Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réflexions/Dissertations
cherbiacuespe : La philosophie des vaches
 Publié le 23/04/22  -  16 commentaires  -  12714 caractères  -  96 lectures    Autres textes du même auteur

Qu'on aime ou pas, être une limousine ou une blonde d'Aquitaine n'interdit pas les questions existentielles…


La philosophie des vaches


Marguerite, dite parmi ses semblables Sage Marguerite, broute paisiblement dans son parc. Nulle ne peut, ni elle-même, expliquer pourquoi cette particularité. Elle est chaque jour écartée, plus qu’isolée, du reste de ses acolytes, dans un carré d’herbe apparemment plus verte, plus grasse. Les hommes se sont-ils aperçus qu’elle est la plus jolie ? Les vaches ne parlant pas le langage de leur drôle de maître, l’éleveur, la question reste un mystère.


Pour l’heure, Samia, l’une des nouvelles venues dans le troupeau, se rapproche de la barrière qui la sépare de son aînée et engage la conversation.


— Sage Marguerite, je me questionne beaucoup depuis que j’ai intégré cet avenant troupeau. Cependant, aucune réponse ne satisfait ma curiosité. J’en demeure très perturbée.

— Mmm… Et quelles sont ces questions, mon amie ?

— Voilà ce qui me froisse : notre existence, quel en est le sens ?

— Une question terriblement vaste et anxiogène, non ?

— Je ne nie pas.

— Voyons. Les fleurs, que penses-tu des fleurs ?

— Les fleurs ? Ma foi, rien de précis. Les fleurs sont jolies, séduisantes au regard, agréables aux narines et annoncent souvent les longs jours de chaleur.

— Voici un bien plaisant portrait. Et l’herbe verte, que penses-tu de l’herbe verte de ce pré ?


La Sage Marguerite désigne son parc du museau.


— L’herbe ? L’herbe me donne de l’appétit, le désir de la manger. L’herbe est savoureuse lorsqu’elle est tendre et fraîche. Savoureuse, oui !

— Bien. Que penses-tu maintenant des abeilles, des bourdons ?

— Abeilles et bourdons ? Ma foi, rien… Non, rien ! Ce petit monde butine tout le jour durant, dans les fleurs, et y cherche le pollen nécessaire pour se nourrir.

— Voilà qui est clair. Mais penses-tu également que l’herbe nous soit nécessaire ?

— L’herbe ? Encore ? Ma foi, oui. Il faut bien la manger pour vivre, non ?

— En effet. Pour aujourd’hui, c’est suffisant, Samia. Médite longuement cette conversation, elle t’apportera bien des réponses à la question initiale. Maintenant, je dois me désaltérer.


La Sage Marguerite, satisfaite de la leçon donnée, s’en va posément vers son auge personnelle, boire tout son saoul.


La nuit est passée, douce, silencieuse, avec sa cohorte de rêves et de curiosités. Ce ne sont que des rêves. Après avoir avalé quelques bouchées de verdure, Samia, sans se presser, s’approche de son aînée.


— Sage Marguerite, bonjour. J’ai médité notre conversation d’hier toute une longue partie de la nuit. Mais, dois-je le dire ?

— N’aie crainte, Samia. Expose les doutes qui te brûlent le museau.

— Si j’entends bien ton discours, les fleurs naissent pour donner leur pitance aux abeilles et bourdons, puis meurent.

— En résumé, c’est cela.

— C’est donc le sens de leur existence.

— C’est ainsi que tu le comprends.

— Et l’herbe verte et fraîche ne naît que pour nous offrir notre subsistance.

— Entre autre, oui !

— C’est le sens de leur existence.

— C’est ainsi que tu le comprends !

— Cela demeure trouble dans mon esprit. Quel rapport avec le sens de nos propres existences, à nous autres ?

— Peut-être aucun ; ou pas ! Peut-on y réfléchir autrement ?

— Autrement ? Voyons cela.


Samia passe son immense langue sur ses narines. Elle réfléchit, se concentre.


