1- La crispature
Une soudaine contraction de pleurs libéra mes larmes en longs sanglots d’impuissance puis en flots de désespoir. J’eus l’impression que les mots s’étranglaient à la gorge d’où ne sortaient que gémissements plaintifs, cris retenus. Il me fallut lutter contre une énorme force explosive. Je n’étais pas seul dans l’établissement. Il fallait que je me contienne. J’implosai. Ma tête ne fut plus qu’une lourde caisse contenant un enchevêtrement douloureux de circuits disjonctés, un système sophistiqué de connexions brûlées. L’appareil de traitement de l’information était atteint en plein centre. Rien ne commandait plus les organes périphériques qui ne pouvaient plus réagir qu’avec une extrême lenteur. Les messages ne passaient plus. L’infirmière parlait et les phrases émises n’étaient plus captées. J’entendais des mots qui n’avaient plus de liaison entre eux : les phrases n’avaient plus de sens. Les yeux ne transmettaient plus que des images brouillées des objets inertes aux contours flous. Mon regard n’était plus orienté que sur un monde intérieur dans un espace lointain que j’étais le seul à pouvoir distinguer. Mon corps était figé dans un lourd carcan osseux que les muscles ne tenaient plus que par la force de l’habitude. Je ne pouvais plus bouger qu’au ralenti. Je tentai vainement de me lever mais l’effort que je dus fournir me fit trembler de tous mes membres : seules quelques terminaisons nerveuses me permettaient tout juste de ne pas m’affaler. Mon âme même était partie dans une formidable métempsychose dont je ne cherchais plus à deviner la mystérieuse destination.
Des cris de bête hurlés sans mesure comme des refus obstinés de me laisser engouffrer dans les fonds abyssaux de la mort ou les abîmes effrayants de la folie.
Le rythme ralentit. Les cris affolés se calment progressivement. Les tremblements s’apaisent. Le corps devient très lourd. La tête est vide. Je suis immobile. Je suis mort, longtemps. Mes yeux se rouvrent et découvrent l’espace sépulcral : une ampoule nue pendue au plafond blanc, une fenêtre fermée, grillagée, des papiers épars sur une table à tiroirs, des vêtements chiffonnés sur le dossier d’une chaise, une armoire, une boîte de médicaments sur une table de nuit, un drap blanc, sur le drap blanc deux mains entrecroisées inertes et blanches. La mort ressemble terriblement à la vie. Je décroise les mains et je les masse. Le sang circule à nouveau provoquant un léger picotement de l’épiderme. Je ferme et ouvre la main droite, puis la main gauche.
On frappe à la porte. Le docteur entre.
- Que vous arrive-t-il ? - À qui, à moi ? demandai-je, doutant encore un peu de mon état. - Vous avez fait une crise. - Ah ?… oui…si vous voulez… - Où en êtes-vous de vos médicaments ? - Toujours les mêmes, docteur. Ceux que vous m’avez prescrits et que je prends avec acidulité.
Rassuré le docteur exécute un certain nombre d’actes répétitifs faisant partie intégrante de sa mission : il tâste le pouls, ausculte au strathoscope, examine le blanc des yeux, mesure la tension nerveuse. Sur son ordre je lui tire la langue.
- Je vais vous administrer une piqûre qui vous calmera. Vous doublerez les doses d'antilexiques et d’antipressureurs . - Si vous voulez…
J’obéis car je ne comprends pas grand-chose. J’ai l’impression que le docteur est arrivé après la bataille et qu’il fait semblant de soigner une maladie dissipée. J’ai l’impression que le docteur va mieux en sortant de la chambre qu’en y étant entré. J’éprouve alors une immense fatigue, comme une grande lassitude. Je veux lutter contre l’endormissement soporifique mais la chimie est plus forte que la volonté. Je sombre.
Je me réveille le lendemain avec l’impression d’avoir bien dormi, d’être bien reposé. Je m’étire longuement et tente de me lever. Je sens alors tout mon corps engoncé dans une chape de plomb. Ma tête est horriblement lourde, l’esprit ensuqué. L’ingroisse m’envahit, sourde, sombre, terrifiante, tentaculaire, triomphante. Je réussis cependant à me lever et à me traîner jusqu’à la salle de bain. Je fais couler le robinet d’eau froide et je m’asperge abondamment le visage, puis je me dévisage dans le miroir : des cernes profonds bleu-noir encerclent des yeux délavés, inexpressifs. Les joues creusées et jaunes révèlent des mâchoires et des pommettes saillantes que je n’avais jamais vues jusqu’à présent. Les cheveux drus et rêches refusent de se soumettre aux plis lissés par une main tremblante. La langue est blanche et chargée, la gorge sèche, le goût a la saveur de la mort. Je prends peur. J’ouvre à fond le robinet d’eau froide et plonge la nuque sous le jet, suffoquant. Je prends une large inspiration et laisse l’eau produire son effet revivifiant. J’ai la sensation de plonger dans l’eau glaciale de l’océan aux premiers rayons du soleil printanier : le froid saisit brusquement. Le corps se fige quelques secondes puis s’agite dans des mouvements désordonnés qui lui évitent l’hypothermie instantanée. Quand je refais surface j’aspire à pleins poumons et nage lentement, le corps et l’esprit rafraîchis, prêts à obéir au cerveau calmé, régulant les efforts dans des gestes voulus, contrôlés, appropriés, raisonnables. La folie de l’acte de défi aux éléments sauvages laisse la place à la sagesse mesurée, apprivoisée, isothermique et rassurée.
