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Concours : Hortithérapie [concours]
 Publié le 04/11/24  -  6 commentaires  -  5377 caractères  -  36 lectures    Autres textes du même auteur

Poirier en court métrage : remonter le fil, le film, pour apprécier la fin du début.


Hortithérapie [concours]


Ce texte est une participation au concours n° 36 : Des courts littéraires atypiques

(informations sur ce concours).



Un jardin partagé au pied d’un bouquet de tours HLM grises et lugubres qui contrastent avec les couleurs chamarrées des fleurs.


3. EXT. PARCELLE DE JARDIN – JOUR


JORIS, 16 ans, adossé à une brouette remplie d’outils, caresse pensivement des jonquilles à moitié fanées. Soudain, il vérifie d’un coup d’œil qu’il est seul et sort une lame de rasoir de la poche de son jean. Il la passe, à plat, sur la veine qui court à l’intérieur de son poignet. Joris scarifie alors son bras à petits coups secs, et, comme fasciné, regarde son sang couler.

Au loin, un bruit sourd retentit, comme une explosion. Joris, poing crispé, s’ébroue pour chasser ses pensées et s’empare d’une bêche dans la brouette. Il l’abat frénétiquement, au hasard. La terre vole autour de lui. Il s’acharne. Vite essoufflé et écarlate. Ses bras retombent, sans force, et lâchent la bêche. Elle choit sur un abricotier nain à moitié déraciné. Joris le fixe, hébété.

Puis il se penche et le redresse. Mais l’arbuste ne tient pas debout. Joris reprend la bêche et amasse de la terre. Il la tasse tout autour de la base du frêle tronc, jusqu’à ce qu’il soit de nouveau stable. Apaisé, Joris essuie alors délicatement les feuilles couvertes de poussière.


GISÈLE (OFF)

C’est un bon début.


Joris se retourne brusquement vers la voix. Une vieille femme au visage sculpté par le soleil et au corps modelé par le poids des ans le regarde, sereine.


GISÈLE

Faut soigner le reste maintenant.


Elle désigne sa manche poissée de sang. Joris cache brusquement son bras. Gêné, il regarde ses pieds. Gisèle lui prend le menton pour qu’il la regarde.


GISÈLE

T’as pas à avoir honte petit. T’es comme ces plantes, t’as juste besoin d’un peu d’aide pour pas pousser de traviole.


Joris hésite puis pose sa tête dans la main de la vieille femme.


2. EXT. PARCELLE DE JARDIN – MATIN


THÉO, 9 ans, les mains sur les oreilles et les yeux fermés très fort, se balance d’un pied sur l’autre. À ses côtés, deux jeunes adolescents se marrent.


ADO 1

Alors mongol, tu fais le pingouin ?


Les deux ricanent et imitent le cri d’une otarie en tapant dans leurs mains tout près du visage de Théo. Le petit ne se contente plus de se boucher les oreilles mais tape dessus de plus en plus fort en gémissant, effrayé.

Joris débarque dans le jardin et se jette sur les deux adolescents.


JORIS

(hurlant, furieux)

Foutez-lui la paix espèce d’ordures.


L’un d’eux tente de le repousser, Joris veut le gifler et n’y parvient pas mais le griffe au visage. La trace de ses ongles s’imprime en traînées rouges sur la peau de l’ado. Stupéfait, ce dernier porte la main à sa joue.


JORIS

Ça vous amuse d’emmerder un gosse qui peut pas se défendre ? Vous vous prenez pour des caïds, hein ?


ADO 2

T’es aussi guedin que ton frère toi !


Joris revient à la charge, l’ado le repousse brutalement et il tombe par terre dans un cri. Théo, voyant son frère bousculé, se dirige vers la barrière en bois de la parcelle et se tape la tête dessus à plusieurs reprises.


ADO 1

Merde, il est vraiment taré, on se tire.


Alors qu’ils s’enfuient, Joris se lève en catastrophe et rejoint Théo. Il le ceinture et lui répète en boucle.


JORIS

Calme-toi frérot, je suis là.


Théo oscille toujours d’avant en arrière, perdu en lui. Joris l’entraîne de force devant un massif de jonquilles juste écloses et l’agenouille à leur hauteur.


