Il y a, à Séville, dans le quartier de Triana sur la rive droite du Guadalquivir, une gargote minuscule et crasseuse nommée Casa duende. Pas de chaises, le local est bien trop étroit, on y boit debout, accoudé au comptoir, en silence. Le sol est jonché de papiers gras, de graines de tournesol et de têtes de crevettes, et sur les murs peints à la fumée de cigare, quelques vieilles photos témoignent de la dévotion du taulier pour la Vierge de la Macarena, le Real Betis Balompié et les spectacles taurins. Le café y est infect, le jambon aussi dur que le cuir, et les glaçons ne sont pas toujours de la première fraîcheur. La clientèle, exclusivement masculine, était déjà vieille à l’époque de Franco. Il va sans dire qu’aucun touriste n’y a jamais mis les pieds.
Réellement, la Casa Duende n’a que deux intérêts : elle est juste en bas de chez moi et dispose d’un distributeur de cigarettes. Depuis que j'habite le quartier, je m'y rends juste pour m'approvisionner en tabac, et je ressors aussitôt. Cependant, il y a deux mois environ, j'y suis resté plusieurs heures, pour la première fois. C’était un dimanche, vers midi, le patron venait d’ouvrir et le bar était encore vide. Comme à l’accoutumée, à peine entré, je me dirige vers la machine et prépare les trois euros cinquante de mon paquet de Fortuna. Mais au moment de glisser la première pièce dans la fente, je m’arrête net. Une voix féminine, profonde, éreintée, résonne dans le local, aussitôt relayée par le rasgueo brutal d’une guitare. Le début d’une seguiriya.
Devuélveme la vida, arma mía, arma mía, que no me quiero morir.
Je demeure là, sans bouger, et j’écoute. L’enregistrement est ancien, parasité par le souffle du saphir et les craquelures du vinyle, mais qu’importe : dès les premières notes, je suis subjugué. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi émouvant. C’est une voix d’enfant, à peine nubile, et pourtant au grain aussi rauque et solennel que celui des vieilles gitanes. Une tessiture afillá, comme disent les aficionados. Le chant est fragile, presqu’hésitant, mais le guitariste porte la voix, la guide et l’empêche de retomber. Il ne se contente pas d’accompagner, c’est lui qui mène la danse, qui arrête et relance la cantaora, qui tantôt l’adoucit avec un punteo raffiné, tantôt l’enrage à grands coups d’éventail. Il la tient coincée entre ses cordes, et la fille pleure, se débat, gémit, avant de s’envoler, épanouie, vers des notes impossibles.
À la fin du morceau, je regarde le patron, hébété, un peu honteux d’être resté tout ce temps immobile. Mais lui, il m’adresse un immense sourire.
- Qui c’était ? Lole y Manuel ? - Non, jeune homme, me répond-il d’un ton gouailleur. Ce n’est pas Lole Montoya. C’est Orfeo y Beatriz… Les plus grands !
Je ne parviens pas à dissimuler mon étonnement, car c’est la première fois que j’entends ces deux noms. L’homme éclate de rire.
- Orfeo et Beatriz, ça ne vous dit rien du tout, n’est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas, personne ou presque ne les connaît. Ce morceau, c’est leur seul enregistrement. Sangre nueva, une compilation des nouveaux talents de Séville, en 1982, et puis après, plus rien…
Sans demander mon avis, le voilà qui me sert un verre de xérès, avec quelques olives un peu rances. J’accepte son invitation et il commence à me raconter l’histoire de ce duo. Un récit totalement improbable, aussi mélodramatique qu’un mauvais feuilleton télévisé.
Les deux musiciens grandirent à la Corchuela, un quartier gitan de la périphérie de Séville. Orfeo était un enfant drôle et déluré. À l’âge de cinq ans, il reçut sa première guitare, offerte par son père musicien, et apprit très vite à en jouer. Beatriz, de deux ans sa cadette, possédait un caractère diamétralement opposé : timorée, craintive, elle se tenait toujours à l’écart de la marmaille, des jeux et des rires. Jusqu’à l’âge de trois ans, personne n’avait jamais entendu le moindre son sortir de sa bouche. C’est en écoutant la guitare d’Orfeo qu’elle parla pour la première fois. Ou plutôt chanta. Un cri strident, d’abord, qui se fit peu à peu mélopée douce et chagrine.
Émerveillés par ce prodige, les parents des deux enfants décidèrent de les faire répéter ensemble, huit à dix heures par jour. Cinq ans plus tard, Orfeo et Beatriz donnèrent leur premier concert dans un tablao de Carmona, devant un public médusé : ces deux gosses-là s’entendaient à merveille, le garçon possédait une technique insolite pour son âge, et la petite un cante capable d’émouvoir les puristes les plus blasés.
