Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Fantastique/Merveilleux
Donaldo75 : Sous la tempête
 Publié le 17/04/22  -  9 commentaires  -  7148 caractères  -  55 lectures    Autres textes du même auteur

It hurts to set you free
But you'll never follow me
The end of laughter and soft lies
The end of nights we tried to die
This is the end

(Jim Morrison - 1967)


Sous la tempête


La pluie avalait les nuages, la route s’affaissait sous les nappes liquides et la conduite devenait périlleuse pour les voitures avançant au ralenti tous feux allumés. Devant le déluge d’éclairs et de gouttes, Jim décida de s’arrêter sous un pont afin de se mettre à l’abri et de souffler un peu. Depuis son départ d’Amsterdam à sept heures du matin en direction de Barcelone, il avait déjà parcouru d’une traite une centaine de kilomètres. Il regarda par la vitre ; le ciel affichait complet avec des cumulus sombres, un soleil anémique, des zébrures stridentes et une avalanche d’eau. Le jeune homme se détendit puis commença à piquer du nez dans son siège.


Sharon sortit en trombe du lit, apparemment fâchée.


– Qu’est-ce que tu fous là, Sharon ?

– Tu es sérieux ?

– Oui.


Une main douce se posa sur l’épaule de Jim. Il se retourna et vit Gina, les cheveux en pétard auréolant son sourire chaleureux.


– Tu as été merveilleux cette nuit, mon amour.

– Qu’est-ce que vous faites toutes les deux dans mon lit, Gina ?

– Nous sommes tes fiancées. C’est normal, non ?


Le jeune homme fronça les sourcils ; pour lui, il n’y avait rien de normal à se fiancer avec son ex et sa régulière. Gina tenta de l’enlacer mais il résista.


– Pourquoi ?

– Pourquoi quoi ?

– Je suis fiancé avec vous deux.

– Tu n'arrivais pas à choisir.


Jim ouvrit les yeux d’un coup sec. Il se retrouvait de nouveau dans l’habitacle de sa voiture. Il regarda longuement à travers le pare-brise dans l’espoir d’une accalmie. La pluie avait redoublé d’intensité et les éclairs dardaient les nuages noirs ; le coup de vent se transformait en une véritable tempête estivale. Le jeune homme sortit son téléphone portable de sa poche intérieure puis composa le numéro de Gina.


– Edmund Wilkinson, répondit une voix masculine.

– Papa ?

– Jim ?

– Oui. Excuse-moi, je voulais appeler Gina.

– Ce n'est pas grave. Ta mère et moi, nous ne sommes pas encore couchés.


Jim se maudit d’avoir composé le mauvais numéro. Il n’était pas dans les meilleurs termes avec son père, un amiral estimé de la prestigieuse marine américaine. Edmund lui reprochait depuis toujours de ne pas avoir marché dans ses pas. Le fils posa les questions d’usage sur la situation de sa famille à Los Angeles. Apparemment, à part des conditions climatiques effroyables, tout allait bien dans la famille Wilkinson. Jim écourta la conversation.


– Ma batterie est en train de me lâcher. Je dois appeler Gina. Embrasse maman pour moi.

– Je l'aime bien, Gina. Ta mère te verrait bien avec elle.

– Si tu ne me l'as pas dit cent fois. Je te rappelle quand je suis dans une grande ville.


Jim tenta d'appeler Gina en vérifiant cette fois-ci soigneusement chacun des chiffres affichés sur l'écran. Il n'obtint que son répondeur et finit par lui laisser deux longs messages. Le souffle de la tempête faisait désormais tanguer la voiture. Le jeune homme alluma la radio pour en savoir un peu plus sur la tournure des événements et la situation sur la route. Il défila les fréquences jusqu'à capter une station en anglais.


– Avis de tornade, annonça une voix d'homme au fort accent néerlandais.


Les nouvelles annoncées par le speaker ne fleuraient pas bon l’optimisme : les autorités des Pays-Bas, de Belgique et de Grande Bretagne préconisaient de limiter les déplacements aux seules urgences. Le vent prenait de l’ampleur en mer du Nord et en Atlantique. La France était également touchée, notamment en Bretagne. L'Irlande passait en vigilance rouge.


– Que faut-il faire, quand on est déjà sur la route comme beaucoup de nos auditeurs, Janni ?


La journaliste présenta les rares options : pour tous les automobilistes proches d’une agglomération, le mieux était de garer leur voiture dans un centre commercial couvert puis de suivre les indications affichées sur les panneaux. Sinon, il fallait s’abriter au plus vite et du mieux possible. Rouler sous la tourmente devenait dangereux, en particulier dans les zones situées en dessous du niveau de la mer ; les bourrasques actuelles allaient se durcir, des coulées d’eau et de boue commençaient déjà à se former de part et d’autre du territoire. Rester dans son véhicule permettait également de protéger les passagers ; les orages s’intensifiant, la carrosserie permettait d’éviter la foudre et remplissait le rôle de cage de Faraday.


