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Policier/Noir/Thriller
chronicroqueuse : La mer monte
 Publié le 21/05/11  -  11 commentaires  -  13018 caractères  -  131 lectures    Autres textes du même auteur

Assise sur une balustrade, au bord de la mer, une petite fille assiste en spectatrice aux préparatifs des fiançailles de sa sœur. Un bien curieux film se déroule sous ses yeux...


La mer monte


- Souris, Lucie, le petit oiseau va sortir !


Pas envie de sourire, Lucie. Elle se ferait une joie de lui tordre le cou, au piaf.

Enfin, un petit courant d’air frais dans ses cheveux. Ras le bol de l’odeur écœurante des fleurs dans l’église. Du blanc, du rose bonbon, à en vomir. On l’a garée là, sans lui demander son avis. Non, ça ne lui fait pas plaisir ! Pas intéressée par le spectacle du guignol en soutane, de sa meringue de sœur et de son animal de compagnie en queue de pie. Tu parles d’une avant-première !

Le prêtre vient d’ouvrir en grand ses bras et les portes de sa maison. Les endimanchés piaffent d’impatience. Dans le dos de Lucie, pépiements, gloussements, bruits d’étoffes satinées, frottements de chapeaux, crissements de chaussures neuves, bises mouillées, et des mots baveux… Les figurants sont en place. Et bien sûr, en fond sonore : la Marche Nuptiale…

L’actrice principale, Miranda, trottine à petits pas de chinoise. Elle a grossi juste après avoir acheté sa robe de mariée. Un des effets secondaires du bonheur ! Dinde épanouie, elle s’avance au bras de leur père. Un seul mot pour le décrire : gris. Costume gris, cheveux gris, cravate argentée. Il aurait pu faire un effort pour être présent ! Super fort pour les seconds rôles, le pater ! Derrière, à bonne distance, pour ne pas trébucher dans la traîne de sa future, le futur donne la mimine à sa maman. Elle n’est pas peu fière. Qui a bien pu avoir la cruauté de lui vendre cette chose immonde, un énorme chapeau si lourd qu’elle est obligée de garder la tête penchée sur le côté ? Un truc monstrueux qui tient davantage du fœtus ensanglanté que de la pivoine. À croire qu’elle porte déjà sa future descendance sur le crâne. Sur son passage, Cornélia et Ophélia, vipère à deux têtes, gloussent. Rodrigue pleurniche comme d’habitude.

Un apprenti cinéaste se contorsionne autour des mariés, à la recherche du meilleur angle de prise de vue.

Miranda se retourne et fait coucou à Lucie.

Souris, Lucie, tu es filmée…

De toute façon, la pellicule est déjà gâchée. Elle peut continuer à faire la gueule, ça ne changera rien…

Avant, Lucie disait : moi, quand je serai grande, je ferai du cinéma. Les autres disaient : oui, elle ferait une excellente actrice. Elle sait si bien jouer la comédie…

Non, c’est derrière la caméra qu’elle voulait se trouver, pour diriger les acteurs.

De temps en temps, dans son champ de vision, un mouchoir blanc éponge une petite larme au coin de l’œil de sa mère, assise à sa droite.

Souris, Lucie !

Pas le choix, faut s’absenter de cette cérémonie, fermer les yeux, refuser de se laisser bercer par le mouvement de l’assistance engluée dans les paroles grasses et onctueuses du prêtre. Il les suçote comme des bonbons au miel : consentement mutuel, fidélité, assistance, fidélité, foi, communion, amour, épanouissement, foyer, amour, joie, fidélité…

Et replonger dans ce jour lumineux de juin.

Souris, Lucie…


La maison de vacances au bord de la mer. Tout début de l’été. Un dimanche matin, vers 10 heures, la famille de Lucie s’apprête à fêter les fiançailles de leur fille aînée, Miranda, avec Jérôme dont la famille est attendue pour le déjeuner.

Tu nous gênes, on n’a pas besoin de toi, va jouer dans le jardin, on t’appellera quand ce sera le moment.

Pas amusant… Elle est excitée comme une puce et voudrait aider sa grand-mère à disposer les fleurs dans les vases, ses sœurs à se préparer.

