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DABY : Le cri primal
 Publié le 20/12/23  -  6 commentaires  -  11536 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur


Le cri primal


Avez-vous jamais tendu l’oreille lorsque sort de l’œuf caneton ou bien poussin ? Si c’est le cas, vous n’avez alors entendu ni le moindre coin-coin, ni le plus petit cot-cot ! Pas non plus de jappement pour le jeune Médor, aucun miaou pour le gentil chaton ! Non ! l’homme est le seul être vivant à pousser un cri lorsqu’il vient au monde ! Et vous êtes-vous demandé pourquoi, à ce moment, précisément, ce cri « primal » ? et qui paraît si essentiel que, lorsque le bébé reste muet, le médecin est inquiet. Personne, à ce jour, ne s’est vraiment posé la question. Et d’ailleurs, quelle importance donner à ce premier jaillissement de la voix qui semble ne rien vouloir dire – sinon pour Gargantua : « À boire ! » – et que le sein de maman vient aussitôt faire cesser en apaisant le jeune appétit…

Il y a là, cependant une énigme – pas substantielle, bien sûr, mais qui m’interpelle : l’homme est le seul à pousser ce cri ! Le tragédien pourrait l’interpréter comme un cri d’épouvante devant son futur destin – le voile sombre de la mort annoncée sitôt née l’aventure de la vie !… Une autre interprétation – moins dramatique – semble possible : ce cri serait l’amorce de la parole – non pas un mot inarticulé, mais bien l’élan qui, en même temps que la vie, imprime la marque de sa présence au monde – comme un rayon de lumière éclairant – et manifestant une emprise verbale qui va en exprimer le sens. Cela vous semble vain ? Une digression bien futile pour ce qui n’est qu’un simple frisson sonore ?

Les philosophes se sont peu intéressés au langage : tout juste un véhicule entre la pensée de l’un et celle de l’autre. Platon, oui, a écrit quelques pages ; mais surtout Bergson, qui en fait le lien entre les hommes qui leur permet de vivre en société… Mais le langage lui-même ? affaire de linguistes, les mécaniciens de ce monde sonore, en quelque sorte… rien de plus.

Et pourtant ! l’apparition du langage reste « un mystère » (Heidegger), « une énigme » (Husserl) !

Les paléontologues ont permis de reculer jusqu’à trois millions d’années l’apparition des premiers Hominiens, et il est possible qu’il faille encore en reculer la date ; mais ce ne sont encore que des bouts de crâne qui permettent de les situer dans le temps – comme tous les autres : rien de plus. Mais l’homme lui-même, et non plus cet être si proche – si lointain aussi ?

Comment peut-on distinguer deux squelettes qui ont tant de traits communs, et dire : celui-ci est un homme, celui-là un Hominien ? Ce ne sont pas quelques bribes de cerveau de plus ou de moins qui font la différence ! Non : il faut un élément plus déterminant ! Vous ne voyez pas ? Il faut – et il suffit – qu’un de ces squelettes soit enseveli, et cela se reconnaît à deux signes : le premier est l’ordre et la disposition des os – cela se voit tout de suite ; le second : présence d’objets rituels, d’armes ou de bijoux qui accompagnent le défunt : ce sont là des signes certains, car qui dit rites dit croyances – donc langage ! CQFD !

Donc, à un moment – lequel, quand, on ne le saura jamais – l’homme parle !

Et, contrairement à ce qui se dit, il ne commence pas par des balbutiements. Bien sûr, il n’y a aucune preuve – mais un simple raisonnement : que se passerait-il si le langage n’était que l’association d’un mot et d’une chose – comme le montrent les livres d’images donnés aux enfants ? Pour chaque chose perçue, le mot serait dit ; et alors ? cela ne formerait qu’une nomenclature, un interminable recueil des mots ! Croyez-vous que cela soit bien utile ? Il y manquerait les mots de liaison – prépositions, conjonctions – ceux qui permettent de donner du sens – c’est-à-dire de formuler des idées – c’est là le rôle du langage !