La même année, on organisa leurs fiançailles, et six ans après, leur mariage. Les gens du quartier enviaient leur amour, sans faille, exemplaire. Beatriz, toujours aussi discrète, ne parlait jamais à personne, hormis à son époux qui la couvrait de cadeaux, de fleurs et d’attentions délicates. Ils étaient beaux comme des princes zincalós d’Égypte, jeunes et radieux, et leur avenir promettait d’être aussi brillant qu’un habit de lumière.
Hélas, le destin en avait décidé autrement. Au début des années quatre-vingts, l’héroïne faisait des ravages en Andalousie, et tout particulièrement dans la communauté gitane. Les gamins de la Corchuela tombaient dans la poudreuse comme des mouches. Les deux adolescents n’échappèrent pas au terrible fléau. Ils goûtèrent à la poussière d’ange un soir, pour fêter la sortie de leur premier enregistrement, puis se promirent de ne plus jamais y toucher. Mais Beatriz ne sut résister à la tentation, et continua de consommer du brown en cachette. On la retrouva un beau matin dans un terrain vague, gisant inconsciente, une seringue plantée dans son avant-bras. À l’hôpital, on put in extremis éviter son décès, mais il fut impossible de la réanimer, et elle demeura plongée dans le coma, prisonnière de ses cauchemars thébaïques. Le verdict des médecins fut sans appel : la jeune fille ne pouvait en aucun cas se réveiller.
Orfeo, accablé, refusait d’abandonner le chevet de son épouse. Au bout de quelques semaines, ses proches insistèrent pour qu’il sorte et qu’il reprenne les concerts, accompagne de nouveaux chanteurs. Un de ses amis lui tendit une guitare. Le garçon plaqua quelques accords, sans conviction, puis soupira :
- Je n’arrive plus à jouer. Ma colère est si grande qu’elle crispe mon poing sur le manche, et les doigts de l’autre main se mettent à trembler de peine. - Tu n’as pas travaillé ton instrument depuis longtemps, c’est tout, répondit un de ses cousins. Reprends ta guitare et tu verras, bientôt, tu joueras comme avant. - Non, cousin. Vois-tu, quand j’accompagnais Beatriz, chacune de mes notes était un mot d’amour, chaque arpège, une caresse, chaque picado, un frisson. Mais pour un autre chanteur, ma guitare n’a rien à dire, elle ne peut rien ressentir. Je ne jouerai plus jamais.
Cette nuit-là, Orfeo demeura seul, prostré aux côtés de son amour inerte, à ruminer son tourment. Au matin, il se leva d’un bond et empoigna son instrument, dans la ferme intention de le fracasser contre le mur de la chambre. Mais au tout dernier moment, il fléchit. Il se retourna vers son épouse, lui adressa un regard enflammé, et déclara sur un ton de défi :
- Femme, écoute-moi. Je vais faire chanter ma guitare, une dernière fois. Pour toi ma belle, juste pour toi. Après, je briserai mon instrument contre ce mur et ce sera fini.
Le jeune homme s’assit et commença à jouer. Il claqua les cordes avec dédain, puis promena ses doigts sur le manche à toute vitesse pour assouplir ses phalanges, avant d’entamer un air âpre et farouche. Il cherchait à interpréter la seguiriya qu’il avait enregistrée en duo, mais sa façon d’attaquer le morceau, brusque et rageuse, rappelait plutôt le martinete, le compás archaïque des forges gaditanes. Il remplaça le chant a capela par un cliquetis de notes cinglantes, et tambourina sa caisse pour évoquer le bruit du marteau sur l’enclume. Grâce à ce rythme élémentaire il parvint à allumer le feu au fond de lui-même, à trouver l’ardeur primordiale qui lui permettrait de poursuivre.
À force de frapper le métal, une étincelle jaillit soudain de ses cordes. Orfeo propulsa dans les airs la lumière par le biais d’une mélodie légère, et il ressentit la chaleur d’une étoile qui plana au-dessus de sa tête. Il répéta le processus plusieurs fois, pour créer une constellation éblouissante autour de son aimée. De mesure en mesure, il gagnait plus de vigueur, plus de fougue. Il décupla ses efforts pour faire rouler le tonnerre entre ses doigts, et lâcha enfin une note aussi ronde et blonde que la lune. Épuisé, il décida ensuite de former quelques vagues douces et répétitives en cajolant ses cordes médianes avec le pouce, l’index et le majeur, pour apaiser ses mains fumantes. Il venait d’invoquer le cuivre, le feu, les étoiles et la mer, il avait grand besoin d’un répit avant de façonner les créatures vivantes.
Il fit tourner dans sa rosace quelques alegrías et tanguillos, des thèmes très simples qu’il connaissait depuis son plus jeune âge. Ces rythmes faciles lui permirent de libérer quelque peu son esprit, et il en profita pour rêvasser. Il revoyait son enfance à La Corchuela, les ruelles boueuses, les maisons délabrées, les fourgonnettes défoncées qui allaient et venaient sur le terrain vague, chargées de fruits et d’œillets. Et dans ce tintamarre, la petite Beatriz, percluse dans son monde silencieux, seule, assise dans un coin. Chaque fois qu’Orfeo l'apercevait depuis son pas de porte, il accourait vers elle pour lui jouer des airs drôles et cadencés qui finissaient toujours par lui arracher un sourire, un regard étincelant.
