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Science-fiction
Cox : Ulysse-412
 Publié le 10/04/17  -  14 commentaires  -  19896 caractères  -  132 lectures    Autres textes du même auteur

Je suis vraiment nul pour les résumés.
Mais lisez, c'est vraiment très, très bien, vous savez ?


Ulysse-412


Au rythme où il courait, Tom n’aurait pas trop su dire si c’était sa combinaison toute grinçante ou son genou qui devrait lâcher en premier. Il entendit un claquement net derrière lui et sentit quelques gravillons venir lui cingler le mollet. Apercevant l’abri d’un rocher, il déploya son large corps dans un saut de félin et roula derrière la grosse masse de pierre. Il prit un moment pour examiner son genou déglingué. La combinaison déchirée laissait voir une plaie qui en rajoutait des caisses. Le sang pissait de partout mais, remuant sa jambe, il jugea que ça ne devrait le gêner qu’à peine. Il parvint in extremis à se retenir de lancer pour lui-même un caricatural : « Juste une égratignure… »

Il se redressa en grimaçant quand même un peu, puis glissa prudemment la tête de côté pour voir les deux enfants de salauds qui lui étaient tombés sur le dos. Le grésillement furibard d’un laser qui cinglait la roche lui échauffa les joues jusque sous son masque respiratoire. Il se rabattit à l’abri. Il vérifia à nouveau à sa ceinture ; son flingue était en trois morceaux qui glinguelotaient dans son étui.

Putain… et tout ça à cause de ce con de Steve…



Steve, c’était un ami, un collègue de travail depuis neuf ans au sein du CEA (Comité d’Exploration Astrale). Ce qui le rendait si con en l’occurrence était sa mort probable. Non pas que la mort abrutisse notablement (encore que Tom soupçonnait que le résultat moyen d’un macchabée à un test de QI lui permette à peine de rejoindre les Forces Intergalactiques), mais surtout parce que maintenant, il fallait bien que Tom comprenne ce qui l’avait tué.



Un petit tube de métal roula à ses pieds, tout en ronronnements feutrés. Il comprendrait plus tard.

Il eut à peine le temps de shooter dans la boîte de conserve. Celle-ci explosa sans un bruit dans une gerbe de lumière éclatante qui répandait une chaleur d’enfer. Tom se rua dans la direction du brasier. Il sentit toute sa chair le piquer affreusement, comme si elle l’avertissait d’arrêter immédiatement ses conneries, s’il ne voulait pas qu’elle se fasse la malle comme un papier peint mal collé. Mais il continua de courir vers l’éclat lumineux, les paupières serrées à s’en faire péter les yeux. Quand la lumière décrut, il les desserra progressivement sans arrêter sa charge. Il vit comme prévu qu’il était quasiment sur le plus proche des deux enfoirés, qui ne s’attendait visiblement pas à voir une telle apparition surgir de la lumière. Les yeux écarquillés de l’enfoiré susdit se fermèrent bientôt sous le poing de Tom, lancé en pleine course. Quand il roula au sol, son petit camarade pointait déjà sa ligne de mire. Tom se plaqua lourdement au sol sur le corps de l’autre et évita un tir crachotant. Sa main cherchait fébrilement l’arme du premier, sans que ses yeux quittent le second. Il dut rouler pour éviter un second tir et put attraper l’arme au vol. Plaqué sur le ventre, il brandit le flingue en sentant un éclair de feu et de douleur lui roussir le dos en fondant sa combinaison. Mal de chien.

Son tir à lui troua le ventre de son poursuivant. Beau joueur, Tom lui accorda la première place dans l’échelle du mal de chien, pour cette fois.

Il se redressa et regarda autour de lui. Les déserts d’Ulysse-412, comme tous les autres, manquaient totalement d’imagination. Celui-ci n’étendait sur des kilomètres rien d’autre qu’une espèce de tapis de roche verdâtre. Mais ces deux guignols n’étaient pas sortis de nulle part. Il se mit en route vers la direction d’où il avait cru les voir arriver.



