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Fantastique/Merveilleux
colette : Les lutins de la Pierre Levée
 Publié le 14/02/07  -  4 commentaires  -  10145 caractères  -  40 lectures    Autres textes du même auteur

Une nouvelle mission pour Telesphore.


Les lutins de la Pierre Levée


Il est quatre heures et demi du matin. Dehors il fait toujours nuit et pour quelques heures encore. C’est l’hiver. Il fait froid. La neige, tombée il y a cinq jours en grande quantité, est toujours là, durcie par les nuits de gel.

On entend les loups. Ils se sont rapprochés du village comme chaque hiver. Les adultes ont peur pour leurs bêtes et s’en vengent sur les enfants en leur racontant des histoires à dormir debout.


Telesphore, apprenti de Merlin que je ne vous présente plus, s’est réveillé tôt. Pas que ce soit dans ses habitudes, certainement pas ! Quitter les plumes de l’édredon l’hiver, en pleine nuit, est affaire d’homme fort et courageux, tels ces chevaliers avec qui Merlin s’amuse. Mais Telesphore n’a rien d’un preux chevalier.

Merlin est venu le secouer. Une urgence paraît-il. Telesphore n’a rien compris. Il a juste perçu quelques mots : « rivière… rocher… Pierre Levée… »

Pffffff ! Aller à la Pierre Levée à cette heure ! Deux lieues à faire, à pied bien sûr. Il n’est pas dans les habitudes de Merlin d’économiser l’effort de ses apprentis. « Ça les incite à progresser ! » dit-il. Comme si, après avoir marché deux lieues en pleine nuit par ce temps, on était encore en état de progresser !

Ho ! le froid saisissant dès qu’on passe la porte ! Cela suffirait à vous faire renoncer au brevet de magicien. Il faudra qu’il pense à inventer une boisson qui aide à se lever le matin. Quelque chose de chaud de préférence.


L’horizon s’éclairci. Telesphore approche de la Pierre Levée. Il éteint sa lanterne. « On ne sait jamais, soyons discret. »

La Pierre Levée, qui en réalité est couchée – mystère des appellations ancestrales – est un lieu secret que seuls les mages, magiciens et leurs apprentis connaissent.

Les promeneurs du vingt-et-unième siècle y passeront souvent le dimanche et même, s’y arrêteront pour pique-niquer. Mais à l’époque où nous sommes, on ne va pas dans les bois pour le plaisir. C’est bien assez de devoir y aller par tous les temps pour ramasser du bois ou de les traverser pour aller d’une ville à l’autre, alors, pensez donc ! Emprunter un chemin qui ne mène nulle part…


Telesphore à beau observer et écouter, il ne voit rien ni personne. Il essaye de se rappeler ce que Merlin lui a dit. « Rivière ». On en est loin de la rivière. Même en crue elle ne monte pas jusqu’ici. « Rocher ». Il n’y en a pas d’autre que la Pierre magique dans cette partie de la forêt.

Le jour se fait de plus en plus clair et on commence à distinguer la couleur des chats. Du nid qu’il s’est fait dans un buisson, là où la neige n’a pas pu tomber, le guetteur aperçoit quelque chose d’inhabituel sur le dessus de la Pierre. Des galets, pareils à ceux de la rivière, gros comme des miches de pain, sont soigneusement disposés en couronne sur le tour de la Pierre, formant un cercle qui, cependant, n’est pas encore fermé. Il reste une ouverture d’un quart de cercle environ. Soit la place pour une dizaine de galets.

Mais qu’est-ce donc ? Notre apprenti a beau fouiller sa mémoire, il ne se souvient pas d’un rite semblable. Mais il se souvient du message de Merlin, maintenant. « Des rochers montés de la rivière sur la Pierre Levée ! Il faut surveiller ça ! »

Surveiller des cailloux ! Il a froid, il a faim. C’est toujours pareil. « Fais ceci, fais cela… » Ce vieux bougre n’a jamais besoin de dormir ni de manger et il s’imagine que les autres non plus.