JORIS

Ouvre les yeux Théo, regarde les fleurs. Tu sens leur odeur ?


Théo ouvre un œil. Il se balance toujours mais fixe les fleurs. Joris en cueille une et caresse doucement son visage avec.

Peu à peu, les balancements de Théo s’espacent. Il dégage un bras de la prise de son frère et joue à faire bouger les jonquilles. Sous ses gestes, elles se balancent, comme lui quelques instants plus tôt. Joris le lâche avec précaution. Théo passe sa joue doucement sur une fleur et la renifle. Calmé, il la regarde de très près, ce qui le fait loucher. Un maigre sourire revient sur le visage de Joris.


1. EXT. PARCELLE DE JARDIN – SOIR


Une parcelle de jardin, vide. On entend au loin des cris, des sirènes de police, des bruits d’explosion. Dans le ciel, la fumée des grenades masque le soleil couchant. Soudain, une femme, soutenue par Joris, entre dans la parcelle. Elle gémit. Il la pose doucement à terre, inquiet. Elle s’allonge et ferme les yeux.


JORIS

Maman ? Dors pas steplé, je vais chercher de l’aide.


MÈRE DE JORIS

(le retenant par le bras)

C’est trop tard… Me laisse pas toute seule…


Elle frissonne, Joris la serre contre lui. Elle ébauche un sourire fatigué, tendre.


MÈRE DE JORIS

Mon tout petit… Tu t’occupes de Théo hein ? Il n’a plus que toi.


JORIS

Et moi j’ai qui ?


Elle désigne le jardin. Joris, soudain en colère, se lève, shoote dans un abricotier nain et le déracine à moitié.


JORIS

Voilà ce que j’en fais de ton putain de jardin.


Calmé, il se tourne vers sa mère. Elle ne bouge plus. Il se jette à terre près d’elle, prend sa main et la pose sur sa joue. La main retombe, sans vie. Joris se couche contre le corps de sa mère en position fœtale.


 
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   Robot   
14/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Grâce à l'écriture assez froide et sans fioritures les scènes qui nous sont exposées parviennent à susciter un malaise qui oblige le lecteur à ressentir et à vivre les courtes séquences rapportées ici.

Il y a de la tragédie dans ce récit mais sans lyrisme excessif.
On peut presque vivre celà comme représenté sur une scène théâtrale.

   Vilmon   
14/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J'ai bien aimé ce style scénario de pièce de théâtre, avec la ligne de temps à rebours. Il y a des réactions psychologiques post traumatiques intéressantes. C'est écrit avec simplicité, mais il y a une réflexion qui progresse chez le lecteur. Peut-être qu'il aurait été intéressant d'indiquer quel lien uni Gisèle et Joris.

   wancyrs   
15/10/2024
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Salut,

Dans ce genre de texte on y entre ou on n'y entre pas ; moi je suis resté au seuil. J'ai bien perçu le travail, l'envie de susciter quelque chose, mais j'aurais aimé avoir plus d'éléments... les personnages de Joris et Théo sont bien emmenés. Mais la mère qui sort de nulle part pour mourir dans les bras de son fils en lui demandant de prendre soin de son petit frère fait un peu trop cliché et manque d'originalité. Oui, on parle de bruit d'explosion, de fumée de grenade, de sirène de police : cela est-il suffisant pour nous renseigner ? Pour moi le tout aurait été crédible si peut-être Joris retourne le corps de sa maman pour trouver une grosse tâche de sang dans son dos par exemple...
Le texte en l'état, je ne peux l'apprécier...

Bonne chance pour le concours.

   Geigei   
15/10/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Ce pourrait être un scénario ramassé pour le concours "Hlm sur cour(t)"

Court ? Non

Littéraire ? Peu. Par essence, un scénario est très descriptif. Quoique.
1. Le lecteur doit comprendre que Joris tente de se suicider car il ne supporte pas la violence de la cité. Au tout début, du moins.
2. La phrase "t’as juste besoin d’un peu d’aide pour pas pousser de traviole." de la vieille GISÈLE serait la patte de l'auteur.e, pour donner du sens.
3. Théo, un jeune autiste, est harcelé. Joris le défend.
4. Mort de la mère de Joris, victime de la violence... ??