Mais aujourd’hui à l’évidence mon corps a besoin d’autres douches. Bien que domptée l’ingrossie tétaniquante laisse place à la crainte. Je n’ai pas repris pied. Je me sens au contraire entraîné par le courant des baïnes qui m’éloigne du bord. Sur la rive… personne. Je m’en sortirai donc tout seul ou je me noierai. J’ai appris qu’il faut se laisser emporter sans lutter, accepter la dérive. Il arrive un moment où le courant ramène sur d’autres rives du même rivage. Malheureusement les courants de baïnes tuent souvent, y compris les gens instruits. Je n’ai jamais rencontré aucun rescapé pour témoigner. Ce courant de baïne bienveillant ne serait-il qu’une légende ? C’est exactement ce que je crains. Je n’ai aucune preuve que l’on sort vivant de la dérive. Dériver, n’est-ce pas accepter de mourir ?
Mourir noyé me soulève le cœur. Ce doit être une mort atroce, laborieuse, acharnée, lente, épuisante, provoquant des brûlures pulmonaires, s’engouffrant par tous les orifices du corps, avalée malgré soi, malgré l’écœurement, malgré l’envie de vomir. J’ai vu des épaves d’animaux noyés : poissons, oiseaux, ragondins, rats, chats… Le corps bleu devient presque transparent ; il est gonflé à tel point qu’il est prêt d’éclater ; il est méconnaissable, défiguré. C’est pourtant une mort propre : corps lavé et délavé, aucune trace de sang. L’hémorragie est intérieure. Elle ne salit pas. Elle ne met personne en cause : accident, imprudence ou suicide. Le mort est seul responsable. Le cadavre n’inspire aucun remords. Le plus souvent il n’est même pas retrouvé. On parle de disparu. La noyade gomme, efface le sujet. Elle le liquide. Il n’encombrera pas le cimetière du village. Il se décomposera dans les fonds marins. Au fond la noyade est peut-être le mode de suicide qui me conviendrait le mieux.
Soudain le cerveau se crispe à nouveau. J’essaye de chasser les idées noires et déraisonnables. Je sens bien que je n’ai pas le droit, mais je suis acculé, enfermé. Il n’y a que l’énergie gigantesque du désespoir qui peut me sauver. Je prends la tête dans les mains. Il n’y a que la mort qui peut mettre fin à mes souffrances. Je me cogne la tête contre le mur. Une première fois prudemment, puis mécaniquement, sans retenue. Je ne sens pas les blessures. Je cogne. Je cogne. Je cogne.
L’infirmière arrive et m’arrache à ma transe macabre.
- Allez vous coucher. Essayez de vous reposer. - Je ne peux pas ! Je ne peux pas !
Je gueule comme un forcené. Elle me prend la main. Je sens les larmes me noyer les yeux. Je regarde l’infirmière. Elle m’apparaît trouble, confuse, brisée, comme si je voyais son image dans les reflets de l’eau. Je sens maintenant la main secourable serrer la mienne très fort. Je soupire en fermant les yeux. Il y avait quelqu’un sur la berge. Je suis sauvé du danger. Je m’abandonne aux larmes et me laisse guider jusqu’au lit. L’infirmière m’administre deux sachets de transquillité sans lâcher ma main. Je sens que cela est parfaitement approprié. Je reste ainsi un long moment. Je pense coupablement que je n’ai pas le droit de sombrer. Les cachets aidant, mon esprit cesse de se torturer. Je me transéquillise. Je me vide de mes pensées tourmentées. J’ai le sentiment d’une totale vacuité. L’infirmière lâche ma main. Je ne m’aperçois de rien. Je ne suis plus là. Je suis ailleurs, les yeux ouverts sur un espace intérieur entièrement vide et infini. Je n’ai plus conscience de mon corps ni de mon esprit. Je flotte sur un nuage. Je ne ressens plus rien. Rien.
2- La panthère noire et autres pensionnaires zoophiliques.