Steve c’était le brave gars. Le problème avec lui c’est qu’il était toujours pressé. Ceci dit, des pilotes comme lui, Tom n’en avait pas vu beaucoup dans sa vie. C’est toujours lui qu’on envoyait quand il y avait un champ d’astéroïdes chiant à traverser. Dernièrement, on l’avait envoyé faire quelques relevés sur Zénon-III. Un truc de routine, vraiment tranquille. Mais le problème avec Steve, c’est qu’il était toujours pressé. L’itinéraire, pour aller du QG à Zénon-III est classique, et on ne peut plus clair. Il faut passer par là, puis par là. Mais surtout pas par ici. Non, parce qu’ici, c’est une des zones interdites par le CEA, parce que classée dangereuse, parce que trop fortes radiations spatiales. Mais le problème avec Steve, vous savez ce que c’est, et il se trouve que ça va vraiment plus vite de passer par ici. En plus il n’était pas idiot cet imbécile ; il savait lire son détecteur quantique, et il avait très bien remarqué, comme beaucoup, qu’il n’y avait pas l’ombre d’une radiation dans cette foutue zone. Et Tom connaissait assez son ami pour être certain qu’il était passé par ce fameux endroit pour gagner du temps et faire chier le CEA.



Tom s’approchait. De rien en l’occurrence, puisqu’aucun lieu particulier ne ressortait à l’horizon, mais il sentait qu’il n’était pas loin. Il n’aurait pas su dire si c’était dû à cette tension palpable dans l’air ou peut-être à ce type apparu de nulle part, une centaine de mètres devant lui. Celui-ci (qui partageait sans doute une parenté avec les précédents puisqu’il était lui aussi, de toute évidence, un enfant de salaud) portait le sigle du CEA, étincelant de son bleu électrique. Il se mit à déblatérer conjointement une salve de hurlements et de petites balles de plomb parfaitement hostiles et rebutantes. Il tenait une de ces vieilles pétoires automatiques, qui avait de beaux restes pour son âge. Tom, dans une routine naissante, roula au sol et alla trouver l’abri d’un énorme rocher à côté de lui.

Ça devenait franchement lassant, et il commençait à en avoir marre. En plus il s’était refait mal au genou, et il avait envie de pisser. Prêtant l’oreille à la respiration saccadée de l’autre côté du caillou, il ouvrit la fermeture de sa combinaison après s’être retourné (on a sa pudeur), et se soulagea longuement. Le bruit du jet sur les pierres couvrait un peu la démarche morte de trouille de l’autre. Ça donnait quelques difficultés à estimer la position précise des pas, c’est pourquoi Tom consentit quand même à tourner la tête quand le pauvre type contourna le rocher, afin de pouvoir ajuster plus sûrement le tir qui lui transperça la poitrine. Il rengaina de part et d’autre, et se remit en route, vers le point mystère, en enjambant son visiteur qui convulsait en rougissant son masque de l’intérieur, par des crachats spasmodiques.



Après la disparition de Steve, Tom avait fait quelques recherches. En recoupant plusieurs données, il se rendit compte que son ami n’était pas le seul à avoir pris quelques vacances après être passé aux alentours de la zone interdite. Après moins d’une journée de recherche, il avait relevé la disparition de deux autres vaisseaux du CEA, au moins cinq cargos de commerce, et même un croiseur des Forces Intergalactiques. Alors peut-être que ce n’était pas des conneries, peut-être que la zone était vraiment trop dangereuse pour y naviguer, mais dans ce cas, pourquoi inventer cette histoire à la con de radiations ?

Il apprit que cette zone était un terrain de curiosité majeur dans les cercles d’explorateurs amateurs que la simple idée de l’illégalité émoustillait à la fureur. Beaucoup s’y étaient aventurés. Plus ou moins loin. D’ailleurs les seuls qui en étaient revenus étaient ceux qui avaient eu la bonne idée de ne pas trop s’avancer. La seule chose qu’on savait avec certitude, c’est qu’il y avait au cœur de cette zone une petite planète, baptisée Ulysse-412 pour des raisons qui relevaient sans doute plus de la pure imbécillité que de la numérotation organisée. Tous ceux qui étaient passés à côté étaient formels ; ce machin émettait de drôle de signaux qui vous affolaient une radio. Mais personne ne pouvait dire s’il y avait quelque chose sur Ulysse-412, puisque ne pas y foutre les pieds restait a priori la méthode la plus efficace pour revenir un jour.



Tom toucha enfin au but. Plus exactement, il s’éclata la gueule sur le but. Mentionnons pour sa défense que le but était invisible. Il se redressa, et tâcha d’examiner l’objet avec les sens qui lui restaient. Laissant glisser ses mains sur la paroi qui l’avait stoppé, il put se rendre compte qu’elle s’élançait au moins sur vingt mètres, et continuait encore. N’ayant pas rencontré de fenêtres pour l’instant, ni de porte, il supposa que ce devait être une espèce de muraille de sécurité.