— Nous donnons, commence-t-elle, notre corps pour nourrir les humains, notre lait pour qu’ils se désaltèrent (alors qu’il ne sert qu’aux tout petits). Serait-ce cela, le sens de notre existence ?

— Le comprends-tu ainsi ?

— Je ne peux m’y résoudre ! Sommes-nous condamnées à ne vivre que pour faire vivre ? Déprimante perspective !

— Pourtant, tu te nourris bien toi-même de l’herbe grasse ? Également, ne te désaltères-tu pas de l’eau fraîche ? Ne respires-tu pas l’air vivifiant ?

— Herbe, eau, air ? Oui… Oui… Quand même, comme cela paraît drôle comme sens de la vie.

— Crois-tu pourtant eau, air et herbe se résoudre au sens de la leur ?

— Pensent-ils ?

— Toi, qu’en penses-tu ?


Samia ne sait que répondre et se réfugie dans un silence gêné.


— Bien, Samia. Médite cette conversation qui te donnera bien des réponses, j’en suis sûre. Je vais moi-même, maintenant, me reposer.


Cahin-caha, Sage Marguerite s’éloigne, laissant Samia tourmentée.


Souriante, le lendemain, Samia gagne, l’œil satisfait, le carré voisin.


— Bonjour, Sage Marguerite, j’ai beaucoup réfléchi, la nuit passée.

— Bonjour à toi. C’est très bien, Samia. Alors ?

— Je peux admettre qu’une fleur pense, mais elle ne disparaît pas suite à l’œuvre d’abeilles et de bourdons. Pas plus que l’eau bue et l’air respiré.

— Et l’herbe dont nous nous régalons chaque jour ?

— Oui. Elle, oui, elle disparaît. Pourtant, si je peux admettre que l’herbe vit, se convaincre qu’elle pense m’est beaucoup plus difficile. L’herbe n’est pas un animal, on ne peut communiquer avec elle puisqu’elle n’en a aucune capacité !

— Mais, est-elle une vivante ou ne l’est-elle pas ?

— Oui, ça, naturellement puisqu’elle naît, croît, puis meurt comme tous les vivants autour de nous.

— En tant que vivante, ne mérite-t-elle pas, autant que nous, l’attention et la paix dont tu penses qu’elles nous font défaut ?

— Oui, sûrement.

— Et pourtant tu la croques sans autre forme de procès que celui qu’exige ton appétit !

— Bien sûr ! Je dois manger pour vivre.

— Ah ! Maintenant que penses-tu de la terre et des roches ?

— Diable, Sage Marguerite, pourquoi parler de ces choses inertes, sans âme, impropres à servir à quoi que ce soit, sinon aux humains pour bâtir leur maison ?

— C’est donc ce que tu penses de la terre et des roches ?

— Qu’en penser de plus ?

— Bien, je suis lasse et vais de ce pas reposer mon esprit. Rumine profondément ce problème, Samia, tu apprendras beaucoup.


Samia reste seule et regarde Sage Marguerite s’éloigner de la clôture pour se réfugier à l’ombre de quelques mûriers. Perplexe, Samia regagne son pâturage. Elle pensera cette nuit qui, paraît-il, porte conseil.


— Samia ! Quelle joie de te revoir ici. Où en es-tu de tes réflexions ?

— Sage Marguerite. La confusion s’est imposée partout dans mon esprit. Je ne parviens à concevoir qu’une roche puisse penser ni être vivante.

— Crois-tu que l’air ou l’eau puissent nous concevoir autrement que ce qu’ils sont ?

— Bigre, je ne sais pas… Sûrement non !

— Ils font pourtant partie intégrante de la vie et peuvent prétendre, par cette preuve, être jaugés comme vivants, non ?

— Ce n’est pas ridicule, c’est vrai.

— Et la terre et la roche, depuis la perspective de leur forme de vie, qui les font telles qu’elles sont, ne pourraient-elles douter de la nôtre ?

— Certes, en y regardant mieux, ce n’est pas ridicule non plus.

— Pour tout dire, les plantes ne se nourrissent-elles pas de la terre et des roches ?