Le musicien, instinctivement, se mit à jouer le thème que Beatriz avait chanté la toute première fois, à l’âge de trois ans, et il remémorait si bien la scène qu’il n’avait aucun mal à imaginer la voix de son aimée accompagner sa guitare.
Tiritirán tran tran, Tirititrán tran tran, Tirititero
L’enfant scandait ce refrain, en boucle, et le guitariste entendait son chant, de plus en plus précisément, résonner entre ses tempes. Mais une voix soudain l’interrompit :
- Monsieur, monsieur ! S’il vous plaît !
C’était une aide-soignante.
- Ça fait plus d’une heure que vous jouez de la musique. On n’a rien dit jusqu’à présent, mais il faudrait vous arrêter maintenant, c’est un hôpital ici, pas une taverne. - Pardon, mademoiselle.
Orfeo baissa la tête, confus, et la femme le fit sortir de la pièce pour s'occuper de la toilette de Beatriz. Le jeune homme attendit dans le couloir. La frustration de n’avoir pas pu continuer de jouer fit bientôt place à un profond sentiment de lassitude. Il songea que c’était sans doute le moment de plier bagage, d’arrêter de camper dans cette chambre d’hôpital. Sur ces pensées, il se leva et partit chez lui.
Le lendemain, vers midi, il retourna à l’hôpital pour récupérer ses effets personnels et sa guitare. Une infirmière lui dit que le neurologue de sa femme était passé tôt le matin et voulait lui parler. Orfeo, intrigué, se rendit au plus vite jusqu'à son bureau.
- Bonjour monsieur, je vous attendais avec impatience. Hier après-midi, j’ai réalisé un électroencéphalogramme de routine à votre épouse, comme chaque semaine, mais cette fois-ci, les résultats sont surprenants. Le graphique indique un accroissement notoire de son activité neuronale. Bien sûr, on est très loin des niveaux d’un individu sain, même en état de sommeil profond, mais c’est tout de même incroyable, vu son état de catalepsie actuel et son diagnostic. Il s’agit d’une très bonne nouvelle, bien entendu, cependant je ne veux pas vous donner de faux espoirs. Le pronostic pour votre épouse n’a pas changé depuis son arrivée à l’hôpital, il n’y a pratiquement aucune chance qu’elle reprenne conscience. Mais certaines zones du cerveau, que l’on croyait éteintes de manière irréversible, se sont mystérieusement réactivées. J’aimerais savoir ce qui a pu déclencher ce regain d’activité. Peut-être pourriez-vous m’aider : avez-vous observé quelque chose d’inédit chez votre épouse, un geste réflexe nouveau par exemple, ou alors un fait marquant qui se serait déroulé dans la chambre ?
Orfeo, sans même prendre la peine de réfléchir, lui parla des airs qu’il avait interprétés la veille. Le médecin l’écouta, sceptique, puis déclara :
- Bien… C'est peut-être une coïncidence, une réaction purement biologique qui n’a rien à voir avec le monde extérieur, mais je ne veux pas non plus rejeter cette hypothèse. Je vous propose donc de tenter l’expérience : je vais faire aménager une chambre insonorisée pour votre femme, et vous, ce soir, vous allez jouer de nouveau, pendant plusieurs heures. Nous verrons bien le résultat, de toutes manières nous ne risquons pas grand-chose.
Le jeune homme, enthousiaste, accepta la proposition. Vers huit heures du soir, tout était prêt. Le neurologue présenta à Orfeo l'infirmière venue prêter main-forte, puis il lui expliqua :
- Jouez ce qui vous plaira, mais surtout quoi qu’il arrive ne vous arrêtez pas. Je vous ferai signe, si jamais les graphiques se mettent à osciller, pour que vous sachiez quelles stimulations auditives obtiennent des réactions.
Orfeo s'assit sur une chaise à côté du lit. Il refusa de regarder son épouse, de peur de se sentir trop intimidé, respira profondément pour calmer ses nerfs, s’empara de sa guitare et débuta son récital. Dans sa poitrine, il sentait son cœur palpiter à toute allure, si fort qu’il provoquait un écho dans la caisse de résonance et gênait son tempo. Après une première minute chaotique, il décida d’adapter son rythme à ses battements cardiaques pour laisser son émoi mener la cadence, et parvint peu à peu à retrouver son aisance habituelle. Sans plus attendre, il reprit l’alegría qu’il avait interrompue la veille, Tirititero. Il fit tourner le thème sur quelques mesures, avant de marquer un arrêt censé introduire le chant. Mais, cette fois, il n’entendit pas la petite fille, juste un silence angoissant. Il répéta à trois reprises ce prélude : l’enfant ne répondit à aucun de ses appels. Orfeo ne parvenait pas même à fredonner dans sa tête la ligne de chant.