---1---


Donc, à un certain moment, l’homme parle ! Et que dit-il ? Là encore, on ne peut que supposer – mais avec des éléments de réponse fondés sur l’analogie avec le langage des plus anciennes peuplades connues – et que les ethnologues ont fort bien décrites (lisez « La mentalité primitive » de Lévy-Bruhl). Eh bien, il semble que les premiers hommes – les « disants » – parlaient surtout à leurs dieux : les objets rituels qui accompagnent les morts le montrent avec évidence ; mais, surtout, leur langage mêle indistinctement monde visible et invisible, naturel et surnaturel – tout à fait à l’opposé de nous, qui distinguons le sacré du profane – depuis l’avènement du monothéisme.

Leurs dieux, à eux, demandent peu de choses : le respect des règles qu’ils ont édictées (essentiellement la protection de la nature) et les quelques honneurs qui leur sont dus. Peu exigeants, en somme ! Et, bien sûr, le langage avait – aussi – un rôle social, mais toujours fondé sur la volonté de leurs dieux – que seuls sorciers et chamans savaient interpréter. Au fond, un monde simple où le contingent n’a pas de place : chaque événement est déterminé par les dieux : les hommes ne peuvent que tenter de s’en protéger, ou, au contraire, d’attirer leur bienveillance par des offrandes.

Un tel mode de pensée subsiste encore là où les missionnaires n’ont pas réussi à extirper le paganisme ; d’ailleurs, le monoïdéisme totalitaire a fait subir le même sort aux nouveaux déviants – goulaguisés dans le meilleur des cas… (l’enfer pour les uns, les camps pour les autres…)

Un ange venu du ciel ? Un noir démon tentateur ? de simples cris devenus mots… D’où vient le langage ? C’est un linguiste (Benveniste) qui souligne la circularité du langage : pour définir un mot, il faut l’aide de tous les autres ! le dictionnaire en est le modèle ! Mais ce cercle linguistique et, par le fait même, le langage, en décrivant le monde extérieur, ne nous permet pas d’en assurer l’existence – c’est ce qu’on appelle le cercle égologique ; nous atteignons ici le domaine de l’ontologie : nous pouvons tout dire, tout croire – mais la voie linguistique ne nous assure pas de la certitude de l’existence – hors de nous – du monde qu’il décrit : la pensée tourne en rond – et nous sommes renvoyés au doute – non par méthode cartésienne, mais par le fait d’une impasse liée à la nature du langage lui-même. C’est une aporie – on ne peut plus avancer ! Il manque ce que Benveniste appelle la « métalangue » – une langue extérieure au dictionnaire, permettant ainsi de rompre ce cercle en assurant leur certitude grâce à… ??? tout le problème est là !

Si nous revenons à Lévy-Bruhl – mais aussi à Lévi-Strauss – tous deux font une remarque essentielle concernant les peuples premiers : tous articulent leurs croyances à partir de la cosmogénèse. Il y a, chez tous, un début primordial du monde dans lequel ils vivent –et pensent et croient – et dont même leurs dieux sont issus. Il ne s’agit pas d’un simple artifice narratif, permettant de raconter la genèse du monde – mais du véritable fondement de leur monde – qu’ils miment eux-mêmes lors de cérémonies sacrées : vêtus de plumes, le corps bariolé, le visage masqué, ils dansent jusqu’à s‘étourdir – ainsi que les spectateurs – et, lorsqu’ils sont tous en transes, alors, soudain danses et musique s’arrêtent, les masques tombent – et tout reprend place au moment où un conteur vient narrer la naissance du monde ; c’est l’image même du chaos premier devenant monde… grâce au langage – figuré dans cette cérémonie par les dits que chantent les chœurs… Et c’est ce dit --qui raconte la cosmogénèse – qui devient ainsi le mythe fondateur du monde. Et cette voix, qui semble venue d’ « ailleurs » ouvre la voie (voix) à cette métalangue. Le langage devient alors le lien entre immanence et transcendance – jouant ainsi le rôle de la glande pinéale… le lieu où Descartes fait se rencontrer les deux substances – étendue et pensée – permettant ainsi de connaître le monde avec certitude – la Vérité enfin…