— Cela ne peut se contester ! Et qui le ferait en toute bonne foi ?

— La terre et les roches, elles-mêmes, pour être riches, avalent et digèrent la vie qui trépasse, animale et végétale. Car les deux premières s’enrichissent de la mort des vivants, tu es d’accord ?

— Oui… Donc la terre et les roches se nourrissent du végétal et de l’animal qui ne sont plus. Cela me paraît valide.

— La richesse de la terre et des roches ne doit-elle pas mourir pour nourrir l’herbe et les fleurs ?

— Je valide cela également.

— Quand bien même nous ne pouvons comprendre les liens de la terre et des roches entre elles, aussi bien que nous ne pouvons comprendre ceux d’entre l’herbe et les fleurs, d'entre les bêtes entre elles, n’est-il pas sage de considérer leur place pleine et entière dans le vivant ?

— Dit comme ça, cela paraît évident.

— Ah, ma chère Samia, comme je suis satisfaite de tes nombreux progrès ! Ta question initiale, maintenant, prend-elle un air nouveau ?

— J’aperçois la lueur dans la brume opaque, assurément. Si l’on considère le Grand Tout et notre place en son sein, le problème est en effet dérisoire, obsolète. Nous sommes tous vivants, êtres ou pas !


Là-dessus, Samia et la Sage Marguerite se remirent à brouter, l’herbe pour la première, trèfle et foin délicat pour la deuxième.


IL FAUT BIEN ACCEPTER SON SORT.


Une question tarabuste encore Samia, car, c’est bien connu, en ce monde, une question en entraîne toujours une autre. Elle s’approche donc mollement du carré privé.


— Samia ? Bonjour, quel bon vent t’amène ?

— Bonjour, Sage Marguerite. Mille pardons de te déranger, mais une nouvelle controverse embarrasse ma raison.

— Jamais celles ou ceux qui cherchent une voie de la raison ne peuvent me déranger. Dis-moi ce qui te dérange.


Samia hésite, mais le vin est tiré, il faut le boire !


— Nous sommes donc au service des humains qui font de nous ce qu’ils entendent. Ne faudrait-il pas se révolter et recouvrer la liberté de nos ancêtres et de nos cousines antilopes ?

— Je ne sais. Réfléchissons ensemble, si tu le veux. L'antilope, notre agile cousine, est libre d’aller et venir où elle l’entend, manger dormir, copuler et tout autre sorte d’agissement qu’elle entend pratiquer sans limite.

— Quelle chance !

— Certes. Mais cette liberté a un prix, tu ne crois pas ?

— Et quel est ce prix ?

— Prenons les jours mauvais : pluie, froid, sécheresse. Comment s’y prend-elle ?

— Pour le froid et la pluie, elle a un pelage comme le nôtre. Mais le pratique n’est pas obligatoirement confortable ou agréable. Nous sommes mieux tenues, il faut en convenir.

— Ce sont nos geôliers qui nous entretiennent.

— Les humains, oui. Ils nous lavent, nous abritent, nous font manger aux pâturages, nous protègent des nuisibles.

— Tu peux le dire : nous sommes les prisonnières d’une cage dorée ! Mais, si nous étions dehors, hors des dorures de cette vie de captives ?

— Nous devrions affronter les pires dangers. L’avenir serait incertain.

— Et qui pour nous soulager de nos maux, nous aider à engendrer en toute sûreté ?

— Ce serait bien plus dur, mais nos cousines ?

— Nos cousines vivent en de vastes territoires qui, simples miroirs de la nôtre, ne sont rien moins que d’immenses prisons, sans les apparats qui nous échoient. Elles n’ont de potentiels prédateurs que des carnassiers sauvages. Nous ne serons confrontés qu’à l’humain, le pire prédateur dans ce monde. Sais-tu combien de races de bêtes il a fait disparaître au nom de son bien ou de son mal, avec ou sans raison ?

— Des centaines ? Des milliers ?