Furieux, il se mit à gifler ses cordes et à les tordre avec acharnement. Beatriz refusait de l’écouter, mais lui, il devait la réveiller à tout prix, par tous les moyens, en la forçant au besoin. Si les bons souvenirs ne la faisaient pas rire, peut-être que les mauvais sauraient la faire pleurer, pensa-t-il alors. Peu à peu, son toque se fit sec et viril, le jeune homme, hors de lui, martyrisait son pauvre instrument, en alternant pincements agressifs, griffures et coups de poing hargneux sur sa caisse.
- Te souviens-tu, Beatriz, des taloches de ton père ? Comment il te frappait jusqu’au sang dès qu’il avait un peu trop bu ? Non ? Alors, prends-ça, la belle, prends-ça, et crie, crie ta douleur, ma douce. Ay ! Ay ! Ea, petite muette, crache enfin ce que tu as dans le ventre ! Lâche-le, bon sang, ce hurlement : Ay !
Il continua, dépité, pendant plusieurs minutes. Puis il éclata en sanglots, et sa guitare psalmodia son remords. Pourquoi venait-il de maltraiter son amante de la sorte ? Il savait pourtant bien que la brutalité ne menait à rien, que la violence risquait au contraire de faire taire Beatriz à jamais, comme autrefois les sévices de son père avaient étouffé ses premiers balbutiements.
Pour se faire pardonner, Orfeo entama une très vieille romance sépharade, son air le plus caressant, le plus doux. Il câlina des arpèges onctueux, des accords sybarites aux saveurs d’amande et de cannelle. Et bientôt, des arabesques ondulèrent autour de sa guitare, pour modeler les hanches et la poitrine d’une silhouette adolescente. Le corps de Beatriz, le soir de la noce. Orfeo, ému à l’extrême, redoubla d’ardeur et l’instrument frissonna de plaisir sous l’étreinte. Il sentit son épouse, lovée là entre ses doigts, alanguie sur son manche frémissant. Les attouchements du jeune homme avivèrent le chuchotis, qui alla crescendo pour devenir mélodie suave et charnelle. Les deux amants, enfin retrouvés, poursuivirent ensemble la sérénade, et pendant plus d’une heure, déclinèrent leur passion sur toutes les tonalités, sur toutes les cadences. Ils improvisèrent, guidés par leur instinct, des mélodies barbares et des rythmes virtuoses, dans la plus parfaite harmonie, sur le même diapason. Et leur acte d’amour s’acheva, au bout d’un long galop frénétique, sur une note pleine et sereine beuglée à l’unisson.
Orfeo laissa filer quelques secondes de silence. L’infirmière en profita pour applaudir, bouleversée par tant de beauté, mais le médecin, agacé, le relança :
- Continuez ! Continuez bon sang ! Il faut à tout prix empêcher les pics brutaux sur le graphique, cela peut être très dommageable pour le cerveau. Si vous arrêtez de jouer, faites-le tout doucement, pour éviter le trauma.
Orfeo s’efforça de poursuivre. Mais il était exténué, ses doigts moites trébuchaient sur le manche, son compás devenait hésitant.
- Ay, Beatriz. Je viens de t’offrir tout mon amour, et ça n’a pas suffi. Je ne pourrai jamais jouer aussi bien que tout à l’heure. Fais un effort, ma belle, reviens, vis !
Il entendit, dans un murmure presqu'imperceptible :
- Non. Je ne veux pas. J’ai tant souffert, tu sais, quand j’étais vivante. - Ma belle, si tu reviens, je saurai te rendre heureuse. Tout ça, c’est ma faute. Les derniers temps, je ne pensais plus qu’à notre carrière, et j’ai oublié l’essentiel. Je ne me suis pas même aperçu que tu te shootais. - Ne regrette rien. Tout l’amour du monde n’aurait pu me rendre heureuse. La dope, à défaut du bonheur, au moins m’a soulagée, et maintenant, là où je suis, je me sens bien. Laisse-moi reposer en paix. Adieu mon amour.
La voix s’évanouit pour retourner dans les limbes, et Orfeo ne put rien faire pour la retenir. Il enchaîna quelques arpèges, de plus en plus feutrés, jusqu’au silence absolu. Puis il leva la tête et sourit tristement au neurologue :
- Voilà, c’est fini. Il n’y a plus d’espoir. - Comment ça, plus d’espoir ? L’activité cérébrale de votre femme a augmenté considérablement, en moins de deux heures. Si le mot n’était pas interdit en médecine, je parlerais de miracle. Et vous voulez arrêter ? Il n’en est pas question. Écoutez-moi : profitez du reste de la nuit pour vous reposer. Demain nous reprendrons notre expérience.