Lucie, boudeuse, se réfugie au fond du jardin, s’assoit à califourchon sur la balustrade en surplomb de la falaise, toutes dents serrées et mains croisées sous la poitrine. La mer monte, vient lécher à petits coups de langue écumeuse les rochers. Le vent lui chantonne une berceuse tout en caressant doucement ses cuisses dénudées. Son corps flotte. Elle ferme les yeux, hésite. Elle pourrait descendre pieds nus pour dénicher, dans les trous de la roche, de petits crabes qu’elle offrirait aux invités. Bonne idée. Mais le mouvement de la maison l’attire autant que celui de la mer.

Dans le jardin, tous s’agitent, les serveurs dressent les tables, le traiteur donne des ordres, grand-mère arrange, déplace un bouquet de roses blanches, le remet à sa place, change pour la centième fois le plan de table. Grand-père « supervise » les opérations en suivant du regard les chutes de rein des serveuses et en leur susurrant à l’oreille quelques conseils.

Miranda, cheveux en bataille, encore en jean troué, sort régulièrement de la maison pour essayer de trouver du réseau… Pas d’appel de Jérôme depuis hier soir. Parviens pas à le joindre. Il exagère !

La mer monte.

La mer ennuie Lucie. Elle se retourne vers la maison et lève les yeux. Au milieu de la façade, le bureau de son père : le dos d’un fauteuil en cuir, sa main qui bouge une souris d’ordinateur. Certainement encore devant ses tableaux ou graphiques compliqués.


Le spectacle dans la pièce d’à côté est bien plus drôle. Bataille d’Ophélia et Cornélia, les jumelles, pour un minuscule flacon rouge, course poursuite dans toute la pièce, objets volants et robes de cérémonie piétinées sur le lit… Heureusement, Lucie a laissé la sienne pendue dans l’armoire. La bouche d’Ophélia forme un énorme O quand Cornélia menace de renverser le flacon sur la robe de sa jumelle. Le vernis à ongles sur la jolie robe blanche, ça craint ! L’autre s’empare d’un coupe-papier, le brandit et fait le geste de lacérer la robe de sa sœur.

On se croirait au guignol ou dans un film muet. Lucie a envie de rire.

C’est à ce moment que Rodrigue, 3 mois, réveillé par le chahut, se met à hurler. Le film n’est plus muet du tout. Ses sœurs ne s’affolent pas, le laissent brailler et continuent à se poursuivre.

Il est si laid quand il chiale avec sa petite voix de sirène hurleuse. L’angelot de sa maman ressemble à une petite vieille fripée. Vite que quelqu’un intervienne !

Ils sont tous sourds ou quoi ?

Enfin, quelqu’un… Une porte contre un mur. Entrée en scène de maman, les bras au ciel. Fin des pleurs. Ses sœurs s’immobilisent dans leur chambre. La souris cesse de s’agiter. La mère le prend quelques instants, le berce un peu. Lucie voit ses petits bras et ses petites jambes s’agiter comme les pattes d’un cafard content. Elle le repose dans le lit. Il recommence à pleurer de plus belle. Elle le reprend puis le secoue comme un prunier. Sa tête ballotte, vite, très vite, d’avant en arrière. Un instant, son coupé, face violette, respiration bloquée, hurlement de sirène. La mère plaque son fils adoré dans le lit. Ça ne va pas, non ? La porte claquée fait trembler toutes les vitres de la façade.

Maman a dû crier quelque chose à ses sœurs. Cornélia pénètre dans la chambre de son petit frère pour lui donner un biberon. Dans l’autre pièce, éclat aveuglant sur la vitre des ciseaux qui lacèrent l’étoffe satinée de la robe.

Elles sont folles !

Ça ne va pas, non ?


La mer monte

Le paysage de la mer est plus réconfortant. Elle va et vient, à chaque fois un peu plus haut par-dessus la barrière des rochers. L’eau se fracasse contre la balustrade, éclabousse les cuisses de Lucie comme un appel au jeu.

Viens, dit l’écume.

Attends…

Miranda sort d’un bosquet, les cheveux complètement hérissés, piqués de ronces. Elle brandit son portable devant elle comme une baguette de coudrier.