Il avait entendu parler d’un nouveau bidule vaguement électromagnétique capable de tripoter les photons pour rendre un objet invisible. Mais pour avoir déployé ce joujou à l’échelle d’un bâtiment entier (et peut-être même plus ?), il fallait avoir un sacré truc à cacher.

Pour autant qu’il puisse en juger en la palpant, la surface de la paroi était plus lisse qu’une peau de mannequin. Tom y creusa quelques rides à coup de blaster laser. Il imprima des aspérités selon un chemin étudié sur deux, trois, puis quatre mètres de paroi avant que celle-ci ne daigne s’arrêter. Il cracha dans ses gants pour faire bonne mesure puis entreprit l’escalade.



Tom avait décidé de partir lui-même pour Ulysse-412, afin d’en avoir le cœur net. Il aimait beaucoup courir à une mort certaine. Ça l’occupait, et ça ne le tuait finalement pas bien souvent. Connaissant Steve, il s’était à coup sûr arrêté sur la planète en voyant le signal radio, et il n’y avait qu’en suivant ses traces qu’on pouvait savoir ce qui lui était arrivé. Tom eut tôt fait d’atteindre la zone interdite. Mais quand il avait entamé la manœuvre d’entrée dans l’atmosphère d’Ulysse-412, l’espace s’était purement et simplement embrasé. Des centaines de rayons jaillis soudain du sol s’étaient entrecroisés devant lui pour former sur sa trajectoire un quadrillage atrocement fin, au travers duquel aucun vaisseau n’aurait pu passer. Pas tout à fait assez fin cependant pour arrêter un homme déterminé. Il avait juste eu le temps de braquer son vaisseau, à en arracher le manche, de manière à ce que l’habitacle soit face au réseau de lumière mortelle. D’un coup de siège éjectable bien ajusté, il s’était propulsé dans un des minuscules interstices du réseau, pour déployer son parachute juste après avoir franchi la barrière. L’atterrissage fut rude, et l’accident lui coûta un vaisseau, son flingue et son genou.



L’ascension se révélait rude. C’était une sensation détestable que d’être suspendu à trois mètres du sol, avec rien que le vide sous les pieds, uniquement rattaché à des soutiens invisibles. Il lui fallut un moment pour atteindre le sommet, et il dut s’y reposer deux bonnes minutes, suant et haletant. Il ne se sentait pas tout à fait bien, coincé sur son bout de rien. Il sauta de l’autre côté, et la chute fut d’autant plus dure qu’il fut complètement sonné en plein vol par une véritable agression sensorielle.

Tout un univers de béton et d’acier venait de pousser autour de lui et de s’imprimer brusquement, rageusement sur sa rétine. Il eut l’impression qu’on lui transperçait les yeux. Il se reçut lamentablement au sol et eut à peine le temps d’écarter son masque pour vomir. Sa saloperie de genou le tenaillait comme si un chien enragé lui rongeait la jambe. Il se redressa, clopinant un peu.

Autour de lui s’étendait un complexe délirant, dédale de bâtiments à l’air sévère. Il ne pouvait que faiblement percevoir les odeurs au travers de son masque, pourtant il eut le nez bouffé par une odeur de produits chimiques à gerber. Sans trop savoir pourquoi, il se sentait mal. Anxieux, comme s’il pouvait sentir ce qui allait lui arriver, et qu’il n’aimait pas ce qu’il sentait.

Il ferma les yeux un instant, et sa large mâchoire se crispa. Puis il souffla longuement et ses épaules se relâchèrent. Il se mit en marche résolument, sans boiter.

Sa marche ne dura pas longtemps. Elle dut vite se changer en course quand il entendit le vrombissement de trois drones de surveillance. Merde. Il était grillé. Ces petits emmerdeurs à hélice commencèrent à le courser, se rapprochant à une vitesse inquiétante. C’était des XV-33 ; la bonne nouvelle c’est qu’ils étaient non létaux et conçus pour vous cueillir au contact, à coup de Taser. La mauvaise c’est qu’ils étaient recouverts d’un revêtement qui réfléchissait les tirs laser. Pas moyen de s’en débarrasser à coups de gâchette. Ils étaient à peine à 20 m derrière lui et il leur connaissait une vitesse de pointe flirtant avec les 200 km/h.