— Tu es bien en deçà, Samia, et nous, nous sommes encore de ce monde. Je te propose d’en rester là. Maintenant, sustentons-nous. Nous reparlerons demain de tout cela, après que tu auras réfléchi et digéré cette question qui te tourmente.


Elles s’en vont, clopin-clopant, la première vers son auge de céréales dorées, la seconde, déjà pleinement concentrée sur ce qui venait de se dire, vers ses camarades et le foin étalé au sol.


Ce matin, rangé à la périphérie des pâturages dans lesquels il pénètre, comme chaque matin, le troupeau aperçoit un étrange véhicule, de ceux que les humains utilisent pour transporter les animaux de la ferme. À peine arrivées, les vaches se livrent aussitôt à leurs gourmandes habitudes.


— Samia ! Comme je suis joyeuse de te revoir en ce matin radieux. La journée sera belle, crois-moi ! Alors, une clarté a-t-elle éclos de tes méditations ?

— Ah ! Chère et savante Marguerite, tu me vois ravie de ces retrouvailles ! Je me suis appliquée à passer en revue ce que je sais et ce que j’ai appris, grâce à nos entretiens. Tu as raison, comme toujours ! Le diable se cache dans les détails et cette liberté, dont tant et tant font grand cas, serait pour nous un nouvel enfer, c’est certain !

— Tu ne peux savoir le bien que cela fait de voir une petite sœur s’éveiller aux secrets de la vie.

— Oui. La vie n’est rien, elle nourrit la mort. Il faut mourir pour donner la vie, vivre pour mourir, sans se poser de questions, sans savoir de quoi demain sera fait. La mort n’est que la réincarnation dans le grand tout originel. Ce monde n’est pas réel, seul existe l’au-delà. De surcroît, il ne sert à rien de s’émouvoir, il faut accepter son état tant il est inéluctable.

— C’est cela, exactement cela.


Hélas, Sage Marguerite n’a pas le temps d’en dire plus. L’éleveur s’approche, lui passe un collier autour du cou et l’entraîne en direction de l’énigmatique véhicule. Elle se laisse guider vers une fin programmée, dans une attitude de total consentement, presque guillerette. Au dernier moment, malgré sa douce philosophie, exactement avant de grimper à l’arrière de la camionnette et comme inspirée d’une ultime révélation, Sage Marguerite meugle de retentissants appels, hurlant… qu’elle veut vivre ? Est-ce bien cela que comprend Samia ? Mais celle-ci se détourne, elle n’entend plus, se régalant d’une herbe généreusement dodue, satisfaite de son nouveau savoir.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
23/4/2022
Bonjour, votre travail est très développé. On s'attend à un retournement de situation cynique dont on ne voit que le début. Votre texte me fait penser au Dialogue du chapon et de la poularde de Voltaire, plus enlevé. Samia apprend à accepter son triste sort, mais le lecteur en a prévu autant que vous, alors à quoi bon ?

   Robot   
23/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un récit habilement développé avec ces questionnements et ces explications qui nous baladent jusqu'à la révélation finale qui est celle de la destinée inéluctable.
Pour le fun, en relisant une seconde fois, j'imaginais le dialogue se tenir entre une pataude Montbéliarde et sa cousine Simmental. Puis à la réflexion, je me suis dit qu'il s'agissait plutôt d'un échange entre deux Charolaises car l'espérance de vie avant l'abattoir des vaches à viande est plus courte que celle des vaches laitières. Et ne parlons pas des veaux mâles à la destinée encore plus tragique.
Il y a une sorte de fatalisme dans cette remarque: "IL FAUT BIEN ACCEPTER SON SORT"
Contrairement, à l'être humain qui essaie vainement de modifier le cours des choses qui l'amèneront inéluctablement à sa fin. Mais au moins lui, peut tenter de modifier les conditions de sa vie.
Comme une fable ou un conte, cette nouvelle m'a tenu en haleine jusqu'à sa conclusion, sans un moment d'ennui.