Tu cherches de l’eau ? lui demande Lucie.

Non, du réseau… et Jérôme. Je suis inquiète, il ne m’a toujours pas rappelée. La bague, la bague, je suis si impatiente… Le monologue couvert par le bruit des vagues continue.

Elle s’éloigne.


Lucie dirige à nouveau son regard vers la maison. Plus de mouvement dans la chambre des jumelles, plus aucun cri dans celle de Rodrigue, que la main qui déplace lentement la souris. Fin des préparatifs pour les serveurs qui fument sur le perron en attendant des ordres qui ne viennent pas.

Le temps est long et la mer monte.

Une nouvelle scène : façade est de la maison, la chambre des parents. Dans la psyché, le reflet d’un corps nu. On dirait Miranda… Non ! Sa mère… nue ? Lucie ne l’a jamais vue dévêtue. C’est interdit de regarder ça, c’est comme du vol. Impossible de s’en empêcher. Ça doit être le soleil déjà haut dans le ciel qui commence à lui taper sur la tête.

Maman ?

La femme prend ses seins à pleines mains les fait pigeonner, les caresse tout en s’envoyant des baisers dans le miroir. Un sourire s’y inscrit et se grave. Elle se contemple rêveuse, prend des pauses bizarres, relève ses cheveux, puis les relâche en les ébouriffant.

Lucie a un peu mal au cœur, le contact du granit irrite l’intérieur de ses cuisses, ses tempes battent de plus en plus fort. Elle devrait rejoindre sa famille pour finir de se préparer. Mais la chaleur montante, le murmure doucereux de la mer et la curiosité la rivent au muret. Vu de loin, tout se détraque, le scénario n’est pas le bon.

Scène suivante : Cornélia surgit sur le perron en hurlant comme un porc qu’on égorge. Sa robe s’est prise dans le radiateur et s’est déchirée tout le long du dos jusqu’aux fesses. Ophélia pousse un soupir de soulagement - elle ne se fera pas accuser - suivi d’un fou rire. Cornélia se retourne, elle ne porte pas de culotte. Grand-mère fait de grands gestes-moulin-à-vent et repousse sa petite fille à l’intérieur de la maison pour réparer les dégâts.

Miranda a enfin réussi à trouver le bon endroit pour téléphoner. Hors champ, elle fait les cents pas en parlant toute seule à une messagerie.

Je comptais sur toi, merde ! Tu fais quoi, bordel ?

Ça y est, j’ai réussi, dit-elle en repassant devant Lucie… Je lui ai laissé un message.


La mer monte.

Lucie revient à la fenêtre de droite. Ça ne se fait pas d’épier les gens, c’est malpoli. Tant pis, c’est plus fort qu’elle. Voir et savoir. Lucie ne fait pas ça par indiscrétion, elle aime bien inventer des vies aux personnes qu’elle regarde dans le métro, aux fenêtres des maisons la nuit…

Entrée en scène du père dans la chambre conjugale. L’homme enlace le corps nu de sa femme qui le repousse de toutes ses forces. Gros plan sur un morceau de chair se balançant comme une trompe entre ses jambes. Couper l’image, la rembobiner. Impossible. L’homme renverse la femme sur le lit, se plaque contre elle, lui maintient les bras au-dessus de sa tête. Il veut lui faire du mal ? Elle parvient à se dégager, à attraper une chaussure et fait le geste de lui crever l’œil avec le talon aiguille. Un visage cramoisi hurle quelque chose à… cette femme qui hausse les épaules. Il part en claquant violemment la porte. Lucie ne comprend pas… Qui sont ces personnages ? De la bouillie de mots plein la tête de Lucie : respect, politesse, sens du devoir, foi, dialogue, honnêteté…

Dans le bureau, la souris s’agite frénétiquement.

La mère reste assise quelques instants sur le lit, la tête entre les mains. Puis, elle se redresse brusquement, arrache dans le dressing une robe au hasard, l’enfile… sans rien dessous. Disparition du champ de vision de l’enfant.


