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Jemabi
14/8/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Un texte d'une grande richesse et, comme tous les textes profonds, il se prête à diverses interprétations. J'y vois pour ma part le livre d'une vie dont on remonte le cours à sens inverse, un voyage de la vieillesse à l'enfance provoqué par ce monstrueux accident de train dont aucun détail ne nous est épargné et qui provoque sans doute la mort du héros. Mais en écrivant ces lignes, je me dis que d'autres interprétations sont bien sûr possibles, comme celle d'un gamin rêvant sa vie au travers d'un livre d'images. Au final, le mystère reste entier, et ça, ça me plaît. Quant à l'écriture, elle est à l'image du reste, riche et profonde.
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jeanphi
24/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
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Bonjour,
J'aime beaucoup cette histoire, tout est fort bien décrit, le recule pris dans les descriptions traduit fort bien l'état de choc et le traumatisme, dont on finirait presque par douter de la véracité vu la confusion croissante du narrateur. En vous lisant, je me dis que vous traduisez fort bien ce qu'un état de confusion est pour son sujet, il semble sûr de lui, conscient de la nature délirante de son comportement, et pourtant tout à fait maître de ses moyens, il persiste. Vous emportez le lecteur, malgré l'horreur de l'accident et de la tristesse des séquelles, j'ai passé un moment agréable en vous lisant. |
Catelena
30/8/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
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J'applaudis vivement ce ''Sens du voyage'' propice à la mise plein les mirettes de mots chics et choc.
La première partie donne lieu à une époustouflante description du chaos qui a suivi l'accident ferroviaire. C'est vivant et palpitant à souhait, et cela démontre un art certain de la mise en scène avec les mille notes d'un tableau rendu plus vrai que nature. Ah, cette façon de rebondir d'un détail à l'autre ! On oublie le morbide pour ne retenir que la chaleur des âmes d'où s'échappe la vie. Spectaculaire. Vraiment ! La seconde partie est plus obscure pour moi. Dans ce sens que je ne comprends pas très bien où veut m'amener le narrateur. Bien sûr, le premier de couverture de l'exergue, me fait pencher vers un homme insatisfait de la vie qui s'imagine la revivre (d'où le titre, le sens du voyage) au travers de ses lectures de petit garçon... Mais rien n'est moins sûr. Pour le coup, j'ai affreusement envie d'en apprendre davantage. Que l'on me mette les points sur les i afin de ne plus me débattre avec des sentiments brouillons qui ont pris tout l'espace. Cyrill, si tu me lis... ;-) |
Eki
30/8/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Quel voyage !
Ma première pensée a été de croire que je sauterais du train en marche... J'avoue que je ne suis pas très motivée pour lire des nouvelles sur Oniris. Mais, surprise ! Ma lecture était très plaisante, burlesque, énigmatique...Oui, Cyrill, vous tenez vos lecteurs en haleine jusqu'au dernier mot. Un texte plein de fantaisie au bord de ce fol emportement. On se laisse effectivement emporter dans cette fièvre textuelle. On rentre dans le "vif" du sujet ou des sujets si je puis dire avec fracas et hémoglobine. Un rythme qui nous entraîne dans le tournoiement facétieux de ce voyageur à la personnalité complexe. La lectrice, que je suis, ne vous livre que son ressenti. Parle t-on de dédoublement de la personnalité ? Il y a du mystère dans ce texte. Lorsque le texte a été lu, sa trame comprise et ce titre "Le sens du voyage"... Tout reste ouvert pour le lecteur qui peut emprunter la voie qu'il veut...Le sens du voyage, c'est d'abord une exploration...et elle peut être intérieure et extérieure...Vous décrivez très bien le détachement de ce voyageur témoin de l'horreur. Croyez-vous que je brode ? Eki voyageuse lunaire |
Eskisse
30/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Voilà un récit prenant à l'écriture recherchée et surtout très intrigant mêlant fiction et réalité... ( En cela, ça m'a fait penser à Continuité des parcs de Cortazar ) J'aime bien les problématiques soulevées : celle de l'écriture notamment, celle de l'identité et celle du hasard. Alors il faudrait encore que je fasse plusieurs lectures pour échafauder mon histoire de l'histoire... Je vois un écrivain confronté à son incapacité à adhérer au réel. Je vois des métamorphoses de soi, des "correspondances" dans leurs polysémie, un personnage qui se délite et cet accident de train dont on ne sait s'il est réel ou fictif qui pourrait représenter une date butoir dans la vie du héros-écrivain, une sorte de "collapse" intérieur ou psychologique qui viendrait remettre en cause la validité du travail d'écriture et installer les désillusions. En tout cas, ce récit interroge, questionne et c'est bien là l'essentiel. Merci pour cette collision fantastique et inépuisable ! |
Vincente
31/8/2023
trouve l'écriture
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et
aime bien
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Je salue la ressource imaginative de l'auteur. La lecture est passionnante à suivre, mais moins sur le plan narratif, (très chaotique) que sur le vrombissement de l'argumentaire et de ses convocations. L'imagerie est particulièrement chamarrée, presque baroque, ce qui alimente avec entrain le récit. Par contre, pas facile de faire la part des choses dans cet accidentel enchevêtrement de métal, de chair en souffrance et pensées en errance.