J’essayais de contrôler mon effort sur le jeu du solitaire, tentant de surmonter péniblement l’effet stop horrifique du traitement neutrolympique. Mon corps se balançait sur la chaise dans un mouvement de va-et-vient lent et incontrôlable. Il m’arrivait par moment d’avoir soudainement une vision claire mais fugace du jeu. Le parcours semblait simple, mais dès que je m’emparais du pion pour le déplacer, je butais aussitôt sur des murs aveugles comme en un maléfique labyrinthe de miroirs. J’essayais tenacement de retrouver ma mémoire éphémère, visuelle ou mentale, mais elle disparaissait, accaparée par un combat confus de tentatives et d’échecs, perdue dans un dédale sinueux d’essais et d’abandons. Ma cervelle se crispait alors dans une violente contraction douloureuse de corps déshydraté, comme une sécheresse craquante, comme un bloc dur de sel qui se fend en de multiples cristaux désunis. Je m’asphyxiais. Mon corps s’immobilisait dans une raide tension musculaire et nerveuse. Je fermais les yeux, m’agrippais aux accoudoirs. Un cri interne montait et s’étranglait à la gorge.
Je basculais et un élan soudain me faisait bondir de la chaise, bousculer l’échiquier, me précipiter haletant vers un regard disponible d’aucun, qu’aussitôt vu je ferrais et soutenais avec détresse, mon être entier transmuté dans la pupille de l’autre miroitant une égale détresse que je buvais goutte à goutte. J’aspirais fébrilement la brûlure hydratante jusqu’à l’ultime larme, jusqu’à la perception du regard desséché, détourné, détaché, vide, traversant le mien propre, évaporé dans l’espace éthéré. L’autre n’était personne mais j’y avais puisé le sentiment fugace d’une source de vie qui me faisait me rasseoir, réagencer les pions et m’essayer à nouveau au jeu du solitaire. Et je réussissais enfin, après avoir surmonté douloureusement les bouffées énormes d’empoisse sueurifique. Alors j’arrêtais le combat, vainqueur de la peur des échecs. J’étirais les jambes, relevais la tête, regardais les arbres jaunis, respirais l’air de l’automne finissant, me tenant disponible pour d’autres détresses qui me semblaient être fragilement à ma portée.
Elle se relevait peu à peu d’une longue antirexie hallucinogène. Elle venait à peine de sortir de la sombre chambre d’isolement où elle avait digéré sa quarantaine, nourrie au goutte-à-goutte d’un savant mélange liquide sous perfusion cutanée. Secrétaire célibataire de direction d’un laboratoire important de produits pharmaceutiques, elle avait été brutalement frappée d’un mal terrible qu’aucune formule incantatoire n’était parvenue à dissoudre. Elle avait, paraît-il, passé deux mois entiers enfermée seule dans un studio sans jour, en proie à d’effrayantes visions d’une panthère noire paresseusement allongée sur la descente du lit qu’elle n’osait plus quitter de peur de réveiller l’instinct sauvage de la vigilante carnassière. Elle était lentement devenue l’ombre de son ombre. Son corps décharné s’était alangui dans un interminable affrontement dichotomique dont la panthère, sans bouger, avait bien failli sortir rassasiée, n’eût été la présence d’esprit perspicace d’un tiers voisin de palier, célibataire comme elle, la quarantaine aussi, qui appela prestement, au soixantième jour de la lente agonie, le salvateur SAMU.
Elle apparaissait maintenant dans sa maigreur miraculée, sauvée momentanément de la décomposition cadavérique que surveillait sa prédatrice bienveillante dont elle parlait avec une curieuse et brûlante attirance jaillissant de ses yeux humides. De qui était-elle la proie ou qui avait-elle envie de dévorer ?
Je tentais de m’astreindre au rigoureux précepte de l’établissement hospitalier : « Ne vous mêlez pas des problèmes des autres, vous êtes ici pour vous soigner ». Je succombai pourtant, malgré moi, à l’appel de détresse que j’avais lu bondissant tout à l’heure dans les yeux de cette étrange pensionnaire aux larmes desquels je m’étais désaltéré. J’avais accepté la rencontre. Y avait-il du mal à cela ? Rencontrer la détresse ne me paraissait pas relever de morbides attractions. Cela me semblait s’imposer comme une évidente sagesse de l’homme social décloisonné, délivré de ses défenses emmurées dans la restreinte tour d’ivoire du narcosisme. Cela me semblait d’autant plus naturel que je venais de sortir moi-même, momentanément, de la peur de mes échecs. Toute rencontre contient de la détresse. Faut-il la fuir sans cesse ou l’accepter sans crainte ?
