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Brèves littéraires
Donaldo75 : Sommes-nous des humains ?
 Publié le 22/02/25  -  7 commentaires  -  2349 caractères  -  128 lectures    Autres textes du même auteur

… They tell us that
We lost our tails
Evolving up
From little snails
I say it's all
Just wind in sails

(Mark Mothersbaugh)


Sommes-nous des humains ?


Bo ressent une forte envie de pisser. La sangle l’empêche de bouger. La lumière l’aveugle, lui brûle les yeux. Il ne sait pas pourquoi il est allongé là tel un saucisson ficelé. Ses quelques souvenirs dessinent les contours de Londres, des policiers, des cris, des gens qui courent dans tous les sens, le trottoir sale jonché de papiers jaunes. Sa tête heurtant le bitume.


Individu mâle, type caucasien, cheveux blond cendré, yeux bleus. Âge : vingt ans environ. Identité inconnue, pas de papiers. Référence JSMITH-20250212-122. Lieu de récolte : Oxford Street. Groupe sanguin B+. Coefficient de santé : 99 %. Probabilité de revente : 100 %.


Bo se remémore des bribes de son arrivée. Un homme en blanc qu’il mord. Du gaz dans les yeux. Une pointe douloureuse dans le bras puis l’impression d’avaler son propre sang chaud. Sa vessie interrompt soudain la séquence souvenirs.


– Je rêve, madame Johnson, ou il est en train de pisser au lit ?

– Vous ne rêvez pas, docteur Miller.

– Il est incontinent ?

– Ce n'est pas notifié dans son dossier.

– Avançons. Que peut-on récupérer sur ce sujet ?

– Poumons, cœur, yeux, appareil digestif, système génital.

– Tout est bon dans le cochon, alors ?

– Le cerveau reste à vérifier.

– Laissez tomber. Ce produit n’amène que des problèmes.


Bo se met à pleurer. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Les voix des deux femmes résonnent comme des pièces métalliques. Des mains froides et plastiques se posent sur son corps. Un liquide écœurant commence à envahir ses veines. Des vagues rouges et brunes envahissent son cerveau.


– Que décidez-vous finalement, docteur Miller ?

– Envoyez-le au bloc. Je signerai les formulaires en sortant.

– C'était le dernier de la journée, docteur Miller. Est-ce que je peux rentrer chez moi ?

– Faites donc. J'ai moi-même un repas avec ma belle-famille à Wimbledon.

– Je vous laisse, alors.

– Je crois qu'on a bien travaillé aujourd'hui. Nous méritons un peu de bon temps.

– À demain, docteur Miller.


Individu déclaré conforme. Procédure enclenchée. Déclarant : docteur Vera Miller, assistée de l’infirmière Keren Johnson. Articles : cœur, poumons, estomac, intestins, yeux, appareil génital. Rebuts : à voir avec les services de rhumatologie. Remarques : système cérébro-spinal invalidé par manque de données fiables. Rapport terminé.


 
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   Dameer   
22/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Hello Donaldo75,

J'ai bien aimé ce mélange de froid clinique et d'humour, lorsque le docteur évoque un repas en famille avec son assistante, pratiquement au-dessus du corps découpé de Bo.

Perso j'ai toujours refusé le don d'organes, avec l'angoisse qu'on me prélève des choses alors que je ne suis pas vraiment mort : c'est exactement ce qui arrive au personnage de Bo qui se voit découpé en direct ; je peux donc dire que ce texte joue sur cette angoisse existentielle !

Il semble ici que la collecte se fait sur des individus qui auraient eu leur chance de vivre, mais la collecte d'organes et leur revente s'est institutionalisée et devenue un business lucratif, au mépris de la déontologie actuelle...

Sans doute une vision de ce qui nous attend bientôt dans un monde "trumpien" dirigé par le business et le profit avant tout, en dehors de tout sentiment d'humanité !

Je regrette que ce texte qui atteint malgré tout son objectif soit juste un peu court...

   jeanphi   
22/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Donaldo,

Au sujet du style, comme toujours, je le trouve très entraînant, c'est suggestif, directif, concis au sein d'une forme originale, ça se lit avec intérêt. Les ressorts de l'intrigue sont parfaitement maîtrisés par l'auteur, qui sait parfaitement où et comment y amener le lecture.

Au sujet du fond, je suis mortifié, mon seul réconfort quant à ce que je viens de lire réside dans le caractère hautement pratique et donc, quelque part, dans le fait d'une utilité ostensible de l'action. La symbolique n'en est pas moins criante d'évidence, la valeur marchande des individus n'est-elle pas aussi vieille que le commerce... seuls les moyens semblent avoir évolué au détriment des feins, dans votre dystopie.

