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Sentimental/Romanesque
donif : Le masque d'effroi
 Publié le 13/06/09  -  12 commentaires  -  6626 caractères  -  48 lectures    Autres textes du même auteur

À un arrêt de tram, un homme me glace le sang...


Le masque d'effroi


Ce n’était vraiment pas le jour. Ma voisine m’avait sauté à la gorge de bon matin, j’avais dû repousser deux témoins de Jéhovah mal coiffés, un rat avait élu domicile dans mes pantoufles, j’avais confondu dentifrice avec mousse à raser, et par-dessus tout, je n’avais plus de café.


J’attendais le tram. Comme tout le monde. Comme trop de monde. C’était jour de grève, seulement une rame sur deux circulait. Le tram arrive, les gens se ruent sur les portes, obligeant ceux qui désirent descendre à des sorties acrobatiques. Notamment, une mamie s’en sort admirablement bien, transformant son sac en arme blanche, s’extirpant rapidement du chaos humain, sans masquer une certaine satisfaction.


Je ne suis pas d’humeur à jouer des coudes, je prendrai donc le prochain. À côté de moi, un couple d’une cinquantaine d’années se résigne également. Je n’y prête guère attention, jusqu’à ce que j’entende le mari crier « Assieds-toi là ! » d’un ton que je n’oserais pas même employer sur mon cocker. La femme s’exécute.


D’une curiosité de badaud, je retire mes écouteurs et tends l’oreille. J’ai du mal à discerner leur conversation, deux greluches de 15 ans entre nous gloussent en cris aigus et stridents. J’entends juste une phrase de l’homme : « Je t’aurais frappé pour ça ! ». Aucune plaisanterie dans cette voix-là. La femme, tout habillée en noir, tête basse, les traits marqués par l’avilissement, le visage fermé, le regard éteint, ne bronche pas.


Elle est écrasée. Complètement écrasée, ramassée sur elle-même, le dos comme ployant sous une masse invisible. Je cherche son regard, espérant lui communiquer une vague de soutien, ne serait-ce qu’en lui envoyant une marque d’attention, un sourire compatissant. Mais elle ne lèvera les yeux qu’une seule fois, et devant la stupeur de son expression résignée, du vide terrible que je devine, je reste figé, hélas.


Le deuxième tram arrive. Je profite de la cohue pour me glisser à côté d’eux, mais pas trop proche. Une rangée de personnes seulement m’en sépare. C’est largement suffisant pour entendre distinctement la voix tonitruante du mari. Il lui parle des actualités, de sa vie à lui, de sa vie à elle, mais toujours dans un monologue d’autosuffisance, avec une pleine assurance de lui-même. Régulièrement, elle acquiesce sans dire un mot, toujours tête baissée.


Lui est juste en face de moi. Il regarde dans ma direction ; il ne regarde pas sa femme en parlant. Je l’observe. Son ventre gras dégueule au-dessus de son pantalon noir. Une veste de chasse gît misérablement des deux côtés de sa panse, il ne peut manifestement pas la fermer. Son débardeur blanc est recouvert d’une grosse chaîne en or, s’entrecroisant sous sa goule avec des poils luisants collés par la sueur.


Mais sa tête, c’est sa tête qui me captive. Joufflue, énorme, il a pourtant les traits marqués lui aussi. Mais pas de la même façon que son épouse : alors qu’elle a les rides d’une femme qui a vieilli trop vite, lui est marqué d’une autorité sévère et indiscutable. Sa lèvre inférieure, pendante, humide, énorme, me dégoûte. Je ne sais pas s'il me regarde. Quand il parle, avec véhémence, j’y lis de la passion, une passion colérique et euphorique, une luxure imposée, une haine effrayante.


Quand il se tait, ses yeux se fixent. Sur moi. Je détourne la tête. Puis, je trouve la force de soutenir son regard, le temps de quelques secondes. Sa face lubrique me terrifie. Je le sens pris de tremblements imperceptibles. Je dévie finalement, tétanisé par son courroux, je l’imagine fondre sur moi comme un lion affamé. À cet instant, je ne vois pas que le tram est bondé, je ne réalise pas que je ne risque rien.


