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Sentimental/Romanesque
Charly : Donnez-moi un peu d'amour
 Publié le 13/10/12  -  6 commentaires  -  10344 caractères  -  147 lectures    Autres textes du même auteur

Pétage de câble.


Donnez-moi un peu d'amour


Tout à l'heure je marchais dans la rue sans savoir où j'allais. Je trimbalais ma carcasse au gré des routes. Pas d'objectif à part celui de bouger. De me bouger de ma piaule que je ne peux plus supporter. Seul. De la musique dans les oreilles j'avançais. J'suis allé faire le tour de quelques boutiques puis j'ai pris un café. Assis dehors, je savourais le jus noir tout en lisant ma dernière acquisition littéraire, Demande à la poussière de John Fante. J'adore ce putain d'auteur et son côté passionné. Bukowski avait raison, ce type est un génie. Arturo Bandini, que donnerais-je pour avoir ta prose. En lisant ce bouquin j'ai repensé à ma vie. Mon Dieu dans quelle galère je me suis foutu.

Elle m'a dit : « C'est elle ou moi, tu dois choisir » et j'en suis incapable. Dès que je pense à elle mes entrailles se retournent et mon cœur bat la chamade. Dès que son prénom apparaît sur mon téléphone, c'est comme si des milliers de pics se plantaient en moi. J'ai cette boule au ventre qui me donne la chiasse. Je sais, c'est pas romantique mais c'est ça que ça me fait. Je l'imagine alors comme avant, quand on était ensemble. Et ça, tu vois, ça me donne envie de chialer car malgré tous les efforts qu'on a pu faire pour se retrouver, ça ne marche pas. Pourtant elle est encore dans ma peau et j'suis incapable de la faire partir. On se voit, c'est cool, ensuite elle me gonfle, on se voit plus, elle me manque. Mais elle me manque à en crever. Je ne comprends plus rien et je n'ai plus aucune rationalité car tout en moi est passion. Il n'y a plus de place pour la raison, elle s'est envolée, fini, parti en fumée et moi je crève. Je lui envoie des messages auxquels elle ne répond même pas. Des messages qui n'ont pas le moindre intérêt, à part celui de voir son nom s'afficher sur l'écran. Pour avoir un petit quelque chose d'elle. Mais quoi que je dise elle me répond toujours : « Tu dois choisir, c'est simple, c'est elle ou c'est moi. » Et moi qu'est-ce que je dois faire ? Nom de Dieu je vais devenir cinglé. Mes entrailles vont se répandre dans les égouts et c'en sera fini de moi. Terminé, plus de Charly, game over, plus rien à attendre. Pourtant je pourrais lui dire ok, il n'y aura plus que toi mais j'ai peur de ne pas pouvoir tenir ma promesse. J'aimerais lui dire oui, fini les aventures, maintenant c'est toi mais je suis tellement versatile. Le moi sobre n'aime qu'elle, ne veut aucune autre. Elle est si belle, putain si tu la voyais, t'aurais juste envie de la rendre heureuse et moi putain, j'en suis incapable. Mon moi alcoolique, mon moi salaud veut toujours tremper son biscuit ailleurs, n'en a rien à foutre des engagements, n'est qu'une merde échouée sur le trottoir.

Alors je continue à marcher et toutes ces pensées m'assaillent et je ne sais même plus où je suis. Je m'arrête devant un magasin de guitares. Elles sont sublimes, style à l'ancienne et tout. Pendant un temps ça me fait du bien. J'aimerais entrer à l'intérieur en essayer une, me calmer, penser à autre chose mais le magasin est fermé. Merde. Je reprends la route et c'est de pire en pire. Je vais en crever si ça continue. Je suis l'enfant maudit. Mais est-ce un jeu auquel je joue ? N'est-ce pas juste une farce ? Mais si c'était le cas pourquoi est-ce que je ne peux me calmer ? Pourquoi mon cerveau bourdonne-t-il dès que je pense à elle ? Mon téléphone vibre, je prie pour que ça soit elle mais non, c'est Orange qui m'envoie une vieille pub. Je commence à devenir fou. Je traverse la ville et arrive dans une rue marchande où je suis en compagnie de l'espèce humaine que je méprise. Je suis tellement au-dessus d'eux et en même temps tellement en dessous. Je regarde tous ces connards assis aux terrasses à payer leur café 3 €. Avec leurs lunettes de soleil à la con alors que le ciel est gris. Lamentable. Voilà ce que je pense de l'humanité, un tas d'ordure. Pire que de la merde. Même la merde a une utilité. Suis-je le seul à être sain d'esprit car je suis fou ?

