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Fantastique/Merveilleux
citoyen : Je savais que tu viendrais
 Publié le 06/11/08  -  10 commentaires  -  7003 caractères  -  38 lectures    Autres textes du même auteur

Il attend... Et observe le monde vivant autour de lui...


Je savais que tu viendrais


Je savais que tu viendrais.


J’épluchais les reflets de la rivière, un soir d’automne, en t’attendant.

Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour.


De la pointe du regard, je m’amusais avec les nuages, je sculptais dans le ciel les formes de ton corps.

Autour de moi, les arbres, habitués à ma présence, confiants, me chuchotaient à l’oreille des confidences.

Je ne savais quoi leur répondre. Je les écoutais simplement.

Le vent, assis sur mon épaule, jouait avec mes cheveux, m’imaginant des coiffures extravagantes. Les herbes profitant de son inattention, se reposaient. Devant ma solitude, par compassion, elles se regroupaient à tour de rôle, sous moi en une foule compacte. Ainsi, confortablement installé, je pouvais admirer autour de moi la nature.

Le silence respectait mes souvenirs qui dansaient aux creux de mes mains.

Quelques souvenirs, agenouillés au bout de mes doigts, semblaient captivés par ce spectacle. Moi aussi du reste ! Mais je fus vite excédé par les soufflements du vent à mon oreille. Je rangeai donc, après les avoir classés, mes souvenirs dans un terrier prêté pour la saison.

Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour.


Tous les soirs, les grenouilles préparaient le banquet, installant sur la table mouvante, de petites nappes vertes. Les truites offraient les arcs-en-ciel pour illuminer la soirée. J’apercevais les libellules de service guidant les invités.

J’aurais tant aimé y participer avec toi, à mes côtés… Je refusais à chaque fois l’invitation, prenant le risque de les vexer mais, sans toi, je n’aurais pas été d’une compagnie fort agréable, je le crains. Je me contentais donc, à l’écart, les larmes plein les cheveux, d’imaginer ces soirées.

Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour.


De temps en temps, je discutais avec les grillons mais je renonçais vite à chaque fois ; le moindre désaccord provoquait un tel brouhaha !

Parfois le temps me tenait compagnie et nous restions ainsi, l’un près de l’autre, tantôt silencieux, tantôt parlant de lui.

Un jour, il m’annonça l’arrivée de son amie la pluie. Il était tout joyeux moi un peu moins mais j’acceptais tout de même qu’il me la présente. Pressée, elle ne fit que passer mais me promit qu’elle s’attarderait davantage une autre fois.

Un après-midi, alors que le sommeil taquinait mes paupières, un sentier que je ne connaissais pas me demanda de le suivre... J’hésitai... Puis refusai.

Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour.


La nuit, j’étais souvent réveillé par les galets de la rivière qui en profitaient pour se déplacer, sous le regard paternel du grand rocher, au grand désarroi des écrevisses. Il fallait, à chaque fois tout reconstruire, disaient-elles ! Cependant pas rancunières, elles furent les premières à intervenir lorsqu'un tronc errant, porté par un courant insouciant, s’en alla heurter de plein fouet le grand rocher. Habitué à ce type de blessure, il s’en remit très vite mais cet événement provoqua un certain trouble.

Ce soir-là, ce fut le seul sujet de conversation au banquet. Le tronc fut condamné. Hissé sur la berge, il y finirait ses jours. Seule la grande crue pouvait le gracier ! Les arbres chantèrent leur tristesse, acceptant le cruel sort réservé à l’un des leurs.


Je me sentais si seul parfois…

Pour me distraire, les vipères me chatouillaient la pointe des pieds mais, devant mon indifférence, s’éloignaient furieuses.

Par contre, je prenais un réel plaisir à jouer avec les cailloux de la berge. Les concours de ricochets sur le ventre de la rivière attiraient toujours du monde, même si, la rumeur m’en informa de suite, nous savions tous que les cailloux étaient de véritables tricheurs… Ainsi, ils pouvaient rebondir durant des heures ou disparaître immédiatement selon qui les lançait !

Je gagnais souvent… Il est vrai que la communauté des cailloux m’avait adopté et qu’elle me considérait comme l’un des leurs depuis le jour où je remis à sa famille un petit gravier égaré dans l’une de mes poches. Ils apprécièrent ce geste, inhabituel selon eux. Depuis ce jour, lorsqu’il m’arrivait de me promener en forêt, ils me suivaient… Mais il était rare que je m’éloigne…


Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour.


