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Policier/Noir/Thriller
Cox : Chez les Solier
 Publié le 06/05/17  -  16 commentaires  -  16381 caractères  -  200 lectures    Autres textes du même auteur

Heu... ben voilà, ça se passe chez les Solier.

Je sais pas trop quoi vous dire d'autre. Mais je peux vous chanter un truc si vous voulez. Ma maman dit toujours que j'ai une très belle voix.

Non ? Bon.
Ben lisez du coup.


Chez les Solier


Elle est bien sordide, cette nuit que l’homme traîne derrière lui en descendant la rue pavée. Noire, elle se frotte aux vitres des maisons abandonnées au sommeil. Même le réverbère du bout de la rue, recroquevillé comme un vieillard, se laisse endormir sous ses caresses froides. Il grésille bien encore un peu mais on jurerait qu’il crache des éclats d’ombre plus volontiers que de lumière.

L’homme avance avec une démarche chaloupée. Il n’y a pas vraiment de mollesse dans ses pas, et pourtant, le tout est d’une étrange lenteur ; comme si la poix nocturne savait alourdir tout ce qui vit. Dans sa marche, il abandonne à l’air coupant de petits nuages blancs qui se perdent derrière lui.

Quand il arrive au fond de la rue, le lampadaire laisse échapper comme un petit cri de lumière. Le flash vient éclairer un lion de fonte trônant sur la vaste grille qui barre maintenant le chemin du marcheur. L’éclair est trop bref pour que l’homme ait le temps de distinguer aussi les deux faucons de pierre qui surmontent les gonds, mais il sait qu’ils sont là, fiers et grotesques. Ce n’est pas la première fois qu’il vient ici. Il connaît bien les lieux.

Du dos de la main, il caresse un instant le métal glacé qui protège l’entrée de la propriété des Solier. Le froid n’impose pas sa morsure à l’homme ; il lui lèche au contraire le revers des doigts comme un drôle de chien, tout maigre et cauteleux, mais bon envers son maître. C’est qu’ils sont tous les deux un peu loups.

L’homme sent naître un sourire bizarre au coin de ses lèvres. Il enfile ses gants et saisit les barreaux d’une poigne ferme.


Étienne l’a remarqué, ce type-là, depuis l’instant où il a quitté les lumières du boulevard pour se perdre dans la petite rue. Il l’a remarqué parce qu’il sait bien que personne ne passe par ce cul-de-sac. Les quelques maisons sur le côté sont pour la plupart inhabitables parce qu’il paraît qu’il y a trop d’amiante dedans. Les deux seules à être occupées aujourd’hui le sont par un gentil petit vieux, et une obscure nana (secrétaire, autant qu’Étienne s’en souvienne), qui ne sont pas accoutumés à sortir le soir.

Cet homme, il l’a remarqué aussi parce qu’il a entendu parler de lui. C’est même pour ça qu’il est là.

Étienne est l’homme à tout faire des Solier. Ça fait un peu passé de mode, « homme à tout faire », mais difficile de trouver une expression plus adaptée à sa situation. Ça fait près de cinq ans qu’il est embauché par la famille, d’abord par piston, puis par routine. Étienne n’a jamais beaucoup travaillé avant d’être pris (il avait alors vingt-trois ans), et il ne savait alors pas faire grand-chose. C’est pourquoi on lui faisait toucher un peu à tout, du jardinage à la garde des mômes. Étienne sait bien que si les Solier le gardent c’est essentiellement par pitié, et pour la satisfaction de faire leur bonne action. Il s’en fout, ceci dit, et il y a un moment que ça ne le dégoûte plus (si ça a jamais été le cas). Il n’aime pas beaucoup les bourges, mais les Solier ont fini par lui être sympathiques. À ce point que même quand ils l’ont licencié, il ne leur en a pas trop voulu. Toute la tribu était partie vivre pour un an et demi en Russie, à la suite de la mère qui y avait des affaires. Ils n’avaient donc plus besoin de ses services.

Seulement, il y a quelques jours, le petit vieux d’à côté a cru bon de prévenir M. Solier qu’il avait vu un type louche rôder autour de la propriété. Étienne peut tout à fait imaginer l’austère moustache du père qui se fige à l’annonce de cette nouvelle, outrée mais inflexible. La même moustache a bientôt, par l’intermédiaire du téléphone, martelé de grandes phrases inspiratrices sur le respect de l’héritage, le droit inaliénable de la propriété, le devoir de résistance face au terrorisme banlieusard, etc. La conclusion de ce soliloque était qu’Étienne était prié de retourner au plus vite à la maison pour y monter la garde, vérifier la présence de l’intrus, et y remédier avec l’aide de la police. Sans un rond en poche, Étienne n’a pas dit non.