Mais Tom savait déjà ce qu’il avait à faire. Il avait repéré la cause de l’odeur dégueulasse qui flottait dans l’air ; une mare de déchets chimiques se trouvait sur sa gauche. Il courut comme un dératé dans sa direction, sans se retourner. Il aurait voulu ne tendre toute sa volonté que vers son but, que vers cette mare si proche, mais deux choses seulement occupaient son esprit : la plaie qui lui rongeait le genou jusqu’à la moelle, et le vrombissement horrible des trois drones. Ils n’étaient sans doute plus qu’à cinq mètres de lui, deux mètres, et la mare…

Il plongea. Tout grésillait, tout bourdonnait autour de lui. Il entendit les drones pénétrer lourdement dans l’eau à sa suite. Sa combinaison enflait en bulles étranges. Il pouvait à peine penser, tant son genou à vif le tourmentait dans le bain corrosif. Les pales des engins devant ses yeux moulinaient bizarrement dans le liquide visqueux. Un des bubons de sa combi éclata, et il sentit le liquide venir lui lécher la peau du bras avant d’y mordre à petites dents aiguës. Et ces putains de drones étaient en train de se stabiliser, visiblement intacts. Il battit des bras pour remonter, et concentra toute son énergie pour ne pas s’évanouir. Il réussit à s’extraire à toute vitesse, purement à la force des bras, et fut incapable du moindre mouvement supplémentaire, affalé à plat comme un phoque éventré.

Il était trop fatigué pour se désespérer de voir un des drones s’élever, tout fumant, hors du bain pestilentiel. La machine s’approcha, pesamment, solennellement, avec une certaine humanité dans sa réjouissance victorieuse. Il vit deux espèces de mâchoire luire d’un arc électrique à un mètre de lui, puis il y eut un bruit de métal craqué et le monstre s’effondra dans un plouf.

Tom s’affala de plus belle, et se mit à rire de bon cœur. Dans quelle merde il s’était encore fourré ?

Comme pour répondre à cette question, deux gardes du CEA accoururent, braquant leurs fusils sur lui. Tom eut un petit sourire. Il se vit dégainer son flingue avant même que ces guignols ne remarquent le mouvement de sa main. Il sentit le contact de son doigt qui pressait une fois, et deux, la gâchette, et imagina les corps s’effondrer. Il n’aurait eu aucune difficulté à abattre ces types.

Mais non. Se redressant lentement, il leva les mains en laissant son arme au sol. Les gardes lui gueulèrent de le suivre gentiment.

Il soupira intérieurement. Il avait gagné.



Quand il était parti pour Ulysse-412, à vrai dire, Tom savait qu’il n’en reviendrait sûrement pas, s’il la jouait à la loyale. Il s’était donc équipé d’un petit gadget qu’on trouvait dans la première boutique venue. C’était une petite caméra qui retransmettait en temps réel ce qu’elle filmait à un poste d’enregistrement. À l’autre bout de ce poste se tenait un autre collègue qui n’avait pas apprécié qu’on lui bute son Steve.



Ainsi, à l’instant même, bien à l’abri, il tenait la preuve des activités secrètes du CEA sur cette saloperie de planète. Il savait qu’avec cet atout de poids, il pourrait déclencher des négociations avec l’enfoiré en chef local. Son regard glissa sur la gauche alors que les gardes le menaient au bâtiment principal ; il y vit un tout beau GOLIATH-Z8, dernier modèle de vaisseau de combat. Il frissonna. Il n’aurait qu’à trouver un moyen de s’évader lorsque les négociations battraient leur plein et qu’une faille se ferait voir. Ça l’excitait d’avance.

On le fit franchir des portes, on l’emmena dans des couloirs de métal nu et glacé.

C’était curieux. Il avait gagné, il tenait sa preuve. L’aventure qui l’attendait encore pour filer sous le nez de ces salauds le réjouissait déjà. Et pourtant, il avait une drôle de sensation qui ne partait pas. Une angoisse de spectre, livide, sans corps. Ça ne lui ressemblait pas.

Il fut surpris de constater que les gardes ne l’emmenaient pas vers des cellules, mais vers une pièce en bout de couloir qui semblait être un bureau. Lorsque la porte s’ouvrit devant lui, il redoubla d’étonnement. La pièce était effectivement un bureau, poussiéreux, irréfutable, qui semblait décoré selon des goûts du millénaire dernier. Une moquette à motif s’enfonça doucement sous ses pieds, alors qu’il détaillait la pièce, son papier peint uni, son bureau en chêne, ses étagères croulant sous les bouquins, et puis surtout : son occupant, le docteur Ibarrart. Tom s’enquit :


– Putain, doc’, vous ici ? Il est quand même pas grand, ce monde, hein ?


