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Fantastique/Merveilleux
doug-pluenn : Le gardien de phare
 Publié le 26/09/12  -  9 commentaires  -  5180 caractères  -  93 lectures    Autres textes du même auteur

Un gardien, un commandant, le phare et la tempête.


Le gardien de phare


La maison grince de toute sa charpente sous les coups répétés de la tempête. Réunis au salon, nous écoutons le vent épuiser ses forces contre la fenêtre. Plus tard je soulève le rideau, dehors il fait beau. Des flocons de neige se sont accrochés aux tulipes et le ciel a hissé sa grande toile bleue.

Hermine va et vient dans la pièce. Elle époussette ma collection d’arrosoirs et de pierres à briquets. Des odeurs de violette fleurissent aux quatre coins. Installé sur le bord de la table, un foulard vert noué autour du cou, le commandant observe de lointains rivages. Des rêves perdus où se noient ses yeux turquoise. Le commandant est un chat, officier de marine. Depuis le drame il reste silencieux.

Par la fenêtre j’aperçois le vent tomber dans un nuage de poussières. Quelle triste fin. Dans sa chute une digue s’est rompue, libérant des torrents de chaleur. De tous les pores de l’univers, exsudent des bouffées envahissantes qui emprisonnent nos corps. J’essuie mon visage, la sueur coule sur mon front en sillons espiègles sautant d’une ride à l’autre.

Je n’ai jamais autant souffert de la chaleur qu’au cœur du Sahara où je ne suis jamais allé. L’évocation du désert plonge le commandant dans le souvenir de son navire, le Saint-Just, superbe trois-mâts. Le bateau devait me déposer sur la rive de l’immense plage bordée de perce-neiges. Pris dans une tempête de fleurs sauvages, il sombra vite et bien. Le commandant dut son salut au sang-froid d’un quartier-maître, une tortue centenaire aux larges épaules, où les rescapés trouvèrent refuge. Adieu perce-neiges.

Le commandant souhaite voir de plus près les débris du vent jonchant le sol. Je l’accompagne sur la terrasse, où, sur une table parfaitement dressée, nous attend la collation du soir préparée par Hermine. Le commandant décèle une note de fraîcheur dans le fond de l’air. « L’air est sans fond monsieur, il fait toujours aussi chaud. » Le décor autour de la maison s’est assoupi. Le jardin a rangé ses outils, brûlé les feuilles mortes et balayé les allées d’hortensias.

J’entends des bruits et je ne vois rien. Le commandant confirme, les mêmes bruits, un vrombissement de coléoptères, démesurément amplifié.

D’un point du ciel surgit, en formation rapprochée, un vol de hannetons géants. Ils survolent la plaine, prennent position au-dessus de nous. Leurs cuirasses luisent sous les effets d’un souffle brûlant. La terre tremble, gémit, se contorsionne pour échapper aux grondements. L’atmosphère, furieuse de tout ce vacarme, les engloutit d’un coup. Dans l’air persistent des odeurs d’essence et d’herbes enflammées.

Un silence. Et voici venir le soir, en retard, il se dépêche sur l’horizon, tirant à lui, à chaque enjambée, les pans de son manteau noir.

Le commandant sort son pendule et se frotte le nez. « La chaleur commence à fondre, ce sera bientôt à vous d’intervenir. D’ailleurs regardez l’heure, elle est sonnée. Elle ne tient plus debout. Il est minuit sonné. »

Effectivement, une moitié de la nuit tombe du ciel, la terre bascule dans l’obscurité. « Dépêchons-nous. On nous attend. »

J’attrape une paire de lampes et le temps de craquer une allumette, nous descendons à la plage. De violents courants de sable barrent le chemin. Nous coupons à travers les dunes. Le vent a forci. Les flammes de nos lumières tempêtent dans les verres de lampe. Le danger se lève en mer et promet aux navires de beaux chavirements. La pointe du phare brille à peine. J’entends les flots invisibles de la nuit se briser sur les rochers. Longer la plage est un exercice périlleux.