Plan d’ensemble sur la demeure. Pelouse coupée ras, d’un vert ardent. Explosion de santé des hortensias le long de la façade d’un blanc immaculé. Volets bleus repeints de fraîche date, rosiers taillés, ombres impeccables. Une maison de bord de mer comme on en voit dans les magazines. Un photographe d’un mensuel de décoration était venu faire un reportage l’année dernière. Une maison saine, sans vices cachés qui respire la santé, la bonne humeur et les vacances heureuses en famille, disait l’article.


La mer monte.

Lucie a trop chaud sur son muret. Le soleil de midi tape sur sa tête. Envie de vomir. Se cramponner pour ne pas tomber. Il faudrait qu’elle passe sa jambe gauche de l’autre côté pour sentir les gouttes salées la rafraîchir. Les voiles sur la mer s’impriment sur sa rétine. Elle respire mieux en s’accrochant à la ligne d’horizon. Ne pas regarder en bas. Le vide bleu l’attire. Elle se ferait mal. Regarder de l’autre côté fait du mal aussi. Où se tourner ?


La mer monte.

Sur sa gauche, une forme légère survole les rochers en direction de la plage. Éblouissement d’une robe blanche. Un voile devant les yeux de Lucie qui s’efforce de faire la mise au point… sur… sur sa mère, chaussures à la main qui se dirige vers un homme torse nu, assis sur le ponton. Elle s’agenouille, entoure sa taille de ses bras, laisse reposer sa chevelure sur ses épaules. Le soleil tape trop fort. Lucie vacille, s’agrippe à la pierre qui la meurtrit, enroule à s’écorcher les jambes autour des colonnes. L’horizon devient ligne de flottaison. Les voiliers s’agitent à un rythme nauséeux. L’homme se redresse, se retourne… Jérôme !

Choisir le bon côté.

La mer est haute.

Viens, Lucie !


La tête trop lourde d’images par-dessus la balustrade sous le bleu. Cœur déchiré. Vertèbres en miettes.


On a assorti sa robe à son fauteuil roulant rouge.

À l’autre bout de la rangée, Lucie entend geindre Rodrigue qui ne parlera plus jamais…

Dans un souffle amoureux, Miranda répond « oui ».

La larme maternelle n’en finit pas d’imprégner le mouchoir blanc.

Souris, Lucie…


 
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   Anonyme   
30/4/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Brrr ! À faire froid dans le dos. Non tant l'adultère dont je me fiche, mais le sort du petit frère secoué. Une écriture efficace, je trouve, une bonne montée de l'angoisse. Un texte réussi à mon avis.

   Margone_Muse   
10/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le premier constat que j’ai envie de faire est que la première partie, le mariage, n’est pas adaptée au langage ni même à l’esprit d’une petite fille. Alors d’accord, Lucie n’a pas d’âge, mais une « petite fille », pour moi, c’est 7-10 ans. Or on a l’impression de lire les pensées d’une ado au minimum question âge, ou d’une femme à la trentaine qui n’est pas encore mariée parce que personne ne veut d’elle et qu’elle est aigrie.

Ceci dit, mis à part que l’auteur en fait trop à mon goût (trop de (…) tue le (…)), j’ai quand même beaucoup aimé le cynisme. Tout est passé en revu, des chapeaux extravagants au photographe en passant par la mariée qui « trottine ». C’est bien analysé et bien retranscrit (et cette remarque vaut aussi pour le second paragraphe : l’activation dans le jardin, où je trouve le cynisme moins forcé d’ailleurs, la petite est plus dans la constatation (peut être, j’y pense maintenant, que l’auteur voulait marquer une différence avec le début de son récit, vu que l’état d’esprit de la fillette n’est pas/plus le même lors du mariage, et si c’est le cas c’est réussi)).

L’écriture est maîtrisée et de qualité dans l’ensemble, bien que quelques phrases incompréhensibles ou pas trop belles se glissent entre des choses très chouettes. J’ai relevé quelques trucs au fil de ma lecture :

* « Sur son passage, Cornélia et Ophélia, vipère à deux têtes, gloussent. »
J’adore les prénoms et la vipère à deux têtes, ça me fait penser à Javotte et Anastasie dans Cendrillon.

* « On l’a garée là, sans lui demander son avis. »
A la relecture, celle-ci me plait beaucoup.

