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Policier/Noir/Thriller
Cyberalx : Morceaux de Dieu
 Publié le 25/12/08  -  25 commentaires  -  5150 caractères  -  123 lectures    Autres textes du même auteur

Gordo se lève, baignant dans son jus de la veille, les fringues collantes, la gueule à l’envers.
Il va dans la salle de bain...
Le quotidien d'un paumé, quoi.


Morceaux de Dieu


Gordo se lève, baignant dans son jus de la veille, les fringues collantes, la gueule à l’envers.

Il va dans la salle de bain, soif.


Le teint blême, les yeux exorbités, il regarde cet autre lui dans le miroir, grande chose triste, recroquevillée, tremblante.


Il voudrait avoir envie de pleurer, être désolé pour lui, avoir envie de changer.

La phrase qui lui passe souvent dans la tête, c’est : « Si seulement… », mais il n’y a rien derrière, juste le son creux que fait la vie quand on a perdu l’inspiration…


Trouver.


Il ouvre l’eau et boit à même le robinet, frotte ses mains mouillées sur son visage.

La sueur froide qui lui colle à la peau en permanence se mêle à l’eau qui coule dans son cou, sur sa poitrine décharnée, sale sensation.


Il enfile sa veste en cuir, enjambe le chat oublié au milieu du salon et sort.

Dehors, les gens continuent à être des gens, ils marchent droit vers leur travail, leur maison, leur avenir, quelques-uns sourient, d’autres le regardent avec un air désapprobateur lorsqu’il passe par mégarde dans leur champ de vision, il hausse les épaules pour s’excuser d’être là, au milieu de tout.


Inutile.


Il fait encore jour, c’est ce moment qu’il déteste : lorsque chaque parcelle du monde est exposée au jour, la lumière crue, indiscrète dévoilant au monde qui est qui, qui fait quoi, qui va où…


Les ruelles sales, c’est là qu’il doit aller, là où les gens ont peur de s’aventurer.

Auprès des siens.


Il croise Sato, 17 ans, junkie assumé, punk de bonne famille, bien habillé, un peu gras, même.

Sato ne le voit pas, il a les yeux fermés.


Assis au milieu de l’échec architectural urbain, recouvert de crasse, la bouche ouverte, se tenant le bras, l’adolescent aux cheveux hérissés de pics pousse un gémissement de plaisir et de souffrance mêlés.


Trouvé.


- Sato, comment ça va, mec ?

- Aaaah… j’y suis, mon pote, je suis là où il faut être, tu piges ?

- Complet, mec, nous, on sait ce qu’il faut savoir.

- Tu l’as dit… Je… Putain, j’ai vu un morceau de Dieu.

- La classe, vraiment, je suis trop content pour toi, tu peux me dépanner ?

- Oh, non mec, désolé, je suis à plat, je viens de m’envoyer mes derniers grammes.

- T’es sûr ? Parce que d’habitude, t’es plutôt verni, toi, juste un fix, je te demande pas plus.


Sato entrouvre ses yeux, le regard perdu dans le vague, il lance :


- Fous le camp, mec, laisse-moi triper tranquille.

- Ok, je me barre, file-moi de quoi me faire un fix et je m’en vais.

- J’ai rien, je t’ai dit ! Fous-moi la paix, putain ! T’es en train de tout bousiller…

- Et si je te fouille ?

- Tu me fouilles pas, tu dégages, laisse-moi bander, quoi ! Trouve-toi des potes !

- Tant pis pour toi.

- Ouais, c’est ça, bouge…


Gordo fouille dans sa poche et sort son couteau.

Il se penche doucement vers Sato, lui colle la lame contre la gorge.


- Donne-moi ce que t’as ou je te tue.

- Non, je préfère crever

- D’accord.


Gordo opère un mouvement latéral avec le couteau, il tranche l’artère et un jet de sang noir, épais, vient lui arroser la gueule, des gouttelettes tombent de son menton mal rasé, percutant le sol, pluie vermeille.


Les yeux du jeune homme s’éteignent, il murmure incrédule, dans un dernier souffle :


- Je le crois pas, ça, il me bute cet enculé…


Dommage, pense Gordo, Sato est sympa…

Il fouille dans les poches du jeune punk, trouve de quoi se faire au moins 10 fix, une petite gourde de jus de citron, une cuiller, une liasse de pognon… le pied, mec.


Assis à côté du cadavre, il retire son blouson, retrousse sa manche.

Il prend l’élastique, le noue autour de l’ombre de son biceps.

Délicatement, il retire la seringue du bras de ce qui était Sato.

Allumant son zippo, il fait chauffer le mélange et fait sucer l’aiguille.

Ses veines, dures comme du carton ne se laissent plus prendre comme avant, mais il y a toujours un endroit tendre, un bout de veine rose et accueillant pour l’aiguille salvatrice.


Tire un peu et pousse, le rituel.


Chaque once du liquide encore tiède pénètre voluptueusement son réseau sanguin.