Le nez presque collé au carreau pour mieux guetter, Étienne y fait palpiter et se résorber deux taches de buée, au rythme de sa respiration un peu saccadée. Ça fait comme un cœur humide qui lui bat en dehors de la poitrine.

On a dit à Étienne que le rôdeur a été aperçu à deux reprises, toujours vers trois heures du matin. Le petit vieux a pu le voir se diriger vers le manoir (qui est d’ailleurs le seul endroit où débouche la rue). Cependant, détails engloutis dans l’obscurité, il ne peut pas dire ce que le rôdeur allait y faire et s’il a même franchi les grilles.

Sans vraiment se décoller de la vitre, Étienne laisse ses yeux glisser en coin vers la pendule. Trois heures moins dix.

Ponctuel, le salaud.


On peut deviner le corps de l’homme qui se tend et se raidit sous son blouson alors qu’il se hisse à la force des bras vers le haut de la grille. Le corps se déplie, les membres trouvent prise avec précision. Arrivé en haut, le dos se plie, s’enroule presque autour du sommet. Les jambes basculent et bientôt l’intrus se reçoit lourdement de l’autre côté du portail.

Quelques pas dans le terrain conquis, et son regard se porte vers le ciel. La maigre clarté qui en tombe découpe dans sa silhouette une statue aux lignes pleines de brisures. Un unique nuage, fin comme un couteau, passe bien loin sous la lune gibbeuse, et le ciel est froid, froid comme les hommes le sont parfois. Quoique rien ne soit là pour les voiler, pas d’étoile ce soir. Ça lui donne une de ces gueules, à cette cour silencieuse…

De ce même pas ferme et lent à la fois, l’homme se met en marche en faisant crisser les petits cailloux de l’allée. Ils roulent sous ses pas, fourmis fuyantes et désordonnées, et viennent rendre sa démarche plus particulière encore. Il semble presque glisser par instants, naviguant sur ce minuscule océan de gravier. Sa façon d’avancer trahit qu’il est de ceux qui, en toute mer, en toute vie, sillonnent les flots, mais refusent de se laisser emporter par eux. Une bouffée de vent vient gonfler la voile de son blouson, comme un poumon tendu de rage et prêt à hurler un de ces cris qui ébranlent la Terre.

À l’endroit où l’allée se scinde en deux branches, l’homme prend à droite sans hésiter, bien qu’il puisse à peine voir le sol. S’il avait continué tout droit, le chemin l’aurait mené à l’entrée principale de la demeure. Mais le petit sentier qui se détache de la voie principale, et qui troue la haie d’honneur des graves sapins, le mènera aux jardins qui font tout le tour de la propriété. Quelques pas dans l’ombre des arbres, et l’ombre d’homme disparaît.


Quand Étienne a vu l’intrus se hisser par-dessus la grille, un horrible gargouillement l’a fait vibrer de tout entier de l’estomac à l’anus. À bien des égards, on peut connaître un homme à son ventre. Face au danger, par exemple ; il y a des ventres qui se tendent, avant tous les autres muscles, et qui sont parcourus par un souffle à la fois frais et ardent, furieux appel à la lutte. D’autres se liquéfient.

Étienne, les mains moites, fait un pas en arrière lorsqu’il perd l’homme de vue, se tourne vers un coin de la pièce, puis se retourne encore, se colle plus près du carreau, très près, mais en coin, pour ne pas être vu. Il ne sait plus très bien ce qu’il veut faire. Il a l’impression d’être enfermé dans une cage, avec un tigre et la nuit.

Il s’entend lâcher un petit gémissement. Il n’a pas envie de ça. Il ne veut rien avoir affaire avec cet inconnu, qui est un peu l’Inconnu. Il a peur du combat, mais plus encore de la traque qui le précède, ce lent jeu des ombres qu’il sent arriver.

Mais il a un travail à faire, et M. Solier le regarde presque, du haut de sa moustache. Alors, dans un réflexe idiot, il serre la matraque qui est sur la table et se dirige vers la grande porte, qu’il entrouvre pour s’y faufiler à petits pas rapides. Il sort en bravant la brise glacée, avec toute la fierté de sa trouille.


