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Humour/Détente
colette : Prosper et Nestor - 2. L'intelligence
 Publié le 06/04/08  -  3 commentaires  -  10102 caractères  -  16 lectures    Autres textes du même auteur

Prosper enquête sur les risques qu'il court en grandissant.


Prosper et Nestor - 2. L'intelligence


- Je viens de bavarder avec nos nouveaux voisins. Ils emménagent la semaine prochaine.

- Comment les as-tu trouvés ?

- Très sympathiques. Ils doivent avoir à peu près notre âge, ils ont deux filles de l’âge des garçons.

- Pfff ! Des filles ! C’est toujours à pleurnicher et à faire des manières.

- Florentin, je te promets qu’un jour tu changeras d’avis.

- Ça m’étonnerait !

- Et toi Prosper qu’en penses-tu ?

- Cela peut être une expérience intéressante, et digne d’intérêt. Si toutefois le monde adulte m’autorise à aller jusqu’au bout de l’expérimentation.

- Qu’appelles-tu aller jusqu’au bout ?

- Cela dépendra du sujet.

- Je peux t’assurer que si tu t’adresses à cette petite fille de cette manière, tu n’auras vite plus de « sujet » pour ton « expérimentation ». Pense qu’il s’agit d’un enfant comme toi et donc ne lui fais pas subir des choses que tu ne supportes pas toi-même.

- Dans ce cas, je pourrai aller loin dans mon expérience, parce que je trouve que j’en supporte beaucoup dans la vie.

- Ne viens pas jouer les enfants martyres en plus !

- Pas martyre, seulement incompris.

- Quittez tous la table !!!


- Bonjour !

- C’est toi notre nouvelle voisine ?

- Oui. Je m’appelle Clotilde et elle c’est Blandine.

- Moi, c’est Prosper et lui c’est Nestor.

- Je pense que nous sommes du même âge et que nous serons dans la même classe.

- Sans doute !

- Comment est l’institutrice ?

- Très bien ! Elle s’appelle mademoiselle Judith, elle est très compétente, et papa dit qu’elle a des arguments très convaincants.

- Quel genre d’arguments ?

- Je n’ai pas encore compris la subtilité de cette affirmation. Je sais juste que Maman n’a pas l’air d’accord avec lui et qu’elle fait la tête chaque fois qu’ils en parlent.

- C’est sans doute encore un de ces sujets que les adultes ressassent sans cesse, histoire d’exercer leur capacité à se quereller.

- Probablement. Nous nous verrons donc en classe dès demain matin. Je te souhaite le bonsoir.

- Je te remercie et te souhaite également une bonne nuit.


- Je t’ai vu bavarder avec la petite fille des voisins. Vous avez fait connaissance ?

- Oui. Elle s’appelle Clotilde. Elle sera dans ma classe.

- J’ai rencontré sa maman tout à l’heure. Elle a l’air très gentille. Je lui ai proposé que nous partions ensemble demain matin. Cela la rassurera : elle s’inquiète un peu pour ses filles.

- Clotilde m’a plutôt l’air à l’aise face à ce changement. Mais s’il y avait le moindre problème, elle peut bien sûr compter sur moi.

- Je le dirai à sa maman, elle sera certainement contente.


- Que penses-tu de Clotilde, Nestor ?

- Elle a l’air aussi intelligente que toi, et Blandine a l’air très sympathique aussi.

- Je pense que j’ai enfin trouvé quelqu’un qui sera à même de me comprendre et avec qui je vais pouvoir avoir des conversations intelligentes et constructives.

- Mais c’est une fille !

- Cela ne fera qu’ajouter de l’intérêt à nos discussions, d’avoir un point de vue féminin.

- Mais Florentin dit que…

- Florentin n’est qu’un ignorant doublé d’un égoïste : il ne voit que sa petite personne et ne montre aucun intérêt pour les choses du monde.

- Mais il est plus grand et plus fort !

- C’est juste une question de temps. Dans six ans je serai aussi grand et encore plus intelligent que maintenant.

- À moins qu’on ne perde son intelligence en grandissant.