Puis je commence à délirer dans une petite rue. Depuis quelque temps en plus d'être tiraillé par cette Vénus je commence à me poser des questions sur ma sexualité. Des hommes m'attirent. Est-ce normal ? Putain je vais finir par être une sale pédale qui suce des queues. Que dira mon père ? « Alors Charly, tu baises des gonzesses en ce moment ? » « Euh pas vraiment p'pa, en ce moment je suce un type qui s'appelle Pedro ». Putain si je vire de bord comment je pourrais expliquer ça. Ne serait-ce que l'assumer. Merde et merde et merde. Mais même pour toutes les queues du monde je préfère ma Vénus en porte-jarretelles. Si tu la voyais. Je pourrais rester la nuit à la contempler. Je me suis comporté comme un chien car c'est ce que je suis mais je veux changer. Donne-moi la force de changer. J'ai envie d'être le meilleur homme pour toi, de te combler. Je pourrais dormir sur le tapis si tu veux. Je veux bien être ton chien pour mériter d'être ton homme. Je veux t'aimer comme je ne l'ai encore jamais fait. Je veux être vrai pour toi. Merde, je veux être moi. Être vivant. Rends-moi vivant. Aime-moi jusqu'à la mort et tue-moi si tu ne m'aimes plus. Balance-moi comme une merde. Quoi que tu puisses dire, j'accepterai. Et elle, elle a dit : « Tu dois choisir, elle ou moi. » Et moi qui bave sur elle je n'arrive pas à lui dire oui. J'ai peur de blesser l'autre tu comprends. Je veux être quelqu'un de bien mais en faisant mes manigances je me comporte en salaud. Oui, voilà ce que je suis. Un salaud. Une ordure.

La route défile. Je marche toujours je sais que j'approche de la maison mais je n'ai pas envie de rentrer. Maman aide-moi. Fais quelque chose pour moi. Putain aime-moi maman. Ça aussi j'en crève. J'ai juste besoin de ça. D'amour. Je demande rien d'autre. Je veux ton affection et toi tu restes toujours aussi froide. Mais j'ai rien demandé pour ça. Tu pourrais pas une fois dans ta vie me dire que t'es fière de moi et que tu m'aimes. Même si c'est pas le cas, juste pour moi. Je suis ton fils après tout. Ton sang. T'en as qu'un comme moi. Je suis l'unique et tu devrais me protéger plutôt que me laisser faire. Tu sais que je fais n'importe quoi. Tu sais que je m'éloigne de plus en plus. Je suis en train de partir en vrille. Je le sens.

Je suis chez moi. Ma piaule me donne envie de dégueuler. Je la déteste de plus en plus. J'ai envie de fuir cet endroit. Demain je pars chez ma sœur. Il me faut fuir. Je vais exploser si je reste ici. Mon cerveau va éclater et mon cœur se déchirer, se briser comme une bouteille de verre que tu balances par terre. Alors pour me calmer je joue à ce putain de jeu vidéo. L'espace d'un instant je pense à autre chose. Une fois fini, j’éteins le son, ferme les volets et balance du porno. Me branler me fait un bien fou. Putain c'est salvateur. Je tombe sur une vidéo avec deux nanas somptueuses, lingerie oblige. Merde j'aimerais bien baiser deux nanas comme ça moi aussi. Mais à choisir entre ces deux putains et ma Vénus, je la prends cent fois sans hésiter. Je ferme le porno, réouvre les volets et mets un peu de musique. Puis mon cœur recommence à battre comme un dingue. Je vais sur l'ordi et vois son nom sur l'écran. Putain c'en est trop pour moi. J'ai tellement envie de lui parler mais je n'ose pas. Depuis hier j'arrête pas. Qu'est-ce qu'elle pense de moi ? Je suis sûr qu'au fond elle m'aime encore. Mais est-ce qu'elle ne me trouve pas lamentable ? Ma façon de ramper à ses pieds. Est-ce qu'elle montre mes messages à ses colocs ? Est-ce qu'elle rit de moi quand elle est au bar avec ses amis ? Ils doivent lui dire : « Eh bien ma vieille, avec ce crétin t'as tiré le pompon !! » Mais après tout qu'est-ce que j'en ai à foutre d'être lamentable et de m'humilier ? Moi au moins j'ai le mérite d'être vrai et de ne pas avoir de pudeur et même si cette vérité doit s'envoler demain eh bien je me serai foutu à poil aujourd'hui parce que cette fille je l'aime. Et ça rien ne me fera changer d'avis. Et je pourrai rencontrer ses potes et leur dire ce que je ressens. Parce que moi je crois que je sais ce que je ressens. Parce que moi je ne joue que pour de vrai. Et pourtant je mens parce que ma vérité change sans arrêt. Ma première copine m'appelait la girouette. C'était plutôt bien trouvé. C'est même carrément ça.