Ibarrart eut une expression bizarre. Tom eut presque l’impression qu’il allait le gronder pour sa grossièreté.


– Assieds-toi, Tom, s’il te plaît, lui dit Ibarrart.


Tom prit place dans un des sièges face au bureau. Il se sentait un peu désarçonné et avait comme une petite migraine étrange.

Ibarrart soupira.


– Où es-tu ? demanda-t-il avec un sourire qui feignait la douceur.

– À vous de me le dire, doc… répondit Tom sans comprendre.

– Non, Tom, j’ai besoin que tu me le dises. Où es-tu ?

– Mais bordel, à quoi vous jouez ? gueula Tom. Je suis sur Ulysse-412, dans votre bon Dieu de repaire, et j’aimerais bien savoir à quoi rime ce jeu à la con !


Ibarrart soupira.


– Tom, tu sais que ce n’est pas vrai.


Tom baissa le front. D’une voix faible, grelottante, il laissa échapper :


– Vous êtes méchant.


Un long silence suivit. Tom commença à sangloter, doucement, en laissant échapper un petit gémissement, qui allait croissant à chaque soubresaut de ses épaules.


– Tu sais bien que non, Tom. Je veux t’aider.

– Vous êtes méchant ! hurla Tom. Pourquoi vous ne me laissez pas ? (Sa voix s’entrecoupait de pleurs.) Pourquoi vous ne me… laissez jamais ? Pourquoi…

– Parce que tu as encore frappé François, Tom.

– Mais je… voulais pas. Il était un méchant du… CEA.

– Je sais Tom. Ça ne me dérange pas que tu joues. Ça ne me dérange pas que les rais de lumière des fenêtres dans le hall soient une barrière de rayons. Ça ne me dérange pas que tu cries que des drones t’attaquent quand tu vois des abeilles. Ça ne me dérange même pas que tu plonges dans la fontaine tu sais, ni que tu dises des gros mots tout le temps pour faire comme un grand. Mais il faut faire attention aux autres, Tom.

– Ou… Oui.

– Et puis tu sais que tu ne peux pas faire semblant comme ça tout le temps. Tu sais que tu ne peux pas fuir dans la peau d’un de ces super-héros parfaits qui…

– Vous êtes MÉCHANT !


Tom avait hurlé de tout son souffle. Pourquoi est-ce qu’Ibarrart le lui répétait tout le temps ? Pourquoi est-ce qu’il fallait tout le temps qu’il l’empêche de jouer ? Pourquoi, est-ce que depuis son arrivée dans la résidence Ulysse (chambre 412), tout le monde lui rappelait toujours que maman était morte ?

Maman était morte.

Tom s’effondra en larmes. Hurlant à faire pitié, il vit le docteur venir s’agenouiller à côté de lui pour le réconforter. Mais il n’avait que sept ans, lui. Comment il pouvait avoir une maman morte ? On ne peut pas avoir une maman morte quand on n’a que sept ans.

Mais il avait un plan.



Quand le professeur Ibarrart l’invita à s’allonger dans son fauteuil, Tom savait déjà très clairement ce qu’il devait faire. Oh, certes, le professeur (non), l’enchanteur Ibarrart l’avait privé de son épée avant de l’inviter dans son donjon. Mais un vrai chevalier n’a pas besoin d’épée ; il laisserait croire au vieux magicien que tous ses sortilèges fonctionnaient sur lui. Et puis, quand le sorcier baisserait sa garde, il s’échapperait en un éclair sur le dos d’Ulysse, son fidèle destrier.

Tom sourit. Il se délectait d’avance.


 
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   Tadiou   
10/4/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
(Lu et commenté en EL)

Remarque préliminaire : « la phrase d’accroche » est excellente et se contredit elle-même, puisqu’elle conquiert le lecteur que je suis (et sans doute d’autres !!)

Ouh ! là là ! C’est riche, ça décoiffe et tout est enchevêtré !!! Une fausse plongée dans le Futur pour survivre comme on peut à cette horreur d’avoir sa maman morte alors qu’on n’a que 7 ans. Et ça arrive tout à la fin, quand le lecteur a bien palpité au gré des explorations de Tom.

Si ce lecteur croyait tranquillement qu’il était dans une cool histoire de SF, eh bien ! c’est raté.

C’est extrêmement bien raconté, à petites doses, des mots bien choisis, des phrases qui sonnent bien.