Qu’il n’ait pas simplement appelé la police comme il était censé le faire, cela s’explique sans doute par son ventre ; celui qui se liquéfie. Si l’idée l’avait frappé à cet instant, il aurait fait demi-tour à toute vitesse pour courir vers le téléphone. Ça lui a d’ailleurs traversé l’esprit ; c’est pour ça qu’il s’est retourné de la fenêtre. Mais alors la peur du fauve qu’il avait perdu des yeux était devenue trop pressante. Quand on a peur comme Étienne a peur en ce moment, on ne pense pas immédiatement à appeler à l’aide. On pense à l’autre, qui est là pour vous, et qui est tout près, et que vous ne pouvez pas laisser approcher encore. On pense à se débattre, on pense à se cacher. Mais comme le reste du monde n’existe plus, on ne pense pas à son aide. Quand à tout cela s’ajoute le sens du devoir (qui n’est, chez Étienne, qu’une autre forme de peur), les réactions deviennent étonnantes.


À pas de loup, dit-on, lorsque quelqu’un s’approche comme Étienne le fait. C’est pourtant réellement à trébuchements d’agneau qu’il suit la trace de l’individu. Il n’a eu aucun mal à le trouver ; celui-ci a sorti une lampe torche pour se repérer dans le jardin. L’homme lui tourne le dos, avançant sans hâte dans le gazon qui a remplacé les graviers sous ses pieds. La lumière de la lampe torche, mollement réfléchie par les alentours, cisèle sa silhouette d’une étrange façon. On ne saurait dire si c’est un halo de lumière, ou une fine couche d’ombre qui taille le contour flottant de l’intrus. Les tempes d’Étienne pulsent un bruit sourd et puissant.

Il se sent un peu con, parce qu’il ne sait pas bien ce qu’il fait là. Il a bien essayé de lever la voix pour interpeller l’autre (et ses doigts se sont blanchis en serrant la matraque quand il y a pensé), mais il sent bien que la voix lui manquera toujours. Alors il pense à la police. Il s’en veut d’être aussi idiot. Il se sent ridicule et soulagé, il s’apprête à faire demi-tour.


Mais soudain, il est stoppé net. L’intrus vient de s’arrêter, au beau milieu de la pelouse, à côté du gros massif de diascias roses. Pourquoi ? Étienne le sent bien, il le sent par son ventre ; l’autre l’a vu. Ou il l’a senti. Peu importe. C’est la lutte qui commence. Étonnamment, la tension semble retomber chez le jeune homme ; l’affrontement commence et l’heure de la peur est déjà passée. Il s’élance et, d’une voix encore vacillante, il lance en travers de la pelouse un « hé ! Vous, là ! ».

L’homme se retourne un instant avec sa lampe et pose son regard sur le gardien. À peine. Son blouson sous le vent lui fait de vastes ailes. Il y glisse la main et y attrape quelque chose. Étienne se met à courir. Il a juste le temps de voir une poignée surgir du blouson que, déjà, la matraque s’abat. Étienne sent la violence du coup qui remonte son bâton pour lui ébranler la main et le poignet. L’inconnu tombe tout net, presque liquide. Sa lampe heurte le sol et se fêle mais continue d’éclairer. Elle roule un peu et se braque presque sur la face de l’homme, révélant le filet de sang qui coule de son crâne au gazon. Il doit avoir cinquante ans, mais Étienne se l’est formulé différemment dans son esprit à nouveau paniqué. Il a plutôt pensé « il devait avoir cinquante ans ». Le sang coule toujours, et Étienne a l’impression qu’il l’emporte un peu plus dans ses flots à chaque seconde. Il a tué un homme.

C’est sans y penser vraiment qu’il dégage le blouson de l’homme pour révéler ce qu’il était sur le point d’y saisir. La chose roule à côté du corps. C’est un tout petit arrosoir, jaune canari. On dirait un de ces trucs pour les enfants qui jouent à faire comme les grands.

Un silence absolu dévore toute une minute pendant laquelle Étienne contemple l’objet dérisoire. Il ne comprend plus.

Il se pose très doucement sur ses genoux sans quitter des yeux le petit accessoire.


Cependant, il s’avère assez vite qu’il n’a tué personne. Le grognement de celui qui gît à son côté vient bientôt le soulager jusqu’à lui faire oublier sa peur. Le saisissant doucement par l’épaule, il la secoue précautionneusement en appelant d’une voix basse.

Les yeux clos se mettent à papilloter, puis s’ouvrent doucement. Les prunelles semblent perdues, désarçonnées, puis très vite elles balayent l’espace méthodiquement. Les paupières se resserrent, les pupilles rétrécissent, et l’homme retrouve son curieux regard qui se pose à peine sur vous, infiniment mélancolique et infiniment hautain.