   Anonyme   
23/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Cherbiacuespe

J'ai eu un peu peur en lisant le titre de la nouvelle... Allez savoir pourquoi, peut-être les trucs d'animaux qui me rappelaient La Fontaine (de jouvence) et ses morales bestiolesques que j'avais tellement de mal à mémoriser à l'école primaire, et puis, non j'ai lu quelque chose de pour commencer excellement écrit, tout de suite happée par ces deux bovidés qui jouent à la philo en herbe dans leur grasse prairie. Pas une seconde d'ennui. Les dialogues sont fins et intelligents et la fin amère comme il se doit dans beaucoup de contes philosophiques (pauvre Marguerite)... En deux mots :

Vachement bien !

Anna

   Pepito   
23/4/2022
Bonsoir Cherbiacuespe,

Quelques petits bugs dans l'écriture, sûrement dus à la mauvaise diction des vaches. ^^
“expliquer pourquoi cette particularité”... “pourquoi” me semble en trop
“notre existence, quel en est le sens ?”... “notre a-t-elle un sens et si oui, lequel ?” ,non ?
“Je ne nie pas.”... je ne “le” nie pas.
“Mais, dois-je le dire ?”... pas compris là…
“— C’est ainsi que tu le comprends.”... excellent !
“— En tant que vivante, ne mérite-t-elle pas, autant que nous, l’attention et la paix dont tu penses qu’elles nous font défaut ?”... heu… Samia à jamais dit ça, non ?
“(en tant qu’antilopes) L’avenir serait incertain.” … alors qu’en tant que vache, il est scellé d’entrée. ^^
“vers son auge de céréales dorées”... là, j’ai commencé à avoir un doute. ^^
“rangé à la périphérie des pâturages dans lesquels il pénètre”... ???

J’avoue avoir été surpris par la fin. Je voyais Samia partir dans le camion et Marguerite, en bonne religieuse complice du pouvoir, rester dans dans son enclos mieux doté que le reste du troupeau. L'association troupeau/religion allant de paire pour moi. Du coup je reste un peu sur ma faim. Je vais me baffrer une botte de paille... ^^

   hersen   
24/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Il y a dans ton texte un fond que j'aime bien, qui en dit long sur nos comportements humains (puisqu'il faut transposer, évidemment !), mais dont la forme ne m'attire pas, faire parler des animaux n'étant pas trop mon truc.
Donc, si le message est pourtant clair, il m'a fallu une deuxième lecture pour en surprendre la subtilité totale (et peut-être qu'il y a plus que je n'ai pas décelé)
Ainsi donc, sous des dehors philosophiques propices à se poser de grandes et belles questions, nous avons deux vaches : une qui est choyée et mange en abondance... pour sa propre perte lira-t-on à la fin, pour qu'elle devienne une viande de premier choix sur l'étal du boucher. La deuxième vache, qui apprend beaucoup apparemment de la conversation philisophique avec son aînée, finalement malgré son "savoir" nouvellement acquis sera tout heureuse de sa promotion quand on emmènera Marguerite à l'abattoir, pour sa fin de vie. Car elle aura alors droit à toute l'attention de l'éleveur, dont le but est de produire la meilleure viande.
Le piège programmé se refermera sur Samia dès qu'elle aura atteint les "objectifs" : bonne à être exploitée pour la bonne marche de la ferme.
Le parallèle est flagrant, par exemple d'ouvriers d'une usine qui va changer de mains devant former des ouvriers venus d'ailleurs, et donc payés moins cher, avant que ces ouvriers-formateurs ne soient virés. Ils creusent donc, dans le pré carré de leurs connaissances spécialisées, leur propre tombe, cet épisode de formation n'étant que leur chemin vers l'abattoir social.
Là où l'on touche bien la philosophie, c'est que les exemples sont multiples, que beaucoup vont à l'abattoir social parfois pour le prix d'une promotion, parfois pour rien du tout. Mais que si on continue de poser la question, il ne semble pas que cela fasse bouger les lignes.
Il faut, pour qu'elles frémissent, ces lignes, de très longs dialogues politiques qui peut-être aboutiront à des lois. Peut-être.

Donc, je ne peux pas dire que je n'aime pas le texte par le sujet qu'il touche, mais faire parler deux vaches m'a un peu rebutée. Donc mon évaluation tient compte d'une moyenne fond/forme.