– Quel numéro appeler si vous êtes coincés ?

– Le 911 fonctionne dans tous les pays touchés même si le réseau mobile est toujours fortement perturbé. Il faudra rester patient avant d’obtenir des secours.


La réception devint aléatoire, hachant la moitié des mots. Jim en savait assez désormais et n'avait pas besoin de plus d'informations. Le constat était simple : il était perdu au milieu de nulle part en pleine tempête avec des communications en rade et sa seule voiture comme abri. Le jeune homme se retourna et fouilla le contenu de ses bagages. Il n'avait pas emporté de quoi manger. Sa ration d'eau se résumait à une demi-bouteille. Il haussa les épaules et décida de pousser la sieste plus longtemps. La voiture, sous les coups de boutoirs du vent, le berçait comme un voilier sur une mer agitée. Jim ferma les yeux et se laissa porter par ses songes.


– C'est la fin, dit une voix métallique venue de partout dans l’habitacle.

– Viens tenter ta chance avec nous, Jim, scandèrent en chœur d'autres voix.

– La fin est ton amie, Jim. N'en aie pas peur. Elle va te prendre, t'emmener haut et loin.


Le vent souffla de plus en plus fort et dans tous les sens contre les vitres et la carrosserie. Le ciel s'obscurcit, les éclairs se rapprochèrent et la pluie redoubla. Jim trouva les paroles apaisantes en regard du monde extérieur. Il entendit sa propre voix se mêler aux paroles et demander où il devait aller car il ne savait pas où il se trouvait.


– Au commencement. Dans la furie de l'air, de la terre, de l'eau et du feu.

– Fais l'amour avec l'air, chanta un chœur vocal. Fonds-toi avec l'eau. Bois le feu de tes lèvres.

– La terre t'appelle, Jim. L'entends-tu ? Elle veut son fils, Jim. La fin lui apporte son enfant.

– Bois l'air. Fais l'amour avec le feu. Accueille l'eau dans tes bras, scanda le chœur.


Jim bougea les lèvres et souffla quelques mots. La voix métallique continua de réciter son message : il devait faire l’amour avec l’eau, laisser le feu l’envahir, devenir l’air à son tour. Il était la terre maintenant, le début et la fin. Le chant s'insinua dans sa tête, reprenant le refrain, suivi par un chœur harmonieux qui parlait d'amour et de boire, de mère et de plaisir. Jim écouta longuement le leitmotiv de ces voix reposantes. Elles donnaient du sens à ses rêves, lui permettaient d’oublier son passé, Sharon et Gina, son père et ses reproches, Amsterdam et Barcelone, comme si elles avaient toujours sommeillé en lui et se réveillaient maintenant sous les appels de ce déluge d’eau, d’air et de feu venu se fondre dans la terre. Il ouvrit lentement la portière et sortit de la voiture. Il regarda le ciel une dernière fois puis sentit l'orage gronder et le vit illuminer le ciel dans un torrent de lumières puis la tempête avala le jeune homme.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
17/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Donaldo,

Vous avez l'air d'être un grand fan des Doors. Moi, je ne connais que leurs tubes, et même si cette nouvelle mériterait d'être lue par un temps d'orage et sous une pluie battante, je l'ai bien aimée, sous le soleil. Jim Morrison aurait-il trouvé l'inspiration dans un cas comme celui-ci ? Est-ce une anecdote avérée ?

Merci pour la lecture

Anna

   Robot   
17/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je trouve que le découpage de ce récit apporte beaucoup à l'étrangeté de cette fiction. D'abord la réalité d'un violent orage suivi de cette scène onirique avec les deux amoureuses. Puis le retour à la réalité des communications difficiles.
C'est là que le récit nous entraîne dans le fantastique effrayant et étrange au coeur de cette tornade qui appelle le "héros" pour le retenir dans les liens de ses rêves.
J'ai beaucoup aimé ce texte qui dans sa structure a des allures de conte.

   Angieblue   
18/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut,
Je pense que le premier songe, celui avec les deux filles, aurait pu être plus sensuel, plus psychédélique, plus fou, plus coloré. Là, c'est un peu trop sage.
J'ai préféré le dernier qui est plus envoûtant et dans un esprit plus fantastique avec les voix qui s'entremêlent et la fusion suggérée entre le personnage et les éléments.
"Bois le feu" et "fais l'amour avec le feu", quand je visualise, ça ne m'inspire pas trop comme trip, alors que "faire l'amour avec l'air" ou l'eau, là c'est plus planant et inspirant niveau imaginaire. Il aurait peut-être fallu trouver autre chose pour le feu...
Par contre, j'ai bien aimé l'image de la tempête qui avale le personnage. De plus, cette métaphore était déjà présente au début du texte "La pluie avale les nuages". ça montre bien la fragilité de l'humain par rapport aux forces de la nature qui peuvent tout engloutir comme une sorte de monstre gigantesque. Je pense que cette idée aurait pu être davantage exploitée.
En somme, l'idée du texte est bonne, mais ça mériterait d'être enrichi afin que l'on ressente davantage du début à la fin une sorte de tourbillon infernal, sensuel et dévorant.