Heidegger, lui, parle de « regard d'éclair » !!! Chacun, à sa façon, fait appel à la Non-raison…


---2---


Le piège – le leurre, plutôt – est que nous mettons des mots sur ce que nous pensons savoir – bâtissant ainsi un monde que nous croyons – ou voulons faire croire – réel ! C’est la tâche des philosophes que de nous faire distinguer ce qu’on nomme –pudiquement – apparence, de la « réalité » dont ils pensent posséder les clés d’accès – c’est-à-dire la vérité. Mais réussissent-ils mieux que les « ravis », que les prophètes et autres fous de Dieu ? L’histoire nous prouve – hélas – que ces clés deviennent des armes, et que les hommes, dans leur désir de croire – surtout si cette croyance leur assure le salut – sur terre ou au ciel – sont prêts à tout… surtout s’ils sont menés par des « bergers » ayant le verbe haut, et la torche en main… Celui qui ne croit pas comme eux devient alors un hérétique, l’ennemi… Vous connaissez la suite – et, cette fois, l'histoire est vraie… hélas !

Notre connaissance du monde, grâce à notre appareil perceptif, dépend donc du langage, car tout ce qui est perçu l’est comme « chose » – qui ne devient connue que si elle est reconnue, c’est-à-dire comme faisant partie du répertoire des « étants » déjà enregistrés comme éléments du monde, ayant donc un nom – donc une signification – qui lui permet d’être situé dans ce réseau linguistique par lequel nous connaissons le monde – sans lequel il n’y aurait que chaos/non-sens. Ces choses que nous percevons, décrivons, nous deviennent familières puisque (re)connaissables ; la connaissance que nous avons du monde est donc médiate – non par ce qu’elle est saisie par nos sens – notre contact immédiat – mais par ce que, une fois nommées, elles s’insèrent dans ce réseau maillé grâce auquel elles sont (re)connues comme porteuses de dignité. Il n’y a d’étants que ceux qui ont un nom.

Rien n’est qui ne soit dit. Mais cet « étant-ce » n’indique que son appartenance au monde sensible – celui des phénomènes.

L’être, lui, demeure en retrait… il ne peut être atteint ! Tout ce qui a été dit le montre à suffisance ! nous n’atteignons que les étants – toutes ces « choses » que nous avons senties, mesurées, connues : comme l’œil du peintre parcourant l’horizon : il voit tout… sauf son œil ! l’être est cet œil qui, depuis le nôtre, fait que je suis, puisque sans lui, je ne saurais être ! Il est ce que, par lui, je suis – je le nomme, mais ce nom n’est qu’une commodité de langage : l’être n’a pas d’étant-ce – il n’appartient pas à notre sphère égologique… Les croyants en font un/des dieu(x) – ils l’ont reconnu – par la foi, sans détour – tandis que le rationaliste, que je suis, n’atteint cette connaissance que parce qu’il découvre, par lui-même, les limites de sa raison : ce n’est pas une révélation, non plus une vision – seulement les marches qu’il est astreint d’escalader le mènent à ce point où il découvre cet horizon, ce point où il ne peut voir/connaître – que par un autre œil – celui de l’Être… Lorsque Abraham demande à Dieu : quel est ton nom – celui-ci répond : je suis celui qui suis…

Nous voilà au terme de notre enquête : ce cri primal, c’est celui qui, par ma bouche, résonne comme la voix de l’être qui, par moi/en moi/ par ma voix, a frayé sa voie – comme devenu étant lui-même. Étrange constat : je m’interroge sur l’Être… et je suis moi-même cet être…

Alors, qui suis-je ? qu’en est-il de moi – de l’Être ???