La mâchoire s’ouvre, très doucement, et c’est d’une voix posée, claire, et on ne peut plus naturelle que le rôdeur demande :


– Je m’appelle David, et vous ?


Le gardien, éberlué, ouvre la bouche sans parvenir à en faire sortir un son articulé. À la deuxième tentative, il bredouille :


– De… De quoi ?

– Je dis « je m’appelle David ». Et je vous demande votre nom à vous.

– Heu… c’est Étienne, répond-il d’un air ahuri.


Puis reprenant un peu sa contenance :


– Mais vous vous foutez pas un peu de moi, là ? Vous faites quoi… ici ?


Le ton d’Étienne, soudain autoritaire, lui rappelle à lui-même le danger. Sa voix flanche un peu sur la fin de sa phrase, et il a ressaisi sa matraque sans même y faire attention. Son interlocuteur répond en se redressant :


– Je viens arroser les fleurs.


Silence.


– Pardon ?

– Je viens arroser les fleurs.


Silence.


– Pourquoi ?

– Parce que ce sont des diascias. Elles ont besoin de beaucoup d’eau, et personne ne s’en occupe.


Cette fois, le dénommé David n’attend pas l’interrogation du jeune homme, et enchaîne de lui-même :


– Je n’aime pas qu’on laisse les choses mourir, quand elles sont encore belles. La beauté appelle l’amour. Et l’amour appelle la vie. J’ai envie de croire que les fleurs ne se fanent que si l’on cesse de les aimer.


La simplicité avec laquelle tout cela a été dit montre que l’intrus est parfaitement convaincu de la logique de sa démonstration. Mais Étienne, ça commence à le gonfler sérieusement. Il reprend :


– Mais vous déconnez, là ? C’est quoi ces conneries ? Pourquoi vous prendriez tant de risques ? Pourquoi venir chez les gens comme ça ? Il y en a partout des fleurs, merde !

– Mais si je ne venais pas ici, qui donc les aimerait, ces fleurs-là ?


Étienne se tait un instant. Il regarde le massif et se rappelle de quand il l’arrosait quotidiennement. C’est vrai qu’ils avaient besoin de beaucoup d’eau. Et c’est vrai qu’ils devraient être crevés, depuis le temps qu’on les a abandonnés là.

Il ne comprend toujours pas.

L’homme, redressé sur un genou, essuie le sang sur son front et demande :


– Je peux les arroser ?

– Mais… Non… Vous ne pouvez pas. Enfin vous n’avez pas le droit. Je veux dire ; vous n’êtes pas… Vous n’êtes pas chez vous, là !

– Je vais les arroser. Ne bougez pas.


Alors Étienne ne bouge pas. Il regarde ce drôle de bonhomme se lever avec son petit arrosoir et aller chercher de l’eau au robinet qui est à quelques mètres. Il le regarde revenir pour désaltérer la terre, et puis retourner s’approvisionner. Il le regarde longtemps parce que l’homme doit faire beaucoup d’allers-retours, à cause de son accessoire qui ne peut même pas prendre un demi-litre. Quand il a fini son travail, il regarde Étienne, hoche la tête et lui sourit. Il le salue d’un geste et se met en marche sur l’allée d’où il est venu. Tout simplement. Le jeune gardien le suit du regard un court moment, sans trop savoir. L’homme lui tourne déjà le dos lorsqu’il lance :


– Votre arrosoir, monsieur : il est trop petit.


L’homme s’arrête. Il semble à Étienne qu’il peut voir la ligne de ses épaules sourire avec bienveillance. Alors cet inconnu se retourne, et répond d’une voix un peu différente :


– C’était ses fleurs préférées, vous savez. On en avait un petit pot sur la fenêtre. Elle les arrosait toujours avec cette petite chose ridicule. Et jaune.


L’homme sourit une nouvelle fois, mais ça a une autre allure. Il n’est plus infiniment hautain, mais sa mélancolie, elle, fait comme un halo diffus autour de son visage nu. Alors il tourne les talons.


En le voyant s’éloigner, Étienne n’arrive plus à retrouver ce qu’il y avait de fauve en lui. En regardant mieux, on dirait bien qu’il boite un peu, ce type, ce qui lui donne son étrange démarche.

Il ne trouve plus que son blouson lui fait des ailes puissantes.


Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’Étienne ne sait vraiment pas comment il va expliquer tout ce merdier à M. Solier…


 
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   Anonyme   
11/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une histoire vraiment prenante, je trouve, où vous savez ménager les effets d'une logique implacable et le retournement tout aussi logique... et en même temps décalé, qui ouvre sur un abîme de supposition, sans pourtant clore. Vous l'aurez compris : j'ai trouvé la construction vraiment habile.