Pour ce qui est de la formulation, j'ai trouvé que le premier paragraphe en fait un peu trop, au sens où la coloration trop apparente, disons trop volontaire, des termes prend le pas sur l'accueil du lecteur dans la scène en question. On pourrait dire qu'il y a un certain voyeurisme, doté d'un esthétisme débordant, alors que déjà ce qui se passe et se grave durement dans l'esprit du lecteur était très fort en lui-même. Un peu de gargarisme donc ici dans l'expression… Ensuite, tout cela se gomme et apparaissent d'abord les événements plutôt que les mots qui les relatent. Ce qui n'empêche pas à la confusion ambiante de continuer à s'incruster durement dans la tête du lecteur qui se doit de s'impliquer plus avant pour saisir le trouble du narrateur. Il n'y parviendra pas forcément, mais au moins aura-t-il été soumis à son flux puissant et perturbé. C'est ceci qui m'a semblé "réussi" sur la plan de l'écriture, une densité dans la(es) convocation(s) qui invite à la plongée dans la logorrhée émotionnelle du locuteur. Je suis frustré de ne pas avoir discerné plus largement ce qui se dessine dans la superposition du narrateur premier (je peux parler de celui de première conscience du début, qui évoque une sorte de rêve cauchemardesque) et celle, seconde, qui le replace dans une conscience plus réaliste, celui de sa jeunesse scolaire. Mais il est bien question d'un même personnage avec plusieurs "costumes" ("Il faudrait désormais que je me risque à vivre, que je me résigne à troquer tous mes costumes poussiéreux de héros romanesque contre la peau pas même tannée d’un homme traversant des périodes indéfinies de bonheur soporifique, de profond ennui ou de petites déprimes."). |
AMitizix
25/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
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aime bien
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J’ai bien aimé cette nouvelle, et j’ai beaucoup, surtout, apprécié le style, notamment dans la première partie. Il me fait penser à Pennac, dans les romans de la tribu Malaussène : décalé et rêveur, à la fois poétique et pseudo-philosophique (ou philosophique tout court d'ailleurs). Cependant, il me semble qu’ici, l’auteur a eu la main un peu lourde, non pas en ce qui concerne le décalé mais dans la manière de l’introduire, notamment au niveau de la longueur des phrases. Il me semble en effet voir des compléments et des groupes venir les rallonger à l’envie, sans que cela n’apporte grand-chose à l’atmosphère dépeinte. Au contraire, j’ai l’impression que l’effet qui me semble recherché serait mieux rendu avec des phrases plus courtes. En l’état, j’ai l’impression que ce tableau par « petites touches vives et curieuses » est paradoxalement raconté dans par une voix par instant trop monotone… Pour résumer, j’aime beaucoup le parti pris de narration adopté, mais j’ai l’impression qu’il pourrait encore être travaillé pour se rapprocher de la perfection dans son genre. Pour moi, le style pourrait peut-être être plus léger dans la construction syntaxique, pour mieux se correspondre à lui-même. Malgré tout, j’aime bien cette manière de « voir » l’histoire, où le plus important n’est plus ce qu’il se passe, mais la manière dont ce qu’il se passe est transformé par l’œil du narrateur, et tout l’imaginaire, le poétique qu’il vient y ajouter. Et, de toute façon, tout le texte me semble bien écrit et fluide, même quand les phrases sont parfois un peu trop longes.