Ne suis-je qu’un rêve porté par un poète, un « diseur » – et ce monde… un songe ???


Au fond, quelle importance ! Pourquoi vouloir se réveiller ?


 
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   poldutor   
7/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour
Peu familier des raisonnements philosophiques, j'ai lu avec plaisir ce texte sur le langage, même si parfois le propos me dépassait. Ce texte donne à réfléchir, l'homme est le seul à utiliser un langage articulé grâce entre autres à des particularités physiques.
Texte très intéressant.
Cordialement.
poldutor en E.L

   jeanphi   
13/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour,

Plusieurs réflexions dignes d'intérêt sont présentées dans une sorte d'exposé personnelle ou comme la partie hypothèses d'une dissertation.
Vous devez feindre d'ignorer afin de laisser la question ouverte : le nouveau-né hurle par douleur, suite au déploiement de ses bronches qui n'ont encore jamais été en contact avec l'air.
Le volet sur le language est intéressant et inspiré, tout un référentiel de l'histoire de la philosophie. Le language est une convention, cela permet aussi de communiquer clairement sans se connaître, les animaux peuvent mettre plusieurs mois avent de se comprendre au sein de la même espèce, pas l'homme mais pourquoi ? Ce simple pourquoi est tout l'essence de la philosophie que vous nous décrivez.

   Lariviere   
14/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

le premier argumentaire de ce texte est faux il me semble... j'ai appris dans mes cours d'obstétrique que le cri primal servait à déployer les alvéoles pulmonaires du nouveau né, donc pas de secret là dedans mais cette remarque très cartésienne n'est peut être pas à la hauteur de la démarche philosophique... bon sur le fond, le thème est passionnant : le langage cet outil fabuleux de l'hominidé, je dis hominidé car le langage et c'est reconnu désormais n'est pas propre à sapiens. La génétique à son rôle à jouer, on sait que le gène foxP2 intervient dans nos capacités à former un langage et à priori le langage est autant source d'inné que d'acquis. La faiblesse de ce texte sur le fond, mais c'est peut être ma propre faiblesse en terme de capacité philosophique après tout, c'est que pour moi il n'est pas dénué de sophismes. Comme si l'auteur avait ses conclusions avant le déroulement du chapitre de réflexion et qu'il en tire son argumentaire après coup. relié langage et cosmogénèse par exemple me semble aussi fabuleux que périlleux dans les faits. Quoi qu'il en soit pour le coup l'auteur fait un pari risqué intéressant et c'est peut être tout le but d'un tel texte après tout, explorer une part de ténèbres à la bougie de nos faibles connaissances. pour finir j'aime beaucoup la conclusion qui met un peu d'épaisseur poétique pour résumer tout ce fatras d'idée. Le but d'un tel texte n'étant pas forcément d'asséner des vérités mais de se questionner sur un sujet assez merveilleux en réalité et rend pour moi le tout vraiment intéressant.

En espérant que ce commentaire soit utile à l'auteur, je lui souhaite une bonne continuation.

   Cox   
22/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
n'aime pas
[excusez par avance les accents et cedilles manquantes. O rage, O desespoir, O clavier trop qwerty]

Qu'on ne m'en veuille pas si je n'ai pas su apprécier ma lecture ; je pense que c’est plus dû á mon aversion générale des textes philosophiques (à quelques exceptions près).
Ce type de texte me parait souffrir de faiblesses rédhibitoires, quelle que soit la lecture que j’essaye d’en faire. En tant que lecture-plaisir, ce n’est pas assez distrayant. En tant que lecture-culture, lecture-message, lecture-académique, c’est loin d’avoir la rigueur nécessaire pour être convaincant. Votre texte, en particulier, avec un style plus relâché et fluide que la plupart des ouvrages philosophiques que j’ai fait l’erreur de lire, perd pour moi sa crédibilité en tant qu’argumentaire. Quelques exemples en vrac de choses qui ne me convainquent vraiment pas du tout, et me font finir ce texte avec l’impression d’avoir lu une longue (quoiqu’élégante) tirade sans grand fondement dont je ne retire rien:


