1- Dans le panneau.
J’ai trouvé sur le bord d’une route, un panneau de signalisation de forme triangulaire, sur lequel figurait en noir, la silhouette d’une femme nue. Une femme nue ! J’ai patienté longtemps, mais je n’ai pas vu le moindre bout rose d’un sein d’une. Même pas un microscopique téton ! Alors pour me venger, j‘ai dessiné par-dessus cet hypocrite pictogramme, une vache. Une belle vache ! Aussitôt un troupeau a traversé la route !
2- Cruauté.
La première bombe le fit se terrer, apeuré. La seconde le vit courir plus courageusement. La troisième le tua. Elle le réduisit en chair à pâté. « Il n’a jamais eu de chance », pensa son copain Jean qui continuait à progresser. « De la chair à pâté ! Lui, le végétarien ! ». Décidément, l’ennemi était très fort ! Pour démoraliser La Troupe Des Volontaires Végétariens - qu'encadrait une poignée de soldats professionnels - quel meilleur moyen qu’une boucherie !
3- Le héros.
Leurs fronts baignés de sueur brillaient au soleil. Ils s’observaient, immobiles au centre de la place poussiéreuse. Leurs mains tendues à quelques centimètres de leurs pistolets, tremblaient imperceptiblement. Le temps semblait suspendu aux gestes de ces cow-boys. Soudain, un coup de feu claqua. John, plus rapide, venait de tirer. Bill tournoya sur lui-même et s’affala, le cœur transpercé
- Oh !… Papa, regarde, il meurt ! s’exclama, horrifié, le jeune garçon en désignant l’écran. - Je vois mon fils. - Mais… mais… c’est pas juste que le héros meure ! - Eh oui, le héros n’est pas toujours le plus fort !… Même un héros finit par mourir, mon petit, articula sentencieusement l’adulte. - Mais alors, toi aussi, tu mourras ?
Son père sourit en se rengorgeant : il était le héros de son fils ! Le petit reprit :
- Car alors, maman finira par te tuer !
Son père sursauta et se renfrogna. Son fils avait donc remarqué, le petit futé, que la situation se dégradait dans leur couple ; et que lui, son père, avait rarement le dessus ! Il fulminait. Décidément, sa femme avait le don de lui gâcher ses moindres plaisirs !
Rentré à la maison, il abattit son épouse d’un coup de fusil. Puis se retournant vers son fils, il s’écria, fier de lui : « Tu vois mon fils, c’est pas encore aujourd’hui que le héros se fait descendre ! »
4- Disparition.
Elle n'avait pas le sens de l'orientation. Elle s'est perdue dans ses pensées...
5- À la télévision.
Fourbu après sa journée de travail, Mike s'affala dans son fauteuil, avec un grognement de satisfaction. Ouf ! Un peu de repos ! Il avait mal au dos et les muscles douloureux. Il bailla et ferma les yeux. Il faillit s'assoupir mais le bruit d'enfants dévalant les escaliers de l'immeuble le fit émerger de sa torpeur. Il se secoua et tendit à l'aveuglette sa main, à la recherche de la télécommande. Qu'avait dit, à son boulot, le nouvel employé concernant les programmes de ce soir ? Ah, oui : regarder la huitième chaîne !
« Soirée très intéressante ! », avait-il déclaré, énigmatique, un sourire canaille découvrant ses dents pointues et un regard ironique tombant de ses yeux trop clairs.
Bizarre ce type, pensa-t-il en alluma le poste. Peut-être un film porno ?...
Il était l'heure. Sur l'écran apparut un salon coquettement bourgeois, filmé d'un des coins de la pièce. Aucun personnage, mais les voix off des comédiens. L'une féminine et l'autre masculine. Ils se chamaillaient. La dispute s'amplifiait... Mike s'imagina le couple nu s'invectivant. La querelle se terminerait inévitablement par une partie de jambes en l'air, sur le canapé, les ébats filmés en gros plans...
Soudain un visage entra dans le champ de la caméra ! Mince, c'était celui du nouvel employé de la boîte ! Il fit un clin d'œil et un petit geste de la main en s'exclamant avec un rire féroce : « Adieu les gars ! Le film de votre vie est nul ! Ma compagne déteste d'ailleurs ce programme. On arrête tout. Cette chaîne est trop ringarde ! ». Il tendit la main et éteignit sa télévision. Mike disparut ; ainsi que bon nombre de ses camarades.
6- L'immortel.
« Aujourd'hui 1er janvier 2000, j'ai 24 ans et je viens d'achever ma machine à voyager dans le temps. Il est 12 heures, 1 minute, 32 secondes : j'embarque. Je règle mon accélérateur temporel, sur le 1er janvier 1976, 3 heures 15 minutes. Je vais assister à ma naissance ! J'enclenche le processus d'accélération négative... ».
Il n'assista jamais en spectateur à sa propre naissance : il en fut l'acteur principal. Il sortit du ventre de sa mère à 3 heures et 20 minutes et dut encore patienter 24 ans pour avoir l'idée saugrenue d'inventer une machine à remonter réellement le temps, à glisser réellement à rebours du temps, puis l'envie d'être présent quand sa mère accoucherait de lui.
Et le cycle recommença tout les 24 ans ! Il ne vieillit jamais et ne se vit jamais naître ! Il venait de gagner l'éternité sans s'en apercevoir !
|