En ce qui concerne l’intrigue de la nouvelle, elle est assez morcelée, farfelue. Ici, je trouve que c’est plutôt bien écrit, donc fluide et agréable. On peut se demander, finalement, quelle est l’histoire qu’on nous raconte. Celle d’un voyageur rêveur qui divague pendant un accident ? Celle d’un écolier qui imagine des aventures fabuleuses en rentrant de l’école ? Finalement, voici l’interprétation que je « choisis » comme étant la bonne – puisque l’auteur me semble se faire complice de mon désarroi pour laisser mon imagination rassembler les morceaux de la toile qu’il peint. Pour moi, cette nouvelle parle tout simplement de la vie « banale » d’un Auteur, le narrateur, qui cherche à s’évader dans le livre qu’il écrit, dont la première partie est tout simplement un extrait, qui dépeint, peut-être de manière métaphorique, un évènement qui l’a beaucoup marqué, ou tout simplement une scène extraordinaire de la vie fantastique qu’il voudrait vivre et imagine. Et « ce livre dont les feuillets hésitaient parfois à tourner », c’est, non pas le livre qu’écrit le narrateur, mais le livre « parfait » qui dévoile la vérité sur l’homme qu’est l’Auteur – celui qu’il cherche à écrire et rendre vrai. La « carte d’étudiant » c’est son « l’identité littéraire », à la fois son pseudonyme et son personnage, c’est-à-dire ses rêves. La scène avec la mère, finalement, c’est alors un condensé de toutes ces années où l’Auteur ne parvient jamais à vivre cette vie incroyable qu’elle ambitionne pour lui (ou qu’il ambitionne pour elle d’ailleurs). Et la mère vieillit pendant que le narrateur a toujours l’impression de lui rendre un bulletin « médiocre », qui n’est jamais celui qu’il imagine dans son livre. Finalement, quand l’Auteur lit son livre, il découvre que le personnage dans lequel il tente de se fondre (« battre son cœur dans le mien ») ne lui ressemble pas assez, qu’il n’est pas, en fait, celui qu’il a fantasmé. Il semble alors renoncé à ses différents « costumes romanesques » (apparemment, cette mésaventure avec le train n’est pas la première tentative de l’auteur d’échapper à son morne quotidien), pour se « risquer » à vivre « vraiment », sans réussir à s’arracher totalement à ses propensions à la rêverie, d’où l’incertitude qui plane quant à l’avenir de cet écrivain nostalgique. Pourquoi pas ? Pour signaler quelques points qui m’ont particulièrement marqué, j’ai beaucoup aimé la première partie, qui me rappelle, comme je le disais tout à l’heure, le style de Pennac, que je lis avec beaucoup de plaisir. Toujours dans la même veine, j’ai bien aimé la réflexion sur les ombres et les lampadaires : à nouveau quelque chose de rêveur et futile qui devient tendre et touchant dans la vision du narrateur, et qui est bien lié, englobé dans la vision des personnages multiples qui le tourmentent. Puis j’ai beaucoup aimé le « foutoir composite » aussi… En général, je n’apprécie généralement pas le fait de « couper » une nouvelle en deux, sans que les liens ne soient clairs d’une partie à l’autre, mais, ici, cela ne m’a pas trop perdu : le style si particulier m’a donné envie de continuer ma lecture, et les correspondances, même obscures, d’une partie à l’autre du texte m’ont finalement permis de poursuivre sans être gêné ou ennuyé. Une petite question tout de même sur la psychologie du personnage : alors que toute la vie du texte réside dans le fait de le faire très proche du lecteur (puisque le lecteur voit le monde à travers le regard si poétique et marqué du narrateur), son comportement reste parfois assez incongru, sans que, je crois, l’on ne perçoive assez de liant dans ses actions : ainsi, sa colère et la destruction de la poupée restent mystérieuses et inexpliquées : est-ce simplement pour souligner son côté enfantin et rêveur, malgré les « clopes » qui nous indiquent l’adulte ? En tout cas, une nouvelle que je trouve réussie et agréable à lire : merci à l’auteur (le vrai) ! |
Louis
5/9/2023
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très aboutie
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aime bien
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Le texte commence par un voyage – le train en est une figure – mais un voyage dévoyé, détourné du parcours prévu, déjà tout tracé, pour s’interrompre brutalement dans la confusion et la folie. Le train, en effet, sort de ses rails, sort de sa voie ; le train déraille, et le narrateur avec lui.