- « Les philosophes se sont peu intéressés au langage ». Ça me semble trahir un manque de recherche sur votre sujet. Le langage est un champ de recherche actif dans les communautés philosophiques. Essayez donc ceci : connectez-vous a une base de données de papiers philosophiques (disons PhilPapers). Faites une recherche pour des documents dont le titre contient « language » (l’anglais prend un ‘u’ bizarre, faites attention). Voyez les dizaines de milliers de résultats et faites amende honorable :p Votre affirmation, catégorique, me parait complètement arbitraire et fausse. Elle décrédibilise d’emblée la suite de votre propos (l’auteur sait-il vraiment de quoi il va nous parler ?). Il faudrait des sources, ou au moins des arguments pour avancer cette affirmation en restant honnête envers vos lecteurs (qui vous font peut-être trop confiance, puisque vous balancez ici et lá quelques noms de philosophes qui sonnent compliqué).

- Vous avez tout un passage qui affirme que l’élément permettant aux archéologues de démarquer les hominiens des Hommes serait la ritualisation de la mort. Premièrement, ça dénote d’une confusion puisque les Hommes (Homo Sapiens), sont des hominiens ; il n’y a pas de démarcation (quoique tous les hominiens ne soient pas Sapiens; je partirai du principe que c'est ce qu vous vouliez dire). D’autre part c’est très incomplet et peu honnête envers votre lecteur. Ce n’est qu’un marqueur (très secondaire) parmi de nombreux autres indices que les specialistes utilisent (utilisation d’outils, maitrise du feu, quotient d’encéphalisation, forme de la mâchoire, etc…). A vrai dire, je n’ai trouvé aucune source pour corroborer votre affirmation, qui pourrait bien être inventée ou très mal retranscrite (mais je ne suis pas expert). La taxonomie humaine est un sujet extrêmement complexe que vous sursimplifiez avec un aplomb qui, je suis prêt á le parier, tirerait des larmes a un archéologue. Le lien direct que vous faites entre ritualisation et langage me parait également, en l’état, totalement arbitraire et ad-hoc puisque ça sert votre propos. Par exemple, il ne me parait pas du tout difficile d’imaginer les primates de Kubrick vénérer leur monolithe, ou leur chef découvreur de l’outil, sans avoir besoin de le verbaliser. Je ne vois pas, en l’état, sur quoi vous fondez l’hypothèse de la nécessité d’un langage verbal pour l’apparition de rites. L’utilisation du « CQFD » -suprême ironie- pour célébrer une hypothèse discutable saigne mon âme scientifique a blanc.

- Vous soutenez que le langage ne pourrait pas apparaitre mot par mot, ça ne servirait à rien. C’est sans doute « le simple raisonnement » qui me parait le plus contraire à toute logique dans votre texte. Premièrement, quelle alternative suggérez-vous ? Que les premiers hommes se sont posés ensemble un beau jour, pour définir à partir de rien une grammaire complexe (« prépositions, conjonctions »), et un lexique complet ? Soutenir que les mots de liaison sont les outils qui « permettent de donner du sens » trahit, selon moi, une complète incompréhension du langage en tant qu’outil de communication vital. Voilà 7 ans maintenant que je vis a l’étranger, dans plusieurs pays asiatiques dont je maitrise rarement la langue. Bien souvent, je ne sais pas faire plus que lancer quelques mots-clés en vrac. Les mots de liaison sont bien la dernière chose que je me soucierais d’apprendre. Je peux cependant vous garantir que je ne sais pas comment je survivrais sans ces quelques mots disparates, lancés en vrac sans autre forme de procès. Pour vos premiers Hommes, être capable de formuler rapidement « danger, tigre ! » ou « poison ; non manger ! » en cas d’urgence, peut faire la différence entre la vie et la mort d’individus, voire d’une colonie. Vos néandertals s’en tapent des « nonobstant ». Ce passage m’a définitivement donné l’impression de quelqu’un qui n’a jamais été aux prises avec le langage en tant qu’outil pratique.