Le bruit de nos pas nous précède dans le noir. Le commandant ne tient plus en place. « Tenez la lampe monsieur, je vais relever les filets. »

Les vagues de sable soulevées en rafales me piquent les yeux. Où sont passées les bouées de filet autour du phare ? Le commandant et les lampes ont disparu. Un souffle puissant me bouscule, me renverse. Un nouveau coup de grisou se prépare. J’aurais dû venir plus tôt.

Avancer en titubant sans savoir où je vais n’est pas aisé. Mon pied, plus chanceux, bute sur un piquet que j’arrache à pleines mains. Je tiens le bord du filet et me guide vers les pieux suivants. Les éléments s’acharnent de plus belle. Le sable me retient aux chevilles, je continue à quatre pattes.

Sur le point de tomber épuisé, je m’accroche au filet. À ma surprise, un large pan s’effondre d’un bloc, libérant le dôme luisant du phare. Aussitôt se dresse au-dessus du promontoire un disque lumineux aux dimensions prodigieuses. Une douce lumière emplit la terre et les océans.

« Ah, vous voilà mon garçon. » La voix du commandant se pose sur mon épaule. « Vous avez tenu bon, félicitations. Ce n’était pas facile. Mais grâce à votre courage, nous avons échappé au naufrage. »

« La chance était de mon côté commandant. Demain un autre gardien prendra la relève sur un autre point de la côte. Je lui souhaite de meilleures conditions. Regardez à présent ! »

Le disque lumineux se détache lentement de la pointe du phare. Il poursuit son ascension comme un ballon de lumière.

Là-haut, au plus haut que le regard puisse porter, la lune, pleine et majestueuse, brille à nouveau dans le ciel.


 
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   Anonyme   
10/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Très belle prose, avec de nombreuses chutes de niveau de registre comme « J’entends des bruits et je ne vois rien. » Quitte à faire du style, il le faudrait d’égale inspiration. Le troisième paragraphe, la troisième strophe, pourrais-je dire, est peut-être le meilleur passage avec la vision des hannetons géants. Effet de rhétorique à mon avis raté avec la répétition de l’adjectif « sonné ». Parfois les temps s'enchaînent : présent, passé composé, passé simple... Je m'y perds. Sur le fond, je n'ai pas tout compris, je pense, surtout qu'il est spécifié que le commandant est un chat. Je n’ai pas compris : « Sur le point de tomber épuisé, je m’accroche au filet. A ma surprise, un large pan s’effondre d’un bloc, libérant le dôme luisant du phare. » J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de jeu de la part du Gardien comme il s'agit d'un jeu verbal de la part de l'auteur. Il me semble que ce texte manque de cohérence au niveau global, comme si l’auteur ne savait pas vraiment où il voulait en venir. La tempête ne concerne que le début et la fin et elle s’apaise deux fois au lieu de commencer, battre son plein et périr. De toute façon, l'histoire m'a paru un peu gratuite.

   Anonyme   
15/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Vous avez essayé d'écrire un conte surréaliste mais je trouve que le résultat n'est pas à la hauteur à cause d'un scénario quasi inexistant. Il n'y a pas vraiment d'histoire, juste une suite de descriptions étranges parfois incohérentes. Ainsi vous évoquez « des flocons de neige » pour parler juste après de « nuage de poussières » et de « torrents de chaleur ».

Le surréalisme en écriture, à mon sens, n'est pas un mélange de tout et n'importe quoi. Il faut un fil conducteur qui navigue dans cet univers décalé pour apporter une trame narrative. Dans les contes pour enfants par exemple, sous des apparences farfelues se dissimulent toujours un message que l'enfant peut traduire.

Ainsi votre texte, par ailleurs convenablement rédigé, me semble assez superficiel car finalement il ne se passe rien, hormis l'action finale sur la plage insuffisante pour apporter de l'épaisseur.

   macaron   
18/9/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une très jolie histoire de gardien de phare. Une poèsie en prose avec une créativité d'un bout à l'autre. Des images surprenantes, des trouvailles irrésistibles, un commandant...très commandant, bref, un retour en enfance, au pays des merveilles. Merci pour ce conte étonnant!