Dans ce train "de ligne", le narrateur se trouve sur une ligne de fuite, il cherche à s’échapper de lui-même, il cherche à se « quitter » : « ce corps vieillissant que mon esprit habitait de mauvais gré, qu’il avait farouchement tenté de quitter en entreprenant cet énième voyage en train. ». Or la ligne s’est brisée. Ligne coupée, qui provoque une perte du «sens », comme orientation, et comme signification dans l’histoire d’une vie, celle du narrateur, avec son discours et sa narration, vie comme parcours d’un « voyage ». Celle-ci en effet, pour lui, est essentiellement discursive ; elle se ramène à ce qui peut se raconter, à ce qui se trame dans les mots, d’où l’importance du « livre » dans cette nouvelle, qui en porte le titre. Le dévoiement est une « folie », que la comparaison confirme : « Le premier wagon partit seul sur le côté, comme un cheval devenu fou ». Il s’avère une "déraison" : « Sans raison apparente, la locomotive quitta les rails…. » et par là aussi une manifestation du « hasard ». En conséquence, le voyage a perdu son sens ; pire : il se produit une perte générale de sens, un brouillage généralisé du monde. Le texte insiste sur l’insensé, la désorientation, le désordre qui résultent du déraillement. Ainsi, les voyageurs deviennent des : « … pantins pris d’une agitation incompréhensible ». Incapables d’actes sensés, par suite de l’accident. Le sens, à la fois comme signification et comme orientation, se dérobe, ou s’annule. Le mouvement humain devient « agitation » et non plus élaboration d’actes orientés vers une finalité, comme arrangements de moyens vers une fin. S’installe donc une confusion générale ; l’arrangement, l’ordre des choses en est bouleversé : tout est un « fatras de métal, de verres et d’humains, de chairs et d’os, d’objets hétéroclites… ». Un chaos règne « sans distinction ni logique ». Plus rien n’est à sa place. Le monde du train, après l’accident, offre l’image d’un « tableau abstrait », mais aussi surréaliste. « Abstrait », parce que l’on ne voit plus à quoi les choses et les êtres correspondent, ce que les débris représentent, en perte donc du sens comme signification liée à la représentation ; surréaliste parce que des associations d’objets insolites se sont constituées, à l’exemple de la « casquette à visière translucide » qui « recouvrait de son flocage présomptueux des fesses nues et confuses » Tout est déplacé, dérangé, et le narrateur lui-même éprouve en lui un "dérangement". L’accident ferroviaire est un moment de "crise" pour le narrateur, dans lequel tous les repères de son monde s’effondrent, où tout se brouille dans une grande confusion. À la fois crise identitaire personnelle et crise existentielle. Lui-même ne se sent plus à sa place : « J’eus alors le sentiment insolite de ne pas être moi ». Comme si un ‘autre’ avait pris sa place. Comme si son corps n’était pas le sien, mais celui d’un autre : « De ne pas me reconnaître en ce corps vieillissant… ». Il se sent « étranger à lui-même », subissant au sens propre une "aliénation", qui fait ausside lui un "aliéné" au sens pathologique, en ce qu’il serait atteint d’une légère "folie". Son identité qui faisait déjà problème se trouve perturbée dans cette crise violente. Le choc, la secousse l’ont tout à fait déboussolé. Dans l’immense capharnaüm du wagon accidenté, un objet attire plus particulièrement l’attention du narrateur : un livre. Le livre contiendrait la vérité sur son identité : « Ma véritable identité ne me serait révélée, pensai-je, que si je parvenais à lire ce livre… » Si les pages s’ouvrent au hasard, dans le désordre, soulevées par le vent, le livre demeure un ensemble de mots bien arrangés, bien ordonnés, l’accident n’a pas fait varier le contenu du livre, et son sens, et sa signification ; de même que la destinée de ses personnages n’a pas varié. Il apparaît donc un îlot de sens dans cet océan insensé, provoqué par le choc ; un îlot d’ordre, dans le désordre et la confusion engendrés par le dévoiement. L’écrit serait donc le lieu de son identité, et du sens de son existence. Le narrateur ne perçoit pourtant ni le contenu, ni le titre, ni le nom de l’auteur du livre. Il ne peut le lire. Mais il a cette impression de l’habiter. Seul un livre peut contenir son histoire personnelle, croit-il. Il se vit, il se pense, en effet, comme le personnage d’un roman. Son identité résulte de l’identification à des personnages romanesques. Dans un moment de lucidité retrouvée, il semble évoquer ces processus d’identification : « mes costumes poussiéreux de héros romanesque ». Nouveau Don Quichotte, le narrateur est une sorte de chevalier errant ; il erre non sur un cheval, mais dans son équivalent contemporain : le train ; et la première comparaison du texte est celle d’un wagon avec un cheval devenu fou. Comme Don Quichotte, il est un « double », sa vie répète un écrit qui le précède, il