Et l'écriture très bonne, ce qui ne gâte rien. J'adore absolument tout le début descriptif, avec ses pointes ironiques, cela jusqu'à
Ponctuel, le salaud.
Ensuite, j'ai le sentiment que cela dérape un peu, j'ai trouvé que par moments vous "chargiez" trop, notamment dans
le petit sentier qui se détache de la voie principale, et qui troue la haie d’honneur des graves sapins, le mènera aux jardins qui font tout le tour de la propriété
Trois relatives introduites par "qui" dans la même phrase, cela me fait sortir du flot qui jusqu'alors filait fluide...

Mais rien de grave, j'ai adoré l'histoire et le regard porté sur les différents personnages, tendrement railleur et juste ! Une mention pour les touches prosaïques correspondant aux réactions d'Etienne, elles apportent pour moi un contraste bienvenu dans le langage en général très soutenu.

   Tadiou   
9/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
(Lu et commenté en EL)

Remarque préliminaire : la phrase d’accroche, décalée, est très drôle et met l’eau à la bouche.

Des descriptions attachantes avec des objets qui sont personnifiés:

** « Noire, elle (la nuit) se frotte aux vitres des maisons abandonnées au sommeil. Même le réverbère du bout de la rue, recroquevillé comme un vieillard, se laisse endormir sous ses caresses froides. »

**«le lampadaire laisse échapper comme un petit cri de lumière »

La tension monte d’un cran : «C’est qu’ils sont tous les deux un peu loup.
L’homme sent naître un sourire bizarre au coin de ses lèvres. Il enfile ses gants et saisit les barreaux d’une poigne ferme. »

Le personnage d’Etienne est bien amené, progressivement.

L’intrusion du rôdeur dans la propriété est racontée de façon précise, lentement, avec des détails corporels qui permettent de la visualiser.

Belles analyses de la peur, du ventre, bref des pensées d’Etienne.

Et puis tout bascule brusquement. On tombe dans l’irréel, le farfelu, presque le burlesque, le romantique, peut-être une ancienne histoire d’amour : à la discrétion du (de la) lecteur (trice).

Très bel art du conte, et, en arrière-plan, en filigrane, considérations sur l’âme humaine.

Texte très riche à l’écriture délicieuse qui prend son temps et assoit posément les actes et les choses.

   Anonyme   
6/5/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Quelle écriture, belle, nuancée, emmenant en profondeur dans une histoire simple et pourtant intense par la façon dont vous posez et associez les mots : jeux de lumière ou de moustaches et bien d'autres...
L'histoire est d'abord déroulée dans le tempo interne de l'homme à l'arrosoir, puis vient la rencontre et l'inatendu: merci d'avoir osé cet inattendu là ! Dans un monde où l'attente est la montée en puissance du drame, du crime, vous avez opté pour une histoire tendre, d'amour sans doute.
"– Votre arrosoir, monsieur : il est trop petit."
Le lien entre les deux hommes s'est modifié: c'est très beau.
"comment il va expliquer tout ce merdier à M. Solier".
D'un tel merdier , j'ai respiré la vie, l'amour , le rituel de l'arrosage pour garder le lien avec la vie, l'amour ou pour survivre.
Il va trouver Etienne qui a su entrer en empathie avec l'intrus au petit l'arrosoir jaune, arrosoir qui fait penser à un arrosoir d'enfant et qui permet beaucoup de voyages et d'ainsi étirer le temps pour garder les fleurs de vie en vie...

Votre nouvelle est extrèmement belle, touchante...
MERCI.
Nadine

   Perle-Hingaud   
7/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Cox,
J'aime votre façon de raconter, avec rythme et humour, vos histoires. Celle-ci me plait davantage que les autres, peut-être parce que vous changez de genre en cours de route, que finalement une jolie poésie se dégage de ce récit ?
L'inventivité toute simple que l'on retrouve dans le titre, par exemple, dans vos mots, qui ne cherchent pas l'esbroufe, c'est chouette.
Et puis, ils sont vivants, vos personnages. Vous les aimez, je crois.
Bref, continuez, j'ai hâte de lire votre prochaine aventure.

   GillesP   
7/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dès le départ, j'ai été happé par votre écriture. Le premier paragraphe m'a enchanté (je le vois, ce réverbère "recroquevillé comme un vieillard" qui "crache des éclats d'ombre"). Ces petites trouvailles stylistiques se retrouvent à différents moments de votre nouvelles. Vous réussissez à éviter toute emphase, tout en donnant à votre style quelque chose de poétique et d'humoristique en même temps.
L'histoire, que l'on découvre par petites touches, m'a aussi plu.