Orfeo, trop fatigué pour répondre, se contenta de hausser les épaules. Une fois seul, il se vautra sur une banquette, à côté du lit, et s’endormit aussitôt, l’esprit vide et le corps lourd.
Une douleur intense le réveilla au petit matin. Les doigts de sa main gauche avaient doublé de volume. Le jeune homme reconnut aussitôt son affliction : il avait joué sans se ménager, pendant plusieurs heures après un mois d’inactivité, et à présent, il souffrait d’une tendinite. Dans la matinée, le neurologue passa dans la chambre pour constater les résultats de l’encéphalogramme
- Les niveaux ont baissé pendant la nuit. Reprenons une nouvelle session, au plus vite.
En guise de réponse, Orfeo lui montra sa main enflée.
- C’est fâcheux. Mais je vais vous administrer un anti-inflammatoire, et puis de la morphine, pour calmer votre douleur et vous permettre de jouer.
Le jeune homme s’exclama :
- Non, pas de morphine, surtout !
L’infirmière lui injecta une dose de corticoïdes. En regardant fixement la seringue, son poing serré, ses veines bleues, il ne put s’empêcher de penser à Beatriz, à l’héroïne, aux circonstances de son coma. Sa femme avait abdiqué face à la souffrance, mais lui, il ne pouvait être aussi lâche ni renoncer dès le premier obstacle. Il devait protéger son épouse, c’était son devoir de mari, et continuer à se battre jusqu’au bout. Certes, il ne pouvait pas la forcer à se réveiller, mais au moins s’acharnerait-il pour la convaincre, pour lui faire comprendre que la souffrance est nécessaire pour vivre et vibrer, que sans elle, il n’y a pas de joie ni de bonheur possibles. N’était-ce pas là l’essence même du flamenco, que d’exacerber les rires et les pleurs, de les entremêler pour en faire le plus vivant des arts ? Oui, il devait montrer à Beatriz comment transcender la douleur, comment l’affronter sans aucune drogue ni artifice. Et pour lui prouver que l’on pouvait vivre sans opiacés, il allait jouer sans morphine. Orfeo, revigoré, entama la seconde partie de son récital. Sans préambule inutile, il déchaîna sa guitare pour jouer Volando voy, volando vengo, la plus joyeuse des rumbitas.
- Écoute, Beatriz, écoute ces paroles. Elles sont si simples et si vraies : je suis amoureux de la vie, même si ça fait mal, même si ça fait mal. Si j’ai froid, je cherche une chandelle, car la fleur de la nuit est à qui la mérite…
Chaque note sur son manche lui faisait l’effet d’un clou ardent planté dans son poignet. Mais au lieu de l’incommoder, ce feu au contraire l’attisait et rendait son jeu plus vivace, plus chaleureux. Tout à coup, la voix de Beatriz surgit d’outre-tombe pour lancer une longue plainte qui brisa l’élan du musicien.
- Te voilà alors, Beatriz ? Tu as répondu à mon appel. Tu as encore le goût de vivre, au fond. Je le savais… - Non. C’est ta souffrance qui m’a rappelée. J’entends ta guitare gémir de douleur, et j’ai mal pour toi. Arrête de jouer, je t’en supplie, ça m’est intolérable. - Quoi, tu ne supportes pas ma souffrance ? Mais ce que tu entends maintenant, ce n’est rien à côté du calvaire que j’ai enduré, à cause de toi. Écoute, Beatriz, écoute.
Orfeo ferma les yeux et chercha les phrasés adéquats pour exprimer ce qu’il avait ressenti le jour de l’overdose de son épouse. Et pour mieux retranscrire sa déchirure, il choisit les accords les plus pénibles, les écartements les plus éprouvants. Beatriz, en suivant la mélodie meurtrie de son mari, hurlait son chagrin comme les chanteuses de « saeta » battent leur coulpe en voyant passer le Christ martyre sous leur balcon, lors de la Semaine Sainte.
- C’est ma faute, ma grande faute. Je voudrais tant m’approcher, soigner tes plaies, te choyer. - Si tu veux que cesse mon supplice, réveille-toi, femme. Qu’est-ce que tu attends ?
Orfeo fit ricaner sa guitare et Beatriz se tut. Au bout d’un long silence, elle chuchota enfin :
- Alors, viens mon amour, suis-moi. Je t’emmène là où la souffrance n’existe plus.
Un cante hondo jaillit du fin fond des entrailles de la cantaora. Sa voix trancha le silence pour s’engouffrer peu à peu dans le néant, jusqu’à l’au-delà où l’attendait l’écho. Beatriz se tenait loin devant, en suspens dans la nuit, et Orfeo à grand-peine posait derrière elle quelques notes épaisses, comme des jalons invisibles qui lui permettaient de garder l’équilibre et de ne pas se perdre en chemin.