redouble ces figures de héros au destin bien tracé. Il ne vit que par les livres où il puise son inspiration existentielle, et toute sa mythomanie. Il incarne le nom du héros romanesque, ne différencie plus le mot de la chose, le langage des faits, le sens de la référence. Le narrateur n’écrit pas ce qu’il vit ; il vit ce qui est déjà écrit. Il ne se sent pas en conséquence auteur de sa vie, ni de l’écriture de son histoire. Il ne domine pas le cours de son existence, il a l’impression de ne pas être le maître de sa vie, mais d’être soumis au hasard : « Comprenant que le hasard, à la manière d’un jeu de roulette, avait présidé et présiderait encore aux grands événements de ma vie ». Dans ce qui s’écrit de sa vie, il n’a pas eu "son mot à dire". N’est-ce pas aussi « par hasard » qu’il découvre « le livre » ? Le désordre du hasard engendre aussi des parts d’ordre d’un destin écrit, toujours déjà écrit. La crise, ligne brisée, a provoqué une en lui une dissociation, a accentué son côté schizophrène, et cette "schize", cette coupure l’entraîne plus encore dans le processus du "double". Le texte lui-même, dans sa construction, procède par un effet d’anacoluthe, figure qui, en rhétorique, désigne une rupture de construction et une rupture de sens. Rupture et continuité, dans un passage du monde brouillé, figuré par le wagon et le train sens dessus dessous, à celui de la vie intérieure du narrateur. Ainsi celui-ci en vient-il à se dédoubler avec un passager, son voisin dans le train, un jeune homme. Il s’identifie à lui. Il se dédouble : lui et l’autre ramené au même, mais plus jeune. Il se dédouble, et redouble un écrit qui pourrait être celui de J.L.Borges, dans un livre, Le livre de sable, recueil de nouvelles, dans lequel la première d’entre elles, intitulée L’autre, fait le récit d’une rencontre sur un banc entre Borges jeune et Borges âgé ; Borges en deux temps différents, résidant en deux lieux différents, mais qui se rencontrent sur une même banc. Le narrateur « dérobe » au jeune homme son identité ; se projette jeune en lui. De mille chemins possibles d’existence, un chemin le mène au jeune homme, le mène à lui-même dans un autre. Cet "autre" est associé au Livre. Le Livre est celui qu’il lisait. Le narrateur poursuit son « voyage », malgré l’accident, mais non plus sur une ligne spatiale, mais temporelle. Il voyage dans sa vie. Dans sa vie qui est « voyage ». Il découvre que le « voyage » ne se fait pas vers une altérité, celle de l’autre ou celle de l’ailleurs ; mais se fait vers soi-même. Il rejette l’odyssée au pluriel, « d’une odyssée à l’autre », mais implicitement reconnaît que son parcours est celui d’une odyssée, au sens homérique de ce qui ramène le héros, Ulysse, chez lui ; au sens du voyage comme retour vers soi-même, après de multiples identifications aux héros romanesques. Là se trouve le sens du voyage, semble-t-il comprendre. La lecture du livre du jeune homme se fait dans un gain de lucidité. Il ne se reconnaît pas dans la « destinée » du personnage. La vérité n’est pas dans le livre. Elle est à vivre, et à vivre dans l’acceptation de soi, dans la vie telle qu’elle est, avec ses bassesses ( « bonheur soporifique, profond ennui, petites déprimes » ) comme dans ses grandeurs ; à vivre malgré sa médiocrité, mais à la vivre vraiment, plutôt qu’à la rêver, dans l'illusion et l'aliénation ; à la vivre sans verser dans un bovarysme schizophrène. Merci Cyrill pour ce texte intéressant tant dans sa construction que dans son contenu. |
Cyrill
11/9/2023
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Zultabix
13/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cyrill,
Coup d'essai, coup de maître ? Il fallait oser décrire avec autant de réalisme poétique une catastrophe ferroviaire. Chapeau bas, c'est une somptueuse réussite ! Pas le temps de dire "où suis-je ?", vous tamponnez tout de go le système limbique du lecteur. On est immédiatement secoué par ce déferlement de sensations du survivant qui, bien que s'étendant sur plusieurs longues phrases saturées de pointillisme, donne cette impression de ralenti raffiné, d'acuité d'une finesse extrême, pour ne pas dire d'une sorte de bilocation quasi surnaturelle du regard. C'est un choc maousse que reçoit le lecteur en pleine poire. Cependant, l'on est bien, on se laisse dorloter par ce don offert par l'auteur, comme tombé soudain du ciel : l'omniprésence, proche des étonnements d'une sortie astrale ! Après tout, ce n'est pas si terrible que ça un accident de train, semble susurrer à l'esprit nos endorphines ! L'horreur peint par Vermeer aurait sans doute été d'une vénusté ineffable. Il va sans dire que j'ai également adoré la conclusion, le parfum et la beauté de son mystère. Je l'ai comprise sans vraiment la comprendre, me laissant dans une suspension émotionnelle qui me va très bien ! Bravo encore ! Bien à vous ! |