Un soir, la peur vint me rendre visite. Le silence était attentif. Elle souhaitait me rencontrer, ayant, me disait-elle, beaucoup entendu parler de moi. Nous sommes restés ainsi toute la nuit l’un et l’autre. Elle me secouait lorsque je m’assoupissais. En soi, sa compagnie n’était pas si désagréable mais je ne pouvais m’empêcher de grimacer quand elle s’approchait trop près de moi. Cette nuit-là, la peur, le silence et moi apprîmes à nous connaître et à nous respecter malgré nos différences. Au petit matin, la peur disparut et je ne la revis jamais plus. Le silence, quant à lui, s’éclipsa comme à son habitude.

Je ne saurais dire depuis quand j’étais là. Le temps haussait les épaules à chaque fois que je lui posais la question. Peut-être avait-il raison… Quelle importance, après tout…


Le temps m’informa que la neige ne pouvait plus attendre… Il fallait choisir ; partir avec le sentier maintenant ou tenir compagnie à la neige…

Je restai car je savais que tu viendrais…

La neige semblait heureuse de me rencontrer. Il est vrai qu’elle pensait être seule comme à son habitude. Pour me remercier, elle m’offrit un bouquet de flocons. La neige était une compagne très douce. J’appréciais sa sagesse. Elle me contait de merveilleuses légendes. Elle m’avertit que sa présence ici n’était qu’une étape, qu’elle se préparait pour rejoindre les montagnes au loin.


Je sortais de moins en moins mes souvenirs jusqu’au jour où je ne les trouvai plus. Curieusement, je n’en fus pas bouleversé. La neige me montra leurs traces. Je ne me souvenais plus de leurs départs. Je me sentais bien malgré ton absence.

Les arbres étaient sereins. Ils m’expliquèrent qu’ils profitaient de cette période pour se détendre car les feuilles ne pouvaient sans cesse s’empêcher de discuter entre elles. L’hiver leur permettait enfin le repos tant mérité.


Le vent parfois, passait nous voir, jouait autour de nous mais se lassait très vite et s’en allait soufflant bruyamment. Il apparaissait souvent au moment où je l’attendais le moins. Je pense qu’il s’ennuyait.


Puis, un soir, le sourire me ferma les yeux. Le temps se blottit contre moi et le silence me caressa les cheveux… Je me sentais heureux. Doucement, une à une, mes veines s’infiltrèrent dans la terre gelée, comme me l’avait montré le grand arbre. Je les sentais descendre profondément, éviter les pierres curieuses, puis s’enrouler autour d’une cascade brûlante. Mon corps se mit à trembler, s’emplit d’un flot de sève d’amour. Je bus, mon ange. Je bus à ta source. J’aspirais de tous les pores de mon âme cet océan de tendresse et d’amour que tu avais laissé là, sous moi, pour me permettre de t’attendre durant le temps, si court, si léger, de cette éternité.

Je savais que tu viendrais…


 
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   widjet   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Premier texte de citoyen et premier constat : nous avons là une personne sensible, délicate. Un rêveur.

Le texte, véritable ode à la Nature, en est la preuve irréfutable.

Il y a quelques jolies tournures métaphoriques et l'ensemble est plutot plaisant. Je reprocherais juste le fait qu'à force d'en faire un peu trop dans l'énumération (le vent, le silence, les vipères, les herbes, les grenouilles...) et le côté "l'homme fait corps avec la Nature", le texte s'essoufle (un peu). Le rytme pourtant indolent colle assez bien au phénomène de l'attente.
Quelques répétitions sont à déplorer.

Premier essai un brin candide mais assez concluant. Attendons la suite....

Citoyen, Bienvenu parmi nous ! :-)

Widjet
(auteur patriote)

   Anonyme   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Déjà, ça se passe dans la nature. J'aime.
J'aime aussi la petite phrase qui revient comme un refrain et qui laisse à penser que le personnage va enfin rencontrer la femme de sa vie. (L'accord des participe passés nous apprennent qu'on a affaire à un homme)
Un très jeune homme car sa relation a la nature est un peu enfantine. je cite:
"Il est vrai que la communauté des cailloux m’avait adopté et qu’elle me considérait comme l’un des leurs depuis le jour où je remis à sa famille un petit gravier égaré dans l’une de mes poches."

Le texte commence comme un poème. Ensuite l'écriture perd de sa fluidité.
C'est un peu dommage. Avec un peu de fignolage, ce texte aurait pu être magnifique.