* « Mais le mouvement de la maison l’attire autant que celui de la mer. »
J’ai vraiment adoré celle-ci, surtout dans le contexte, où la fille est tiraillée entre les deux spectacles…

* « Lucie voit ses petits bras et ses petites jambes s’agiter comme les pattes d’un cafard content. »
C’est ignoble, ça m’a fait marrer.

Et dans le moins bon, par exemple :

* « La tête trop lourde d’images par-dessus la balustrade sous le bleu. »
Alors en gros, elle se casse la gueule. Bon, ben… il faut reprendre, se placer les virgules mentalement, analyser les bout de phrases. Je suis pas stupide hein, ça me prend une demi-seconde, mais c’est pénible… Il y a deux trois autres phrases ou passages comme ça qui sont un peu durs à suivre (la secousse du bébé jusqu’à la jumelle qui donne le biberon par exemple où le « Ca va pas ? » était d’abord pour moi une parole de la mère).

Pour le balais qui se déroule aux fenêtres, j’ai trouvé ça sympa, j’aime bien comme c’est traité, si ce n’est qu’ « au fond du jardin » évoque « loin » pour moi et que pour titiller un peu, je dirais qu’il lui faut des jumelles pour voir la souris du père ou le flacon de vernis. Et puis c’est des baies vitrées chez ces gens ? :)

Le fond maintenant, avec la fin du récit qui se « durcit »… C’est un choix, mais c’est un peu gros : la petite en fauteuil après sa chute, le gendre qui trompe avec la mère, le bébé qui est brutalisé. Il y en a trop pour que ça soit bien plausible et ça rend le récit bien plus éloigné du lecteur lambda que la scène du mariage. J’ai l’impression que les faits ici sont là pour justifier l’existence de la nouvelle qui pour moi, n’a pas de justification à fournir : je me serais bien fait des fiançailles et un mariage (église-vin d’honneur-soirée) avec les yeux de la fillette, tout simplement. Mais je répète, c’est un choix. Je le respecte.

Au final, l’ai lu un texte divertissant et je me suis plutôt bien régalé, merci.

Margone_Muse

   Pascal31   
15/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Voilà un très bon texte gâché par les dernières lignes !
J'aime beaucoup cette écriture fluide, concise (attention, toutefois, à un ou deux détails, comme ces "pauses bizarres" qui devraient être des "poses bizarres").
Cette petite Lucie a parfois des réflexions d'adulte, mais l'histoire n'en demeure pas moins agréable à suivre, avec ce climat malsain qui s'instaure progressivement tout au long du récit.
J'ai aimé le parallèle avec la marée, cette mer qui monte, menaçante, alors que la famille éclate en arrière-plan. Du coup, j'ai trouvé que faire des analogies avec le cinéma était peut-être superflu.
Mais là où j'ai vraiment trouvé que c'était trop, c'est à la toute fin, lorsqu'on apprend simultanément, en quelques mots, que :
- le bébé a été maltraité au point de le rendre handicapé,
- Lucie est tombée et se retrouve en chaise roulante,
- Tout cela parce que la mère se tape le fiancé de sa fille aînée.
Heu... Vous ne trouvez pas que ça fait un peu "too much" ?
Dommage, avec une fin moins mélodramatique, c'est un texte que j'aurais beaucoup apprécié.

   Selenim   
21/5/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
En mettant de côté la première partie, assaut virulent et gratuit contre le mariage et ses périphériques, la suite est plus intéressante et surtout plus réfléchie. Qu'une fillette puisse penser ainsi est plutôt effrayant. Heureusement, la deuxième partie montre que l'auteur s'est un peu emballé sur son introduction.

J'espère qu'il n'y a pas de relents autobiographiques...

Une fois arrimé à la maison du bord de mer, les choses se nivellent et l'écriture se stabilise. Il y a moins de hargne, les mots sont posés. On sent l'énergie, une sorte de rage chez l'auteur, mise en avant par une forêt de points d'exclamation.

Le rythme est très soutenu, les phrases sont réduites au minimum lisible. On attrape les rafales de mots à la volée et il est délicat de voir apparaitre des images. Le langage semble mieux adapté à une fillette bien que certains concepts débordent largement vers l'âge adulte.