Si je te disais mon amour Que je crains le lever du jour, Des étoiles inconnues me pourchassent Et me blessent comme des menaces. Mais je reconnais la lune tranchée Qu’une faux fit saigner.
Je pressens que ce long soir Précèdera la nuit noire, Reste là, mon amour, encore, Ne m’abandonne pas À l’aurore.
Orfeo connaissait cette chanson de Luis Eduardo Aute, al alba. Elle parlait d’un condamné à mort, la veille de son exécution, et était devenue en quelques années un hymne pour tous ceux que la dictature avait bâillonnés. Le jeune homme se demandait pourquoi Beatriz avait choisi ce chant, et ce que signifiait pour elle cette aube noire. En proie au doute, il trébucha sur un accord et faillit bien tomber dans les abysses. Mais il se releva de justesse et continua son chemin. Il devait suivre son épouse, coûte que coûte, sans chercher à comprendre. Il n’y avait pas d’autre alternative.
Les enfants que nous n’avons pas Semblent deviner déjà, En dévorant les dernières fleurs Dans les cloaques où ils demeurent, Que le temps qui s’achemine Se nourrira de famine.
Je pressens que ce long soir Précèdera la nuit noire, Reste là, mon amour, encore, Ne m’abandonne pas À l’aurore.
Orfeo profita d’un court instant de silence, après le refrain, pour ouvrir les yeux. Mais la salle d’hôpital avait disparu, il se trouvait à présent dans l’obscurité la plus complète. Seules quelques lueurs, devant lui, perçaient dans les ténèbres. Il se demanda s’il s’agissait là des lumières des appareils médicaux, au chevet du lit, ou bien d’âmes trépassées qui erraient dans l’Érèbe.
Des milliers de vautours dans le ciel Sans bruit déploient leurs ailes, Mais sens-tu la désespérance De cette silencieuse danse ? Maudite ronde de morts, Grains de poussière dans l’aurore.
Je pressens que ce long soir Précèdera la nuit noire, Reste là, mon amour, encore Ne m’abandonne pas À l’aurore.
Lors de ce dernier couplet, la voix de Beatriz avait changé. Plus fluide, plus liquide, sa mélodie coulait comme une rivière calme et limpide. Orfeo plongea avec elle, mais se trouva aussitôt perdu dans les remous d’un torrent bouillonnant. Il se démena à contre-courant en se raccrochant tant bien que mal à ses cordes, déversa des cascades de notes et des flots d’harmonie pour éviter de perdre pied dans la tourmente. Mais, bientôt, il réalisa que la douleur avait disparu de ses doigts, et que ses notes glissaient toutes seules, sans effort, pour le mener à bon port. La chanson s’acheva et Orfeo distingua au loin sur la rive une caverne illuminée par mille chandelles. Une fille dansait, la taille enroulée dans un châle rouge sang. Le jeune homme reconnut aussitôt Beatriz.
Au bout d’une très longue étreinte, elle lui susurra :
- Merci d’avoir répondu à mon appel. À présent, nous serons ensemble pour l’éternité. Plus rien ne pourra nous séparer. - Oui, nous vivrons heureux le reste de nos jours, Beatriz. Viens, je t’emmène. - Où donc ? - Vers la lumière bien sûr, vers la vie.
Beatriz fit un pas en arrière et répondit avec animosité :
- Orfeo, tu n’as rien compris. Je croyais que tu avais cessé de vivre pour me retrouver. Je t’avais pourtant dit que je ne voulais pas revoir le monde, ce sale monde d’en haut. - Sale, le monde ? Le monde entier ? - Oui. Le monde entier. Il est sale et laid.
Le jeune homme fit couler de sa guitare une mélodie cristalline, pour évoquer une source vive.
- Sale, l’eau fraîche jaillie des rochers ?
Beatriz se contenta de hausser les épaules. Orfeo continua, et lui joua tout ce qu’il y avait de beau et pur sur terre. Il lui fit la mer et l’océan, le sable et le sel, le miel et le pain blanc, les goulées de vin doux, les ombres des vieux oliviers, le soleil et la lune, les fêtes gitanes, les éclairs, le feu, la pluie fine sur Séville, les patios ocre et blanc du quartier Santa Cruz, l’odeur des orangers, et toutes les couleurs des fleurs de l’Alcazar. En vain, Beatriz n’écoutait même pas.
À court d’idées, le jeune homme baissa la tête et se mit à gratter son instrument au hasard, en quête de joies intenses pour continuer son énumération. Il trouva finalement, dans les tons suraigus, trois petites notes qui l’émerveillèrent, mais au lieu de les lancer à la volée, il préféra les basculer dans le ventre de sa guitare pour les faire mûrir un peu. Il improvisa entre-temps une mélodie sémillante et au bout de neuf mesures, quand il sentit ses notes enfin prêtes à naître, il les soutira avec délicatesse des entrailles de son instrument. Un petit refrain surgit alors du trou en poussant un vagissement irrésistible.