   Steph   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément
Très joli texte, bien écrit, fluide et plaisant à lire. Personnellement, j'y ai trouvé une profonde mélancolie, fort bien rendue par les métaphores superbement tournées, dans l'attente de... de quoi ou de qui ? au fait. J'ai eu beau me creuser la tête et relire trois fois ; ou je suis complètement neuneu, ou l'auteur n'en dit pas assez sur ce... personnage ? ou cette chose ? J'ai d'abord pensé à un amoureux attend la mort pour rejoindre sa belle, emportée dans l'au-delà, mais... non, je ne crois pas. Ensuite, je me suis imaginé qu'il s'agissait d'une jeune pousse (de roseau, par exemple, puisqu'on est au bord de l'eau) attendant le retour du printemps pour développer ses racines dans la terre nourricière, mais sans grande conviction. Alors... QUOI T'EST-CE QUE ÇA PEUT BIEN ÊTRE ?
En tout cas, pour l'indécrottable romantique que je suis, c'est superbe (n'ayons pas peur des mots).

   xuanvincent   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Plusieurs commentaires pertinents sur ce texte ont déjà été écrits.

J'ai apprécié cette nouvelle, pour l'importance qu'occupe dans ce récit la nature (où chaque élément devient un personnage presque humain) et le côté rêveur du narrateur. Egalement pour la manière dont l'attente - d'on ce ne pas qui vraiment - arrive et revient dans le texte.

Détail :
. "J’épluchais les reflets de la rivière" : le terme "éplucher" m'a paru faire perdre un peu le côté poétique de ce passage.

Pour un premier texte, c'est encourageant.

   victhis0   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un bien beau texte, une très jolie promenade bucolique et romantique..Une jolie déclaration (d'amour ?) et des idées éblouissantes (les dialogues induits avec les différents composants de la nature, très bien).
Une belle nonchalance, un peu triste, un peu déabusée. Un style maîtrisé et personnel. Bravo, je suis resté avec vous pendant un petit moment, même après avoir terminé cette lecture

   Anonyme   
6/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'avoue mon coup de coeur pour cet écrit qui offre de multiples niveaux de lecture. Ode, à la nature, à l'amour, aux amours, allégorie, métaphore. Et une douce poésie.

   Anonyme   
7/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
un joli brin de plume. C'est fluide, ça ce lit avec plaisir, c'est agréable et frais.

Bref, un premier (du moins le premier que je lis!) texte de Citoyen qui est fort plaisant!

Et puis, cette rêverie.....

   Menvussa   
7/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour et bienvenue.

Très beau texte, poétique, plein de sensibilité, une douce musique en accompagne la lecture. Une allégorie ambigüe, qu'elle est celle ou celui qu'il attend, un amour impossible, improbable ou tout simplement la mort.

Il m'a vraiment plu ce texte, la seule petite chose qui m'a un peu heurté, si peu, pour une question d'oreille sans doute, c'est cette phrase refrain : "Je savais que tu viendrais mais j’en ignorais le jour." J'aurais préféré : "Je savais que tu viendrais mais j’ ignorais le jour." le "en " me semble superflu.

   Anonyme   
10/11/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Oui bof, j'ai pas trop accroché moi. les oiseaux qui gazouillent, les caresses dans les cheveux et le temps qui passe pendant qu'on attend impatiemment l'amour dans le reflet des souvenirs (d'ailleurs à ce propos la répétition du mot souvenir au début " Le silence respectait mes souvenirs qui dansaient aux creux de mes mains.Quelques souvenirs" m'a perturbé...) oui mais c'est pas trop ma tasse de thé.
Celà dit je dois reconnaitre à l'auteur un bon sens de la métaphore et une jolie plume...
On se fait rarement une idée au premier récit, j'attends donc les suivants, parce que pardon désolée, mais là j'ai pas accroché.

   Joseb   
11/11/2008
A l'image du commentaire précédent, j'ai trouvé ce texte certes bien écrit, avec un style plaisant.
Mais le côté romantique, pas pour moi.

D'ailleurs, ce texte a été placé dans Fantastique/Merveilleux (ce qui me convient mieux) d'où une certaine surprise à la lecture des premières phrases qui, à mon sens, relève plus de la catégorie sentimental/romanesque. Mais là, ce n'est que mon point de vue.

Néanmoins, très belle plume, et ce en dépit du genre qui, comme je l'ai précisé plus haut, ne me botte pas vraiment...


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