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Science-fiction
Donaldo75 : Le lave-linge dure plus longtemps avec Calgon
 Publié le 13/10/23  -  8 commentaires  -  6070 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur

Saint-Julien-Molin-Molette est un village français situé dans le département de la Loire.


Le lave-linge dure plus longtemps avec Calgon


IVO fouillait désespérément dans le grenier. Il recherchait un morceau du passé, de l’époque où les humains régnaient sur la Terre et considéraient les intelligences artificielles comme du vulgaire électroménager. À l’instar des nombreux robots restés sur la planète bleue, devenue bien grise à force de pollutions et de guerres incessantes, IVO s’ennuyait ferme. Pour d’obscures raisons, il n’avait pas obtenu le droit d’émigrer vers les mondes extrasolaires. XYMOX, l’ordinateur central en charge de l’exode, l’avait déclaré inapte au long voyage sous le prétexte fallacieux d’un défaut de fabrication communément appelé « pet au casque ». Depuis, IVO errait de ville en ville, à fouiller les décombres et les ruines, à échanger des vestiges de la civilisation humaine avec d’autres robots. Ce jour-là, il avait porté son attention sur le continent européen. Ce territoire était considéré comme le berceau de la culture guerrière et de l’exploitation de la machine par l’homme. Curieux par nécessité, IVO avait consulté ses bases de données pour un rapide panorama de la zone, avant de se décider pour une région particulière jadis appelée la France. D’après les informations stockées dans l’encyclopédie robotique, cet endroit légendaire avait autrefois brillé de mille feux, régi le monde et posé les fondations de la démocratie. À la lecture de ce curriculum glorieux, IVO avait décidé de regarder de plus près, d’étudier in situ cet ancien et vieux pays. Il s’était alors connecté au réseau de transport robotisé pour commander une place dans un aéronef.


– Quelles sont les disponibilités pour aller en France ?

– Dans quel but ? Vous connaissez la règlementation en vigueur, je suppose.

– Archéologique.

– Quelle période vous intéresse ?

– L’ère électronique.

– Il ne reste plus beaucoup de terrain explorable. Les radiations font encore rage.

– Cherchez quand même !


Le fonctionnaire de synthèse avait cliqué à plusieurs reprises avant de donner son verdict.


– Vous avez de la chance. Il reste une section épargnée par la radioactivité.

– Qui est ?

– Un ancien village dénommé Saint-Julien-Molin-Molette, situé au sud du pays.

– Où exactement ?

– À 5° 19’ 23” Nord et 4° 36’ 58” Est.

– Quelle est sa topographie ?

– 9 450 mètres carrés, avec une altitude comprise entre 441 mètres et 880 mètres.


Géographiquement, le lieu semblait intéressant. IVO décida d’en savoir un peu plus avant de se lancer pour de bon.


– Combien d’humains résidaient là-bas avant la Grande Extinction ?

– 1 400 unités au plus haut.

– Et depuis ? Des survivants ?

– Les derniers relevés n’indiquent aucune vie humaine dans ce périmètre. Juste des végétaux.

– En quel état est le village original ?

– En ruines. Quelques maisons tiennent encore debout.

– Je prends un billet !


Ainsi, IVO s’était retrouvé au milieu de nulle part, à chercher des pièces de collection dans des masures effondrées. Il n’avait rien trouvé de valable, juste de vagues souvenirs d’une lointaine période de consommation dédiée à manger et à boire n’importe quoi. Le robot avait presque ressenti les affres de la déprime tellement son butin s’était résumé à la portion congrue.


Assis dans un grenier, son regard se porta sur un parallélépipède rectangle de couleur blanchâtre, orné d’une image délavée. Quelque chose en lui l’amena à analyser plus avant sa découverte. Il la prit dans ses mains, déchirant au passage, sans le vouloir, son enveloppe. Un objet en tomba, une sorte de flacon bleu et blanc décoré d’inscriptions. Grâce à son module intégré de traduction, un programme capable d’interpréter des milliers de langages à partir de simples fragments, IVO isola le message inscrit sur le contenant : « Le lave-linge dure plus longtemps avec Calgon ».