Plusieurs heures d’attente et puis…

Dans le buisson d’en face, une branche vient de bouger. Ce n’est pas un oiseau ni un rongeur, aucune bête ne vient par ici. La Pierre leur fait peur. Ils ont raison, on y fait régulièrement des sacrifices – espèce de barbecue de l’époque.

Les mouvements des branches se multiplient, Telesphore retient son souffle.

Montés sur la Pierre par une liane jusque là restée invisible, une demi-douzaine d’hommes miniatures, grands comme la main, barbe blanche, chapeau rouge, costume vert : des lutins !

Ces fameux lutins dont tout le monde parle mais qu’on ne voit jamais. Les ancêtres des nains de jardin. Ces petits bonshommes ont l’air en plein effort. Ils tirent sur une corde. Un système de poulies les aide. Bientôt apparaît un gros galet qui vient s’ajouter aux autres déjà en place.


C’est donc cela ! Des lutins viennent placer des cailloux sur la Pierre des Mages.

Tout le monde sait que la magie des lutins et celle des mages sont incompatibles et tout à fait contradictoires. S’ils choisissent le même lieu magique pour leurs cérémonies, on court à la catastrophe.

Et c’est à lui, Telesphore, que Merlin a confié la mission de résoudre ce problème ! Mais comment ?

Se montrer pour leur faire peur ? Non, ils n’ont peur de rien. Des pièges ? Ils sont trop malins, ils les éviteraient. Lâcher des bêtes féroces ? Ils sont copains avec tous les animaux. Une potion qui les éloignerait, qui leur rendrait l’endroit insupportable ! Oui, voilà la solution.


Le plus doucement possible, il s’éloigne de la Pierre et reprend le chemin du laboratoire.

Une formule pour éloigner les lutins. Il ne se souvient pas avoir déjà vu cela.

« Ce n’est rien. Si elle n’existe pas, je l’inventerai. »

Mais il faut faire vite. Procéder méthodiquement, scientifiquement. Il existe une potion qui éloigne les chats. Les lutins sont amis avec les chats. Partir de cette formule. La rendre un peu plus forte pour contrer leur magie.

Durant tout le chemin du retour. Telesphore réfléchit à la question, imagine les recettes, les ingrédients à associer. Arrivé au laboratoire, il n’a plus qu’à tout mettre en œuvre.

Il ranime le feu, dégage la table, prépare tous les ingrédients dont il a besoin, les fioles, les poudres de toutes origines… Il se met au travail, mélange, fait chauffer, ajoute, y va de l’une ou l’autre formule magique. Il obtient une pâte très homogène d’un bleu magnifique et qui sent bon la violette. On en mangerait. Ce mélange sera-t-il efficace ? Comment le savoir ? Pas de lutin sous la main pour tester.

Il faut retourner à la Pierre Levée avant la nuit et l’enduire du mélange avant que les lutins ne mettent en place un galet supplémentaire. Mais cette fois pas question de se laisser prendre par le froid et la faim.

Muni d’un sac bien rempli de nourriture, dans lequel il a placé le pot de son invention, bien calé entre le pain et les biscuits pour ne pas risquer qu’il se casse. Une peau d’ours sur les épaules, cadeau d’un prétendant de sa fille Leona. (Il a chassé le prétendant, gardé sa fille et la peau d’ours.) L’impatience de tester sa trouvaille et la fierté de pouvoir annoncer à Merlin sa réussite, lui font effectuer le trajet à une vitesse record. Il ne s’est même plus aperçu du froid ni des chemins rendus difficiles par la neige.


Il arrive avant la nuit. Il peut constater que les lutins n’ont pas mis de galet supplémentaire depuis le matin. Sans doute n’en mettent-ils qu’un par jour. Cela lui donnera l’occasion d’autres essais si celui-ci échoue. Il dépose ses affaires dans son buisson, prend son précieux pot dans son sac. Il a un peu débordé, mais sans gravité. Il en reste suffisamment pour enduire la Pierre. Il se met de suite au travail et à l’aide d’une cuillère, étale la pâte là où les lutins sont montés ; puis le plus loin possible autour des cailloux qu’ils ont mis en place.