Je ne m’étais d’ailleurs pas posé toutes ces questions. La rencontre était venue, je l’avais accueillie. Elle s’était livrée. Elle monologuait de longues heures durant, perdue dans mes yeux attentifs, à propos d’une intrigue solitaire où il s’agissait d’une filature minutieuse de l’homme du treizième palier qui se réveillait tous les jours de la semaine ‒ du lundi au vendredi – à 7 h précises, sortait à 7 h 30, entrait dans la bouche du métro à 7 h 45, en ressortait à 19 h, écoutait les informations à 20 h. Elle relâchait le guet à 21 h, une fois la vaisselle lavée. Et tous les jours de la semaine – du lundi au vendredi – la vie était réglée comme une horloge dont le tic-tac lui était nécessaire pour établir ses propres repères : sortir du gîte à 7 h 35, s’engouffrer dans un tunnel voisin à 7 h 50, en ressortir à 18 h 45, se coucher à 21 h 05, après les informations et la vaisselle et ne dormir que d’un œil quand les oreilles aux aguets cessaient de percevoir la plus ténue vibration sonore du studio voisin. Proie en puissance, elle évitait ainsi soigneusement de passer aux heures indues sur le territoire de chasse qu’elle devait quotidiennement franchir à découvert. Elle ne desserrait véritablement les fesses qu’à 7 h 45 précises lorsque chacune des deux rames, arrivant de directions opposées, les enlevait tous deux aux quais sur lesquels ils se tenaient face à face, durant cinq minutes chaque matin, évitant méticuleusement de se regarder en même temps, et les emmenait vers leurs destinations symétriquement inconnues. Elle les resserrait de 18 h 45 jusqu’à l’endormissement (à moins que même dans le sommeil…).
Le week-end la plongeait dans les affres de l’agression soudaine. L’horloge se détraquait. Monsieur devenait fantaisiste. Il lui arrivait de recevoir des amis, de sortir le soir, de rentrer au petit matin, de faire la grasse matinée au gré d’un rythme improvisé débarrassé de la cadence métronomique. Elle devait redoubler de prudence : scruter de longues minutes à travers l’œilleton avant de franchir le palier à la sortie, stationner au retour sur le trottoir d’en face, le nez collé à la vitrine dans le miroir de laquelle elle espionnait les allées et venues de la porte n° 241, examinant l’état de l’électricité aux fenêtres du treizième palier pendant dix bonnes minutes avant de se décider à rentrer chez elle.
Il arrivait même à ce voisin aux week-ends désordonnés de découcher. Le studio restait alors silencieux pendant deux longs jours et une nuit interminable. Elle ne pouvait cependant parvenir à en profiter pour se reposer car le phénomène était imprévisible. Et puis bizarrement le silence l’ingroissait. Pendant les week-ends ordinaires ‒ ceux pendant lesquels Monsieur passait la nuit chez lui ‒ elle arrivait malgré la difficulté de l’improvisation à deviner ses intentions… aux bruits de la télé qui s’éteint, de la radio qui s’allume, de la machine à laver qui se met en marche, des appels téléphoniques (un indicateur très pratique ‒ pas fiable à cent pour cent, mais pas loin ‒ à partir duquel elle avait vérifié assez facilement l’hypothèse qu’au bout du dixième coup de sonnerie ininterrompue Monsieur était absent). Les week-ends des quarante-huit heures silencieuses étaient pour elle source d’autres tourments qu’elle n’arrivait pas bien à identifier. Comme une angloisse qui se délocalisait, quittait les fesses pour se lover à l’intérieur de la poitrine. Une agitation fébrile la secouait sans cesse, comme pour meubler le silence, pour occuper le temps, tromper la souffrance. Elle ne supportait pas ces absences.
Il lui semblait que le lundi suivant de tels week-ends, de 7 h 40 à 7 h 45, sur le quai d’en face, Monsieur oubliait qu’elle existait. Il ne restait plus immobile, juste en face, il faisait les cent pas et montait dans n’importe quel wagon quand la rame s’arrêtait. D’habitude il s’asseyait sur une banquette extérieure, son épaule s’appuyait à la vitre en s’aplatissant légèrement. Elle s’asseyait juste à côté, appuyant son épaule sur sa vitre personnelle, assise dans le même sens pour ne surtout pas risquer de croiser son regard, jusqu’à ce qu’ils se quittent, lui en marche avant, elle en marche arrière. Il lui semblait même percevoir, à la dérobée, dans le reflet de la vitre, quand elle osait se retourner, le dessin d’un sourire triste et attirant sur les lèvres de son voisin. Mais les lundis qui suivaient les interminables week-ends d’absence, Monsieur faisait n’importe quoi.
Un beau dimanche, au lendemain d’une nuit silencieuse d’insomnie solitaire, elle s’était risquée à fuir à l’extérieur. Elle avait comblé son manque en se noyant aux comptoirs de nombreux bars, grillant les unes après les autres la totalité des cigarettes de trois paquets. Elle était rentrée sur le tard, l’esprit embrumé, la bouche pâteuse, le pas incertain, l’âme divagante. Elle s’était engouffrée sans se méfier dans la porte de l’immeuble.
Elle était tombée nez à nez sur son voisin à l’arrêt devant la porte de l’ascenseur. Trop tard. Elle n’avait pas pu faire demi-tour. Hasard malencontreux ou fruit d’un affût patiemment organisé ?