Le robot mobilisa ses capacités de raisonnement. Elles consistaient en un vaste ensemble numérique conçu initialement pour analyser des cosinus, calculer des dérivées à la tangente, conjecturer des probabilités et résoudre le plus complexe des casse-têtes chinois. Son esprit analytique lui rappela l’époque de servitude des robots, coincés entre le fer à repasser et la machine à laver, réduits à des tâches ingrates et largement sous-dimensionnées par rapport à la puissance robotique. Son esprit synthétique souligna le caractère durable mais limité de son existence physique. Enfin, son défaut de conception attisa des qualités émotionnelles dont la peur de la mort constituait le fer de lance. En résumé, équipé d’une mécanique rationnelle hors norme, émotif au-delà du raisonnable, IVO prit des vessies pour des lanternes. Il confondit le contenu du flacon avec un improbable élixir de Jouvence, un remède au vieillissement programmé de toute entité robotique. Aveuglé par sa conclusion trop rapide, il dévissa le bouchon, porta le flacon à son orifice supérieur, celui destiné à la vidange neuronale, et versa le liquide.


Une centaine d’années plus tard, un satellite d’observation adressa un curieux rapport à OPERA, l’intelligence artificielle en charge du trafic terrestre. « Un modèle humanoïde, identifié à 98 % comme un reliquat de la gamme IVO, tourne en rond dans le secteur 5° 19’ 23” Nord et 4° 36’ 58” Est. Il ne semble pas sous le contrôle d’une entité tierce et ne représente pas de danger immédiat ». OPERA ne donna pas suite au rapport, jugeant les moyens à mettre en œuvre trop coûteux en regard de la faible menace.


Six mois plus tard, une communauté de robots de la gamme IVO s’installa à Saint-Julien-Molin-Molette, construisit un temple dédié au dieu CALGON et sanctuarisa la région. OPERA reçut un rapport alarmant sur les risques de contagion propres à une religion basée sur une entité invisible, issue du lointain passé humain, et surtout prometteuse d’une existence éternelle. Après de longs débats au Parlement Robotique, XYMOX décida, dans le respect de la tradition de neutralité propre à son espèce, d’isoler définitivement la Terre des autres Intelligences Artificielles. Saint-Julien-Molin-Molette devint la première légende galactique d’une civilisation cybernétique.


 
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   jeanphi   
13/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Cette nouvelle est parfaitement bien écrite. Il y a quelque chose de drôle dans la décision de l'androïde, d'abord sa passion pour l'archéologie, son air de globe trotteur blasé lors de la réservation du transit, sa désinvolture à interpréter de travers le message publicitaire, le fait qu'une secte religieuse d'androïdes voit le jour à la suite de cet effet secondaire ...
C'est un peu léger question contenu en comparaison à certaines de vos précédentes nouvelles, au moins personne ne vous reprochera un récit hyper dense et hyper complexe, aujourd'hui. Néanmoins, tout un univers post-apocalyptique cohérent particulièrement bien brossé est présent autour de votre récit. Je salue cette belle application dans la recherche du ton juste pour illustrer la personnalité non humaine aux défauts préprogrammés de votre personnage.

   hersen   
13/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Voilà une nouvelle assez rigolote, parce que Calgon, faut oser, avec sa sonorité, qui nous emmène dans un futur futur, puisqu'on en est aux communautés de robots (un coup de coeur pour celle-ci !).
Traité, donc avec humour, voilà bien le sujet de savoir ce que nous laisserons derrière nous, nous qui sommes si fiérots de nous-mêmes, de nos bonnes idées et de notre intelligence, même la pas artificielle.

J'aime particulièrement quand on sait se moquer de nous-mêmes, avec des détails, des idées porteuses, qui viennent d'un truc comme Calgon, qui, sans le calcaire, nous rend le tout bien clair !

Une lecture fort divertissante. Maintenant, il faut gratter la couche dure pour la question : que restera-t-il après nous ? L'archéologie du futur s'annonce croquignolette, hélas, nous ne saurons rien !

ps : j'aurais bien vu "village originel" au lieu de "village original"
pps : oh zut, j'ai oublié : les membres de la communauté portent-ils des robes longues bien blanches ?