Après cela, il ne reste plus qu’à attendre. Un morceau de pain, un biscuit, s’installer aussi confortablement que possible pour une nuit qui risque d’être longue. En espérant que le répulsif soit aussi efficace contre les loups. Il n’y avait pas pensé mais ce serait bien.


Le lendemain peu avant l’aube, Telesphore se réveille un peu courbaturé. Il est surpris, Tout lui parait bleu. La Pierre est bleue, les arbres sont bleus, ses mains sont bleues, tout autour de lui est bleu. Il n’ose pas bouger. C’est encore la nuit. Les couleurs sont différentes à cause de l’aube qui se lève. Il perçoit des mouvements en face de lui. Les lutins sont de retour. Ils ne semblent pas incommodés par le produit. Mais… Ce ne sont pas les mêmes. Ceux-ci sont… bleus. Pourtant maintenant il fait clair. Il n’ose pas se l’avouer. Non seulement son invention n’est pas efficace contre les lutins mais en plus elle agit sur lui. Et de quelle manière !

Ne pas se laisser abattre. Les bonshommes ne mettent qu’un galet par jour, il reste du temps avant que le cercle soit fermé.


Pourquoi cela ne réussit-il jamais du premier coup ? Telesphore est obstiné. Il va essayer et essayer encore. Il prépare plusieurs potions qu’il teste simultanément pour gagner du temps. Il passe à la Pierre levée huit nuits, caché sous son buisson, emmitouflé dans sa peau d’ours. Il a vu la nature devenir rouge, jaune. Il a vu les lutins, avoir tous le visage de Merlin… Que diable ! Serait-ce encore un de ses mauvais tours ?


Le dernier matin, apparaît le mage Francor.


- Mais c’est notre brave Telesphore ! Que fais-tu ici par ce temps ? Tu m’as l’air dans un piètre état.


Telesphore lui explique tout depuis le début, lui raconte par le menu tous les détails de ses expériences…

Un sourire s’affiche de plus en plus large sur le visage de Francor.


- Sacré Merlin ! Il t’en fait voir de toutes les couleurs ! Bien sûr, les lutins, depuis toujours tentent d’installer leur cercle magique ici. Mais il est à la portée d’un enfant de les en empêcher.

- Comment ? Mais c’est impossible. Je sais que je ne suis qu’apprenti mais j’ai tout de même quelque science. Et aucune n’a abouti. Ne vous moquez pas Grand Mage. J’ai bien assez de Merlin pour me faire tourner en bourrique.

- As-tu compté le nombre de galets ? As-tu vu la difficulté que c’est pour eux de les hisser jusqu’ici ?

- Oui ! C’est bien pour cela que j’ai eu le temps de faire plusieurs essais. Mais Merlin m’a prévenu trop tard. Leur travail était trop avancé.

- Combien de temps te faudrait-il à toi pour construire ce cercle ?

- Une journée s’il faut monter les pierres de la rivière.

- Et combien de temps te faudrait-il pour le détruire ?

- Quelques minutes à peine…


Et le Mage disparut comme il était venu.


Telesphore, honteux et confus, jura, mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus.


 
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   Maëlle   
6/3/2007
Je l'ai trouvé trés drôle, cet épisode.

   Karl   
28/3/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Voilà certainement le meilleur épisode de cet apprenti-enchanteur jusque'à présent. La chute me plaît particulièrement, c'est drôle et bien pensé. Pourquoi faire simple... quand on peut faire compliqué ?

   Bidis   
26/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien
« Les promeneurs du vingt-et-unième siècle y passeront souvent le dimanche et même, s’y arrêteront pour pique-niquer. Mais à l’époque où nous sommes, on ne va pas dans les bois pour le plaisir » : je n’aime pas trop les légendes moyenâgeuses, mais je suis agréablement surprise par ce rappel, à savoir que l’on pique nique quelquefois sur des lieux légendaires...