Ensuite il reste à se débrouiller pour interpréter ; on a un indice avec la chambre 412. Pour le reste : sauve-qui-peut !!! La fontaine, le mur, Steve, le docteur(non, l’enchanteur), le genou douloureux etc..etc…

C’est très amusant que, sur cette planète futuriste, Tom en soit réduit à avoir des actions banales comme sur notre bonne vieille Terre, avec des objets banals : je n’ai pas pu résister au plaisir d’en noter :

« shooter dans la boîte de conserve » (dans le Futur, on shoote.. et il y a des boîtes de conserve..)

« il continua de courir vers l’éclat lumineux » (dans le Futur, on court..)

« se fermèrent bientôt sous le poing de Tom, lancé en pleine course. »

« Tom se plaqua lourdement au sol sur le corps de l’autre »

« Il tenait une de ces vieilles pétoires automatiques » (dans le
Futur, ça existe. Peut-être une Kalachnikov ???)

« alla trouver l’abri d’un énorme rocher à côté de lui. » (dans le Futur, un rocher, ça sert toujours !!!!!)

« Une moquette à motif s’enfonça doucement sous ses pieds, alors qu’il détaillait la pièce, son papier peint uni, son bureau en chêne, ses étagères croulant sous les bouquins »(la moquette, le papier peint uni, ça existe toujours..)

Ces éléments apparaissent alors comme des indices indiquant qu’on est resté sur Terre, à notre époque, et qu’on est en plein rêve, éveillé ou non.

J’aime l’expression « bout de rien » dans : « Il ne se sentait pas tout à fait bien, coincé sur son bout de rien. »

« Une angoisse de spectre » : KESAKO ?

Très agréable à lire, avec plein de sourires intérieurs. Ça se
déguste….. Et j’en redemande.

   silvieta   
25/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Emue par l'incipit je me suis lancée dans l'aventure.

La première partie est riche en suspense, c'est un thriller exacerbé, on se dit que Tom, le héros de l'histoire, ne chôme jamais, toujours sur le qui vive à éviter la déflagration assassine. Le fil conducteur est Steve: qu'est il advenu de cet ami de Tom ? on poursuit avec intérêt dans le but de percer l'énigme. La fin de la première partie traîne tout de même un peu en longueur et je n'ai pas obtenu d'information précise sur le sort de Steve, ou alors j'ai loupé quelque chose...

Les quelques mots vulgaires semés en cours de narration ( "merde" "gueuler" "gueule"...) ne gênent qu'à peine puisque la narration est en focalisation interne c'est à dire vue à travers le héros. C'est là sa manière virile de s'exprimer.

Arrive la deuxième partie: coup de théâtre. On ne l'avait pas vue venir celle-là. Coup de génie ou dénouement artificiel ? Pas évident tout de même de se convaincre qu'un enfant de sept ans
s'exprime d'une manière aussi aboutie que dans la partie précédente du récit.

Le style est très acceptable dans l'ensemble à part quelques coquilles telles que "on le fit franchir des portes".

   Donaldo75   
26/3/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Je me suis fait avoir par le renversement de l'histoire, car jamais je n'aurais imaginé que ce soit un enfant qui joue. Ce qui est encore plus fort, c'est le second renversement, le passage au style fantasy dans le nouveau plan de Tom.

La narration est alerte; on imagine bien la scène, un peu comme dans la nouvelle d'Asimov intitulée "les courants de l'espace" où le personnage ne cesse de courir. Comme Tom, on ne sait pas ce que cache cette planète Ulysse-412 mais on a envie de savoir.

Le style va bien avec la narration; d'ailleurs, le procédé qui consiste à expliquer pourquoi Tom, un enfant de sept ans, raconte l'histoire de cette manière, évite les questions à deux balles du genre "c'est pas possible qu'un enfant s'exprime comme ça". Et puis, Ibarrart passant de docteur à enchanteur, cela donne une idée de l'imagination de Tom, et de l'auteur.

Bravo !

Merci pour la lecture, il est l'heure de se coucher, Tom !

Donaldo

   plumette   
10/4/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Cox,

Quand je vois SF, j'ai tendance à passer mon chemin. J'ai eu des difficultés à m'intéresser à cette aventure mais je n'ai pas lâché tant le style m'a semblé adéquat, collant à ces péripéties de combat entre agents spéciaux dont les rôles ne m'ont cependant pas paru très clairs.
j'ai beaucoup apprécié l'histoire de l'escalade du mur invisible, c'est ce qui m'a semblé le plus original dans cette succession d'épreuves qui m'évoquent certains jeux vidéos que j'ai pu voir entre les mains de pré ado accros.
quant à la mare de déchets chimiques, c'est resté très énigmatique...

le retournement final apporte une humanité à cet univers tellement froid.j'ai eu envie de relire la nouvelle avec cet éclairage pour savoir si chaque action du jeu était inspirée à Tom par quelque chose se trouvant dans le réel. C'est là que j'ai pu penser par exemple que la mare de déchets chimiques avait à voir avec l'odeur de l'hôpital.

au final, je salue la bonne idée de ce retournement, la qualité de l'écriture qui sert bien son sujet , mais toute la partie SF est un peu longue à mon goût!