   Cleamolettre   
23/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Un texte court mais glaçant à souhait, qui raconte les dérives d'une société a priori future mais en réalité actuelle si j'ai bien décodé la date dans la référence du sujet.
On a de l'espace, en creux, pour imaginer cette société qui recycle les hommes avant même leur mort, et ce n'est pas beau à imaginer, surtout dans un contexte actuel déjà bien anxiogène, à mon humble avis.

Sinon j'ai apprécié la précision de l'écriture, l'écho entre Bo "tel un saucisson ficelé" et le "tout est bon dans le cochon". Et la remarque sur le cerveau, un produit qui n'amène que des problèmes, c'est vrai, vive l'intelligence artificielle n'est-ce pas ?

Je ne suis pas la bonne cliente pour le nouveau genre de la brève littéraire, j'en ai lu, j'ai pu apprécier leur style mais je n'aime que lire les histoires qu'on veut bien me raconter, j'ai plus de mal avec les textes de réflexions ou d'invention littéraire, j'admire celles et ceux qui en sont capables mais je n'y trouve pas mon compte en tant que lectrice. Vous êtes donc le premier que je commente dans ce nouvel espace, parce que même court, votre texte m'a raconté une histoire, qui remue. Ceci dit, je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle (un bon texte, ça oui), parce que ça voudrait dire que peut-être que votre texte aurait eu sa place ailleurs aussi.

   Perle-Hingaud   
24/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Donaldo,
En y réfléchissant, ou du moins en revenant en seconde lecture sur ta nouvelle, je pense que la brièveté travaillée en renforce l'impact. C'est net, précis, froid, à l'image de ce que tu racontes. La catégorie est adaptée au texte, ou vice-versa (Être ou ne pas être, telle est la question sinusoïdale de l'anachorète hypocondriaque, évidemment). Dans un monde qui devient la parodie des pires craintes et absurdités, cette dystopie est efficace et effrayante, avec une dose d'humour et de cynisme appréciable dans les dialogues.

   Dimou   
25/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonsoir Donaldo,

Je suis presque surpris que vous n’ayez pas transformé en pilules à ingurgiter cet homme à 100% revendable, en mode Soleil Vert vous savez.

Un apparat scientifique coté lettres pour ce court texte, dense et efficace, de la sf et cette fois ci je me trompe pas mais je lirai les commentaires après pour être sûr... non vraiment cela ne se peut...

Une oeuvre aux effluves de code barre mais loin d’être générique, il y a une vraie patte, un style.

Un style à l'effroi qui réchauffe. De l'humour scalpe sans rire. Allez comprendre.

Bonne soirée !

   papipoete   
26/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Donaldo
un sujet qui fait horreur, en voyant ce sujet mâle, à qui sciemment on fait mal !
opéré vivant, pour réparer avec des pièces de son corps, quelque soldat nazi, quelque bolchévik du Kremlin, quelque poupon coréen...
NB je refais un tour au Strutof, en Alsace où un chirurgien zélé, jouait du bistouri...en s'assurant que le sujet... était bien vivant !
du Tarantino à la sauce " orange mécanique ", où ça pique bien les yeux !
j'ai très bobo pour Bo !

   Myndie   
27/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Donaldo,
Je viens de parcourir une dystopie glaçante, qui n'est pas sans m'évoquer le fameux « Soleil vert », malgré quelques différences : ici, l'euthanasie n'est pas volontaire. Ainsi, la violence du « rapt » et la froideur clinique, c'est le cas de le dire, de l' « intervention chirurgicale » ajoutent-elles au sordide de l'affaire.
Ensuite, ces prélèvements, motivés par l'appât du gain, relèvent plus de l'abomination mercantile que d'une « nécessité » antrhopophagique.

Quoiqu'il en soit, si le but de cette « brève » était de suggérer que la pénible et angoissante impression d'évoluer dans un scénario de science-fiction est en train de basculer dans la réalité, alors bravo, c'est réussi.

L'actualité ne nous prouve t-elle pas en ce moment qu'on n'est pas loin des actes de barbarie commis en leur temps sur des prisonniers ?(comme le rappelle Papipoete)
Je trouve ton texte terriblement efficace par sa concision, sa précision de scalpel (!) et son style qui marie l'inhumaine impassibilite du docteur et de ses assistantes et une ironie qui fait froid dans le dos.

Sommes nous des humains ? En voilà une bonne question !
(joli clin d'oeil à un très bon groupe musical)


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