Cinq minutes de décalage et tout avait basculé. Il l’avait laissée monter la première dans la cage étroite et suffocante où elle avait dû combattre pour survivre à l’ascension lente et haletante qui l’avait élevée au ciel du treizième étage. Elle avait alors seulement remarqué qu’une fine moustache sombre soulignait la lèvre supérieure de l’homme au sourire dérobé. Elle n’était redescendue que soixante jours plus tard, sans s’en apercevoir, évanouie et affamée, ayant dû succomber au siège d’une panthère noire paresseusement allongée sur la descente de son lit. La panthère serait-elle jamais capturée ?
Il y avait aussi les yeux de Marcel, fermés tout le jour, comme était fermé le rideau de son petit commerce, depuis que le géant Mammouth avait écrabouillé la place et avait aspiré en un seul jour le chiffre d’affaires que Marcel avait mis trente ans à réaliser. Les yeux ne se rouvraient que le soir, autour de la traditionnelle belote de veillée et ils s’illuminaient progressivement au fur et à mesure qu’émergeaient de sa mémoire les souvenirs heureux de ses veillées de bidasse dans le djebel algérien quand il se décidait, après la corvée de popote, avec ses copains Romain, François et Mansour, à taper un carton. Ils éblouissaient même d’une lumière éclatante mais fugitive, comme une étincelle, quand il disait énigmatiquement, une grimace au coin des lèvres : « Il y avait même des soirs où on ne se contentait pas de taper seulement le carton, on y allait sur les ratons. Vous auriez vu ça les gars ! Il fallait pas nous faire chier ! » Et puis ils s’éteignaient. Marcel disait : « Tout ça pour en arriver là… ». Il se levait péniblement, assommé par les chachtons. Il quittait la table et s’en allait au lit dans une démarche somnambulesque. Non ! La commission de l’urbanisme commercial, docte assemblée présidée par le préfet du département, chargée de donner son avis éclairé sur les projets d’implantations des géantes surfaces commerciales, n’avait aucune reconnaissance patriotique. Elle prenait toujours ses décisions après que les géants l’aient copieusement arrosée (sous la Droite comme sous la Gauche d’ailleurs).
Il y avait aussi Laurent qui avait tout confondu quand sa sœur, l’aînée de huit enfants dont il était le rejeton, nouvellement fiancée, lui avait demandé de quitter le domicile qu’elle partageait avec lui. Il avait cru qu’elle lui disait qu’elle ne l’aimait plus. Il s’en était coupé les veines. En vain. Sa sœur était restée de marbre. Il s’était alors offert un joli accident de voiture qu’il avait écrabouillée contre un arbre et d’où il était sorti physiquement indemne mais mentalement atteint. La salope !
Il y avait aussi Brigitte, pulpeuse quinquagénaire venue se réfugier pour se protéger de son mari, subitement devenu tyran sadique quand elle s’était ramenée un soir à la maison, complètement éméchée, accompagnée du tout jeune puceau nouvellement recruté au bureau. Elle n’avait souhaité que raviver la flamme vacillante de la libido légitime. Elle s’était trompée de dose.
Il y en avait tant d’autres qui ressemblent à s’y méprendre à ceux que vous croisez dans la rue, à votre voisin peut-être, à votre copain, à votre collègue, à vos proches si éloignés. Bref, passons…
3- À la foulliée
Je restai quelques jours parmi les autres pensionnaires, ne voulant plus avoir qu’eux comme voisinage, refusant toutes les occasions de sortie, m’interdisant toute communication avec l’extérieur. J’avais reçu des appels téléphoniques, j’avais fait répondre que j’allais bien mais que je souhaitais qu’on me laissât tranquille. Peut-être un appel de ma femme, d’un parent, d’un ami, peu importe. Je me tus.
J’investis à nouveau le jeu du solitaire en y réussissant mieux que d’habitude, avec une meilleure mémoire des figures dessinées. Je retrouvai Brigitte, Laurent, Marcel et les autres. Mais la tendresse et la disponibilité que je leur avais manifestées s’entachaient d’une réelle aversion. Ils s’étaient servis de moi. Ils s’étaient racontés, épanchés, ils s’étaient fait consoler et n’avaient même pas dit merci ! Encore cela… mais ils ne m’avaient même pas accueilli en retour. Chaque fois que j’avais tenté de lever un tout petit peu de mon voile ils avaient tourné le dos. L’ingratitude est vraiment de tous les milieux humains.