- Cela serait dramatique, tragique. Il m’est impossible d’imaginer qu’un jour je perde mon intelligence.

- Pourtant regarde, de tous ceux qui sont plus grands, seule mademoiselle Judith est intelligente.

- J’y vois là la preuve qu’il est possible de rester intelligent une fois adulte. Le tout est de savoir comment. Je demanderai à Clotilde ce qu’elle en pense.


- Il m’a semblé que tu devais être une personne sensée. Et, ayant le même âge que moi, je me suis dit que tu devais certainement être confrontée aux mêmes réalités que moi.

- Il est effectivement probable que notre relation au monde en est au même stade de son développement. La différence fille-garçon n’étant pas encore très marquée à cette période de notre vie, nous appréhendons probablement les événements de façon similaire, tenant compte bien entendu de notre personnalité qui, elle, se dessine déjà.

- Bien entendu. J’aurais voulu discuter avec toi d’une question concernant notre développement.

- Oui ?

- Voilà le constat que je fais : mis à part mademoiselle Judith, toutes les personnes plus âgées que nous sont nettement moins intelligentes que nous.

- Effectivement, c’est un constat que je fais moi aussi.

- J’ai donc été pris d’un doute hier. Ne risquons-nous pas de perdre notre potentiel intellectuel en grandissant ?

- C’est effectivement une question grave à laquelle il faut que nous trouvions une réponse rapidement pour y remédier le cas échéant.

- Je propose que nous procédions de manière scientifique, en commençant par une observation approfondie des gens qui nous entourent.

- Il y a ton frère et ma sœur qui sont les plus proches de nous en âge et qui donc sont les plus proches modèles de ce que nous risquons de devenir.

- Cela me paraît tellement peu réaliste… Mais nous devons rester froids devant ces énormités afin de mener nos travaux à bien.

- Il y a nos parents, nos grands-parents, j’ai aussi des cousins qui me paraissent être intéressants à étudier.

- Mon frère a aussi des copains de son âge qui complèteront l’échantillon.

- Ce qu’il nous faudrait, c’est plus de spécimens tels que mademoiselle Judith.

- Cela risque d’être difficile. À moins que… Tante Stéphanie est quelqu’un de bien, mais je ne la vois pas souvent parce qu’elle vit dans un autre pays.

- Quand est prévue sa prochaine visite ?

- Je ne sais pas. Je demanderai à maman en rentrant tout à l’heure.

- De mon côté il y a Arthur. C’est un collègue de Papa qui vient souvent à la maison.

- Voilà déjà de quoi travailler quelques jours. Que devons-nous observer au juste ?

- Il faut noter ce qu’ils font et que nous ne faisons jamais. Après nous verrons.

- Oui, c’est une bonne idée. Alors à demain !

- À demain !


- Maman ?

- Oui Prosper !

- Qu’est-ce que tu fais ?

- Tu le vois, je prépare le souper : rôti de porc à la sauce moutarde, haricots princesse et purée. C’est un des menus que tu aimes, je crois.

- Oui, c’est mon préféré.

- Le rôti est gros, il en restera même un peu pour ton pique-nique de demain.

- Merci maman !

- Mais de rien mon chéri !

- Est-ce que tante Stéphanie viendra bientôt nous dire bonjour ?

- Il est prévu qu’elle vienne à Pâques.

- C’est dans combien de temps ?

- Dans trois semaines, et elle restera au moins dix jours.

- Chouette !

- Tu aimes bien tante Stéphanie ?

- Oui. Je la trouve… Intelligente.

- Intelligente ?

- Oui. Comme mademoiselle Judith.

- Ha, bon !



- Papa ?

- Oui Prosper !

- Qu’est-ce que tu fais ?

- Je vais agrandir l’enclos du lapin. Le pauvre est un peu à l’étroit il me semble.

- Il sera certainement content.

- Je pense en effet !

- Y aura-t-il de la place pour deux ?

- J’y pensais justement. Jeannot serait certainement content d’avoir un compagnon.

- Merci pour lui Papa !

- Mais… de rien !