Merci de la lecture !

   IsaD   
24/4/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Cherbiacuespe

Je suis assez perplexe sur le sens du message que vous avez voulu apporter à cette nouvelle.

J'ai apprécié le langage plutôt réjouissant avec lequel s'expriment vos deux vaches, je trouve l'idée sympathique, et je suis donc plus convaincue par la forme que par le fond.

Certaines phrases sont, je trouve, séduisantes :

"Marguerite, dite parmi ses semblables Sage Marguerite, broute paisiblement dans son parc. Nulle ne peut, ni elle-même, expliquer pourquoi cette particularité"

A cette lecture, je me dis : voilà, tout est dit :)

Mais ne voilà t-il pas qu'ensuite : "Elle est chaque jour écartée, plus qu'isolée, du reste de ses acolytes, dans un carré d'herbe apparemment plus verte, plus grasse".

L'idée du piège arrive...

Puis :

"Les hommes se sont-ils aperçus qu'elle est la plus jolie ?" (sous-entendu : "pense-t-elle dans son fier égo")

Malgré toutes ses "belles" paroles qui pourraient passer pour être fort sages, Marguerite ne s'est-elle pas, finalement, prise elle-même dans son propre piège (celui de son égo) ?

C'est ce que j'en ai conclu à la fin, lorsque :

"Au dernier moment, malgré sa douce philosophie, exactement avant de grimper à l'arrière de la camionnette et comme inspirée d'une ultime révélation, Sage Marguerite meugle de retentissants appels, hurlant... qu'elle veut vivre ?"

Samia, elle, ne l'entend plus. Le piège égotique du savoir vient de l'isoler à son tour...

Plusieurs idées m'ont parlé :

- La toute première phrase, comme énoncé plus haut
- les réponses de Sage Marguerite à Samia : "C'est ainsi que tu le comprends"
- "Quand bien même nous ne pouvons comprendre les liens de la terre et des roches entre elles, aussi bien que nous ne pouvons comprendre ceux d'entre l'herbe et les fleurs, d'entre les bêtes entre elles, n'est-il pas sage de considérer leur place pleine et entière dans le vivant ?"

D'autres, par contre, m'ont paru brouillonnes :
- "Nous sommes tous vivants, êtres ou pas" (enfin surtout le "ou pas" ?)
- "Il faut bien accepter son sort" avec toute la tentative d'explication qui vient ensuite, pour moi assez douteuse, entre autre la description de la cage dorée tentant d'expliquer ce que serait la liberté (???)

J'aimerais beaucoup que vous approfondissiez en forum ce que vous avez voulu dire au travers de votre nouvelle.

   Anonyme   
25/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Marguerite donne dans l ' existentiel tendance Macron
Un sabot dans le déterminisme, un sabot dans le fatalisme Macron serait-il un bovin de la politique ? Allez donc savoir Aristote a dit que l ' homme est un animal politique et Rousseau que l ' homme est un animal social .

Oui mais là vous êtes a la fois dans l'éthologie humaine : l'homme envisagé comme une espèce animale, dans ses besoins
Et dans l' éthologie animale, l' animal envisagé comme une espèce humaine , pensante Remarquez que certains affirment que l ' animal a une âme ., alors que c' est l'homme qui n ' en a pas pour d' autres

D'où une lecture compliquée pour moi, surtout que je ne peux plus prendre Marguerite comme maître à penser ni directrice de conscience

En fait, avant de s'interroger sur le sens de son existence , Marguerite pourrait avant s'interroger sur pourquoi elle existe , ou quelque chose comme ça
Parce que , par exemple , tous ceux qui s' indignent sur la corrida, devraient penser que si la corrida n ' existait pas , le taureau n 'existerait pas non plus Faudrait demander au taureau si il prèfère vivre une vie de pacha dans ses herbages et mourir après en avoir profité en taureau , en foutant des coups de cornes à tout ce qui bouge Ou ne pas avoir existé du tout
Et toutes ces questions être ou ne pas être , avoir été ou ne pas avoir été , à mon avis ça fait tourner leur lait aux vaches et donnent mauvais goût à leur viande