- Notre enfant, Beatriz. Celui que nous aurons, si tu reviens à la vie. Écoute-le grandir, ce petit refrain si mignon, écoute comment il devient peu à peu chanson.
Orfeo avait gagné. La femme fondit en larmes :
- Orfeo, à quoi bon me faire souffrir ainsi ? Tu n’as donc pas compris où nous sommes ? Je suis morte, Orfeo, morte, tu entends ? Il n’y a pas d’issue dans l’au-delà. Ou crois-tu que l’on peut tromper le temps ?
Le jeune homme, loin de trembler, se mit à rire.
- Bien entendu que je peux tromper le temps, Beatriz. Je suis musicien !
Orfeo invoqua un fandango, noble et majestueux, et le fit trotter dans la caverne. Il accéléra la cadence pour le faire galoper un peu sur le fleuve, puis brisa son élan en tirant avec force sur ses cordes, et le fandango revint au pas. Le jeune homme en profita pour inviter sa cavalière à monter en selle. Ensuite, il cabra sa guitare, et les deux jeunes gens partirent sur un tempo rapide. Orfeo cavalait à contretemps, et chacune de ses foulées frappait juste avant la mesure, pour gagner quelques instants précieux. Il accéléra encore, et lâcha sous son pas des rafales de doubles et triples croches.
Les temps morts, les absences, les heures perdues défilaient à toute allure autour des deux amants. Les jours et les nuits se succédaient, et Orfeo put remonter sans peine tout un cycle de lune. Mais au bout d’un mois, il dut arrêter sa course. Il avait atteint l’orée d’une forêt inextricable. C'était le cauchemar de Beatriz, le soir de l’overdose. La guitare eut beau ruer, hennir, les buissons denses et noirs refusaient de s’ouvrir.
Le musicien commença à désespérer, mais sa compagne lui fredonna à l’oreille :
- Le temps va sur le rêve, et le rêve sur le temps.
L’esprit d’Orfeo s’illumina. La leyenda del tiempo, bien entendu, Beatriz avait raison. Le temps du cantaor sur le rêve du poète, Federico García Lorca sur Camarón de la Isla… Les deux enfants terribles du flamenco traçaient un chemin qui menait au cœur des songes. La guitare d’Orfeo cracha dans l’air les transes psychédéliques de la chanson, Beatriz souffla par-dessus les stances surréalistes du poème, et tous deux s’engagèrent sur le sentier douloureux bordé d’agaves et de cactus, de seringues et de ronces :
Le Rêve va sur le Temps, Flottant comme un voilier. Nul ne peut faire germer le grain Dans le cœur du rêve. Ay, comme chante l’aube, comme elle chante ! À en soulever des tremblements de givre bleu !
Le Temps va sur le Rêve Enseveli jusqu’aux cheveux. Hier et demain mangent De sombres fleurs de deuil. Ay, comme chante la nuit, comme elle chante ! À en soulever des opacités d’anémones !
Sur la même colonne, Enlacés Rêve et Temps, Le gémissement de l’enfant croise La langue rompue du vieillard.
Et si le rêve feint de dresser des murs Dans la plaine du temps, Le temps lui fait croire Qu’il est né sur l’instant.
De strophe en strophe, Orfeo sentait le réel se rapprocher et le rêve s’estomper. La douleur à ses doigts revenait, progressivement, pour se faire intolérable.
- Continuez. Encore un effort. On y est presque !
Tous ces mots, qu’il avait perçus dans les ténèbres comme des murmures éthérés, reprenaient corps. Il sentit la main du neurologue se poser sur son épaule, et vit l’infirmière s’affairer dans la chambre.
Orfeo continuait de pincer ses cordes, inlassablement, malgré la souffrance indicible. Beatriz avait cessé de chanter, mais il l’entendait respirer, de plus en plus fort. Oui, elle était là, aux portes du non-monde, son cœur tambourinait pour entrer dans la vie.
- Madame, vous m’entendez, vous m’entendez ?
L’infirmière, assise sur le lit, s’adressait à Beatriz.
- Continuez, surtout ne vous arrêtez pas, Orfeo.
Chaque corde arquait son coude, harponnait son poignet. Mais il devait continuer. Il sentait son aimée tout proche, à deux doigts, agrippée à sa corde. La tête lui tournait, le vacarme extérieur le troublait, il entendait des sifflements, des signaux électroniques, les voix du médecin et de l’infirmière, le râle de son épouse. Il avait grand mal à ne pas perdre le fil de ce qu’il jouait.
- Ay !