Plumette

   Pouet   
10/4/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bjr,

C'est drôle, j'avais commenté en EL il y a quelques temps une nouvelle au thème similaire que j'avais bien apprécié et qui n'avait pas été publiée. Peut-être est-ce le même auteur?

Quoiqu'il en soit je n'ai pas encore vu venir le truc.

Un ton gentiment décalé de bout en bout, une certaine légèreté pour un sujet somme toute assez lourd.

J'ai lu sans ennui, c'est bien le principal.

Au plaisir.

   vendularge   
10/4/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonsoir Cox,

J'adore cette histoire, je me suis laissée transportée et tout en me disant, c'est vraiment bien écrit, j'attendais de savoir ce qui était arrivé à Steve..quel brio, quel sens de la narration!

Belle prestation, vraiment, bravo. Bon le commentaire est un peu court mais je viens de finir ma lecture et je suis encore dans les nuages

vendularge

   Anonyme   
10/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour ,

Eh oui, nécessaire classement en SF ! ;-) Bien joué ! Et c'est tant mieux !
Superbe écriture, quel rythme !
J'ai suivi Tom dans son aventure SF. La seule phrase qui m'avait étonnée "déploya son large corps dans un saut de félin..." Large corps et saut de félin, cela me paraissait bizarre visuellement pour cette action et pour certaines autres ensuite.
La chute est très dense émotionnellement, triste. Tom va repartir vers d'autres aventures, histoire de rendre l'insupportable supportable, question de survie... En tous cas, Tom ne semble pas être dans la psychose puisqu'il organise ses plans d'échappées belles en sachant que sa mère est morte. Je me rassure comme je peux, c'est qu'il attachant, votre petit Tom !

Pour ma part, je n'ai pas su localiser le procédé qui explique que Tom n'a que 7 ans. Il élabore une aventure SF très longue, complexe et cohérente, le niveau de langue, les enfants savent parfaitement jouer dessus, mais pour celui de Tom, ce serait plutôt 9 ou 10 ans, même si l'âge de 7 ans touche sans doute plus le lecteur du fait de la chute. C'est un point de cohérence, mais peut-être n'ai-je tout simplement pas vu le procédé évoqué dans un commentaire précédent.

Merci et bravo pour ce texte !
Nadine

   Bartik   
11/4/2017
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé le style fluide, ironique, familier et très nerveux dans l'action...pour une chute qui surprend un peu négativement, si je peux me permettre, à cause du trop jeune âge du narrateur qu'on voit mal s'exprimer ainsi...Mais bon il faut bien une chute à une nouvelle et elle est là: c'est le principal!

   Leverbal   
11/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle réussite cette vraie-fausse nouvelle de SF !
Le titre m'avait mis un peu sur la voie, avec une petite référence à Ulysse 31, mais n'a pas gâché mon plaisir.
Le niveau de langue ne m'a pas gêné, après coup ça m'a rappelé Spif le spationaute, dans Calvin et Hobbes.
En revanche, le gros coup de pathos à la fin est peut-être too much. Tous les enfants un peu désoeuvrés peuvent se créer ce genre d'univers, je pense qu'il n'y avait pas besoin d'aller aussi loin.
Petite question: un rapport entre Steve et la mère de Tom? Si oui, pour moi c'est assez flou.

   Anonyme   
12/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Epoustouflant, le retournement final ! On commence à comprendre lorsque Tom laisse tomber son premier « Vous êtes méchant », et je trouve que ce petit Tom a beaucoup, beaucoup d'imagination. Même si c'est le subconscient qui manœuvre pour fuir une réalité dramatique.

Bravo, pour ce récit au rythme palpitant. Votre écriture tient la route avec brio.

Habituellement, je n'aime pas ces films d'action où ça court tout le temps, avec des tirs qui fusent de partout et des héros sanguinolents, eux qui résistent coûte que coûte à des blessures qui auraient tué depuis longtemps le commun des mortels. Mais vous avez l'art de bien raconter, et j'ai lu comme je bois un verre de lait chaud, avec délectation.