Vu que je ne trouve pas vraiment de réponses aux questions qu' elles se posent , suis content qu 'elles n ' en trouvent pas vraiment non plus je les aurais trop ruminées

Finalement Marguerite a une fin très humaine Tu peux toujours philosopher ma belle , Quand c'est trop tard il n 'est plus temps et tu peux toujours te mettre à beugler, ça sert à rien .

   plumette   
25/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien
une nouvelle presque entièrement dialoguée, c'est déjà une particularité et un exercice qui n'est pas facile.
Un dialogue entre deux vaches, voilà qui corse encore l'exercice, plutôt réussi ma foi.
Le ton utilisé , dans le genre fable philosophique, avec une progression de la leçon m'a tenue en haleine.
Mais je n'ai pas tout suivi dans la démonstration sur le sens de l'existence: chacun fait parti du grand tout et doit se résigner à son sort qui serait de "vivre pour faire vivre"? et il n'y aurait au final aucune hiérarchie dans le monde des vivants?
la fin de la nouvelle est cruelle car Sage Marguerite m'est apparue comme peu "armée" pour subir ce sort auquel elle prétend être si bien résignée.
N'y a-t-il pas un brin de moquerie dans cette chute pour certaines philosophies de type "zen"?
je suis très curieuse de savoir ce qui a pu inspirer ton récit!

   papipoete   
26/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
bonjour cherbiacuespe
je viens traîner dans ce pré où ça discute ferme, entre deux créatures à priori non dotées de la parole. C'est un thème qui me plaît de faire causer, un animal, un arbre ou un ruisseau ; et tout sujet vient à l'esprit de ces brouteuses, résignées de donner leur lait, et abandonner leur chair à l'homme... parce que c'est leur destinée. L'homme qui leur ôtera la vie pour ne pas mourir de faim, aura pourtant été un ami, leur donnant pitance, les soignant, venant à leur chevet... quand leurs cousines de la savane durent se débrouiller toutes seules... avant de périr dramatiquement sous les crocs d'un fauve.
NB n'entend-on pas " comme c'est con une vache ? " alors qu'à travers ce dialogue tout-à-fait réaliste, à les voir se frotter l'une contre l'autre, se lécher mutuellement, meugler quand l'une au sol semble agonir, quand le fermier ouvre sa bétaillère... la " voyageuse " et ses comparses comprennent le but de la ballade !
Mais, comme redevables à celui qui les entoura, s'inquiéta, n'en dormit pas durant un vêlage, philosophes Marguerite et Samia acceptent la loi de leur vie...
J'aime bien aussi cette remarque, quand elles disent que la terre et la roche vivent aussi, se nourrissant de végétal et animal qui ne sont plus.
J'écrivis " je m'appelle Gentiane ", un peu dans cette veine, et j'affirme qu'une " vache n'est pas bête ! "

   Pouet   
28/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Slt,

attiré par le titre, je n'ai pas été déçu.

Toujours intéressant de disserter sur le sens, surtout par le truchement de bovidés philosophes nous ramenant à nos humains meuglements.

Tout est cycle, rien ne se perd, rien ne se crée etc... et la Conscience en tant que prison ou devoir de Liberté?

Rien de forcément très neuf dans ce qui est développé, mais j'ai bien aimé la nouvelle principalement parce qu'elle ne sombre pas dans le binaire et le manichéisme ou le moralisme à deux sous, mais au contraire nous offre une belle complexité psychologique par l'intermédiaire de Samia et Marguerite.

Frais et cynique à la fois.

Meuh oui!

   Anonyme   
1/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oui. « La vie n’est rien, elle nourrit la mort. Il faut mourir pour donner la vie, vivre pour mourir, sans se poser de questions, sans savoir de quoi demain sera fait. »

Rien de nouveau dans le pré, ni sous le soleil. J'ai l'impression de connaître ce refrain depuis tellement de temps déjà.