Il se remet à parler, encore, de ses exploits à l’atelier de tir. Puis subitement, il saisit avec force le poignet de sa femme, lui gueule dessus, plonge son regard dans le sien. Elle s’évanouit. Il n’en peut plus, son visage rougit, se convulsionne, puis bleuit. Il la réveille d’une grande claque dans la mâchoire. Il la tire comme un pantin, la relève, la garde empoignée. Elle, je crois l’entendre murmurer « j’ai mal ».


Je me rends compte que le tram, bien que rempli comme jamais, n’a jamais été aussi silencieux. Lui se tait également, le regard planté toujours droit, vers moi. Je ne crois pas qu’il me regarde. Le tram s’arrête, la moitié des voyageurs descendent, quelques-uns montent. Ceux-ci discutent à vive voix, s’étonnent du silence, pour discuter de plus belle. Le tram se détend peu à peu. Je reste stupéfié.


Ils descendent, finalement, à l’arrêt Gambetta. Je descends avec eux. Je ne sais pas pourquoi, mais je me mets à les suivre. Je crois qu'à ce moment-là, je veux aider cette femme. Je ne sais pas encore comment. Peut-être en connaissant leurs adresses, je pourrais aller lui parler plus tard. Ou appeler la police. Mais non, c’est idiot, que pourrais-je leur dire ? Ce ne sont que des gens que j’ai observés dans le tram. Je suis convaincu qu’il la bat, tout le tram l’était bien sûr, mais que puis-je dire de plus ?


Il la tient toujours par le poignet, la traîne derrière lui comme un vulgaire sac de marchandises, ne la regarde même pas. Il marche bien trop vite. Elle coince ses talons dans les pavés, manque de tomber plusieurs fois, mais ne dit rien. Les passants les regardent, un peu choqués, et continuent tranquillement leurs chemins.


Après cinq minutes, ils s’arrêtent, devant un grand bâtiment aux colonnes imposantes. D’une voix calme, jovial, il lui dit simplement « C’est bon ». À ces mots, elle se redresse, arbore un sourire éclatant, se décoiffe rapidement. Elle semble alors rajeunie de 15 ans. Lui a gommé toute trace d’autorité sur son visage, a rentré sa lèvre inférieure, a adouci son regard. Ils rient fort, se congratulent, s’embrassent.


L’homme lui demande s'il ne lui a pas trop fait mal, elle lui répond par un sourire gracieux. « Dites-moi simplement si je suis prise », lui dit-elle. Il reste songeur un instant. « C’était très concluant, mais il me reste une audition à faire passer. Je vous rappellerai très rapidement, comptez sur moi ». Elle lui sert la main, et disparaît rapidement au coin de la rue du théâtre « Bonvoisin ».


L’homme la regarde partir, un air satisfait aux lèvres. Une autre femme arrive, habillée en noir elle aussi. « Mlle Vigneron ? » lui demande-t-il. Elle acquiesce. Sans se parler, elle comprend que l’audition a déjà commencé. Alors, son dos se courbe, son visage se ferme. Celui de l’homme se durcit, sa lèvre basse se fait plus proéminente, son regard m’effraye à nouveau. Il lui prend le poignet avec force, et lui gueule « Viens, on prend le tram ».


 
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   Anonyme   
13/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bravo ! J'ai été bien eue. J'ai encore cru à un rêve, mais c'est bien mieux que ça, très original.
Vraiment inattendu. Une bonne dose d'imagination et une écriture plaisante.
Il y a quand même quelques petits détails qui clochent : si la voix du bonhomme est aussi tonitruante tout le tram devrait en profiter, il devrait y avoir des regards échangés entre les passagers, et peut-être même quelques interventions "polies" ?
"deux greluches de 15 ans entre nous gloussent en cris aigus et stridents." : glousser, c'est relativement discret, alors que stridents et aigus, l'est cent fois moins.
Bien aimé l'intérêt et la compassion du personnage central mais à mon sens, avis personnel bien sûr, il manque ces échanges de regards avec les autres passagers.
Bonne route à l'auteur et au plaisir de le retrouver.
Par contre le titre... je le trouve un peu hors contexte, pas très en accord avec la nouvelle.
Bonne continuation.

   xuanvincent   
13/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Pas mal l'idée de cette nouvelle, j'ai trouvée !