Pour chipoter un peu, trois choses m'ont chiffonné:
- Je trouve le paragraphe suivant un peu maladroit:"Étienne est l’homme à tout faire des Solier. [...] Ça fait près de cinq ans qu’il est embauché par la famille, d’abord par piston, puis par routine. [...] Étienne sait bien que si les Solier le gardent c’est essentiellement par pitié, et pour la satisfaction de faire leur bonne action. [...] À ce point que même quand ils l’ont licencié, il ne leur en a pas trop voulu." Vous écrivez que c'est l'homme à tout faire depuis cinq ans, puis qu'il a été licencié. Le présent suggère pourtant qu'il est encore embauché, au moment où débute le récit, non? Certes, on comprend peu après qu'il a été licencié, puis à nouveau embauché, mais il n'empêche que la contradiction de ce paragraphe a gêné ma lecture.

- J'ai éprouvé le même sentiment à la lecture de ce paragraphe: "Qu’il n’ait pas simplement appelé la police comme il était censé le faire, cela s’explique sans doute par son ventre ; celui qui se liquéfie. Si l’idée l’avait frappé à cet instant, il aurait fait demi-tour à toute vitesse pour courir vers le téléphone. Ça lui a d’ailleurs traversé l’esprit ; c’est pour ça qu’il s’est retourné de la fenêtre. [...] Quand on a peur comme Étienne a peur en ce moment, on ne pense pas immédiatement à appeler à l’aide.": vous écrivez qu'il ne pense pas à appeler la police, mais que l'idée traverse quand même son esprit.

- Dans le paragraphe suivant, on a au début du mal à comprendre exactement qui fait quoi: "L’homme se retourne un instant avec sa lampe et pose son regard sur le gardien. À peine. Son blouson sous le vent lui fait de vastes ailes. Il y glisse la main et y attrape quelque chose. Étienne se met à courir. Il a juste le temps de voir une poignée surgir du blouson que, déjà, la matraque s’abat. Étienne sent la violence du coup qui remonte son bâton pour lui ébranler la main et le poignet": dans "Etienne sent la violence du coup", on peut avoir l'impression que c'est lui qui subit un coup.

Mis à part ces trois petits éléments de détail, votre nouvelle m'a enchanté.
Merci pour cette lecture.
GillesP

   vendularge   
8/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Cox,

J'aime beaucoup cette histoire et surtout son écriture dense qui crée une atmosphère très particulière, sombre, propice à l'installation rapide d'un récit ténu qui nous tient en éveil.
Il faut un talent certain pour mettre ainsi en scène une action de quelques minutes.

Un grand bravo
à vous lire
Vendularge

   plumette   
8/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Cox,
J'ai envie de qualifier cette nouvelle de "nouvelle d'athmosphère".
Avant l'entrée en scène d'Etienne, le lecteur est immédiatement hapé par cette nuit humide et cette silhouette chaloupée qui s'apprête à escalader la grille de la propriété.
Il y a une tension bien amenée et très prenante jusqu' au coup de matraque.
Je trouve que les digressions sur la peur du guetteur ( avec les différentes manières dont le ventre réagit à la peur sont un peu longues parfois ( ou répétitives).

La nouvelle perd de sa force à la fin avec cette histoire d'intrus qui vient arroser les fleurs.
Le dialogue ne me semble pas très crèdible. Quitte à faire du contraste, la nouvelle aurait alors pu se déployer dans un autre genre ( fantastique/merveilleux).

J'ai beaucoup apprécié l'écriture, je la trouve à la fois imagée et efficace.

Pour l'histoire, je reste un peu mitigée car mon emballement du début n'a pas pu durer jusqu'à la fin.

Plumette

   Cox   
10/5/2017

   widjet   
11/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà un texte qui mérite amplement ses plumes !
L'écriture est belle, élégante, terriblement imagée avec un savoureux mélange de raffinement et de familiarité.
Le suspense du début est d'une redoutable efficacité et le virage limite ubuesque est très réussi, démontrant le savoir-faire de l'auteur dans le domaine de l'absurde.

Belle démonstration sur le thème des apparences trompeuses, j'y ai vu plusieurs niveaux de lectures aussi avec cet homme énigmatique, cet arroseur en "mission" qui veille sur les choses de la vie à quelque chose de divin, d'angélique (l'image des ailes du blouson n'est pas anodine).

Beaucoup encore à dire mais je suis à l'extérieur et ne peut développer comme je le souhaiterais, que Cox me pardonne.