Le cri fit sursauter Orfeo. C’était la voix de Beatriz. Mais cette fois-ci, elle n’avait pas hurlé dans sa tête, non, elle avait crié pour de bon, dans la chambre d’hôpital. Il s’arrêta net de jouer pour se précipiter au chevet du lit. Par-dessus les nuques du docteur et de l’infirmière, il réussit à l’entrevoir. Elle venait de se réveiller et agitait la tête, les yeux révulsés. Elle s’égosillait, mais plus aucun son ne sortait de sa bouche. Le neurologue jeta un œil sur les appareils à côté du lit.
- Arrêt cardiaque !
Le docteur s’empressa d’effectuer un massage thoracique à sa patiente. Il eut juste le temps d’apercevoir Orfeo, qui était resté là, cloué sur place, et de lui crier :
- Mais qu’est-ce que vous faites là, bon sang ! Jouez, jouez, ne vous arrêtez pas !
Le garçon se rua sur sa guitare, mais, soudain pris de panique, il cassa une de ses cordes. Orfeo sut, à ce moment précis, que Beatriz venait de décéder.
- Ne vous en voulez pas, monsieur, vous avez fait ce que vous avez pu. Vous savez, de toute façon, la vie de votre femme ne tenait qu’à un fil.
Les mots réconfortants du docteur, au funérarium quelques heures plus tard, ne firent qu’aviver le remords du jeune homme. Oui, le fil avait cassé, et Orfeo était le seul responsable. Son impatience avait perdu Beatriz à tout jamais.
- Et voilà, mon bon monsieur, pourquoi ce fabuleux duo ne fit qu’un seul enregistrement.
Après cinq verres de xérès, cette histoire a fini par m’émouvoir. Mais je reste sur ma faim.
- Et Orfeo ? Qu’est-il devenu ? Il est toujours vivant aujourd’hui ? - Non, Orfeo est mort quelques semaines plus tard. Juste après l’enterrement, il récupéra sa guitare et les affaires que sa femme avait laissées à l’hôpital. Il défit la corde cassée de son instrument, mais au lieu de la changer, il se pendit avec. - C’est triste tout ça, dites-moi. C’est une histoire vraie ? - Tout à fait vraie. Juste un peu exagérée.
Je regarde le patron, sceptique. Car en Andalousie, exagération et mensonge sont quasi synonymes. Le premier client entre dans le bar. Un vieux aux yeux éteints qui réclame sa ration d’eau de vie. Je comprends que l’heure est venue de payer et de partir. Mais au tout dernier moment, je demande :
- Vous pourriez me prêter ce disque, Sangre nueva ?
Le patron rechigne un peu.
- Je vous le rendrai dès demain, et je vous l’enregistre sur CD. Comme ça, ça vous fera une copie de sécurité…
Il finit par accepter, et je pars avec le 33 tours. Une pochette très kitsch, avec un taureau, une guitare, une sévillane, et des lettres rouges pétantes sur fond orange. Vraiment rien qui laisse présager un chef-d’œuvre.
Chez moi, je déniche dans mon fourbi un vieux tourne-disque. J’ai de la chance, il fonctionne encore. Je raccorde l’appareil à mon ordinateur et tente d’enregistrer le morceau. Et là, il se passe quelque chose de très étrange. L’écran affiche : « Erreur. Fichier trop long ». Il y a pourtant des chansons bien plus longues que ma seguiriya, et je n’ai aucun problème pour les transposer sur mon ordinateur. Sur la pochette de l’album, le temps annoncé pour le morceau est de cinq minutes, et l’espace qu’occupent les sillons sur le disque semble correspondre à cette durée… Mais j’ai fait l’expérience de chronométrer la chanson, et elle fait dix minutes. Le double. C’est incompréhensible. Peut-être a-t-on employé une technique particulière au moment de graver le morceau, en tout cas, je ne vois pas d’autre explication.
Le lendemain, en début d’après-midi, je retourne à la Casa Duende pour rendre le disque. Là, je commande un xérès, tandis que le patron me passe la fameuse chanson. Je ressors le soir, sans avoir senti le temps s'écouler. Et depuis deux mois, chaque jour, sans trop savoir pourquoi, je répète infatigablement cette même action : je pousse la porte de la taverne, m’accoude au comptoir, écoute ma seguiriya en sirotant quelques verres, puis je laisse filer les heures, seul, absorbé. Pendant toute l'après-midi, la chanson continue de résonner dans ma tête. Elle annihile ma volonté, anéantit ma conscience, mon âme s'envole vers le non-monde et mon corps reste là, inerte, absent. Et j’en viens à penser que l’anomalie sur le disque n’est pas due à un problème technique : c’est juste le temps, trompé jadis par Orfeo, qui savoure sa vengeance.
________________
Lecteur 1 : Paco de Lucía. Castro Marín (fandango). Lecteur 2 : Argentina y José Quevedo. Seguiriya de Jerez. Lecteur 3 : Camarón de la Isla. Volando voy (rumba) Lecteur 4 : José Mercé (chanson de L.E. Aute). Al alba. Lecteur 5 : Camarón de la Isla (texte F.G Lorca). La leyenda del tiempo.
|