Ce pourrait être une scène banale de métro, de ces acteurs qui se mêlent aux voyageurs ordinaires, mais le suspense m'a paru bien gardé.

L'écriture m'a paru assez simple par moments mais efficace.

   Selenim   
13/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Je n'ai pas été trop emballé par ce récit. Je devine le jeune âge de l'auteur, ce qui excuse en partie la maladresse de l'écriture et la chute rocambolesque.
Le style est assez lourd, des répétitions disgracieuses et une belle collection d'adverbes en prime. Openoffice en dénombre 24.
Sur l'intrigue, l'idée d'une audition dans un tram peut paraître bonne mais le rôle que doit jouer la demoiselle et tellement famélique qu'on se demande sur quoi elle peut bien être jugée.
Pas convaincu donc.

Selenim

   Anonyme   
14/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je suis un peu mitigée, tout d'abord parce que l'idée me parait bonne et que j'ai un souci avec la notion même de Deus Ex Machina que je trouve bien illustré dans ta nouvelle.
ça vient d'où...?
je veux dire, quelles pistes nous sèmes tu pour nous mettre sur la voie? Comment la probabilité est rendue crédible?
Donc, en gros, j'y crois pas trop. Je comprends le but de l'auteur, de son protagoniste lippu aussi (qui je suppose veut mettre ses actrices en situation, voir si elles sont "crédibles" dans la vraie vie..) c'est un procédé intéressant vu que le jeu d'acteur est basé justement sur la non réalité des scènes tournées... donc non assimilable à des "scènes de vie"... vu qu'il est excessivement rare de tomber sur des réalisateurs qui tournent en une prise... pour des raisons techniques d'abord...

Donc pour moi le déroulement narratif est bancal.
J'ai l'impression que l'auteur a suivi une idée (suivre un couple qui l'interpelle et lui "imaginer" une existence) et a trouvé en cours de route une issue de secours...

Dommage.

Ensuite, pour le style, j'ai quelques soucis d'adverbes, de tournures... de logique aussi (les gloussement en cris aigus et stridents peut être correct au niveau sonore mais j'ai un doute sur le terme cri... gloussements bruyants aurait suffi...)...

Dommage aussi.

Donc j'ai quelque chose qui ressemble à l'ébauche de quelque chose d'intéressant, et c'est déjà pas mal.
Une belle imagination.
ça me rappelle mes balades en TEC... j'aime la technique...

Voilà désolée, y a matière à mais c'est pas encore ça pour moi.
Ce n'est que mon avis.

Je lirai la suivante. A suivre, donc.

   widjet   
15/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Euh..Hmm…Comment dire…C’est quoi, au juste ? Une scène jouée, on dirait…Mais dans quellel optique ? Un film ? Mouais...

Je suis resté un peu « con » à la fin de l’histoire. C’est dommage car en dépit d’une écriture assez classique et d’un certain manque de réalisme (la non réaction des gens même si de nos jours il est vrai que..) je me demandais bien comment cette scène allait finir. Déception, donc (surtout avec un tel titre).

Widjet

   cris   
16/6/2009
Un peu de trop dans tout ça..j'aurai aimé plus de réalisme en supprimant des longueurs dans les descriptions. L'introduction d'un dialogue rendrait le récit plus prenant. La fin rocambolesque m'amuse. bravo pour l'idée.

   florilange   
18/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Vrai qu'il y a peu de crédibilité. D'après ce qu'on en sait, les auditions ne se font pas ainsi. Puis, si le masque était si terrible que ça & la femme si abattue, me semble que le reste du tram aurait vu, entendu & réagi, au moins en lui demandant de se taire.