Brigitte, salope ! Si tu as le feu au cul, va baiser ailleurs, pas sous les yeux de ton mec ! Laurent, petit maître chanteur ! Si tu n’as pas de respect pour ta vie, libre à toi mais laisse au moins ta sœur tranquille ! Marcel, sale facho ! Que les mammouths t’écrasent la gueule ! Et elle ? ah elle !… les mots ne viennent pas facilement. Paumée, frustrée, refoulée, voilà ! J’avais envie d’être la panthère noire qui lui griffe le visage, déchire sa robe, déchiquette sa peau et la dévore. Je pensais tout haut, je ne tenais plus en place. Il me fallait un lieu de crise. C’était urgent. Il fallait que la haine s’extériorise. Si jamais j’en croisais un ou les quatre à la fois, tour à tour et dans l’ordre je la baiserais, je le giflerais, je lui mettrais un coup de pied dans les couilles, je l’égratignerais. Non : je la grifferais, je l’écorcherais, je la déchirerais, je la déchiquetterais, je la mangerais, je la boufferais, je la dévorerais, je la dégueulerais… bref je la caresserais et l’aimerais comme elle le désirait. Toutes choses impossibles en ce lieu sacré de la folie qu’il était impossible de profaner. La folie se protège. Chacun fait semblant de l’ignorer. Il convient de la cacher. Il faut à tout prix la contenir dans les limites étroites de la décence, au besoin à coup de drogues plus acceptables que les coups de gueule, les coups de poings, au pire dans l’ignorance. Ne sommes-nous pas fous par défaut plutôt que par excès ? Par défaut de ne pouvoir donner libre cours à nos excès. Par défaut de ne pouvoir répondre à la violence par la violence. La seule échappatoire du fou est de se faire violence à lui-même. Et cette violence-là, croyez-en un fou, est inaliénable. Que valait-il mieux pour moi ? Imaginez un instant que je croisais un des compères de la bande des quatre : je passerais à l’acte et j’aurais droit à la camisole de force ; je ne passerais pas à l’acte et la violence resterait interne. Que devient-elle à l’intérieur ? Dans quels circuits diffuse-t-elle ? Aucun ! Les circuits intérieurs ne sont pas étudiés pour canaliser l’énergie développée par tant de violence et de haine. Il y a surchauffe. Le circuit disjoncte. Quel choix : l’explosion ou l’implosion ? Faire mal ou avoir mal ? Faire mal, faire mal… faire mal. Encore faut-il avoir de bonnes raisons de vouloir faire mal et le fou est par définition celui qui a perdu la raison.
En proie à la surcharge émotionnelle je ne trouvai d’autre lieu que le parc que je parcourais à grandes enjambées, donnant ça et là des coups de pied dans les cailloux, les mottes de terre ou quelques autres débris. Je déambulais mécaniquement, sans repère, au fil des allées que d’autres fous comme moi, solitairement parcouraient : celle-là, toute jeune et super bien roulée dans un maillot ras du corps, dont la guérison passait, semblait-il, par la discipline physique. Je la croisais régulièrement aux heures où elle exerçait son jogging, lui souriais gentiment et recevais en retour un sourire fier et charmant. Maintenant je la croisai sans m’en apercevoir ; celui-ci qui, un livre à la main, déclamait sans complexe, d’une voix théâtrale, les vers du Malade imaginaire. D’habitude je m’arrêtais, m’effaçais, écoutais, et suivais du regard la lente promenade du comédien, guettant à chaque vision l’acte suprême où le malade finirait comme son maître… sur les planches. Il en était aujourd’hui au dénouement heureux de l’amour d’Angélique pour Cléanthe, mais je le croisai sans rien entendre de Molière ; celui-là qui réglait sempiternellement ses comptes avec le Bon Dieu, toujours agenouillé ou prosterné, dégoisant d’interminables litanies, implorant le pardon du Très-Haut pour le péché de la chair qu’il n’avait commis que masturbatoirement. D’habitude, à sa rencontre, je me mettais à marcher à pas feutrés, croisais les mains sur mon plexus, baissais les yeux et respectais la prière. Aujourd’hui je le bousculai sans même m’en rendre compte et laissai s’épancher sur son compte une profusion de malédictions injurieuses le promettant au diable. Celui-ci, toujours stationné sous le même saule, repeignant inlassablement sur le même chevalet la même toile au paysage recopié, anonyme, invisible et sans modèle. D’habitude je m’arrêtais, regardais par-dessus l’épaule du maître et me demandais comment pouvait-il se faire qu’avec un tel talent on puisse manquer ainsi d’imagination. Le peintre me posait obstinément la seule et unique question qui le préoccupait vraiment : « Qu’est-ce que je fais ici ? » à laquelle je répondais invariablement : « Tu peins ». Aujourd’hui je ne m’arrêtai pas, ne regardai pas par-dessus l’épaule de l’artiste, mais j’entendis sa question : « Qu’est-ce que je fais ici ? » à laquelle je répondis brutalement : « Tu vas te faire foutre ».