La structure est basique mais solide. Le symptôme en guise d'intro, les causes de la maladie en flashback. La petite Lucie déborde de rage(haine ?) envers ce mariage et pour cause. Maman a culbuté son gendre.

Bref, l'intrigue n'est qu'un prétexte pour faire évoluer une écriture qui a malgré tout beaucoup de charme. Je pense que l'auteur a eu l'intelligence de choisir un format court. Son style explosif conviendrait beaucoup moins à une histoire plus longue. Gare à l'essoufflement.

Un agréable moment.

Selenim

   toc-art   
21/5/2011
Bonjour,

je n'aime pas l'atmosphère de ce texte, mais comme c'est voulu, j'imagine que c'est plutôt une bonne chose.

mais ce qui me dérange vraiment, c'est l'aspect trop explicatif de la nouvelle, c'est peut-être dû au format court, je ne sais pas, mais ce regard d'enfant voyeur qui, forcément, distingue le vrai de chacun au delà des apparences et des conventions, je trouve que c'est fait d'une façon trop démonstrative : "Qui sont ces personnages ? De la bouillie de mots plein la tête de Lucie : respect, politesse, sens du devoir, foi, dialogue, honnêteté…", et là encore : "Une maison saine, sans vices cachés qui respire la santé, la bonne humeur et les vacances heureuses en famille, disait l’article.", comme si le lecteur n'avait pas compris déjà l'intention de l'auteur ou comme si ce dernier n'avait pas confiance en sa capacité à induire les choses et qu'il lui fallait insister lourdement.

Il y a là quelque chose de trop forcé pour moi qui tient de la caricature et qui fait perdre beaucoup de son impact à l'intention première. Et cette impression caricaturale est renforcée par les archétypes qu'incarnent les personnages et les images retenues : forcément, le couple de soeurs harpies qui sort tout droit d'un conte et de toutes les comédies américaines sur les mariages, le chapeau de la tante ou de la grand-mère, le papy salace...

trop, c'est trop je dirais. Du coup, on n'est plus dans la vérité (même fabriquée) d'un récit, on est dans la transposition théâtrale de saynettes dont l'accumulation tue, à mon sens, l'intérêt et la force.

PS : ah oui, un détail, si j'ose dire : l'image de la trompe d'éléphant pour désigner le pénis, ben, même venant d'une gamine, je trouve que ça prête un peu à rire, non ?

bonne continuation

   Charivari   
24/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour.

Personnellement, j'ai l'impression que l'auteur ici a voulu en faire trop à la fois.

-Le style n'est pas uniforme. on était sur la description d'un mariage, avec une ambiance ironique amusante, et puis, peu à peu, l'écriture devient cinématographique, elliptique, et on a l'impression que l'auteur abuse de grosses ficelles tant au niveau de ses effets de style que pour structurer son texte à partir de phrases répétées (la mer monte, souris lucie, etc)

-Pour ce qui est de l'intrigue, ça fait trop aussi pour moi. Le retournement de situation multiple, au tout dernier moment, fait partie aussi de ce côté "ficelles" qui a un côté un peu agaçant.

Dommage, l'auteur semble très talentueux. J'ai particulièrement aimé le début. Mais j'aurais aimé quelque chose de plus libre dans la manière de traiter le thème, de plus fin aussi au niveau de l'analyse psychologique et sociale.

   GrainBlanc   
25/5/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte écrit de l'intérieur, un style riche agrémenté d'images jubilatoires, à quelques remarques près : "un truc monstrueux qui tient plus du fœtus ensanglanté que de la pivoine"... très drôle, même si on imagine mal qu'une telle pensée traverse l'esprit d'une petite fille ;"Lucie voit ses petits bras et ses petites jambes s’agiter comme les pattes d’un cafard content. " : Content ne me paraît pas très adapté, dommage car l'image est bien trouvée.

Dès la première pensée de l'enfant, l'humeur est posée par une phrase minimaliste et efficace : "Pas envie de sourire, Lucie". Ces phrases courtes, sans verbes donnent du rythme à l'ensemble.