Mais je salue l'idée originale & l'écriture qui maintient le suspense jusqu'à la fin.

Bonne continuation à l'auteur.
Florilange.

   colibam   
18/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ben moi j'ai aimé. Une vraie nouvelle avec sa fausse piste, un ton sec, proche de l'oral, à la Paul Colizé (auteur de polars belge).
Les descriptions sont vivantes, on sent presque l'aigreur porcine du faux crétin.
Le silence complice des faibles, dans la rame, qui se répand dans nos sociétés lisses et terrifiées par la moindre vaguelette.
La fin, originale, a subitement ralenti mon pouls et dessiné un sourire.

Seul reproche : le "notamment" (6ème ligne) est maladroit.

   marogne   
21/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai vraiment bien aimé le premier paragraphe.

et puis j'ai été un peu déçu par le style de la suite, quelques mots employés avec approximations (voir les autres commentaires), et parfois des tournures un peu trop lourde par rapport à l'ensemble (dumoins pour moi).

Et puis l'indifférence - ça c'était un sujet - et elle commence par ce satané baladeur sur les oreilles du narrateur, on est presque surpris qu'il puisse se rendre compte de ce qui se passe autour de lui. Et puis dans le bus (pardon le tram), indifférence à la fois réelle et caricaturale, on aurait pu presque se trouver dans un autre monde et attendre l'événement complètement décalé qui aurait rabaissé la scène de l'homme dans le banal (pourquoi pas quelque chose à la "orange mécanique"?). Mais on reste gentiment en spectateur.

Malgré cela, j'étais parti à la suite de ce couple, avide de la suite - un peu de violence quoi, ou alors un renversement de situation? Mais non, ça tombe!

Et une audition sur un rôle muet? N'aurait-il pas été possible que ce soit la femme qui fasse passer l'audition à l'acteur - là il y aurait role à jouer.......

   liryc   
22/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai apprécié la pensée de l'auteur retranscrite avec justesse et emportant avec conviction ma lecture. Je m'attendais à tout sauf
à cette fin très surprenante mais pas décevante.
Il aurait été cependant plus habile de glisser des élément qui se révèleraient lors d'une seconde lecture. Mais ce n'est qu'un avis personnel.
L'ensemble me plaît.
Bonne continuation.
Liryc

   Anonyme   
2/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Pas mal je trouve. L'idée de l'audition est assez bien vu, je ne m'y attendais pas forcément. Un petit côté "absurde" teinté de réalisme pathétique. (au début) Pour ma part, j'ai bien aimé. Je ne recherche pas forcément la "crédibilité" dans un texte littéraire... Cela n'est pas pour moi un critère de qualité. (en quoi cela le serait-il?) [D'ailleurs, z'étaient pas bons des types comme Beckett ou Kafka?] Bref...

Force et inspiration!

   Anonyme   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,

je n'ai pas grand-chose à dire sur l'écriture que je trouve correcte et plutôt efficace, on voit assez bien les différentes scènes et tout cela est très crédible. Effectivement le mutisme des gens est plus surprenant dans un cas comme celui-ci (les gens réagissent peu devant plusieurs personnes agressives, mais un seul, je me dis que quelqu'un pourrait intervenir, mais c'est vrai que ça peut se défendre).
Non, le gros problème, c'est la chute qui est totalement ratée car pas crédible une seule seconde et dont on ne perçoit que la gratuité, le plaisir de piéger le lecteur, sans autre message qu'un simple "je vous ai bien eu" un peu potache. ça n'est pas forcément un reproche, on ne cherche pas du fond partout, mais il faut quand même que la chute, aussi surprenante soit-elle, ne soit pas totalement saugrenue et si irréaliste car du coup, on ne retient pas le savoir-faire, mais uniquement la vacuité de l'exercice.
Enfin, c'est mon sentiment personnel bien sûr.
Bonne continuation.


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