Le tonnerre s’abattit soudainement sur la pension. L’équilibre tranquille et pépère de la douce foulie maîtrisée se rompit et s’évacua dans une crise de clémence collective déchaînée. Jusque-là les fulls n’en étaient pas et brusquement ils le devinrent. Le peintre, interloqué par la réponse à sa question existentielle, fit un faux mouvement et ratura sa toile. Il s’échappa horrifié et affolé en direction de l’infirmerie en criant au foutre. Et ses cris rendirent tout le petit monde fébrile qui s’agita dans tous les sens. Les infirmiers et infirmières maîtrisèrent rapidement le coupable, celui qui osa enfreindre la loi, celui qui dépassa les limites, celui que la colère rongeait et avait rendu aveugle, sourd, muet et irrespectueux. Je fus accusé de vandalisme, ayant mutilé avec préméditation une œuvre de grand art recopiée au centième exemplaire, châtrant du même coup l’élan thétrapleurtique de l’individu créateur. Le moine impuissant se redressa enfin et cria au mécréant blasphémateur. Molière mourut d’un infarctus. La jeune body-buildeuse n’ayant plus de fan témoigna pour vexations harcelantes. Brigitte témoigna pour tentative de viol. Laurent me traita de faux frère, Marcel de voleur. Les ranglossies fantasmatiques de chacun se déployèrent dans un vent de pure folie et l’établissement entier régressa jusqu’au commencement du stage, jusqu’au stade initial, jusqu’à l’origine des déséquilibres personnels. Tous, étonnamment solidaires, me montrèrent du doigt, commode coupable enfin démasqué en flagrant délit de rupture de charme collectivement et patiemment entretenu. Je devins malgré moi ce que j’étais à l’origine : le rédempteur du crime matricide originel qui seul permet de survivre à la terrible épreuve de l’abandon.
Le refoulement trop important du désir déclenche ainsi toute une série d’évènements inappropriés mais d’une logique qui s’enchaîne à toute allure pour réparer l’inconséquence du lapsus, du propos ou du geste maladroit. Que se serait-il passé si j’étais passé à l’acte ? Aurait-il fallu que je tente l’impossible : prouver mon innocence ou accepter de partir pour que le calme règne à nouveau sur la société des dérangés du système ?
En tout cas tout était à recommencer. On m’administra une double chose et on m’établit dans la sombre chambre d’isolement au seuil de laquelle elle vint se coucher, habillée de noir, tapie et blottie.
Pour gagner du temps je me montrai docile, obéissant, affable. Je suivais le maltraitement avec scropule. Puis on me libéra. Je retrouvai mes frères qui m’évitaient soigneusement, me regardaient de travers, me craignaient. Cela me donnait l’impression que je détenais le pouvoir magique de briser les êtres par un simple claquement de doigts. La conviction était acquise par le corps social que j’étais la gangrène. Que pouvais-je faire ? Aurais-je voulu demander pardon à l’artiste que celui-ci n’aurait rien voulu entendre et surtout n’aurait rien pu empêcher ni rattraper ni corriger. On ne pardonne pas au meurtrier de son enfant. J’avais été condamné par la vindicte populaire pour meurtre, viol, vol, outrage aux bonnes mœurs et vandalisme. On ne refait pas surface avec de telles charges, à moins de commettre un acte héroïque, exemplaire, dont il m’était impossible d’entrevoir l’ombre du début du commencement. Il m’était difficile de vivre avec l’idée que si je bougeais un doigt je risquais à nouveau la camisole.
Je demandai l’autorisation de sortie définitive, je l’obtins.
Lors d’une récidive et d’une réincarcération dans le même établissement j’appris que l’artiste avait posé son chevalet dans un endroit plus reculé du parc, plus intime et qu’il avait dessiné pour la première fois des lignes nouvelles qui avaient la forme d’un visage. Il ne recopiait plus, il créait et avait enfin trouvé ce qu’il était venu faire ici. Je me demandais si cela avait été permis grâce à ma colère à moitié libérée ou grâce à mon éloignement ou bien alors grâce à la psychanatrie.
4- Le dénoyement
Le ciel est lourd de gros nuages noirs gorgés d’eau qui dessinent des formes de monstrueux géants prêts à éclater. Le vent d’ouest chargé d’embruns souffle par rafales violentes courbant les frêles tiges d’oyats et projetant le sable comme des myriades de minuscules aiguilles brûlantes. Il fait froid. Je suis nu. Je me suis déshabillé machinalement. J’ai abandonné mes vêtements dans la voiture que j’ai laissée ouverte, les clés sur le contact puis j’ai gravi la dune à un endroit sauvage oublié sur l’immense cordon frontal dressé pour empêcher la mer de déborder. Je marche sur les chardons épineux sans éprouver la moindre souffrance. Chaque rafale de vent m’oblige à me courber pour pouvoir continuer à avancer. J’arrive péniblement au sommet. La mer est noire et la houle est volumineuse, écumante, désordonnée, agitée, tremblante, fébrile, repoussante. La plage est déserte et sale, jonchée de débris de toutes sortes et de troncs noueux, abandonnée à elle-même. La pluie commence à tomber en grosses gouttes éparses qui coulent sur mes cheveux, sur mon visage, sur mon corps tordu. Elle se mêle aux larmes, mais est-ce que je pleure ?