L'alternance d'images dans le présent et de digressions vers les pensées intérieures de l'enfant est assez subtile.
Quelques descriptions significatives viennent enrichir le ressenti, sur la fin notamment : " Le soleil tape trop fort... Les voiliers s’agitent à un rythme nauséeux. "

J'ai du relire la dernière partie pour mieux comprendre que l'enfant est tombée, ce ne serait pas de trop que d'ajouter qq clés pour le lecteur.

Un texte efficace, drôle et terrible à la fois, bravo.

Grain Blanc

   David   
28/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Chronicroqueuse,

J'ai trouvé ça plein d'émotions, dans la façon de raconter l'accident de Lucie à travers l'histoire de ce mariage, partie un peu étrangement vu que le mari est l'amant de la mère de la mariée. Le style lapidaire illustre même un peu cela en plus du récit lui-même, presque il devrait faire deviner le handicap de Lucie, son fatalisme, mais c'est resté une surprise dans ma lecture. Un récit noir assez bien fait à mon goût.

   Anonyme   
30/5/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Il est question de photo au début, et Lucie s'y prête à regret:elle voudrait être derrière la caméra pas devant. Et durant tout le récit, sous ses yeux vont se dérouler des plans séquences, des images fixes, des pantomimes : elle filme littéralement chaque scène. Cette importance donnée au regard m'a plu. En particulier par ce que les moments sont écrits précisément et avec une certaine science du détail. La répétition de "la mer monte" fonctionne en volet, en fondu au noir. Lucie "filme" en 360 degrés, et il y a même un raccord qui respecte la loi des 180 degrés cinématographique: en opposition la maison et la mer, ou tourner son regard?

   Anonyme   
1/6/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Ca m'a fait tout drôle de retrouver Jehanne Jean-Charles ici, avec jusqu'à l'attrait pour les couleurs et les objets, le ton froid, décalé et l'accumulation de menues horreurs camouflées en erreurs et les punitions ( un peu des Malheurs de Sophie de la regrettée bdsm Rostopchine, en quelque sorte )
Mais c'est bien écrit, maîtrisé ( beaucoup de bonnes choses, sur le plan écriture, ces derniers temps, sur le site ), pas déplaisant à lire.
Juste un peu trop planplan pour mon goût.
C'est bon, mais ce n'est pas meilleur, comme le disait je ne sais plus qui en reprenant d'un plat. C'est-à-dire que je n'aurais pas envie de relire, quoique ayant lu sans ennui.
Tiens, vous auriez pu employer une citation de Curnonsky, je crois : "La plupart des femmes se donnent à Dieu quand le diable n'en veut plus", pour relancer l'action.
J'ignore pourquoi votre nouvelle m'a remis cette petite phrase en mémoire.

   Menvussa   
1/7/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Il y a de l’idée. Tentative de suicide sur fond de fiançailles. Dommage que ce soit, à mon sens bourré d’incohérences. À moins que Lucie ne soit dotée d’une paire de jumelles, mais ça n’est pas précisé dans le texte.

On imagine un jardin assez grand, on y dresse des tables, des serveurs s’y activent… Lucie du fond du jardin, à califourchon sur sa balustrade voit tout, absolument tout. Quelle vue ! Jusqu’à la souris qui s’agite sur le bureau dans la main de son père. La maison doit être elle aussi assez grande, qu’importe Lucie voit dan toute les pièces sans changer de place ; C’est Super Lucie.

On nous parle d’une petite fille mais sa vision des choses qui l’entoure me fait penser qu’elle a au moins quinze ans. Tout au moins au début. À moins que ce ne soit le point de vue de la narratrice qui se distingue de celui de Lucie sans que l’on puisse réellement faire la part des choses.

Sur la fin elle semble découvrir les choses de la vie de manière fort brutale ce qui la rajeunirait de trois à cinq ans d’un coup d’un seul. Je suis perplexe.

Bref il y a de bons ingrédients mais trop de choses qui ne passent pas. Dommage. Reste que ce n’est que mon avis.

Petits détails :

En parlant du père : « Un seul mot pour le décrire : gris. Costume gris, cheveux gris, cravate argentée. Il aurait pu faire un effort pour être présent ! » Il est bien là le père… peut-être pas présentable mais bien là.


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