- Vous établissez ensuite une autre connexion qui ne me parait pas convaincante. Vous affirmez que les langages primitifs laissaient une large place a la spiritualité. Vous associez ensuite cela á « un monde simple[…], chaque évènement est déterminé par les dieux ». Quoique je puisse, cette fois, voir la logique, ça me parait extrêmement caricatural. Des animaux avec si peu de sens pratique, si peu de sens des responsabilités, pourraient-ils vraiment survivre dans les conditions implacables de la préhistoire ? Je trouve que vous exagérez de beaucoup les conclusions sans avoir assez d’éléments pour les soutenir, ce qui décrédibilise a nouveau vos raisonnements.


- « la circularité du langage ». Ouhhhff. Un autre coup dur. Très dur, puisque vous présentez tout simplement un paradoxe qui ne résiste pas à la plus naïve inspection logique. « Pour définir un mot, il faut l’aide de tous les autres ». Non. Cela rendrait l’apprentissage du langage proprement impossible, car sans point de départ possible, á moins d’avoir un lexique inné (ce qui n’est pas le cas). J’ai appris à mon chien le sens des mots « assis » ou « promenade » sans l’aide d’aucun autre mot. Il ne « faut » pas l’aide de « tous les autres » mots pour en définir un. Si je veux définir « mammouth », j’en pointe un du doigt en prononçant le mot, et c’est plié. Votre analogie avec les dictionnaires me semble être une grosse confusion. Un dictionnaire est un outil qui se sert de concepts simples pour en définir de plus complexes. C’est comme ça qu’on construit á peu près n’importe quelle structure théorique. Ça n’a rien de propre au langage. Si nous prenons quelques cours de physique (quel bel usage de notre temps, plutôt que de dessécher en cours de philo :p), nous commencerons par apprendre quelques concepts de base en nous reposant sur l’expérience. Nous apprendrons a parler de mécanique en terme de vitesse, en terme d’énergie, etc… Quand viendra le moment d’aborder des sujets plus complexes, vous vous servirez de ces concepts de base pour construire des idées avancées, par couches d’abstraction successives. Vous voyez ou je veux en venir ? On définit un « lexique » de base en se basant sur l’expérience directe (« mammouth », « assis », « promenade »…), puis si on veut avancer vers le complexe, on se sert de ces éléments de base pour construire les notions avancées (dico). Ça n’a rien a voir avec le langage en particulier ; c’est simplement la façon pratique de construire n’importe quel édifice théorique. Ça n’a rien de circulaire non plus ; c’est parfaitement linéaire, du simple vers le complexe. Et surtout, il n’y a pas du tout besoin de « tous les autres » mots pour en définir un. Ce serait absurde et rendrait le langage impossible.


Je m’arrêterai ici car ça commence á être trop long. Mais il y a tout autant de points qui me posent problème dans la suite.
En gros, voilà ce qui me bloque dans ce type de texte : si ça cherche á me distraire, c’est trop rébarbatif et ca manque de nouveaute. Si ça cherche á m’enseigner des choses ou á me convaincre, il faudrait que ca soit cent fois plus rigoureux, appuyé de sources, etc… En l’état, ce n’est pas seulement peu convaincant ; plusieurs passages relèvent activement de la désinformation.