Un texte étonnant, poétique, visuel (je ne peux relever toutes les métaphores réussies) qui me pousse à lire les précédents d'autant que l'artiste sait manier plusieurs genres, poésies, comédies, thriller, SF...).

Respect littéraire !

W

   aldenor   
13/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L’idée de la nouvelle est originale et intéressante : montrer combien on peut se tromper dans l’interprétation du comportement d’autrui.
De la recherche et de la qualité dans l’écriture. Mais du moment que le sens du récit repose sur la perception qu’a Etienne du rodeur, je pense qu’il faudrait mettre toutes les descriptions dans son angle de vision.
Or je n’ai pas le sentiment que la marche de l’homme dans la rue reflète l’observation d’Etienne calfeutré derrière un carreau. Elle est trop précise.
Et ensuite il est dit : « On peut deviner le corps de l’homme qui se tend ... ». Ca devrait être Etienne et non pas l’impersonnel « on », qui devine cela...
Hormis ce détail, un très bon texte.

   mimosa   
16/5/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Merci pour cette nouvelle passionnante et étonnante de bout en bout; j'ai beaucoup aimé vos descriptions de la nuit, du lampadaire, des hommes...
Bref, je me suis régalée à la lire, et la fin est touchante d'humanité.
Par contre, soit je n'ai pas compris, soit je trouve décevant que ce soit la mère: mais sinon qui était cette "elle" qui arrosait les fleurs avec cet arrosoir, qui était-elle pour l'intrus? un mystère qui me vaudrait une réponse...
merci pour ce bon moment,
Mimosa

   Bidis   
6/6/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Cette nouvelle, qui s'est fourvoyée dans le genre policier, me fait penser à la chanson de Brel "Quand on n'a que l'amour"...
Un thème traité ici avec force, avec puissance.
Et quelle belle écriture !

   hersen   
9/6/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
La construction de l'histoire est son point fort, car le lecteur se fourvoie dans la première partie du récit.

Donc, c'est un excellent point. D'autant plus que la narration est très bonne, et que c'est imperceptiblement que l'auteur nous entraîne du policier annoncé en catégorie vers une histoire très touchante, qui laisse place à une émotion inattendue au début de l'histoire.

Surprendre le lecteur est une excellent chose, Cox, et vous le savez et savez le faire!

De plus, le texte est saupoudré d'humour.

Et puis, le petit arrosoir de plastique jaune, je suis fan :)

Merci de cette lecture,

hersen

   Anonyme   
12/6/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Cox,

Je ne cours pas spécialement derrière les nouvelles à chute. Une bonne ambiance bien vivante et bien rendue me comble déjà d'aise.

Ici, tout y est !

Votre chute est un amour de chute. Une du genre qu'on attend pas. Même si tout le long de ma lecture, je me doutais qu'une surprise, pas forcément mauvaise, guettait dans tout ce noir.

Certainement à cause de la poésie qu'il y a dans vos mots. Poésie et aussi une tendresse attachante sur toutes vos lignes. Comme cet adorable arrosoir jaune. Clou du spectacle.

Je ne reviendrais pas sur où vous avez péché. D'autres l'ont déjà fait, et ce ne sont que peccadilles.

N'ai-je pas compris qui était cette personne qui arrosait régulièrement les fleurs, ou bien est-ce une astuce pour que le mystère entretienne mieux votre nouvelle ?

Ne voulant pas spoiler l'histoire, je n'ai pas encore lu votre forum dédié.

Merci pour le partage.
Je vais vous suivre à la piste... petite coccinelle :))


Cat

   vb   
6/7/2017
 a aimé ce texte 
Pas
J'ai dû m'y reprendre plusieurs fois pour lire ce texte, son style ampoulé m'étant très indigeste. Pour émettre un avis avantageux je dirai que cette nouvelle m'a fait pensé à L'ombre du vent de Zafon (que je n'ai pas aimé non plus). La quantité de commentaires dithyrambiques m'a cependant convaincu qu'il fallait que j'y mette mon grain de sel et que, pour cela, il fallait que je lise ce texte jusqu'au bout. La fin ne m'a pas déçu : elle ressemblait au début. Donc voici mes commentaires, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles je n'ai pas aimé.

1) Comment un homme peut-il traîner une nuit derrière lui? Je trouve cette prose trop poétique et surtout ne cadrant pas avec Étienne qui est un personnage très réaliste avec des intérêts très terre à terre (pas du tout du genre Petit Prince). J'ai l'impression que le narrateur adopte le point de vue d'Étienne et que ce type d'image ne lui va pas.