Elle me dit que ce soir elle va prendre du LSD avec ses potes car moi je ne lui propose jamais de drogue. J'ai peur pour elle. J'ai envie d'être avec elle. Si jamais elle tombe amoureuse d'un de ses potes ou si un lui plaît et qu'elle couche avec lui et que moi je passe à la trappe tout ça pour ne pas lui avoir dit : « Ok, je te choisis toi. Je ne la reverrai plus. »

Je fume. Essaie de me calmer les nerfs. Une fois la clope finie le manège reprend. Faudrait que je me balance par la fenêtre. Faudrait en finir avec tout ça parce que si c'est pas elle, ça en sera une nouvelle et j'en chierai toujours autant. Est-ce pour tout le monde pareil ? Je crois bien que oui. Tout le monde en bave. Mais j'en ai rien à foutre des autres c'est moi qui en chie, c'est moi qui en bave. J'en peux plus. Putain aidez-moi ou je vais finir dans la folie. Je redoute le moment où je vais boire et où mes pensées vont devenir réalité. Je vais en parler car je serai soûl et je vais le regretter, je le sais déjà. Mais je peux pas arrêter la picole, j'aime trop être bourré. Merde, faut que j'aille voir une psy. Faut que je parle de tout ça à quelqu'un d'extérieur. Il faut que je m'en aille. Que je la laisse dans les bras d'un autre. C'est ça qui serait le mieux pour nous deux mais je ne veux pas. Je ne peux pas la laisser partir, la regarder s'en aller m'est impossible.

Il faut que je lui dise oui, j'arrête de voir l'autre fille mais j'ai peur. Un soir où je serai bourré et qu'elle sera là je vais forcément recoucher avec elle. Tu comprends c'est ma voisine. Elle est pote avec mes colocs alors je la vois tout le temps. Je ne peux pas y échapper. Il faut que je parte d'ici. Il faut que je m'en aille. Il faut que je recommence ailleurs mais la merde reviendra. J'aime sûrement ça.

Aime-moi ou balance-moi dans le caniveau. Au final tout ça m'est bien égal. Ce que je veux maintenant c'est partir avec toi. Faire nos valises et tracer la route. Ici je ne pourrais être à toi. Viens. Allons-nous-en et si notre amour part à la dérive alors c'est qu'il n'y a plus rien à espérer.


 
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   Anonyme   
3/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Pour moi, ce texte est une belle illustration de l'"introspection" d'un égocentriste fini. Moi, moi, moi, "Je suis tellement au-dessus d'eux [l'humanité] et en même temps tellement en dessous" : bref, le narrateur se voit comme absolument exceptionnel, que ce soit en "bien" ou en "mal".

De ce point de vue, je le trouve absolument détestable, le narrateur, mais avec en même temps quelque chose de fascinant dans sa démesure nombriliste. J'ai failli interrompre ma lecture mais ne pouvais m'arracher au texte : je devais voir jusqu'où le narrateur pouvait aller dans l'impudeur et l'inconscience. Eh bien, il pouvait aller loin.

   macaron   
9/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J'avoue ne pas être très sensible au style de ce récit intimiste. Malgré tout dans ce "pétage de câble" vous êtes très crédible je trouve. Votre écriture est touchante par ses failles: désespoir, appels au secours, intolérance, obscénités. Je retiens surtout ce grand cri d'amour qui vous dévore jusque dans la déchéance.

   alifanfaron   
14/10/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Pour commenter, je passerai outre le fait que le personnage s'appelle Charly, comme l'auteur, et que peut-être ils ne font qu'un.

C'est toujours délicat de prendre un personnage détestable pour héros. Il y a le risque de rejet du lecteur. Je l'ai ressenti ici. Le personnage m'a agacé. Et ce n'est pas en raison de l'inconstance de son coeur et/ou de sa bite, mais davantage à cause de son nombrilisme, de la mise en scène de son malheur, le côté "je suis le seul à sentir ça, à vivre un truc de fort, dévorant". En même temps ça m'a agacé, en même temps ça m'a rappelé ce que j'ai éprouvé plus jeune (je suis tellement vieux maintenant...). En ce sens, c'est une réussite. On se croit toujours seul au monde, unique, on se dit qu'on est le premier à ressentir un truc aussi fort et ça nous rend supérieur. On perd ça en grandissant. C'est reposant et ça fait dégonfler le ballon!