Il l’imagine, voyageant dans un système complexe de tunnels en chair pour arriver à son cœur, refluant dans sa cervelle, bousculant au passage toute la merde réelle qui traîne.


Les étoiles naissent dans des couleurs imaginaires, la vie se montre, timidement, le laissant exister un peu.


Un peu de bave lui coule sur le menton, il laisse couler, cherche à voir des morceaux de Dieu, lui aussi…


Des morceaux de Dieu… Sacré putain de poète, ce Sato !

Gordo aime bien Sato, il lui rendra les doses quand il aura plus de blé.

Quand il ira mieux.

Parce qu’il faudrait qu’il arrête, un jour…


Il sort de la ruelle, la nuit recouvre doucement le monde, voilant un peu plus les réalités de chacun, laissant des espérances pour demain, distillant ses peut-être.


Une femme le regarde en hurlant, il lui fait un sourire.

Un flic, arrivé de nulle part le plaque au sol, lui colle son flingue sur la tempe.

Gordo regarde l’œil neutre de la lune, écrasé par la masse du représentant de la loi.


Il rit.

Des morceaux de Dieu, putain, ce Sato, il est trop fort…



 
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   Anonyme   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Arf... Quel mauvais trip... Noir de noir, une histoire sale au possible. Une écriture super vive, traits au scalpel, réalités troubles. Remarquablement écrite cette nouvelle hyper courte.
Bravo pour cette écriture vivante... d'une réalité qui ne l'est pas moins... Magnifique bousculade.

   Anonyme   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Même si on a l'impression d'avoir déjà lu ce genre d'histoire, le style percutant et incisif, agrémenté de quelques passages poétiques fait toute la différence.
J'aime beaucoup.

   Claude   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Des mots précis, des phrases ciselées, c'est tellement bien que... c'est terrible ! Bravo.

   clementine   
25/12/2008
Rare à présent que je laisse un commentaire, mais l...
Terrible, horrible, incisif, criant de vérité.
Tellement vrai hélas!
Je connais...non pas directement, mais de très près quand même. Et je trouve que ton récit ressemble à la fois à un fait divers atroce et "banal".
A un poème, à la vie. Il est un constat,il est la condamnation, il est peut-être aussi le pardon.
J'aime énormément ton écriture. Belle, efficace, photographique.
PS: Excellent titre!

   widjet   
3/3/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Hé merde...Je viens de lire un bien joli comm de Cyb sur mon dernier texte, alors j'étais armé des meilleures intentions...Et puis, j'attendais de pied ferme ce texte qui marque le retour de l'auteur après deux moins d'abstinence ( Le Nouveau ).

Non, pas que ces "morceaux de Dieu" ne soient pas de qualité, mais, je suis déçu. Certes, les mots sont forts, bien choisis et le style est nerveux, sec, tranchant. Le climat, sombre, crasseux est pas mal rendu...Et puis ça sonne vrai, réaliste, quoi ! Et puis ce désespoir et la mort qui rôde en invitée...

Alors quoi, pourquoi j'accroche pas ? Sais pas.

J'étais pas dans "le trip", c'est tout. Je tacherais de la relire, plus tard.

Désolé Cyb, mon évaluation est totalement accessoire :-(

Widjet
(confus)

EDIT : relecture le 3/3/2009

   victhis0   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
du beau boulot ça ! une très jolie écriture, une histoire sordide et vachement plausible...Une immersion complète dans ce monde improbable...Trop fort Cyb.
Dis, au fait, jamais tu écris des trucs moins sordides ???

   Anonyme   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Ah, ça fait du bien un petit texte de Cyb le jour de NOël ;-)

Bien glauque, bien court, bien tourné, bien ironique, bien sarcastique, bien comme j'aime!

Non seulement tu places bien l'ambiance dès les premières lignes, mais la fin est bien plantée (sans jeu de mots) et on y croit.
Le passage à la fin où le junkie dit qu'il va lui rendre les fix à Sato... ah! du grand art!

Je ne le dis pas souvent, faut qu'un texte soit cohérent...voilà qui dit tout.
On y croit, on aimerait ne pas y croire, mais on sait que c'est comme ça parfois...

Bref, juste un bémol sur le dialogue, trop argotique à mon gout, mais je chipotte, je chipotte...

   xuanvincent   
26/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Beaucoup de commentaires pertinents ont déjà été écrits.

Cyberalx dans ce récit réintroduit le thème de Dieu, avec la simple différence qu'on parle cette fois de lui sans le voir.