Pour le plaisir, j'ai relevé (entre autres passages, tous aussi truculents), « le flingue en trois morceaux qui GLINGUELOTAIENT » et son joyeux néologisme, « l'enfoiré » qui aurait pu se passer de « susdit », et souri à « ça ne le tuait finalement pas bien souvent ».

Une nouvelle longue, riche et bien menée, où je ne me suis pas ennuyée un instant.

Merci, et à vous relire, Cox.


Cat

   hersen   
12/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai trouvé le temps un peu long dans la première partie de ma lecture. C'est très remuant, bien raconté, on se demande où on va. Mais pas trop grand-chose à se mettre sous la dent, au final.

Il faut arriver à la fin pour comprendre et là, j'avoue que j'ai été secouée de n'avoir rien compris avant ! Et j'oublie que j'ai trouvé un peu long le début !

Les refuges imaginaires de cet enfant qui cherche à échapper à sa douleur sont bien vus.

Et cette façon qu'à l'auteur, à la fin, de nous relancer une nouvelle aventure, avec les mêmes noms, est excellente.

l'enfant parle peut-être un peu trop bien de temps en temps, ce serait un peu mon reproche. Et c'est aussi la raison pour laquelle on ne se doute de rien avant d'arriver à la fin (enfin, pour moi en tout cas)

Merci de cette lecture,

hersen

   Anonyme   
12/4/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bon, c'est dit et redit, mais il y a quand même un sacré décalage entre les pensées du narrateur et son véritable âge. Il y en a que ça ne gêne pas, moi si, car je suis convaincu que la cohérence d'un récit c'est aussi sa force. Il y avait moyen de respecter un scénario identique avec des termes appropriés à la personnalité d'un enfant, sans pour autant en dénaturer le fond.
Alors évidemment, on tombe sur le cul : c'était donc un gosse ! La vérité c'est vous nous avez mené en bateau avec un procédé déloyal (sourire).
Ça reste agréable à lire, parfois un peu brouillon dans le déroulement des scènes d'action, cependant on ne s'ennuie pas. Pour conclure une idée vraiment intéressante, qui aurait été encore meilleure avec un souci d'harmoniser l'ensemble.

   Jean-Claude   
18/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Cox.
J'ai aimé l'idée, le ton, l'histoire et la chute, surtout la chute.
Un jeu avec la SF, entre autre.
Je trouve qu'on comprend bien l'usage du vocabulaire "grossier" grâce aux remarques du docteur mais ce vocabulaire est peut-être un peu trop élaboré, ou imagé, pour un enfant de 7 ans.
Dans le paragraphe commençant par "Steve c'était un brave gars", il y a deux "c'est" qui ne me paraissent pas appropriés.
Mais bon, je ne vais pas bouder mon plaisir.
A une prochaine lecture.

   Pepito   
3/8/2024
Bonjour Cox,

Forme : ça croustille sévère, mais vu le ton déconnade, rien de grave.

“genou qui devrait lâcher”... un allait me semblait aller mieux. ^^
“il déploya son large corps dans un saut de félin”...
« Juste une égratignure… » Haaa, Rambo laisse toujours quelques traces. ;=)
“pour voir les deux enfants”... observer
“glinguelotaient”... faut jamais hésiter à inventer ceux qui manquent. ^^
“papier peint mal collé” … tss, tss, + pistolet laser, on frise l'anachronisme, là.
“pointait déjà sa ligne de mire”... celle-là me rappelle un souvenir où les lignes de mire allait par paquets.
“Les déserts d’Ulysse-412, comme tous les autres, manquaient totalement d’imagination. “... ;=))))
“de petites balles de plomb”... tss, tss, la SF, c’est plus ce que c’était.
“ et alla trouver l’abri d’un énorme rocher à côté de lui.”... faut l’faire, vu que deux lignes plus haut le désert était tout plat. ^^
“Il rengaina de part et d’autre”... ;=)))
“dédale de bâtiments à l’air sévère”... j’essaie d’imaginer un bâtiment à l’air “clément”. ^^

Fond : j’adore la SF barrée, si en plus c’est drôle, parfait. Mais voilà, la chute à la Shutter Island rebat les cartes. Un gamin de sept ans sort du chapeau pour tenter de nous apitoyer sur son sort de p’tit n’enfant orphelin. Ouais, ouais… mais non, désolé.

A une autre fois sûrement. ^^


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