Je salue en revanche l’aisance du style ! J’espère que vous ne prendrez pas mon commentaire trop mal ; honnêtement, votre texte a payé pour tous les autres, haha ! Je n’ai rien contre votre propos en particulier, il a juste eu la malchance d’être un exutoire a ma frustration envers tous les écrits de ce genre…
Sans rancune !
Cox

   Geigei   
23/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
"ils dansent jusqu’à s‘étourdir". Ce texte donne le tournis lui aussi, riche de références et de questions.
Le doute est mis en avant puisque vous citez sans affirmer quoi que ce soit.
Et bien rigide celui qui dit savoir quoi que ce soit sur l'origine du langage.
Les recherches sont en cours, et courent les hypothèses.

Le mime peut-être, au début. La langue des gestes.
Et puis le plus charismatique (j'allais dire le plus écouté), c'est à dire celui qui faisait le plus de bruit avec les plus grands gestes, à montré un semblable, mâle, et à prononcé pour la première fois (???) "Couillu". L'autre a répété, maladroitement, en montrant d'autres membres "Couillu", "Couillu", "Couillu", "Couillu", "Couillu". Le chef lui a balancé un grand coup de gourdin dans sa tronche de primitif pas rasé quand le pauvre a désigné une femelle par "Couillu". Ce fut la première faute lexicale de l'histoire de l'Humanité.

Fascinant ! Vertigineux !

   Tadiou   
22/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J’ai été très intéressé par ce texte, le sujet faisant partie de mes questionnements.

« D’où vient le langage ? » écrit DABY. Beaucoup de théories, d’études, de livres. Dans les années 1850 la Société Linguistique de Paris (je ne suis pas sûr que ce soit son nom exact) avait interdit toute publication de théories sur les origines du langage, tant un grand nombre d’absurdités sur le sujet avaient été écrites.
Depuis cette époque les choses ont évolué et diverses théories ont été proposées. Dans ce que j’avais lu, il y a quelques années, je n’avais pas trouvé la référence au surnaturel et aux divinités dont il est question ici ; c’était pour répondre à une nécessité de communication afin que des groupes solidaires d’humains puissent se former, dans un but premier de protection.

Une théorie a connu aussi son heure de gloire (il semblerait qu’elle tomberait maintenant en désuétude) : l’homme peut parler parce que son larynx est descendu, ce qui n’est pas le cas pour les animaux (dont on peut se demander en effet pourquoi ils ne parlent pas un langage articulé comme le nôtre).

« La connaissance du monde dépend du langage » écrit DABY. Nous pensons avec des mots ; « moins de mots » implique « moins de pensée ». Dans le roman « 1984 » le langage est réduit à son strict minimum pour permettre la domination de Big Brother sur les sujets aux structures mentales diminuées. Des fascicules d’apprentissage du « Parler P’tit Nègre » avaient été établis au 19ème puis au 20ème pour être utilisés par les militaires, les colons...: il s’agissait de maintenir les colonisés dans un sous-langage, une sous-culture, une sous-pensée.

On peut se demander de quelle manière notre langage influe, aujourd’hui, sur notre manière d’être. Par exemple, quelles différences dans les relations humaines au sein des pays anglo-saxons où seul le « you » existe et au sein de nombreux pays où il y a le « tu » et le « vous » ?

Quelles implications de la notion de genre ? Des thérapeutes parlent de l’énergie masculine du soleil (en allemand soleil est féminin). J’ai publié ici un poème à ce sujet : « Chagrins » http://www.oniris.be/poesie/tadiou-chagrins-8410.html
Des amis allemands m’ont expliqué qu’il était logique que soleil soit féminin et lune masculin.

C’est un grand intérêt de ce texte que d’être une invitation à la réflexion. Nous pouvons être sûrs que de nombreuses questions risquent de rester sans réponse. On peut trouver malgré tout intéressant de les poser. Et on peut aussi, comme DABY , se dire « Au fond, quelle importance ? Pourquoi vouloir se réveiller ? »

Donc merci à DABY d’avoir abordé ici ce sujet très délicat en donnant quelques références et éléments de réflexion.

L’écriture est sobre et précise. Un texte solide, à mon sens, honnête, sans bluff.


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