   Anonyme   
22/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un texte que je trouve pas mal du tout, mais qui souffre d'un manque de contexte.

D'un point de vue écriture j'ai aimé ce texte à la poésie évidente, au monde onirique très bien construit et traité.
C'est donc un vrai beau texte.

Mais le souci c'est que je n'arrive pas à m'imaginer dans quel contexte se déroule toute cette histoire et que justement ça gâche tout le plaisir de la lecture ! Il faut je pense insérer tout ça dans un cadre plus large, plus vaste, dans une histoire complète je pense.

Mais je reste vraiment convaincu par le style !

   jaimme   
23/9/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé cette page de fantastique, j'y ai lu des effets de Moebius. Mais pas seulement. Vous avez su évoquer chez moi de beaux effets, une fenêtre sur un monde décalé. Une page d'aquarelle aux envies de Bradbury. Un texte court servi par de si belles images, ce fut un plaisir pour moi.

   Lunar-K   
23/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,

Un récit cauchemardesque avec tout le surréalisme que cela peut entraîner, aux limites de l'absurde même quelquefois. C'est plutôt bien foutu à cet égard, malgré quelques trouvailles en ce sens qui tombent un peu plus à plat, notamment l'idée de remplacer la plupart, sinon la totalité, des personnages par des animaux... Je ne vois pas du tout ce que cela peut bien apporter à votre texte.

Le tout manque également parfois d'un peu de liant, tant le style qui se révèle de temps en temps trop haché et décousu, que le récit lui-même qui contient, il me semble, quelques trous et ellipses. Mais, si on reste dans cette optique d'un onirisme un rien torturé, il me semble que cela peut tout à fait se justifier, et même servir le contexte du récit.

En tout cas, ça a le mérite d'être original, il y a de la prise de risque et une véritable recherche dans cette façon de raconter les choses. Pas sûr que ce soit entièrement abouti, mais l'idée est là, et elle me paraît très intéressante.

Je ne suis pas totalement convaincu, donc, mais suffisamment intrigué, ce qui n'est déjà pas mal...

Bonne continuation !

   alvinabec   
26/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Une plume très sensible, colorée, une écriture presque proprioceptive pour un court récit onirico-poétique.
Je me laisse aller au plaisir de cette langue et des métaphores qu'elle suggère cependant que l'intrigue existe à peine. Mais est-ce gênant? Je ne le crois pas.
A vous lire...

   brabant   
26/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Doug-Pluenn,


Ce texte m'a amené à dresser l'oreille, mais évoquant par trop un univers, une faille dans le réel, à la "Alice au Pays des merveilles" (en ce qui me concerne), je n'y ai bientôt plus trouvé qu'un décor en carton pâte (comme beaucoup de décors, n'y voyez pas un reproche :)) où tout restait à peindre et à dépeindre, me laissant une impression de flou (et/ou d'inachevé malgré une fin).

L'expression est heureuse, c'est ce qui pour moi a sauvé le texte.

Maintenant, pourriez-vous m'expliquer la parabole ? En haut d'un phare elle doit être lumineuse, non ? :)

Ben oui quoi !

lol

   Charivari   
22/10/2012
 a aimé ce texte 
Pas
bonsoir doug-pluenn.
désolé, mais je n'ai pas compris s'il pleuvait, s'il faisait chaud, froid... En fait, je n'ai strictement rien compris. Ensuite, je me suis dit qu'il n'y avait rien à comprendre. Bon d'accord, c'est surréaliste. Mais même ainsi, je n'ai pas cerné l'ambiance, ni vu ce que vous vouliez nous transmettre. On aurait pu penser à la symbolique du phare, un truc genre "le désert des tartares", mais même pas. Alors que reste-t-il ? une histoire ? Il n'y en a pas. Un style ? Ça pourrait à la rigueur passer pour de la prose poétique, mais j'ai trouvé le style trop plat... J'ai vu que d'autres ont apprécié... Le texte doit tout de même posséder un intérêt qualité quelconque, j'imagine que j'ai dû passer à côté...


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