Atypique ? Oui, parce que la forme est celle d'un scénario pour un futur court-métrage. Mais cela n'est atypique que sur ce forum.

Une lecture fluide. Cinq personnages. La somme "suicide" + "problème psy" + "mort d'une mère dans les bras de son fils" = un récit misérabiliste dérangeant. Pas ému. Contrarié car perplexe quant à l'intention.

   Cox   
25/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Je dois dire que ce texte m'a un peu redonné foi dans l'intérêt du concours qui ne me semblait pas toujours évident. Proposer un script est judicieux puisqu'effectivement, Oniris aurait difficilement pu le publier dans ses catégories existantes (encore qu'en laboniris, bon...). Le concours propose donc ici une ouverture vers de nouvelles formes intéressantes, et en l'occurence un texte qui me plaît bien.

Les codes majeurs du format sont respectés (sans la mise en forme). On retrouve une neutralité de ton qui est caractéristique de ce médium puisque ça reste un document technique plutôt que littéraire. Je relève un bon équilibre entre répliques et lignes d'action, un usage parcimonieux des directives parenthèses. Pour ce que je peux en juger, je pense que ce n'est pas votre premier script?

Ce qui me plaît pour le concours c'est que ce n'est pas juste un machin mis sous forme de script pour rentrer dans les clous, mais que ça a bel et bien été pensé cinématographiquement; fond et forme sont en adéquation contrairement à nombre d'autres propositions qui se contentent d'apposer un artifice par-dessus un texte lambda. Les lignes d'action ne sont pas une narration déguisée. Les indications restent concrètes et visuelles (une caméra ne lit pas dans les pensées). Les contrastes de couleur sont réfléchis et soutiennent la symbolique. L'action est pensée pour la caméra (le sang qui coule du bras, la terre qui vole, la poussière sur les feuilles, typiquement le genre de trucs qui rendent bien à l'écran). On a même des indications d'éclairage. On sent que le blocking des scènes a déjà été anticipé, et comme dans beaucoup de bons scripts, j'arrive souvent à me représenter le résultat à l'écran (la scène finale par exemple, avec les deux corps allongés en position foetale, je vois bien un plan avec une caméra en god's eye view et un petit travelling arrière).
Bref c'est un bon texte où l'ecriture épouse sincèrement le format, pas juste pour rentrer dans les cases concours.

Et puis, il est intéressant en tant que court parce qu'il s'affranchit dans une certaine mesure de sa limite de caractères, en évoquant largement au-delà de ce qu'il raconte: une guerre suggérée en fond, des persos avec une complexité qu'on entrevoit à peine (scarification? Mère victime de la guerre civile? petit frère handicapé? l'importance thérapique du jardin?). Le lecteur est libre de donner plus d'ampleur imaginative au texte avec les éléments à sa disposition. On sent qu'il y a largement matière à plus.
Et c'est finalement ma seule critique, qui est une critique de la catégorie plutôt que du texte: j'aimerais bien qu'il y ait plus. L'auteur en a en réserve, c'est dommage de se limiter à ça. De plus, il faut reconnaître que le ton intimiste et la tragédie ne fonctionnent qu'à moitié quand on ne connaît pas les persos. L'emotion peut apparaître un peu forcée (je pense notamment à l; intervention de Gisèle qui ne fonctionne pas bien pour moi). Tout ça taperait bien plus fort dans un court-métrage de 30 minutes où on a le temps de comprendre et de s'attacher. Mais pas la place.

   Provencao   
5/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Où donc Hortithérapie pourrait-elle être de cette manière ? Dans la nouvelle et elle seule.
Tout se passe donc comme si cette nouvelle trouvait sa vérité dans cette espèce d’ombre, de sombre, la terre justement, qui reste toujours à côté du monde austère en ces tours HLM grises et lugubres .

En cette nouvelle poignante, ce scénario trouve sa vérité parce qu'à mon sens, c’est en elle qu’elle recouvre sa réalité authentique.


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