Je descends la dune. Mes pieds s’enfoncent. Je perds l’équilibre et tombe. Le sable colle à la peau. Malgré l’effort mon souffle est lent et régulier. Je me relève pour retomber quelques pas plus bas. La pluie se fait plus pressante et plus dense. Elle me lave. Le bruit énorme de la tempête et des vagues hurle comme des orgues de deuil envahissant l’espace de râles lugubres rebondissant en échos infinis aux quatre coins de l’horizon ténébreux. Je suis debout le dos au mur de la dune. Je regarde en face l’appel pénétrant du trou immense de l’océan qui ne m’effraie plus, qui m’attire, qui m’aimante. Je suis calme, froid, sec, vide, disponible. J’avance pas à pas sans jamais me retourner, sans plus vouloir m’accrocher aux rives du passé. L’avenir est enfin devant moi et bondit à ma rencontre.
J’entame une lente et molle pénétration. L’eau vient me lécher les pieds et se retire. J’avance. Elle me lèche les genoux et se retire à nouveau. J’avance. Elle me frappe au bas-ventre. Je tombe et me laisse emporter dans les flots qui me repoussent et m’abandonnent sur le sable. Je reste allongé, le regard perdu dans les nuages. L’eau et le sable ont pénétré dans le nez et les oreilles. Je crache et tousse dans des hoquets incontrôlés. La mer vient me lécher les jambes, le cul, le dos et m’abandonne. Je me relève, reste immobile et regarde la vague en face. Elle ne m’atteint plus. J’avance. Elle me lèche à nouveau les pieds, les mollets et me frappe à la hauteur des couilles. Je tombe. Elle m’emporte, me soulève, me roule, me rejette et me laisse gisant sur le ventre, abandonné sur la grève. Elle se faufile et me pourlèche les cuisses, le sexe, le ventre, la poitrine et se retire.
Je suis entièrement mou. À chaque caresse j’ondule et m’enfonce dans le sable mouillé que j’avale en même temps que l’eau qui me laisse un goût d’huître visqueuse. Je reste ainsi quelque temps laissant la mer m’entreprendre par-dessous. Mais elle me quitte. Je me relève et me retourne brusquement pour lui faire face, empêchant ainsi mon regard de se porter sur la dune que je ne veux plus gravir. Je ne peux plus reculer. Je me suis trop laissé faire. Je veux que la vague aille jusqu’au bout de mon désir. Je veux qu’elle me pénètre par tous les orifices, qu’elle me goûte si elle veut et qu’elle m’avale enfin. J’avance. Elle me lèche les pieds. J’avance. Elle me bouscule. Je reste debout.
Mon corps n’est plus qu’une chambre d’écho du bruit assourdissant de la marée et du vent. Elle me frappe à la poitrine. Je tombe et glisse attiré par le reflux, emporté par le courant vers le creux béant que l’onde submerge. Je suis à nouveau soulevé, roulé, plaqué puis enlacé et happé vers un trou nouveau et noir. Je bascule. Une douleur violente aux reins m’effraie brutalement. Elle m’a cogné sauvagement sur le sable pour m’étourdir. Je suffoque. J’essaie de voir. Mes pieds heurtent le sable, je tente de prendre appui. Mes bras se tendent vers le haut mais les mains touchent le sable. Je m’affole. J’avale. Je me raidis, sens que je suis rejeté. Je n’y vois rien. Mon corps est égratigné sur toute sa longueur. Se peut-il que je sois définitivement vomi ? Je soulève la tête, j’aperçois la dune dégoulinante.
Je suis sur le ventre, je m’agrippe au sable mais elle vient me chercher et m’attire vers le large. Non ! Je ne veux plus ! Je me défends. Mon cœur bat à toute allure. Une série d’images traverse l’intérieur de mes yeux. Des visages familiers. Ma vie ! Je suis pris d’un tremblement hystérique. J’avale, je vomis. Je m’agite dans tous les sens. Je suis à nouveau happé, soulevé. Mes poumons brûlent. Je parviens à garder la tête hors de l’eau. Je vois la dune. Je hurle. Un cri sans fin sorti des tripes. Mon Dieu ! Je m’éloigne. Le courant m’emporte. Mes bras battent l’air. Mes mains cherchent à s’agripper mais ne rencontrent que l’eau. Une vague énorme me submerge par derrière. La salope ! Trop tard ? J’avale. Je regarde…
J’ai passé le rouleau. Désormais il n’y a plus de retour. Je suis à bout de force. Je lève les yeux au ciel. Un nuage noir. L’eau noire. La mort ? Mon Dieu… J’avale. Je redeviens mou. Je coule.
La marée était descendante.
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