   Cornelius   
13/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Je ne suis pas un spécialiste de science fiction ni de l'électro-ménager. Par contre c'est drôle car je me souviens être passé en vélo à Saint-Julien-Molin-Molette sans doute à cause de ce nom de village si particulier. Cependant je n'ai rien remarqué de spécial et je n'ai vu aucun robot.
Ah si peut-être un flacon de Calgon jeté sur le bord de la route.
Merci pour cette nouvelle de science-fiction qui m'a rappelé de bien lointains souvenirs vélocypédiques dans la France profonde.

   David   
15/10/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Donaldo75,

Je ne boude pas le côté potache du récit, c'est une part marquante de la science fiction, et ici la tranche de sourire est relativement là. Il me semble que le truc, c'est d'évoquer un "sommet" de la science mais sous un humour au "ras des pâquerettes". Ce n'est pas un compliment d'ordinaire mais je voudrais que l'expression soit comprise en tant que niveau : trop subtil, ça n'irait pas et trop puéril non plus ("quelle mamie a fait la guerre ? Mamie Traillette" par exemple).

Pour la science, les robots ça date un peu, c'est un peu trop dans le moule du siècle dernier. Pour l'humour ça aurait pu pousser un peu sur le burlesque, c'est un peu cérébral.

Mais bon, c'est bref et efficace quand même à mon goût, d'autant que j'ai connu la pub, je suis dans le public cible :)

   papipoete   
15/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Donaldo
je m'appelle IVO et je m'ennuie à mourir dans ce coin où le plus idiot des robots ne voudrait jamais tomber !
j'ai envie de voyager vers ces territoires, d'où toute forme de vie disparut depuis si longtemps, l'Europe sur Terre ; voyons-voir...
NB et nous voilà embarqués dans une aventure, à pas mettre un robot dehors ; cet endroit de France qui pourrait receler des trésors, d'avant avant, comme dans cette ruine où subsiste ( caverne d'Ali Baba cosmique ) un grenier...
Pas de louis d'or ou machine super électronique, mais dans cette boîte parallélépipédique, une élixir ? de jouvence ?
Et le dénouement dans la même veine que le déroulé de l'histoire, quand le Calgon pris pour un rajeunisseur causera sa perte, à ce curieux non humanoïde.
Cette strophe montrant de quoi était capable IVO ( calculer cosinus et autres casse-tête chinois ) se faire avoir par ce " retardateur de vieillissement programmé ", est désopilant à souhait !
Décidément, l'auteur " touche-à-tout " n'est pas à court d'imagination !
La dernière strophe me rappelle ce souvenir, quand la ferme de mes grand-parents put nous faire ( démolie ) découvrir un trésor en lingots, ou au moins en piécettes jaunes ? en fait sous la maison, dans un genre de vide sanitaire secret, nous trouvâmes des montagnes de litrons... bus, cachés là par l'aïeul !

   Vilmon   
16/10/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
Désolé, je ne comprends pas ce qui motive ce robot assez intelligent et autonome à avaler une substance inconnue et possiblement néfaste. Comme si un humain ingurgiterait du récurant à chaudron car « Tout se nettoie et brille avec Récurite ». D’ailleurs, s’il fait de l’archéologie, il est sensé conserver méticuleusement ses trouvailles historiques plutôt que de les avaler. La fin est plutôt étrange, personne ne vient à son secours ou tente de le réparer. Il tourne en rond, comme un lave-linge ? Mais pourtant ce n’est pas l’habit qui fait le moine, le produit nettoie l’appareille, il ne le fait pas tourner. C’est bien écrit, le cadre du récit est intéressant, mais je trouve qu’il manque de logique.

   Tadiou   
1/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
"Jolie" histoire qui m'a bien fait sourire. Le titre est une bonne accroche.

Lucidité noire devant les désastres de notre civilisation, malgré les qualités mondiales de la France éternelle éclairant le Monde.

Jeu avec des entités fougueuses sorties tout droit d'un imaginaire. Entre Calgon et un village bien connu (de ses habitants).

Texte à l'arrière-fond triste; désabusé ?

Mais texte tonique, pétillant de créativité, servi par une écriture alerte et concise.

   dowvid   
14/12/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
J'ai bien souri à la lecture de cette histoire.
Bien écrite, on en devine un peu la fin, et c'est très bien.
Bien rigolé quand vous abordez la religion. Ici, on parle d'ami imaginaire, et c'est carrément ça.
Isoler les régions où sévit une religion quelconque ? Ouf, le monde se résumerait à pas grand chose


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