« ... des sacrifices – espèce de barbecue de l’époque. » : humour facile et un peu lourd. Et le mot de « sacrifice » est trop beau, ce qu’il laisse à l’imagination d’évoquer aussi, pour que ce néologisme anglo-américain de « barbecue »ne vienne pas le percuter désagréablement (mais l'indignation m’a fait me ruer sur le dico qui indique un emprunt à l’espagnol d’origine indienne, quel chemin !...)

- « Muni d’un sac bien rempli de nourriture, dans lequel il a placé le pot de son invention, bien calé entre le pain et les biscuits pour ne pas risquer qu’il se casse. Une peau d’ours sur les épaules, cadeau d’un prétendant de sa fille Leona. » Et le verbe de la proposition principale dans tout ça ? Bien calé dans le sac aussi peut-être…

- « Il ne s’est même plus aperçu du froid ni des chemins rendus difficiles par la neige » : on s’aperçoit de quelque chose une fois pour toutes, après on continue ou non à le percevoir… J’aurais mis : « Il ne ressent même plus le froid, ni de la difficulté inhérente aux chemins… »

- « Il arrive avant la nuit. Il peut constater que les lutins n’ont pas mis de galet supplémentaire depuis le matin. » : je trouve « il arrive… il peut constater… un peu lourd. J’aurais préféré : « La nuit n’est pas encore quand il arrive et constate… »

- « Il dépose ses affaires dans son buisson, prend son précieux pot dans son sac. Il a un peu débordé, mais sans gravité. Il en reste suffisamment pour enduire la Pierre. Il se met de suite au travail et à l’aide d’une cuillère, étale la pâte là où les lutins sont montés ; puis le plus loin possible autour des cailloux qu’ils ont mis en place.
Après cela, il ne reste plus qu’à attendre » :
1) les possessifs sont toujours un peu lourd et ici, le deuxième et le troisième ne sont pas nécessaires à la compréhension du récit : « le buisson » et « le précieux pot » sont tout aussi valables et beaucoup plus légers.
2) Festival de « il(s) » qui se téléscopent ou du moins s’alourdissent les uns les autres « il dépose, il a débordé, il en reste, il se met, ils ont mis en place, il ne reste plus qu’à »… Du coup, tous ceux qui suivent me deviennent désagréables (Il est surpris,… Il n’ose pas... Il perçoit… Ils ne semblent pas… il fait clair. Il n’ose pas…. il reste du temps…).
Et ça ne s’arrange pas dans le paragraphe suivant :
« Pourquoi cela ne réussit-il jamais du premier coup ? Telesphore est obstiné. Il va essayer et essayer encore. Il prépare plusieurs potions qu’il teste simultanément pour gagner du temps. Il passe à la Pierre levée huit nuits, caché sous son buisson, emmitouflé dans sa peau d’ours. Il a vu la nature devenir rouge, jaune. Il a vu les lutins, avoir tous le visage de Merlin… Que diable ! Serait-ce encore un de ses mauvais tours ? »
J’ai compté 24 « il(s) » sur trois paragraphes !!! Du coup tous ceux du début du texte me paraissent lourds et inappropriés. Bien sûr, « il » en faut (Seigneur, mon propre « il » dans mon commentaire me sort par les oreilles, j’ai fait une overdose, c’est sûr !)

Je ne sais si l'auteur a tout inventé de cette légende, mais cette histoire m’a bien plu. Cependant, la morale me paraît un peu étrange : si le chien du voisin met quinze jours à faire un trou dans mon jardin et que je peux le reboucher en quelques minutes, cela n’enlève rien au désagrément de devoir vérifier régulièrement qu'il n'y a pas de nouveau trou, et chercher une pelle pour le reboucher… Mais le chien du voisin est peut-être tout à fait sympathique d'autre part. J'aurais donc trouvé plus joli et plus juste de faire un parallèle entre les avantages et les inconvénients de coexister avec les lutins, et de montrer qu'on ne peut pas prendre seulement le bon côté des gens, il faut en accepter aussi les inconvénients.

   colette   
27/3/2008
Merci Bidis pour ce commentaire très constructif. A la veille d'un concours toutes tes remarques vont me servir c'est sur! ;-). Merci d'y avoir consacré du temps.


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