamaient la paix à l’unanimité, les soldats partaient encore à l’assaut. Six millions d’hommes qui ne voulaient pas faire la guerre, et en face une poignée d’officiers, c’était pourtant si simple de retourner les armes contre eux, comme en Russie !

Je n’ai pas plus vu venir l’armistice que je n’avais envisagé le début de la guerre. Le 11 novembre, ce n’était pas vraiment une date pour achever un conflit, moi je m’attendais à passer un nouvel hiver sous les bombes. Nous avions gagné, à ce qu’il paraît. Partout ce n’était que liesse, défilés, embrassades. Partout on défilait, on chantait La Marseillaise, on agitait des petits drapeaux. Et on acclamait le président, les généraux, Foch, Pétain, Clemenceau, Poincaré, toute cette bande de criminels, comme des héros nationaux. Mais ce n’était pas la paix que les Français fêtaient, juste la victoire. En Allemagne, on ne fêtait rien du tout, et pourtant eux aussi auraient pu célébrer la fin des combats. Nous avions gagné et eux perdu, c’est pourquoi on était joyeux et eux, ils étaient tristes. Ces quatre ans n’avaient guère été qu’un petit jeu entre nous, comme un match de football, en somme.


Je n’arrivais pas à me sentir heureux, comme les autres, pas même soulagé. Je me sentais juste vide, plus que jamais étranger au monde. Je n’imaginais pas reprendre ma vie civile, ma petite routine, mon petit journal et mes luttes syndicales mesquines. J’ai envisagé de partir en Russie, pour continuer de combattre là-bas, mais je me suis ravisé. D’abord, parce qu’il était difficile de traverser l’Allemagne pour me rendre à Moscou, mais aussi parce qu'au fond j’avais perdu toute conviction politique. J’ai bien fait, car il s’est avéré quelques années plus tard que les bolcheviks étaient les plus sanguinaires et les plus totalitaires de tous. Et puis, parce que quelques jours après l’armistice je suis tombé très malade. J’ai donc décidé de retourner à Paris, où par malheur j’ai contagié mon père, qui est mort de la grippe, qu’on a appelée « espagnole », à peine une semaine après l’armistice.


J’ai repris mon poste de travail à l’Humanité. Et je me suis réconcilié avec Régine, que j’ai épousée en 1919. Non pas qu’elle m’aimât plus qu’avant-guerre, mais il y avait si peu d’hommes sur le marché qu’elle ne pouvait pas faire la difficile. J’ai eu deux enfants et je me suis efforcé de m’épanouir dans ma vie de famille. Je ne peux pas dire j’y sois réellement arrivé. Maintenant j’ai cinquante ans, on est en 1940 et mon fils aîné vient d’être appelé sous les drapeaux. Le cadet devra encore attendre deux ans pour être mobilisé. J’espère que la guerre ne durera pas tant, cette fois-ci. Mais que voulez-vous, les Allemands veulent la revanche, et nous voici, prêts pour jouer le match retour. Vraiment, je me demande si ce monde est sérieux.


 
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   cherbiacuespe   
21/10/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Jean Jaurès mort, qui d'autre aurait pu déclencher les hostilités contre ceux qui désiraient la guerre à tout prix ? Lui était assez fort, puissant, écouté dans toute l'Europe, mais seul. Rosa Luxembourg aurait pu, mais son aventure spartakiste malheureuse en Allemagne l'avait mis hors-jeu.

Apparemment, l'illettrisme n'était pas aussi fort que le prétend le texte (entre 3 et 6 ou 7% d'après ce que je sais), mais certes, le niveau culturel (compréhension d'un texte) n'était peut-être pas aussi évident.

D'évident, il me semble qu'il y a du La Boétie ("la servitude volontaire") dans ce texte. Qu'il y a de l'ignorance aussi, au sujet de la guerre, en général et en particulier, de son horreur que l'on semble redécouvrir à chaque conflit et de ce qu'est capable de faire l'être humain, bref. Un texte anti-guerre, pourquoi pas. Mais la guerre est dans la nature de l'humain, malheureusement, et ce n'est pas demain la veille que cela changera. Et les raisons sont toujours plus nombreuses. Non, il n'y a pas que le nationalisme, ce serait trop facile. En 1914, il y avait aussi l'ambition, l'argent, l'orgueil. Le nationalisme n'était qu'un vecteur visible derrière lequel entraîner les masses. Cela a bien fonctionné. Et trop peu de politiques, de convictions, de convaincus pour s'engager contre.

Il est amusant d'ailleurs de remarquer qu'immédiatement après l'assassinat de Jaurès, ses amis, ses alliés se soient si vite déclarés pour la guerre, engagés dans l'union sacrée. Trop rapide pour être honnête à mon goût. Surtout que de ceux-là, combien se sont retrouvés en première ligne sous le feu de l'ennemi ?

Enfin, la conclusion du texte me semble un peu tiède. Ce texte, à mon avis, aurait gagné en dramaturgie si l'auteur avait positionné la fin (les deux derniers paragraphes par exemple) au tout début.

   Provencao   
13/11/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Charivari,

Cette " c'est la lutte finale" s'inscrit en authenticité et en psalmodie qui se séparent de telle sorte que c’est leur séparation qui les sacre l'une et l'autre, et qui, faudrait-il compléter, les contraint à se confondre en retour, comme
pour accueillir «cette vive la Paix » dont l’absence n’en finit pas de courtiser notre monde.


Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Lariviere   
14/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Salut Chari !

Content de te relire un peu par içi. J'espère que tu va bien.

J'ai lu ce texte en EL et je me suis régalé. L'écriture est fluide, sans faille et j'ai pris beaucoup de plaisir sans voir la longueur à lire ce texte très réaliste, c'est sa force où rien à priori des éléments de la première guerre ne semble oublié, même dans les détails, l'atmosphère notamment est très bien rendu. Le tout étant très bien distillé et inséré dans le récit, à aucun moment cela ne fait effet liste. Il en ressort un texte très évocateur de ce conflit avec une certaine épaisseur puisque même le contexte politique et les états d'âme des différents protagonistes sont présent. Je ne sais pas si c'est parce que je suis assez sensible au thème mais j'ai trouvé ce texte particulièrement réussi.

Un très bon moment de lecture en tous cas, merci et bravo !

Bonne continuation !

ps : petit détail, je ne sais pas pourquoi mais il y a confusion dans les grades, à deux reprises tu parles d'un caporal comme d'un officier de ce que j'ai compris, mais le caporal est inférieur au sergent dans les grades militaires...

   Charivari   
15/11/2024


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