Toutefois, et c'est pour moi la limite de ce texte, l'évocation ne suffit pas. J'attends toujours de l'auteur qu'il me présente autre chose que ce que je peux moi, capter à la lecture. Il peut être aussi trash qu'il le souhaite du moment que derrière, je sens qu'il me fait entendre autre chose, je dirais quelque chose de plus profond. Plus profond, pas plus noble. Je n'entends pas ici une morale à laquelle le personnage adhérerait et qui me le présenterait sous un jour meilleur à la fin. Mais j'aime quand l'auteur me donne à voir un peu plus que ce qu'il y parait. Exactement ce que fait Fante. Et, en ce sens, c'est pour cela que Fante est supérieur à Bukowski à mes yeux (mais c'est un autre débat...). L'idée de mise à distance me vient en tête mais je ne sais si c'est précisément ce que j'attends d'un auteur envers son texte.

Après, il y a un truc qui cloche pour moi. Je ne m'imagine pas le mec penser à ses tromperies le lendemain matin, se prendre la tête, prétendre qu'il aime vraiment la fille et envisager que dans le futur, il ne pourra se retenir en évoquant à l'avance l'alcool comme excuse. Ces gars-là, quand ils font la promesse de ne plus tromper, ils y croient dur comme fer. Ils jurent que la fois d'avant était la dernière. Ils ne pensent jamais qu'ils vont flancher à la première occasion, sinon, c'est tout leur système de valeurs qui s'effondre. Ceux qui trompent et s'en veulent ne regardent que dans le rétroviseur. Leur culpabilité vient de là. Ceux qui regardent devant eux et pensent déjà au fait qu'ils vont tromper n'ont pas de morale et dans ce cas, tromper n'est pas un problème pour eux. Enfin, c'est comme cela que je vois le truc.

Enfin, le style oral est bien rendu. Ce n'est ni Bukowski ni Fante mais ça fonctionne bien quand même!

   Sidoine   
18/10/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Charly,

Les sentiments, les oscillations, le désespoir du personnage sont très bien rendus. L'égocentrisme ne me dérange pas: je trouve que c'est justement grâce à ce côté 'moi je moi je" qu'on rentre vraiment dans la souffrance de cet "antihéros" bien touchant tout de même. J'ai eu pourtant du mal au début à ressentir son dilemme (j'avais envie de lui dire, mais bon dieu, si tu l'aimes, décide toi), mais le fait qu'il galère autant pour s'en sortir a rendu un problème qui m'aurait au premier abord semblé factice (car relevant d'une simple décision de la volonté) bien réeL

Un petit bémol: il y a trop de " putain " à mon goût. Pourquoi ne pas varier les jurons? Autant décharger le mal-être dans la diversité...

Sidoine

   Anonyme   
21/10/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
« Moi au moins j'ai le mérite d'être vrai et de ne pas avoir de pudeur et même si cette vérité doit s'envoler demain eh bien je me serai foutu à poil aujourd'hui parce que cette fille je l'aime. »

À elle seule cette phrase résume ce récit au style brut et direct. Une longue confession où le narrateur déballe son sac, tourmenté par l'ambivalence de sa personnalité. Car c'est bien d'ambivalence qu'il s'agit, d'incapacité à faire des choix fermes et définitifs : entre deux femmes, entre les sexes, entre le souhait d'une autre vie et sa piaule merdique.

Pourtant on sent bien que derrière ces jérémiades il n'a pas vraiment envie de bouger son cul, qu'il se complait dans une espèce de fascination pour sa douleur. Cette façon d'exhiber sans retenue ses travers, de montrer ses côtés les plus vils avec moult détails (tromperie, alcool, porno, mépris des gens) trahit un égocentrisme forcené. Et ce soi-disant amour pour sa belle n'est en réalité qu'une façade, un prétexte pour se regarder le nombril en se disant « putain comme je souffre, vite écrivons le ! »

C'est la raison fondamentale pour laquelle il refuse de prendre des décisions allant contre son gré. Il est bien trop centré sur lui et demeure incapable de s'abandonner corps et âme pour autrui.

Un personnage que je trouve donc antipathique, paradoxalement bien desservi par une écriture au ton familier, presque vulgaire.

   MariCe   
27/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il y a beaucoup de profondeur qui se dégage malgré le langage choisi pour le héros.
Voilà qui le rend humain ; on se prend à le côtoyer, à comprendre sa manière de voir la vie, les gens.
La difficulté pour Charly de vivre sa vie d'adulte mature est bien traduite, induite par le manque de tendresse d'une mère.
Le texte aurait pu être très intéressant si ce n'est une sensation de répétitions qui ont gâché un peu la lecture.


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