Pourtant ici, dans des dialogues ruminant parmi les ruminants, si j'ose dire, je savoure le côté rafraîchissant de l'histoire. La Sage Marguerite transmettant dans un cadre idyllique son sage savoir à la bleusaille, à savoir, la Douce Samia, juste avant de partir à son tour pour l'abattoir. Car la vie, telle la roue, voyez-vous, est un éternel recommencement. Sauf que ce ne sont jamais les mêmes qui recommencent...

Là où cela pourrait être triste et long comme un jour sans pain, l'écriture, par son ton de fable posé et calme, son rythme indolent, confère à l'histoire un parfum de doux fatalisme à peine teinté d'irrémédiable. Et pourtant...

Merci, Cherbiacuespe.

   Ingles   
2/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime bien la vache qui socratise, mais son destin semble annoncé dès le début, elle n'est pas à part parce qu'elle comprend mieux les choses !, son départ pour l'abattoir aurait pu être une nouvelle leçon pour Samia.
Au plaisir de te lire de nouveau.
Ingles

   widjet   
3/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Déterminisme, existentialisme, mais sans le côté abscons ou moralisateur.

Une espèce de fable à la de La Fontaine, en plus longue.
A la fin, toute la sagesse et la lucidité de Marguerite (pourquoi toutes les vaches doivent s'appeller aisni ?) volent en éclat devant l'inéluctable.

Hommes, animaux, kif kif, : l'envie de vivre encore un peu persiste.
Un texte qui se lit...d'une traite.

   Donaldo75   
9/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour cherbiacuespe,

J'ai bien aimé ce conte philosophique dont les vaches sont les protagonistes. Les dialogues entre Sage Marguerite et Samia m'ont semblé presque bouddhistes dans la manière d'amener et de traiter les arguments. Je ne jugerai pas du fond parce que je ne suis pas certain que ce soit le propos - après tout, nous ne sommes pas complètement à la place des vaches même si certains diraient que nous sommes les vaches à lait d'un système et là encore je les ramènerais à Jean-Jacques Rousseau et son fameux "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" paru en 1755 et toujours d'actualité - mais je vois dans cette forme presque théâtralisée - d'ailleurs, le style d'écriture va dans ce sens - un genre d'expression très début du vingtième siècle. La fin est savoureuse dans sa conception.

Bon, je repars brouter.

   chVlu   
15/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Tiens un petit traité bovin d'agro-écologie, en voilà une drôle d'idée! L'idée d'un dialogue au coin du pré fonctionne bien, bon nous avons surement à faire à des races à viandes qui ont quand même plus de jugeote qu'une prime holstein ! (il suffit d'en comparer les regards ...)
Moi qui ne suit pas fan des pièces de théâtre je me suis laissé prendre par cette discussion.
Pourtant d'autres écueils m'attendaient :
-diantre que ces vaches emploient un langage soutenu, un poil trop mais ça passe crème avec ces philosophes
-l'homme pire être vivant sur terre, l'auto flagellation ne m'excite pas vraiment et j'ai peu d'appétence SM
-rapidement j'ai eu la fin, forcement la vache à l'engrais est proche de la saignée !!!

Pourtant l'auteur a réussi à me garder dans son fil d'histoire.

Pas de morale culinaire (genre végétarien, végan),

un angle de vue intéressant sur la description du grand cycle de la vie et que toute chose ici bas n'est qu'une partie de état de la planète à chaque instant et que tout est recomposable en permanence


une vache philosophe qui n'est pas un héro surnaturel et qui crit maman et pleure beaucoup au moment suprême

Tout cela a fait un bon moment de lecture

   Vilmon   
18/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
J’ai bien aimé ces dialogues entre vaches.
Mais j’avoue qu’avoir moi-même médité à la place de Samia, je n’aurais pas pu arriver à ces conclusions…. Je n’ai sans doute pas leur capacité de ruminer. Ça me fait un peu penser à la fable Le loup et le chien pour la section vache et antilope. Une belle lecture de détente.
Vilmon


Oniris Copyright © 2007-2023