2) "démarche chaloupée", "mollesse dans ses pas" pourtant "étrange lenteur". Tout ça pour dire qu'il marche lentement. C'est un peu fort de café! Et puis il marche lentement ou pas : le "pourtant" souligne une opposition mais une opposition entre quoi et quoi? Entre "lent" et "lent"?

3) "comme si la poix nocturne savait alourdir tout ce qui vit", cette image (très lourde à mon goût) est en contradiction avec "air coupant". Qu'est-ce que c'est? Est-ce qu'il fait froid? Ou est-ce qu'il fait lourd? Pour moi la poix est quelque chose de chaud et gluant (au moins mou) et pas vraiment coupant.

4) "il abandonne à l’air coupant de petits nuages blancs qui se perdent derrière lui" Fume-t'il? Est-ce un personnage magique comme le marchand de sable? la fée clochette? Les images s'entrechoquent et ne vont pas bien ensemble.

5) "un petit cri de lumière" : qu'est-ce que ça veut dire? La lumière ne crie pas. Ensuite on lit le mot "flash". Je pense à la presse, au paparazzi du temps de Tintin ou de Marylin Monroe mais pas à un petit cri de lumière qui me fait plutôt penser à un feu follet ou à une elfe.

6) "lion en fonte", "faucons de pierre", "fiers et grotesques". J'ai cru à ce moment là avoir compris. Il s'agit d'un palais néogothique, l'antre d'un monstre. Cela se confirme avec les mots "morsure" et "loup". Avec "un sourire bizarre au coin de ses lèvres", on sent le mystère du gendre romantisme noir. On imagine cet homme comme un genre de Freddy, de serviteur de Dracula. Je trouve que cela ne correspond pas à la fin qui est plutôt genre Petit prince amoureux d'une rose.

7) "C’est qu’ils sont tous les deux un peu loups." Le "Ils", ici, c'est l'homme et l'hiver. De mon humble avis, l'image est un peu lourde. Cet homme, finalement très doux, comment peut-on le comparer à un loup? Pourquoi comparer l'hiver à un loup? Ça me fait penser aux "Loups sont entrés dans Paris" et encore une fois ça ne cadre pas.

8) "L’homme se retourne un instant avec sa lampe et pose son regard sur le gardien. À peine. Son blouson sous le vent lui fait de vastes ailes. Il y glisse la main et y attrape quelque chose. Étienne se met à courir. Il a juste le temps de voir une poignée surgir du blouson que, déjà, la matraque s’abat. Étienne sent la violence du coup qui remonte son bâton pour lui ébranler la main et le poignet. L’inconnu tombe tout net, presque liquide."
Selon moi le le premier "Il" de l'extrait est "l'homme" et pas Étienne comme on le comprend plus tard (trop tard à mon avis). Jusqu'à "L’inconnu tombe tout net, presque liquide.", je n'avais pas compris que c'était Étienne qui frappait.
Pourquoi "liquide" pour moi c'est une pierre qui tombe d'un coup pas un liquide. Est-ce que l'inconnu se fluidifie? Cela corroborerait son aspect fantastique, magique. Mais non finalement on apprend que ce type est en fait assez normal (un peu cinglé mais pas trop en tous cas pas magique du tout).

9) La conclusion "comment il va expliquer tout ce merdier à M. Solier".
Quel merdier? L'homme n'a pas l'air de vouloir porter plainte? Le choix du mot merdier correspond bien à la voix intérieure d'Étienne mais pas tout au ton fantastique et poétique de la nouvelle.

Il y a beaucoup de remarques négatives que j'aimerais faire comme par exemple la surabondance de détails inutiles comme la référence à la Russie ou à la "résistance face au terrorisme banlieusard", mais comme j'aimerais conclure je terminerai ici mon exégèse.

En conclusion, il faudrait relire ce texte en éliminant les images qui se contredisent, qui inspirent des sentiments opposés (beaucoup élaguer!). Soit c'est un récit poétique soit c'est un thriller. "crache des éclats d’ombre plus volontiers que de lumière" ne va pas avec "horrible gargouillement l’a fait vibrer de tout entier de l’estomac à l’anus".

   moschen   
6/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai bien aimé l'atmosphère de cette nouvelle. De prime abord, j'ai pensé que la fin avait été bâclée. Cette histoire d'un arroseur qui arrose la nuit, ça me paraissait pas rationnel. Puis je me suis dit qu'avec son petit arrosoir jaune, ses ailes, son entêtement, ce ne pouvait être qu'un ange ou une fée.
Et j'ai pensé au manneken-pis puisque lui aussi personnifie le sens de l'humour.


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