- Tante Stéphanie vient chez nous bientôt. Moi je trouve qu’elle est aussi intelligente que mademoiselle Judith. Trouves-tu qu’elle a, elle aussi, des arguments très convaincants ?

- Heu… Sans doute !


- Florentin ?

- Qu’est-ce que tu veux ?

- Qu’est-ce que tu fais ?

- Mes devoirs tiens ! Qu’est-ce que tu crois ? On n’est pas des fainéants, nous !

- Comment se fait-il que, plus tu travailles, moins tu comprends les choses de la vie ?

- Je vais te faire voir moi, les choses de la vie ! Viens ici !

- Les garçons ça suffit ! Venez à table !

- Tu ne perds rien pour attendre morveux !


- Papa ?

- Oui Prosper ?

- Qu’est- ce que tu fais au juste toute la journée au travail ?

- Eh bien ! Je rencontre les clients, j’écoute ce qu’ils veulent ; ensuite, je fais des dessins pour leur montrer ce que je peux leur proposer. Quand ils ont choisi, je refais au net la meilleure affiche pour la donner à l’imprimeur.

- Moi aussi je sais dessiner. Crois-tu que je saurais faire ton travail ?

- Dans quelques années peut-être. Parce qu’il faut aussi savoir lire et écrire, pour les textes qu’il y a sur les affiches et pour les rapports qui accompagnent les projets. Il faut aussi savoir utiliser l’ordinateur. Ce sont toutes des choses que tu apprendras à l’école dès l’année prochaine.

- Je devrais donc devenir encore plus intelligent si j’apprends pleins de choses telles que celles-là.

- Je suis certain que tu seras quelqu’un de très intelligent.


- Tu as entendu Nestor ? Je vais devenir quelqu’un de très intelligent, c’est Papa qui l’a dit.

- J’ai entendu.

- Tu fais la tête ?

- Oui !

- Pourquoi ?

- Parce que moi je ne peux pas aller à l’école et donc je ne deviendrai jamais intelligent.

- Mais si ! Je t’apprendrai et tu feras mes devoirs avec moi.

- Ce ne sera pas la même chose !

- C’est quand même mieux que rien !


- Bonjour Clotilde !

- Bonjour Prosper !

- Tu as pu faire des observations intéressantes ?

- Oui. Et toi ?

- J’ai posé des questions.

- Et as-tu eu des réponses ?

- Non, j’ai encore plus de questions maintenant.

- Explique-moi.

- J’ai demandé aux grands ce qu’ils font. Ils font des tas de trucs que nous ne savons pas faire comme cuisiner, bricoler, lire et écrire…

- Moi je sais écrire les lettres de mon nom !

- Mais eux c’est des centaines et des milliers de lettres qu’ils savent lire et écrire. Ils savent des choses que nous ne savons pas. Et toi qu’as-tu observé ?

- À peu près la même chose que toi : non seulement ils font plein de choses que je ne sais pas faire mais qu’il ne me viendrait pas à l’idée de faire. Cela les occupe toute la journée. Mais surtout j’ai remarqué qu’il y a des choses que nous faisons et qu’eux ne font pas : jouer, regarder des dessins animés, avoir des discussions sérieuses comme celle que j’ai avec Blandine et toi avec Nestor.

- Tante Stéphanie arrive dans trois semaines. Nous en saurons peut-être plus. D’ici là il faut continuer.


 
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   nico84   
6/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est amusant ce décalage entre l'âge des héros et leur langage soutenu. J'attends la suite avec impatience pour découvrir la suite de leur enquête qui sera j'en suis certain, suivie de conclusions interessantes pour l'humanité.

Bravo colette !

   Ariumette   
7/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Assez surréaliste je trouve!! Etonnant! Je ne sais que dire... heureusement les enfants savent...
J'ai hate de lire les autres!

   Menvussa   
31/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ça me fait penser à une BD un petit bonhomme haut comme trois pommes mais très dégourdi. je me demande si ce n'est pas en rapport avec Snoopy.

C'est amusant de faire passer les adultes pour des demeurés avec une tête bien pleine mais peut-être pas le bon mode d'emploi.

Je vais lire la suite


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