   Pepito   
19/4/2022
Salut Donaldo,
Ben tu l’as écrite en courant celle-là ? Ou sous l’orage… non ?
"les cheveux en pétard auréolant son sourire chaleureux."… je suppose que c’est après un accident et que le front, le yeux et le nez se sont écrasés au niveau de la bouche, non ? ;=)
"– Qu’est-ce que vous faites toutes les deux dans mon lit ?"… une phrase que j’ai longtemps rêvé de prononcer…
" Il regarda longuement à travers le pare-brise dans l’espoir d’une accalmie."… je me demande si en regardant dans la boite à gants, il n’aurait pas eu plus de chance que le temps s’améliore. C’est juste une idée…
"les éclairs dardaient les nuages noirs"… "lardaient", non ? Mais un éclair qui lance un nuage, ça doit valoir le coup d’œil. ^^
" Il défila les fréquences jusqu'à"… c’est surtout pour les ré-enfiler après que c’est coton…
"ne fleuraient pas bon l’optimisme "… sentir bon l’optimisme, oui, oui, oui.
"et sa seule voiture comme abri" … là tu te moques. ^^
Bon, j’ai un peu sauté la fin. Je ne suis pas un spécialiste, mais je suppose que cela faisait allusion aux paroles d’une chanson.
A la prochaine…
Pepito

   Tiramisu   
22/4/2022
Bonjour Donaldo,

Je suis toujours très sensible aux textes qui mettent en jeu les éléments, et j'avoue que j'en redemanderai même davantage dans ton texte.
J'aime bien le décalage entre la vie ordinaire, la (les) compagne, les parents, et le côté apocalyptique de la situation. Et ce qui me semble bien vu c'est l'évolution du narrateur, au départ il est pris par sa vie ordinaire, et progressivement, il lâche, il s'abandonne, voire il se donne, se livre dans une attitude totalement mystique.

Merci pour cette lecture.

   hersen   
23/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Entre "the end" et "Riders on the storm", cette nouvelle véhicule indéniablement une ambiance.
Mais je pense que justement, ce qui a trait aux éléments déchaînés ne reste que trop descriptif. j'aurais apprécié (je dis ça parce que je sais que tu aurais pu) un mélange d'images traversant la furie du ciel, déconnectées de la tempête, en tout cas celle des éléments.

J'aime l'idée de fin, mais le "puis la tempête avala le jeune homme" est un peu sec, j'aurais bien aimé savoir si elle s'en régalée, la tempête, ou si elle a eu envie de le recracher. Ou de le mettre au congélateur pour plus tard.
Tu vois le genre de trucs ? (trop de chocolat, c'est pas bon...)

On commence avec Sharon et Gina, on finit avec l'eau, On est dans le thème.
Don, tu m'as tuée avec cette phrase :
-Tu a été merveilleux cette nuit, mon amour.

Je pensais naïvement que maintenant on n'avait plus le droit d'écrire des trucs comme ça !

Tiens, pour me faire pardonner, un lien de quelque chose que tu vas découvrir pour la 500 millième fois (à la louche)
https://www.youtube.com/watch?v=eqgXGMAS__M

merci de la lecutre.

   Pouet   
26/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

j'ai lu cela très rapidement dans le bon sens du terme, l'écriture est fluide et pour ma part je n'ai pas lâché le texte.

L'ensemble - entre rêve et réalité - a très bien fonctionné pour moi ; en finalement peu de lignes, l'histoire est bien campée, assez riche et "fouillée".

Bref, je sais plus trop qu'ajouter d'autre si ce n'est que c'était un très bon moment de lecture.

   wancyrs   
2/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut Don,

Je n'aime pas la fin de l'intrigue de ton texte, mais il est vachement bien écrit. C'est peut-être la deuxième fois ou la troisième fois que je le remarque avec des textes de toi que je commente, l'entrée est difficile d'accès, mais plus on avance plus on est happée par cette ambiance magique ; bref on finit pas être un acteur du récit, et ça j'aime bien.
Je n'ai pas vu venir cette fin tragique, même si la majorité des éléments du texte la présageait ; j'ai voulu garder espoir car le suicide pour moi est si... Brutal !

Merci pour le partage !

Wan

   Donaldo75   
10/5/2022


Oniris Copyright © 2007-2023