Cette nouvelle ne correspond pas vraiment au genre de textes que j'apprécie lire habituellement mais je reconnais que le texte est alerte, incisif et me paraît assez bien écrit.

   aldenor   
26/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Où veut en venir l’auteur ? La poésie des paradis artificiels ? Le drame de la drogue ? Ni l’un ni l’autre, juste l’absurdité de la vie ? Je n’ai pas su trancher. Je le reproche à l’auteur !
J’ai relevé quelques passages que j’ai aimé/ pas aimé :
« […] juste le son creux que fait la vie quand on a perdu l’inspiration… » : Jolie phrase, mais « l’inspiration » me semble un mauvais choix.
« […] les gens continuent à être des gens » : Pas finaud…
« Il fait encore jour, c’est ce moment qu’il déteste… » Qualifier le jour de « moment » ne va pas. Par contre j’aime bien la suite de la phrase « la lumière crue, indiscrète dévoilant au monde qui est qui, qui fait quoi, qui va où… »
« […] bousculant au passage toute la merde réelle qui traîne. » Ici, c’est « réelle » qui me dérange. Et dont on pouvait je crois se dispenser.
« Morceaux de Dieu » : Belle image, qui a apparemment motivé le texte et le mérite bien.
« Les étoiles naissent dans des couleurs imaginaires, la vie se montre, timidement, le laissant exister un peu. » Timidement, d’accord, mais tout de même il est dit que la vie, la vraie vie donc, se montre sous l’effet de la drogue.
En somme, je trouve quelque confusion dans ce texte, je ne suis pas sûr que tous les mots soient bien pesés, mais sûrement des qualités et de « l’inspiration ».

   Anonyme   
27/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
J'avoue, c'est pas mon genre. Mais. Une bonne écriture, une belle rapidité d'action, on se croirait dans une BD, c'est un compliment, c'est visuel et bien campé. Trop rouge trop noir pour moi, en même temps ça le fait dans le genre réaliste.

   Anonyme   
27/12/2008
Sobre et efficace. Lecture aisée.
La scène est bien dessinée.

   Anonyme   
27/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime beaucoup ce style qui sert avec bonheur une histoire noire. Sobrement racontée
bravo

   Jedediah   
27/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est une histoire sale, vive et cruelle, qui prend réellement aux tripes.
L'univers des junkies est ici dépeint avec réalisme, ces lunatiques à la recherche de drogue, de "morceaux de Dieu" nous mettent très bien dans l'ambiance.

Bravo !

   Nobello   
27/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très bien écrit, avec un style affirmé, et j'en ai aimé jusqu'à ce que certains tiennent pour des maladresses (commentaires précédents) : je suis absolument convaincu que tout ici est voulu, et sert l'esprit que l'auteur voulait pour ce texte.
Partant de là, ne restait que le plaisir de lire. Merci.

   Anonyme   
31/12/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai douté, ne connaissant pas le milieu de la drogue dite "dure", de la véracité du texte, mais je me suis laissé prendre par la suite... je suis impressionné et goûte ce texte... avec plaisir.

   Flupke   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ayant lu récemment un livre par une SDF qui s'en est sortie, je trouve cette nouvelle très réaliste.
J'ai bien aimé l'ironie de la chute.

   Welthes   
9/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte dur, réaliste et choquant.
Superbe.

   dekado   
22/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Histoire interessante et frappante, le genre qu'on n'oublie pas. Je ne me suis pas laissé emporter malgré tout mais c'est parce que j'ai résisté.

   Nongag   
28/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très bon. Pas grand chose à rajouter aux commentaires généraux. Efficace, précis, excellent rythme. Une histoire qui joue sur un thème connu mais rarement aussi bien rendue.

   Anonyme   
16/2/2009
Je viens de lire "Une bonne fille" alors avec "Morceaux de Dieu" j'ai un peu peur de la chute et de l'histoire.
Bien écrit, ai buté sur une phrase un peu trop longue mais dans l'ensemble, je n'ai pas accroché.

   Menvussa   
12/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est tout bon, coup d'œil rapide mais efficace sur un monde parallèle complètement déjanté. Un monde fait de sordide et de rêve en seringue.

j'ai bien aimé ce chat oublié au milieu du salon.

Et puis : "dehors les gens continuent à être des gens"

   colibam   
10/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Extra !
Le ton, le style incisif, l'acidité des mots, la réalité mortelle et déconnectée du junkie, en croisade pour quelques grammes de poudre virtuelle.
ça m'a rappelé un pote tombé dans la marmite et qui est allé depuis visiter le pays du Grand magicien Over d'Oz.

   liryc   
10/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bravo pour ces phrases courtes qui vont droit au but sans détour
ou effets inutiles. Ce qui m'a permis de savourer ce morceau qui sonne vrai.

   leon   
29/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Super bien écrit et trop bonne chûte : "trop fort le sato"

   Bidis   
12/10/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le personnage m'a fait un "flash" dès le début, en tout cas j'ai eu l'impression de le VOIR. Et donc envie de le suivre...
Et la chute m'est restée dans l'esprit parce que, sans avoir l'air d'y toucher, elle démontre l'inconscience fondamentale qui à la fois mène au monde de la drogue et à la fois en découle.

A propos du mot "monde", il fait répétition ici : "lorsque chaque parcelle du monde est exposée au jour, la lumière crue, indiscrète dévoilant au monde qui est qui, qui fait quoi, qui va
où…"
Et, si je puis me permettre : j'aurais préféré "l'eau qui lui coule dans le cou" au lieu de "l'eau qui coule dans son cou", question de faire plus "liquide".


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