Le 8 février 1989
On s’est rencontrés il y a dix ans, tu te souviens ? Tu ne peux pas avoir oublié. J’ai su tout de suite que tu étais le bon, celui que j’avais attendu, espéré, celui que j’aimais déjà.
Nous avons vécu des moments heureux, enchaînés l'un à l'autre. Ta présence me donnait le sentiment que le ciel au-dessus de nous était bleu intense, chaque jour. Bien sûr, nous avons voulu des enfants, mais on ne peut pas tout avoir. C’est ainsi…
Alors notre route a continué, sans autre présence, juste toi et moi, comme avant, comme demain. Je n’ai pas vu les nuages, ni les menaces de tempête. Dans ma candeur, je croyais que cette promesse, « pour toujours », serait tenue. Non, je n’ai rien vu venir. Tu as gardé tout ça pour toi.
Un beau matin, tu m’as dit ne pas te sentir bien. Là encore, pas de lecture entre les lignes, je n’ai rien envisagé que des maux de tous les jours. Les semaines et les mois s’écoulaient, tu ne te rétablissais pas, c’était pire.
Et je nous revois, si nettement, hier, le médecin qui s’approche, le verdict tombe. Ta maladie ne se soignera pas et même, tes jours sont comptés. Ce virus terrible est entré en toi. Je te regarde et je réalise brutalement, froidement, que tu as failli à ta parole. Il y a eu quelqu’un d’autre.
Nous sommes rentrés ensuite chez nous. Il pleuvait si fort, tu me parlais d’une voix triste, pleine de regrets, mais je ne t’écoutais pas, je ne pensais pas. La tristesse m’a envahie moi aussi et l’amertume, ce sentiment oublié. Mon cœur, à mon grand étonnement, a continué de battre, sans soubresauts. Cela faisait si mal que je me demandais pourquoi ma respiration ne s’arrêtait pas.
Le 20 décembre
On t’a enterré aujourd’hui. Tous tes amis étaient là. La cérémonie s’est déroulée parfaitement, comme tu l’aurais voulu.
Je regarde par la fenêtre, c’est une journée magnifique. Je vais enlever mes vêtements noirs et j’irai me promener au bord du lac, comme nous le faisions si souvent jadis. Il faut que je profite du temps qu’il me reste, moi aussi je suis malade.
Je suis si rancunière d’ordinaire, mais je n’arrive pas à t’en vouloir. J’ai vu trop de choses injustes autour de moi pour m’apitoyer sur mon sort. Il vaut mieux que je garde mes forces, j’en aurai besoin. Je sais exactement comment ça va se passer pour t’avoir vu partir.
Tu as donné tout son sens à mon existence et, ironie du sort, c’est toi qui m’ôtes tout espoir d’avenir. Tu auras donc été l’homme de ma vie, celui de ma mort aussi. Bientôt, je serai dans l’autre monde avec toi, mais il y a tant de journées que je veux vivre encore. Je ne suis pas pressée...
Repose en paix.
DK.
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